Accueil > Médias & Audiovisuel > Abonnements numériques (1/2) : les lecteurs sont de plus en plus difficiles à convaincre Abonnements numériques (1/2) : les lecteurs sont de plus en plus difficiles à convaincre Dans un contexte économique difficile, malgré plusieurs temps forts éditoriaux (élections présidentielles, guerre en Ukraine) et après une période faste pendant la crise sanitaire, la croissance des abonnés numériques aux médias d'information a de nouveau ralenti. Les éditeurs interrogés attribuent cette tendance à une baisse de l’acquisition plus qu’aux désabonnements liés aux prix. mind Media publie son baromètre annuel dédié aux abonnements numériques. Par Aymeric Marolleau et Paul Roy. Publié le 03 mars 2023 à 17h45 - Mis à jour le 21 février 2024 à 13h58 Ressources Cet article est le premier d’un dossier en deux parties sur les stratégies d’acquisition et de rétention des abonnés purs numériques des éditeurs français : Le classement annuel des médias en ligne payants Comment les éditeurs ont-ils fait évoluer leurs offres en 2022 ? Consultez aussi les données sur lesquelles nous-nous sommes appuyés dans notre espace Data Au total, les 48 titres dont nous disposons des chiffres de 2021 et 2022 ont vu le nombre global de leurs lecteurs payants passer de 2,18 million à 2,35 millions, soit un gain de 170 000 abonnements (+7,8 %). Bien sûr, un internaute peut être abonné à plusieurs titres à la fois. Six titres français ont autour de 200 000 abonnés ou plus Les six premières places du classement, qui réunissent les titres qui dépassent ou approchent 200 000 abonnés en ligne, n’ont pas été bouleversées. Le Monde et L’Équipe en ont respectivement 472 000 (+12,8 %) et 352 000 (+3,5 % ; dont environ 30 % en direct, les autres via des accords de commercialisation noués avec Canal+ et Bouygues Télécom – récemment renouvelé). Ils devancent Le Figaro (270 000, +8 %), Médiapart (210 589, -1,4 %), Que Choisir (207 000, -4 %) et Ouest France (191 000, +20 %). Parmi les titres de presse quotidienne régionale, Ouest France et Le Parisien (77 000, +48 %) se distinguent donc particulièrement, mais au moins cinq titres dépassent 10 000 abonnés en ligne : La Voix du Nord (21 200), La Dépêche du Midi (15 900), La Provence (10 600) et Midi Libre (10 100). Nice Matin en avait 14 500 fin 2020 et Le Télégramme 15 000 en 2021. Le classement des éditeurs français qui ont le plus d'abonnés purs numériques Que Choisir continue de dominer la catégorie “Magazine & Hebdo”, mais le titre a perdu 8 500 abonnés. Derrière lui, Courrier International approche les 60 000 abonnés, Le Point reste autour de 40 000, Télérama a dépassé le seuil des 30 000, que L’Obs approche, et Alternatives Economiques, qui partage ses chiffres pour la première fois, a atteint 25 000. Outre Mediapart, qui perd des abonnés pour la deuxième année consécutive il y a peu de changements chez les pure players par rapport à l’an dernier : Brief.me reste autour de 12 000, Les Jours autour de 10 000, Marsactu et Mediacités autour de 5 000. Nous n’avons pas reçu les chiffres les plus récents d’Arrêt sur Images (22 500 fin 2021) et de NextINpact (7 500 fin 2021). Ralentissement de l’acquisition de nouveaux abonnés Lorsque nous avons créé ce baromètre, les éditeurs avaient encore relativement peu d’abonnés purs numériques. Ils commençaient à en faire une priorité marketing, face aux difficultés rencontrées dans la distribution physique et la publicité en ligne. En 2018, les 16 titres dont nous disposions des chiffres de 2017 et 2018 ont enregistré une très forte croissance (+42 %), qui a ralenti en 2019 (+28 %) avant de connaître un rebond en 2020 à la faveur de la crise sanitaire. Mais le ralentissement s’est confirmé dès l’année suivante, et s’est encore amplifié en 2022. Certains ont même vu leur base reculer : -31 % pour Sciences et Avenir, -14 % pour Challenges, -5,2 % pour