Accueil > Marques & Agences > Achat média > 3 dirigeants livrent leur regard sur la place du numérique au sein des agences créatives 3 dirigeants livrent leur regard sur la place du numérique au sein des agences créatives A l'occasion de notre conférence Agency Futures organisée début octobre, mind Media a interrogé trois dirigeants d'agence, Julien Carette, PDG d'Havas Paris, Virgile Brodziak, directeur général à Wunderman Thompson Paris, et Jean-Philippe Martzel, directeur de la strategie créative de l'agence Insign sur leurs convictions liées au numérique pour les agences publicitaires. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 15 octobre 2020 à 20h18 - Mis à jour le 07 juin 2022 à 10h52 Ressources Comment le numérique est-il organisé dans leur agence ? Comment concilier la technologie et les données avec le métier historique de création publicitaire ? Quels sont les défis internes à relever ? Quelles sont les attentes des marques ? Et les prochains enjeux ces deux prochaines années ? Voici les points de vue de Jean-Philippe Martzel (Insign), Virgile Brodziak (Wunderman Thompson Paris) et Julien Carette (Havas Paris). Virgile Brodziak Directeur général à Wunderman Thompson Paris “La priorité pour les agences créatives, c’est la culture liée au digital” Le directeur général de Wunderman Thompson Paris insiste sur la nécessité de changer les habitudes dans les agences publicitaires pour des projets plus hybrides. Quand on parle de digital au sein d’une agence créative, de quoi parle-t-on aujourd’hui ? Il y a eu une première vague en 2010-2016 avec l’intégration de nouveaux leviers et usages numériques : les réseaux sociaux et les nouveaux formats mobiles – en vertical – ont entraîné une première série d’innovations en agences créatives, avec des évolutions dans notre travail, des offres qu’il fallait construire et des organisations à imaginer, des silos à faire tomber. Depuis 2017-2018, le vrai challenge, c’est l’intégration de la data et de la technologie. C’est plus difficile, car plus structurant : il y a de nouvelles expertises à faire émerger ou à recruter et des nouvelles façons de travailler, notamment parce que la data s’impose désormais à chaque étape de l’agence créative, de la compréhension des audiences et de leurs insights, avec des planneurs stratégiques capables de construire des cibles plus fines en amont, à la mesure de la performance post-campagne. Il faut donc des expertises, notamment des experts de l’audience. Ils se trouvent aujourd’hui plutôt en agences médias. Il en faut aussi en agences créatives. Il faut aussi ouvrir le pôle création. C’est pas toujours évident parce qu”on gère aussi l’humain et on change les habitudes. Comment le digital est-il organisé chez Wunderman Thompson Paris ? L’agence est née de la fusion récente de J.Walter Thompson et Wunderman pour créer une hybridation entre data, création, technologies. Notre organisation va en ce sens : une seule équipe, avec une approche CRM et marketing services autant que branding. Nous avons l’habitude de définir l’agence avec une approche hybride “part creative agency, part consultancy, part technology company”. Concrètement, nous avons une équipe création, une équipe data, une équipe stratégie, une équipe technologie. Nous maintenons ces expertises et les combinons autour des projets ou des clients. La créative est au centre, pour émerger, mais elle soutenue par des expertises data intégrées en amont des dispositifs. Sur 170 personnes, nous avons 15 data scientists, et 10 au planning stratégiques orienté consommateur. Quels sont les prochains enjeux liés au numérique dans les agences créatives ? Comment concilier la performance des campagnes avec la data et le branding avec la créativité ? Il y a un équilibre à trouver entre performance et branding : le marché est passé d’un extreme à l’autre. La DCO, dont on a beaucoup entendu parlé, est plutôt applicable pour des campagnes de performance pures, pas du branding. Mais “l’hyper performancialisation” de la publicité via la data et l’IA reste un mythe : l’idée créative reste centrale pour vendre. Le challenge prioritaire dans les deux prochaines années pour les agences créatives, c’est la culture, au-delà de la technique : Il faut une vision partagée du digital au sein de l’agence et une certaine taille aussi. Les freins peuvent être psychologiques en interne, notamment pour certaines agences installées. Jean-Philippe Martzel Directeur de la stratégie créative d’Insign “Il faudra trouver le bon équilibre entre création et tech et data” Le directeur de la strategie créative de l’agence Insign souligne le défi que représente la bonne intégration du numérique avec l’expertise publicitaire traditionnelle. De quelles expertises faut-il se doter pour faire effacement du digital au sein de l’agence publicitaire ? Comment avez-vous procédé à Insign ? Le digital en lui-même n’est plus un sujet car il fait maintenant partie intégrante de la publicité. Il est par exemple au cœur de la création chez Insign : il n’y a pas de distinction entre la conception de bannières, de stories pour les réseaux sociaux ou d’une affiche ou d’un film… Les sujets aujourd’hui sont la data et la technologie. Chez Insign, qui rassemble 250 personnes, la tech est organisée en deux pôles : un pôle “build” dédié à la création de plateformes, et un pôle “run” dédié à la maintenance autour des plateformes. La data est au cœur de l’activité des équipes digital et e-commerce. La seule expertise “digitale” que nous n’avons pas intégrée est relative à la data science. Nous collaborons donc avec un acteur spécialisé (BigMama) sur l’automatisation d’un certain