Accueil > Médias & Audiovisuel > Frédéric de Vincelles (Groupe M6) : “La double gestion TV-plateforme rend le travail de programmation beaucoup plus complexe” Frédéric de Vincelles (Groupe M6) : “La double gestion TV-plateforme rend le travail de programmation beaucoup plus complexe” L’univers audiovisuel est de plus en plus fragmenté et les usages sont moins linéaires. Interrogé lors de notre conférence mind Media Day le 18 octobre, le directeur des programmes et des plateformes de M6 explique comment le groupe de télévision s’adapte et la stratégie appliquée pour développer les offres de streaming vidéo autour de 6Play. Il insiste aussi sur la nouvelle gestion des contenus vidéo à déployer au sein des éditeurs TV. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 19 octobre 2023 à 19h08 - Mis à jour le 19 octobre 2023 à 19h08 Ressources L’écran TV reste important mais les acteurs historiques de la télévision sont très challengés. De nouveaux concurrents se développent et les usages évoluent : ils sont moins sur l’écran de télévision et moins linéaires. Quel est le constat fait par M6 et comment s’adapter à ce nouveau contexte ? D’abord insistons sur le fait que la plateformisation n’est pas nouvelle. Les acteurs de la télévision proposent des offres en ligne intégrées depuis plusieurs années. Notre plateforme 6play a plus de dix ans, par exemple. En revanche, ce qui est nouveau, c’est la place prise par les nouveaux usages et la distribution qui est beaucoup plus importante des contenus diffusés. C’est important d’accompagner ce mouvement de fond qui est inéluctable et donc d’être puissant et performant sur une plateforme. On voit bien aujourd’hui que la télévision n’a pas de problématique sur les plus de 50 ans, qui la consomment beaucoup. Les plus de 60 ans la regardent même de plus en plus. L’enjeu porte davantage sur la population des 15-24 ans : le fait de leur proposer une expérience de plateforme est extrêmement important. C’est pour ça qu’on a développé depuis de nombreuses années une offre très compétitive sur 6Play. Médiamétrie optimiste pour une mesure publicitaire sur toutes les plateformes SVOD en 2024 Frédéric de Vincelles 2019 Directeur général des programmes, en charge des plateformes et du sport, Groupe M6 2014 Directeur général des programmes, M6 2016 Directeur général, W9 2006 Directeur général, TF6-Série Club 2003 Directeur général, FUN TV et M6 Music (Groupe M6) 2000 Directeur des réseaux, Fun Radio L’écran TV reste important mais les acteurs historiques de la télévision sont très challengés. De nouveaux concurrents se développent et les usages évoluent : ils sont moins sur l’écran de télévision et moins linéaires. Quel est le constat fait par M6 et comment s’adapter à ce nouveau contexte ? Il y a 45 millions d’utilisateurs uniques par an sur toute la plateforme, on est leader en termes d’écoute avec une moyenne d’1h quotidienne par utilisateur, et cette durée a augmenté, ce qui démontre une réelle capacité d’attraction avec des programmes différents de ceux proposés par d’autres acteurs, c’est un point différenciant. 40 % des utilisateurs de 6Play consomment des programmes autres que les programmes TV, c’est un point important de notre stratégie. M6 n’est pas seulement une plateforme de replay et c’est tout le sens de notre politique depuis trois-quatre ans : faire en sorte de passer d’un service en ligne de replay vidéo à une vraie plateforme de vidéos à la demande. Rivaliser avec les plateformes de SVOD, ce n’est pas évident car on ne fait pas exactement la même chose et nous n’avons pas les mêmes moyens financiers pour investir dans les programmes. Aujourd’hui, évidemment, l’offre de replay demeure le produit d’appel de notre plateforme. Les utilisateurs viennent pour voir ou revoir nos programmes comme Top Chef, Mariés au premier regard, et d’autres. Cela reste un élément important. Mais ce que nous sommes en train de faire, c’est construire d’autres offres autour du replay et augmenter le temps passé sur la plateforme. En ajoutant des briques de programmes à ce simple replay. Nous avons développé une stratégie qu’on appelle en interne “extended” : on veut étendre et accroître l’offre de programmes sur 6Play. “On vient de conclure un accord important avec Disney, qui s’est