Le Monde Diplomatique et Les Jours, -4 % pour Que Choisir. Pour la PQR, qui s’est développée tard sur le numérique, le ralentissement est également très marqué : la croissance des 17 titres de PQR dont nous disposons des données en 2020, 2021 et 2022 est de 12,5 % cette année contre 16,5 % en 2021. Les éditeurs expliquent d’abord ce ralentissement par un retour à la normale concernant les temps forts d’actualité, avec la fin de la dynamique COVID. Malgré la guerre en Ukraine, puis la présidentielle, combinée à une offre promotionnelle pour les 50 ans du titre (50 euros annuel, avec ce prix garanti pendant 50 ans), Le Point rapporte un second semestre “mou” en matière d’acquisition - avec une période de fin d’année beaucoup moins porteuse que d’ordinaire. Même constat au groupe Les Echos - Le Parisien, malgré une progression similaire à l’année dernière : “sur les Echos, l’actualité présidentielle a été très porteuse en matière d’audience, moins en matière d’abonnements”, indique Lise Benamou, directrice marketing et des revenus clients du groupe. D’autres, qui se sont développés plus tardivement sur le numérique, ont toutefois poursuivi leur croissance: +20 % pour Ouest France, +48 % pour Le Parisien, +15 % pour Libération, +30 % pour Télérama, +42 % pour Elle, +37 % pour Alternatives Economiques, par exemple. Pour ces éditeurs, les campagnes d’acquisition ont encore un fort pouvoir de traction. Frédéric Désiles, directeur marketing d’Alternatives Economiques, rapporte ainsi qu’une campagne de promotion menée en septembre (39 euros la première année au lieu de 66 euros) lui a permis d’engranger 3 500 nouveaux abonnés (sur les 6 700 gagnés en tout par le titre). 67 % des français n’ont aucun abonnement Malgré le ralentissement de la croissance et la sensation qu’un plafond est proche d’être atteint, il pourrait rester des lecteurs à convaincre. Dans une étude menée auprès d’un peu plus d’un milliers de français (14 000 personnes dans le monde), le cabinet Oliver Wyman indique que la presse est le quatrième service par abonnement consommé en France derrière la SVOD (70 % des répondants ayant au moins un abonnement), le cloud (55 %) et la musique (41 %) avec 33 % des sondés ayant souscrit à au moins une offre. Ce taux de pénétration est faible mais relativement bon en comparaison à d’autres pays : il n’est que de 27 % en Allemagne et au Royaume-Uni. On note également que 14 % des répondants français ont au moins deux abonnements à un titre de presse. Sans surprise, Oliver Wyman souligne une réticence à payer, “en raison du nombre d’alternatives au contenu similaire disponibles gratuitement en ligne”. Il faut également noter que les français sont abonnés à 4 services en ligne en moyenne, ce qui peut amener à des arbitrages en période inflationniste. Une amélioration de la rétention Malgré une acquisition plus difficile, les acteurs que nous avons interrogés indiquent ne pas avoir observé un taux de désabonnement supérieur aux autres années en 2022, et même une amélioration. Après une année 2020 faste, les éditeurs avaient en effet mis l’accent sur leurs dispositifs de fidélisation (détection des facteurs de churn, personnalisation, amélioration des services, etc.), qui semblent aujourd’hui porter leurs fruits. Lise Benamou (Les Echos - Le Parisien) rappelle la politique relationnelle mise en place pour ses titres, notamment via l’analyse de la donnée, et la mise en place de “routes” ou programmes anti-churn : “Si une baisse de la consommation d’un abonné est observée, nous mettons en avant les avantages auxquels il a accès pour le conduire à consommer davantage de produits (podcasts, newsletter, etc.). Cette consommation de produits autres que les articles a nécessairement un impact sur la fidélisation”. Médias en ligne : trois exemples de gamification de la relation avec les lecteurs Mieux connaître ses lecteurs À l’instar