nombre de nos expertises afin de gagner en efficacité et en performance. Quelles sont les attentes des marques liées à la création et la publicité numérique ? Les briefs des marques sont de plus en plus des briefs concernant le numérique. La situation sanitaire a bien sûr accéléré le processus de digitalisation des attentes des clients sur ce point, mais la tendance était déjà bien marquée. Si l’on veut regarder plus en profondeur, les deux composantes majeures portent sur la création et sur l’entretien des liens avec les communautés sur les réseaux sociaux, ainsi qu’une demande accrue pour des campagnes à la performance. Il y a aussi toute une catégorie de briefs provenant de start-up qui ont passé une première étape de maturité et qui se questionnent sur la capacité de leur marque à leur permettre de passer l’étape suivante de leur croissance. Pour ces annonceurs et sur ces sujets de marque, la dimension digitale est aussi prépondérante. Comment le digital sera-t-il intégré dans les agences publicitaires dans deux ans ? Il y a une tendance à la densification des d’écosystèmes d’expertises technologiques autour de l’agence qui permettront de faire appels à ces spécialistes en fonction de l’évolution de la technologie embarquée sur les projets – par exemple la VR.D’autre part – et ce sera vraisemblablement le sujet cœur ces deux dernières années – il faudra être en mesure d’embrasser les enjeux de performance à travers la maîtrise de chaîne data et tech tout en préservant l’exigence de créativité à travers la capacité à toujours faire émerger une idée qui garantisse la spécificité et l’émergence de la marque. C’est l’enjeu majeur. Car lâcher sur la technologie et la data, c’est prendre le risque de plus être en contact avec les gens. Lâcher sur l’idée et la créativité, c’est prendre le risque de ne pas les intéresser. Il faudra nécessairement tenir ces deux dimensions et trouver le bon équilibre entre création et tech et data. Julien Carette PDG d’Havas Paris “On va entrer dans l’ère du numérique durable, nos publicités devront le véhiculer” Le PDG d’Havas Paris explique la nouvelle organisation de l’agence pour le numérique et les enjeux à venir. Quels choix avez-vous fait à Havas Paris pour mieux intégrer le numérique ? Les besoins des marques évoluent et associent désormais offline et online. Les agences créatives doivent renforcer leur culture du digital, de la data et de la performance. Cela passe aussi par revoir les organisations, un sujet primordial car l’organisation est très liée l’exécution. Je ne crois pas dans la dilution de l’expertise digitale dans l’agence publicitaire. Plutôt à la mise en place d’une communauté digitale très identifiée et relativement automne, avec une incarnation hiérarchique et une diffusion partout dans l’agence. C’est ce que nous avons mis en place depuis le printemps 2020 avec la nomination de Stéphane Raoult comme VP digital de l’agence, à la tête d’un pôle dédié, Havas Paris Digital (qui repose sur environ 25 collaborateurs dédiés au conseil et à la conception et la centaine de personnes d’Havas Digital Factory, la structure transverse du Havas Village dédiée à la production digitale, ndlr), pour porter de nouvelles idées et incarner notre offre, en externe auprès des marques et du marché, et en interne pour amplifier le mouvement, fédérer et donner le cap. Quels sont les freins à lever pour l’intégration entière du digital au sein d’une agence publicitaire ? Il y a parfois une barrière culturelle ; il ne faut pas considérer le digital comme une déclinaison média d’une campagne ou d’un projet publicitaire. C’est même l’inverse qui peut nous apporter du business : nous avons par exemple gagné le budget RATP avec une idée de qui venait d’abord du numérique. Il faut donc que les directions créatives soient ouvertes, l’acceptent et l’intègrent totalement. C’est rare dans notre secteur. A Havas Pais nous faisons en sorte qu’il n’y ait pas de magistère donné à un pôle plutôt qu’à un autre : corporate, création, digital, production… L’objectif est de conduire des projets hybrides et de s’adapter aux besoins du client pour mettre en place les meilleurs dispositifs quels que soient les supports. Quels sont les prochains enjeux liés au digital pour l’agence publicitaire ? J’en vois au moins trois. Premièrement, il faut passer d’une exploitation des données tout azimut à un usage plus raisonné, plus mature, avec plus de sens, notamment dans les programme CRM des clients. Deuxièmement, il faut mieux associer digital / data et social ; ce qu’on essaie de faire en interne avec le Havas Paris Social, les deux sont liés. Enfin, un enjeu important va concerner la place du développement durable au sein du digital. Ces dernières années, l’innovation consistait à lancer et utiliser de nouveaux outils ou des nouvelles applications et on ne souciait pas ou peu des coûts de stockage des données, de la consommation d’électricité induite par le numérique, par l’obsolescence programmée des équipements, etc. Tout cela est fini. Il faudra que la création montre comment faire mieux avec le numérique et donne du sens au digital. On va entrer dans l’ère du numérique durable, avec un usage plus frugal, raisonné et utile : les agences créatives doivent l’intégrer et nos publicités devront le véhiculer. Jean-Michel De Marchi Agences créativesAgency FuturesOrganisationRelations agences-annonceursStratégies annonceursSurmonter la criseTransformation marketing Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Compte-rendu de notre conférence Agency Futures : quel rôle pour l'agence dans la crise ? 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