Accueil > Médias & Audiovisuel > Sites d’actualités : les tarifs agressifs sont-ils pertinents pour le développement des abonnements numériques ? Sites d’actualités : les tarifs agressifs sont-ils pertinents pour le développement des abonnements numériques ? Mediapart, Libération, Le Monde… les médias d'information proposent parfois des offres tarifaires en ligne "agressives", avec 50 à 80 % de réduction sur le tarif classique, soit des abonnements mensuels de 1 à 3 euros pendant six mois à deux ans. L'équilibre est alors subtil entre recrutement de nouveaux abonnés et défense du panier moyen. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 22 octobre 2021 à 18h50 - Mis à jour le 03 novembre 2021 à 17h44 Ressources Quelle est la valeur d’un abonnement à un média d’information sur le numérique ? Si les plateformes de streaming ont fixé un standard à 10 euros par mois sans engagement qui sert souvent de référence, la réponse est complexe et varie selon la maturité de l’éditeur liée à sa transformation numérique et à la qualité de ses contenus. Une certitude, largement partagée : le recrutement d’abonnés en ligne est une activité laborieuse et coûteuse pour les médias d’information et dont l’expertise s’acquiert par des tests en continu. Des partenariats noués avec Google mais aussi avec Facebook permettent certes de s’appuyer sur leurs outils et leurs expertises, mais la tâche reste difficile et le sera de plus en plus au fur et à mesure que le cœur de cible des lecteurs est converti. D’où des efforts commerciaux et marketing importants et la volonté ces deux dernières années d’optimiser les offres. D’abord en segmentant davantage les offres commerciales (tarifs, contenus et services inclus, nombre de comptes utilisateurs) pour mieux correspondre aux besoins (et au budget) des utilisateurs. Une stratégie qui a permis aux éditeurs l’ayant adopté d’augmenter le panier moyen de l’abonné en ligne (Le Figaro, Le Monde, L’Equipe…). Comment les éditeurs travaillent la segmentation de leurs offres numériques payantes Ensuite en proposant des offres promotionnelles, un passage quasi obligé pour espérer convertir les lecteurs de sites d’informations en abonnés. Le premier mois à un euro est désormais entré dans les habitudes commerciales mais l’offre ne suffit souvent pas. Les éditeurs proposent donc régulièrement – parfois en continu – des tarifs promotionnels de l’ordre de 10 ou 20 % du tarif habituel sur l’abonnement numérique. Celui-ci avoisine les 10 euros par mois pour les médias d’informations généralistes nationaux, 11 à 12 euros pour la PQR, et 5 à 8 euros pour les médias spécialisés ou dont la transition numérique débute seulement. Data : comment les éditeurs ont-ils fait évoluer leurs offres en 2020 ? Certains éditeurs pratiquent des tarifs d’abonnements numériques beaucoup plus agressifs, avec des réductions de l’ordre de 50 à 80 % sur le prix habituel. Ces offres sont parfois généralisées à toutes les audiences et communiquées de façon large, ou, dans une approche moins étendue, adressées à des profils utilisateurs spécifiques et donc diffusées de façon plus discrète, uniquement sur des supports spécifiques : via des plateformes de réductions (essentiellement Veepee et Dealabs), des publicités ciblées sur Facebook à destination de jeunes internautes, ou auprès de structures comme des universités ou des sociétés partenaires. Le Monde propose ainsi, depuis le milieu des années 2010, des offres très avantageuses pour les jeunes de 18 à 25 ans en vue de les fidéliser. La dernière offre en cours propose un abonnement en ligne à 20 euros pour six mois, puis à 8,49 euros par mois ensuite. Le premier tarif de l’abonnement numérique du Monde se situe habituellement à 9,9 euros par mois. Son président du directoire, Louis Dreyfus, indique un panier moyen de l’abonné numérique au Monde autour de 10 euros, soutenu par la segmentation des offres et des tarifs réalisée en juin 2020. Le Monde est passé de 226 000 abonnés en ligne en décembre 2019 à 364 000 en décembre 2020 (351 000 abonnés au Monde.fr et 13 000 aux services Mémorable et jeux). Le chiffre est de plus de 400 000 aujourd’hui. Louis Dreyfus (Groupe Le Monde) : “Les abonnements en ligne représenteront plus de 50 millions d’euros de revenus pour Le Monde en 2021” Mediapart est sans doute l’éditeur média français qui met en oeuvre la politique d’acquisition clients la plus offensive. Le titre dirigé par Edwy Plenel, président, et Marie-Hélène Smiejan, directrice générale, propose très régulièrement de nombreuses offres à prix très réduit pour compléter ses tarifs