du Monde ou de CMI France, qui ont récemment déployé des projets de CDP - outils de collecte de données et d’activation marketing relativement poussés et coûteux, d’abord adoptés par les acteurs du e-commerce -, les éditeurs d’informations cherchent à mieux exploiter les données issues de leurs lecteurs pour l’acquisition et la fidélisation. C’est notamment le cas du Figaro. “Nous sommes en train de refondre complètement nos actifs data afin de générer nos propres cohortes de prospects et de proposer des offres dynamiques. Le but est de ramener la totalité des informations lecteurs et abonnés dans nos bases, en travaillant à terme avec une solution marché”, détaille Bertrand Gié, directeur du pôle news du Figaro. Outre l'amélioration des actifs et des outils, la mise en place de moyens de collecte de données propriétaires reste un chantier en cours, même chez les plus gros acteurs. L'Équipe travaille ainsi à mettre en place un log obligatoire - après la consommation d’un certain nombre d’articles - pour accéder à ses contenus gratuits (ce qui est déjà le cas sur l’Equipe TV en ligne). “Une personne loguée a 13 fois plus de chances de convertir, au-delà de la valeur de ses données en matière de ciblage publicitaire pour les annonceurs”, justifie Emmanuel Alix, directeur des activités numériques du titre. Comment Les Echos-Le Parisien exploite la data au sein du groupe Le Monde revendique également une baisse du churn. “Globalement, nous avons acquis le même nombre de nouveaux abonnés que l’année dernière, mais avons réussi à diminuer le nombre de désabonnements de 8 %”, indique ainsi Lou Grasser, directrice marketing et produit du Monde. Une partie de cette réussite tient à la mise en place d’un service de rétention par téléphone : les abonnés, auparavant contraints d’envoyer un courrier recommandé pour résilier leur abonnement, peuvent aujourd’hui le faire par téléphone. Au bout du fil, des équipes spécialement formées peuvent alors mettre en avant l’ensemble des services auxquels l’abonnement donne accès ou proposent d’adapter l’offre. Les chances de rétention s’en trouvent améliorées. Libération envisage de mettre en place un dispositif similaire. 10 façons de lutter contre la résiliation des abonnements dans les médias en ligne Adèle Bacos, directrice marketing abonnements de Libération, explique également enregistrer une baisse du taux de churn (au départ très élevé), grâce aux efforts du titre sur les moyens de paiement : premier mois offert en cas de choix du prélèvement SEPA, notification d’arrivée à expiration de la carte bancaire… “Nous sommes partis d’une situation où 50 % des résiliations étaient liées à une expiration de moyen de paiement. Nous sommes aujourd’hui à 40 % et la proportion continue de baisser, ce qui nous permet nécessairement d’améliorer la rétention globale”, explique-t-elle. Paradoxalement, hormis Libération - qui note une récurrence du prix comme facteur de désabonnements dans les retours qualitatifs de ses lecteurs - les éditeurs interrogés n’ont pas noté un effet direct de l’inflation sur leur parc d’abonnés. Comment les éditeurs tentent-ils d’augmenter l’ARPU ? Dans la seconde partie de l’analyse qui sera publiée vendredi 10 mars, mind Media décryptera comment les éditeurs ont fait évoluer leurs offres pour conquérir de nouveaux abonnés, mais aussi pour répondre à la problématique de la hausse du revenu par utilisateur (ARPU). Car si pour beaucoup de médias l’objectif en 2023 sera toujours d’engranger de nouveaux abonnés, pour les éditeurs les plus avancés, tendant vers un plafond, l’enjeu sera de solidifier leur modèle en augmentant le revenu par utilisateur. Cela passera notamment par l’augmentation des prix, la “premiumisation” des offres, et toujours la fidélisation. “Nous avons opté pour une stratégie de revalorisation de l’offre, qui porte aujourd’hui ses fruits. Si notre