Accueil > Médias & Audiovisuel > Les médias d’information tentent de s’approprier TikTok Les médias d’information tentent de s’approprier TikTok Accompagnant l’évolution des usages, la majorité des médias d’information se sont lancés sur la plateforme, avec pour objectif de capter des populations jeunes, moins consommatrices de leurs contenus. Si des moyens sont mis en œuvre pour accélérer leur présence sur TikTok, l’opacité des algorithmes de recommandation rend leur tâche difficile. mind Media dresse un premier bilan avec Le Monde, Ouest-France et Franceinfo. Par Paul Roy. Publié le 05 mai 2023 à 12h41 - Mis à jour le 05 mai 2023 à 15h56 Ressources Les points clés Les médias d’information à modèle payant utilisent Snap et TikTok pour créer un premier contact avec les jeunes audiences et les rediriger plus tard vers l’abonnement. Le test et l’itération sur les formats et le ton sont essentiels pour avancer, et il reste difficile de tirer des enseignements sur le long cours. La difficulté à émerger sur le réseau tient aussi au positionnement historique de TikTok, qui met médias d’information et créateurs de contenus sur le même plan. Une étude publiée en 2022 par le Pew Research Center faisait état de la montée en puissance de TikTok comme source d’information pour les jeunes générations : en 2022, 10 % des jeunes américains de 18 à 31 ans (et 16 % des 13-17 ans) allaient ainsi chercher de l’information régulièrement sur la plateforme. Pour s’adapter à ces nouveaux usages, et malgré les nombreuses polémiques entourant la plateforme (protection des données, effet sur les jeunes générations, etc.), les médias d’information français ont progressivement investi TikTok à partir de 2020. Avec 4 millions d’utilisateurs suivant son compte, le producteur de vidéos courtes Brut est aujourd’hui le média français comptant le plus d’abonnés. Sur sa page, on retrouve peu ou prou les mêmes contenus que sur son compte Instagram (comptant un million d’abonnés de moins) : vidéos explicatives sur un sujet d’actualité, interviews de personnalités, vulgarisation scientifique, etc. S’adresser aux jeunes générations Si pour Brut, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, la diversification sur l’ensemble des réseaux sociaux semble naturelle, pour les acteurs plus traditionnels, l’objectif est avant tout de toucher des audiences qui ne consomment plus ou peu leurs contenus. “Nous avons toujours pour objectif de nous adresser à nos publics là où ils se trouvent. Cette cible plus jeune n’est ni consommatrice de nos journaux télévisés, ni des contenus de notre site”, constate Carole Bélingard, rédactrice en chef pour les réseaux sociaux de l’information nationale de Franceinfo. Le compte du média comptabilise aujourd’hui 516 000 abonnés, et 126 millions de vues sur la plateforme, avec une moyenne de “30 000 vues par jour” environ. “Il s’agit d’un pari à long terme. Nous voulons entrer en contact avec ces jeunes internautes pour qu’une fois qu’ils atteignent l’autonomie financière, ils se dirigent plus naturellement vers nous pour un abonnement” Olivier Laffargue, chef du service Snapchat/Tiktok du Monde Vers une accélération des investissements des agences françaises sur TikTok en 2023 Ce besoin est d’autant plus essentiel pour les médias qui se construisent autour du modèle payant. Au Monde, comme pour le lancement sur Snap, la présence sur TikTok s’inscrit directement dans la stratégie d’abonnement numérique. “Il s’agit d’un pari à long terme. Nous voulons entrer en contact avec ces jeunes internautes pour qu’une fois qu’ils atteignent l’autonomie financière, ils se dirigent plus naturellement vers nous pour un abonnement”, rapporte Olivier Laffargue, chef du service Snapchat/TikTok du Monde, qui revendique le succès de cette stratégie. Aujourd’hui, 55 % de l’audience du média sur Snap et TikTok (qui est aujourd’hui la deuxième plateforme vidéo après Instagram en termes d’audiences pour le média) a moins de 24 ans, selon Le Monde, et le titre revendique régulièrement que les moins de 30 ans représentent la plus grande part des nouveaux abonnés depuis la crise sanitaire. À l’inverse de Facebook, le réseau social ne peut pas être utilisé comme un canal de redirection vers les articles. Ouest-France, qui s’est lancé récemment sur le réseau, met cependant en avant – dans la description de son compte – une offre d’abonnement gratuite pour les 18-24 ans, qui amène “quelques conversions”, selon Edouard