ouvert au marché de l’AVOD” Vous parliez du financement limité dont disposent les éditeurs TV. Quelle est votre stratégie pour augmenter vos offres de contenus autour du replay ? Nous le faisons de plusieurs façons. Premièrement, nous achetons des programmes vidéo disponibles sur le marché : des séries, du cinéma, des telenovelas, par exemple. On vient par exemple de conclure un accord important avec Disney, qui s’est ouvert au marché de l’AVOD. Le groupe ne garde plus tous ses droits pour sa plateforme payante et ouvre son catalogue à la vente pour des plateformes comme 6Play. Nous proposons donc notamment des séries comme Glee, Kyle XY ou Roswell, qui est un peu une série mythique. Deuxièmement, à côté de l’achat de contenus, nous faisons produire des programmes par des sociétés de production en exclusivité. Ces programmes ne sont pas diffusés à l’antenne, on ne les voit que sur 6Play. Ce sont notamment des spin-offs de nos programmes. Par exemple, quand on fait Top Chef, on va produire son spin off A la table de Top Chef, qu’on ne trouvera que sur 6Play et dont ont fait la promotion à la fin du programme Top Chef diffusé sur M6. C’est une logique de “locomotives et ses wagons”. Troisièmement, on crée des corners, des espaces d’exposition pour être visibles auprès de nos 45 millions d’utilisateurs par an. Nous diffusons déjà des programmes de Vice et Konbini. Nous leur achetons le contenu – un volume d’heures de vidéo pendant un certain nombre de mois que nous négocions -, sans partage de revenus. Nous offrons ici une grande visibilité à ces partenaires. Nous discutons avec d’autres médias avec des dispositifs très nouveaux et très ambitieux. Autre élément de différenciation, on fait du live sur 6Play : on propose par exemple des concerts, des spectacles de stand up et d’autres événements en direct. On veut diffuser dans cet espace des événements en direct qu’on ne pourrait pas faire en télévision, notamment des directs très longs, de la slow TV, voire, pourquoi pas, consacrer 48h à un événement sur une chaîne de télé non-stop. C’est aussi un élément différenciant. Et puis, la dernière brique, outre le live, c’est le dispositif FAST, autrement dit des chaînes thématiques – par exemple avec des télénovelas ou sur des affaires criminelles -, des chaînes de marque ou des chaînes événementielles. [Hors-série] Distribution, data, mesure : les nouveaux enjeux de la vidéo Vous avez finalement une stratégie de diversification de contenus et d’usages. Qu’est-ce que cela veut dire en termes de consommation aujourd’hui sur 6Play ? Le replay, je le disais, c’est le produit d’appel. Il représente quasiment les trois quarts de la consommation vidéo de la plateforme. Notre objectif, c’est qu’on puisse faire augmenter très fortement la part de ces contenus additionnels Extended pour amener le replay à un niveau, disons de 50 à 60 %, tout en augmentant évidemment le volume d’écoute de la plateforme. Comment concilier les impératifs des antennes, qui demeurent essentielles dans le modèle économique, avec le développement de l’offre numérique ? L’objectif du groupe est de s’appuyer sur la complémentarité entre les antennes et notre plateforme 6play. Elles sont complémentaires en termes de structures d’âge. La télévision, c’est quasiment 58 ans de moyenne d’âge (pour la consommation sur téléviseur, ndlr). On a la chance, dans le groupe M6, d’avoir des chaînes qui attirent davantage les générations plus jeunes, relativement au PAF. Sur M6 et W9 par exemple, c’est 52 ans de moyenne d’âge. Sur 6play, c’est beaucoup plus jeune, puisque dans l’univers IPTV, via les box opérateurs c’est 42 ans de moyenne d’âge et 35 ans en OTT. Il y a une vraie différence et donc une complémentarité naturelle au sein des offres du groupe, avec une offre broadcast puissante via les antennes TV, avec une moyenne d’âge large, et une offre plus ciblée et plus jeune sur la plateforme. Deuxièmement, nous avons la chance, contrairement aux plateformes américaines, de pouvoir nous appuyer sur des chaînes de télévision pour faire la promotion de notre plateforme. Grâce à nos antennes, on touche près de 25 millions de personnes à qui on parle tous les jours et qu’on dirige vers 6Play pour regarder nos replays et découvrir de nouveaux programmes. “Il n’y a