croissance d’abonnés est de 8 % cette année, les revenus qui sont associés aux abonnements ont augmenté de 15 %”, constate par exemple Bertrand Gié, directeur du pôle news du Figaro. Méthodologie Concernant le nombre d’abonnés purs numériques des titres, notre étude se fonde pour l’essentiel sur des éléments déclaratifs indiqués par les éditeurs recensés dans le tableau à mind Media entre février et mars 2021. Il s’agit aussi, dans quelques cas, de chiffres partagés publiquement par les éditeurs. Nous avons demandé aux éditeurs de partager avec nous leur nombre d’abonnés purs numériques au 31 décembre (donc uniquement offres non couplées au papier) : Hors forfaits “multi-titres” et illimités (Cafeyn, SFR Presse, ePresse, Pressmium…). Hors abonnements professionnels non-individuels. Diffusion par tiers (sociétés, collectivités territoriales, associations, syndicats…) inclus. Offres d’essai (premier mois à 1 euro par exemple) incluses. Si certaines de leurs offres permettent à plusieurs internautes / comptes de s’y connecter (packs et familles), nous leur avons demandé de ne compter qu’un seul abonné par abonnement.Nous privilégions les chiffres déclaratifs à ceux de l’ACPM connus comme “versions numériques”, qui ont évidemment leurs qualités, pour des raisons méthodologiques. Ses “diffusions versions numériques individuelles” ne tiennent compte que des offres qui incluent une version PDF du titre, ce qui exclut les offres, de plus en plus nombreuses, qui ne donnent accès qu’au contenu du site et de l’application mobile. Elles ne tiennent pas non plus compte des offres dont le prix est inférieur à 25 % du tarif de référence du papier, ce qui exclut les offres les plus agressives, notamment les premiers mois à 1 euro. Quoiqu’il soit en concurrence avec les titres de PQN, nous avons classé Le Parisien comme appartenant à la PQR. De même, bien qu’il soit également en concurrence avec les titres de PQN, nous avons classé Médiapart dans la catégorie des pure players. La comparaison année par année est également rendue délicate par l’évolution de notre méthodologie. Pour toute question ou remarque, contactez-nous : datalab@mind.eu.com Aymeric Marolleau et Paul Roy Abonnements numériquesInformation localePQNPresse magazine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Le classement des éditeurs français qui ont le plus d'abonnés purs numériques Analyses 10 façons de lutter contre la résiliation des abonnements dans les médias en ligne Comment Le Monde utilise la plateforme de notifications Batch pour l’acquisition d'abonnés Analyses Dossiers Abonnements numériques (2/2) : pour conquérir de nouveaux abonnés, des offres de plus en plus segmentées Analyses Dossiers Abonnements numériques (1/2) : la croissance des médias d'information en ligne payants se stabilise en 2021 essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction ENQUÊTE - La régie publicitaire du Monde a réduit ses effectifs de 8 % INFO MIND MEDIA - Le CESP va lancer sa certification Retail Data Trust Agence79 officialise la consolidation du budget média numérique de Carrefour Publicis et Omnicom, champions de la croissance au premier semestre 2024 INFO MIND MEDIA - Une levée de fonds d’environ 750 000 euros en vue pour le nouveau média The Big Whale Google reconnu coupable de monopole dans la recherche en ligne : ce qu'il faut retenir 24 lobbys enjoignent Bruxelles d’harmoniser le RGPD Outbrain acquiert Teads sur une valorisation d’1 milliard de dollars : les détails de l’opération Fin des cookies tiers : derrière l’annonce de Google, la méfiance du marché INFO MIND MEDIA - Marketing des abonnements : TBS Group rachète OwnPage data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché IA générative : quels éditeurs français bloquent les robots d’OpenAI et Google, lesquels ont adopté le protocole TDMRep ? 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