Carona-Reis, rédacteur en chef de Ouest France. Trouver le ton et le format TikTok, et le format vidéo court en général, amènent nécessairement à une réorganisation des rédactions. “Sur ces plateformes de flux, un rythme de trois vidéos par semaine n’est pas suffisant et nous avons dû trouver le moyen d’augmenter notre production”, explique Olivier Laffargue (Le Monde), qui encadre aujourd’hui une équipe d’une dizaine de personnes dédiées à la production pour le format vertical. Les éditeurs interrogés indiquent ainsi fonctionner par format plus que par plateforme : les vidéos sont souvent publiées et rééditées pour l’ensemble des réseaux de vidéos courtes (Facebook Reels, Youtube Shorts, Snap, TikTok). Comme cela avait été le cas sur d’autres plateformes, l’opacité des algorithmes de recommandation oblige les médias d’information à procéder par itérations pour trouver le ton et le format approprié. “Nous adaptons énormément nos écritures et nous nous remettons régulièrement en cause, car les usages sont en constante évolution. Nous attachons beaucoup d’importance à la forme pour capter l’attention de l’utilisateur”, constate Olivier Laffargue (Le Monde). Au moment de l’interview en avril, Le Monde venait par exemple de supprimer le générique de début de ses vidéos, constatant une rupture du visionnage au moment de son affichage. Abonnements numériques (1/2) : les lecteurs sont de plus en plus difficiles à convaincre Les médias interrogés publient en majorité des vidéos courtes de 30 secondes à 1 minute 30, mais ne s’interdisent pas les formats plus longs ou des lives. Sur le ton, tous insistent sur la nécessité de présenter du contenu pédagogique et incarné, en restant en phase avec leur ligne éditoriale. “Nous mettons en avant des sujets sur l’environnement et la vie au quotidien, tout en laissant l’opportunité à des jeunes journalistes de s’exprimer et en conservant nos racines “grand ouest””, illustre Edouard Reis-Carona (Ouest-France). “Il n’y a pas de réel écrin pour l’information, nous nous trouvons au même niveau que les autres créateurs de contenus” Carole Bélingard, rédactrice en chef pour les réseaux sociaux de l’information nationale de Franceinfo Une plateforme moins tournée vers les médias La difficulté à tirer des enseignements sur le long cours est renforcée par le fait que la plateforme ne différencie et ne met pas davantage en avant les contenus d’information – comme a pu le faire Facebook depuis son lancement, ou Snap avec Discover. “Il n’y a pas de réel écrin pour l’information. Nous nous trouvons au même niveau que les autres créateurs de contenus”, ajoute Carole Bélingard (Franceinfo). Un positionnement auprès des créateurs indépendants que la TikTok a toujours revendiqué. Médias en ligne : trois exemples de gamification de la relation avec les lecteurs La société n’a d’ailleurs pas à notre connaissance de direction dédiée aux médias, et les interactions sont moins fréquentes qu’avec d’autres acteurs, nous ont indiqués les éditeurs interrogés. Ce qui ne l’empêche pas de déployer des dispositifs spécifiques pour certains éditeurs : Le Monde qui avait lancé son activité sur TikTok via une bourse du fond international pour le fact checking, a reçu un financement de TikTok (non spécifique aux médias) pour son déploiement sur la plateforme. Des signaux faibles indiquent que la plateforme pourrait s’ouvrir davantage dans les prochains mois. En 2021, le réseau avait annoncé la création du Instructive Accelerator Program, un fonds destiné aux éditeurs pour la publication de contenus “instructifs et informatifs” sur la plateforme. Plus récemment, TikTok a annoncé début mai le lancement aux Etats-Unis de Pulse Premiere, un dispositif qui permet à une poignée d’éditeurs d’obtenir 50 % des revenus publicitaires issus de la diffusion d’annonces à la suite de leurs posts. Certains médias d’information restent encore très prudents sur un réseau qui suscite beaucoup de craintes sur le plan éthique et réglementaire. “Nous n’encouragerons pas nos journalistes à publier sur TikTok, qui n’est pas ouvert aux comptes par localité (ville ou département) comme peut l’être Facebook, tant que nous n’aurons pas réglé la question de la sécurité des données”, indique Edouard Reis-Carona (Ouest-France), dont le titre prévoit d’avancer très progressivement sur la plateforme. Paul Roy Réseaux sociauxStreaming vidéo Besoin d’informations complémentaires ? 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