pas de fatalité à ce que la consommation de la télévision baisse” Comment ce basculement vers la vidéo numérique change votre organisation et dans votre stratégie liées aux programmes ? Cette double gestion, TV-plateforme, fait évoluer le métier de directeur des programmes. Il consiste beaucoup aujourd’hui à travailler le fenêtrage de nos contenus vidéo. Avant, c’était assez simple : on achetait un contenu premium pour le diffuser le mardi soir à l’antenne à 20h50 sur le prime, point. Aujourd’hui, quand on achète un contenu, c’est plus complexe. On doit se poser la question de son fenêtrage, avec des fenêtres d’exploitation qui peuvent être multiples : évidemment de la preview, qui peut être sur 6Play ou sur l’offre payante 6Play Max. Cela peut aussi être l’exploitation en direct. Ensuite, le replay, est-ce qu’on met à disposition tous les épisodes en même temps en format “binge” ou alors en continu. Donc il y a maintenant un travail de programmation qui est devenu beaucoup plus complexe et très intéressant. On peut presque parler de chronologie des médias interne. CGV TV 2024 : comment les régies publicitaires audiovisuelles veulent simplifier leurs offres et mieux exploiter les données Vous avez lancé une offre de streaming payante il y a un an avec 6Play Max. Le payant peut-il devenir un axe stratégique pour le streaming chez M6 ? Ce dispositif n’offre pas de contenus supplémentaires, mais des fonctionnalités particulières. Contre 4,99 euros par mois et sans engagement, l’option rend accessible les contenus de 6Play sans publicité (certains replays peuvent cependant contenir des publicités pour des raisons contractuelles, ndlr), une consommation hors ligne, la possibilité de caster les contenus en TV, une qualité supérieure en HD 1080p, une consultation via TV connectées, etc. Le dispositif fonctionne bien, mais cela reste marginal dans la stratégie du groupe et pour le modèle : c’est pour répondre à une attente d’une petite partie de l’audience, notamment l’absence de publicité. Le dispositif n’a pas vocation à représenter une part importante des usages et du modèle. L’AVOD constitue notre priorité. Comment les éditeurs TV vont-ils réussir leur stratégie de streaming ? Quels sont vos enjeux dans les mois et années qui viennent concernant l’offre du groupe M6 ? Le streaming est une mécanique complexe et exigeante. D’abord le contenu est roi. On le sait on le fait à la télévision depuis 35 ans et c’est un peu une banalité de le dire, mais c’est vraiment la clé. Et il n’y a pas de fatalité à ce que la consommation de la télévision baisse. Quand on a des contenus variés et de qualité, on le constate avec des séries clés ou avec les événements sportifs qui attirent massivement, et via lesquels on retrouve les audiences d’autrefois. Je suis très confiant là-dessus. Deuxième conviction, en matière de streaming, un bon contenu ne suffit pas. Il faut aussi une bonne performance et donc avoir une plateforme efficace : que le produit soit bien présenté, que l’expérience utilisateur soit la bonne, etc. [Info mind Media] Dazn prépare l’ouverture de son bureau en France Troisième point, il faut un marketing très efficace. Je le disais, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur les antennes du groupe. Mais ce n’est pas suffisant. Parce que si on veut faire revenir les 15-24 ans qui sont absents en journée de la télévision, il faut qu’on aille leur parler là où ils sont, donc déployer nos efforts marketing à l’extérieur de nos antennes et environnements. Sur ce point, nous devons faire des investissements, sur les réseaux sociaux ou sur d’autres médias qui vont nous permettre de faire savoir à ces jeunes qu’il y a des contenus très attractifs à la télévision et sur la plateforme. Le dernier point a trait à la diffusion. Ce qui est très important pour nous, c’est d’avoir la diffusion la plus large possible, en négociant de bons accords. Nous avons des partenariats très forts et importants avec les opérateurs pour leur box, mais on doit également trouver des univers émergeants comme peut l’être la télévision connectée. Jean-Michel De Marchi mind Media DayPublicité vidéoStreaming vidéoTransformation de l'audiovisuelTV Besoin d’informations complémentaires ? 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