classiques, alors que son offre principale s’élève à 11 euros par mois et que son panier moyen individuel en 2020 était plus ou moins de 9 euros. L’une de ses dernières offres marketing, adressée aux jeunes, propose un accès gratuit de six mois à son site pour les moins de 25 ans. Une autre offre, adressée à tous les publics mais diffusée de façon parcellaire en ligne, propose un abonnement de dix mois au site pour un total de 20 euros, auxquels s’ajoutent trois mois gratuits si l’abonné opte pour le prélèvement bancaire comme moyen de paiement plutôt que la carte de crédit. Soit 13 mois d’abonnement numérique pour 20 euros (1,5 euro par mois en moyenne). “Les personnes qui s’abonnent via Veepee sont hors de notre spectre. Ils essaient notre service. C’est plutôt une mise en avant de notre offre” Denis Olivennes, Libération Libération vient également de clôturer deux campagnes promotionnelles particulièrement “agressives”. En septembre, le titre a commercialisé deux offres d’abonnement en ligne. La première sur la plateforme de ventes évènementielles Veepee (ex-Vente Privée), également utilisée par d’autres éditeurs. Alors que le plein tarif de l’abonnement numérique de Libération est habituellement fixé à 9,9 euros par mois sans engagement après les deux premiers mois pour 1 euro, le titre y a proposé durant quelques jours, du 2 au 8 septembre, un abonnement numérique de 12 mois pour 30 euros, montant auquel il faut déduire la commission prélevée par la plateforme, sans doute d’au moins 25 %. Avec ce type de dispositif et de tarif, l’objectif premier de l’éditeur n’est pas de générer immédiatement de nouveaux revenus tirés, mais de diffuser ses contenus et sa marques média auprès de nouveaux publics et de les fidéliser, dans une optique à long terme. Ce que confirme Denis Olivennes, directeur général de Libération, interrogé par mind Media. “Les personnes qui s’abonnent via cette plateforme sont hors de notre spectre, affirme-t-il. Nous leur permettons de tester Libé avec un prix attractif ; ils essaient notre service avec un abonnement sans tacite reconduction, comme ils le font avec d’autres. C’est plutôt une mise en avant de notre offre”. Libération, comme d’autres médias, a déjà eu recours à Veepee deux fois au cours des trois dernières années. Data : Abonnements numériques – le classement annuel des médias en ligne payants en 2020 Immédiatement après cette première opération, Libération a proposé du 7 septembre du 5 octobre, cette fois sur son site web, une deuxième offre du même ordre. Présentée comme une “offre de rentrée”, l’offre était affichée à 2,5 euros par mois avec un engagement de deux ans. Soit deux ans d’abonnement numérique pour un total de 60 euros. Une proposition aussi agressive auprès de son audience propriétaire ne risque-t-elle pas de “cannibaliser” ses prospects naturels ? Un risque assumé par Libération : “Nous avons une politique forte de conquête, d’autant plus que nous sommes partis tard dans la course aux abonnements numériques, souligne Denis Olivennes. Elle nous permet de faire découvrir Libération en mode abonnés à des milliers de nouvelles personnes chaque mois.” Libération tente en effet de développer ses revenus, en forte baisse ces dernières années, avec le numérique comme axe central. Denis Olivennes (Libération) : “L’objectif est d’atteindre 100 000 abonnés numériques en 2023” Sans atteindre les niveaux de réduction appliqués par Libération et Mediapart, Le Point pratique également des offres marketing offensives sur son site (jusqu’à 50 % de réduction pendant quelques mois) sur son abonnement numérique, dont le tarif habituel (10 euros pour 4 semaines) équivaut à environ 11 euros par mois. Ces offres sont personnalisées selon le profil de l’internaute, en lien avec la pratique des paywalls dynamiques, personnalisés selon l’audience. Comment les éditeurs maximisent le revenu par utilisateur avec les paywalls dynamiques Les offres tarifaires agressives proposées par les sites d’actualités s’inscrivent dans une logique à long terme. Mais la stratégie idéale dépend de chaque média, tant différentes variables conditionnent le recrutement d’abonnés. Sans atteindre les niveaux de réduction appliqués par Libération et Mediapart, Le Point pratique également des offres marketing offensives sur son site (jusqu’à 50 % de réduction pendant quelques mois) sur son abonnement numérique, dont le tarif habituel (10 euros pour 4 semaines) équivaut à environ 11 euros par mois. Ces offres sont personnalisées selon le profil de l’internaute, en lien avec la pratique des paywalls dynamiques, personnalisés selon l’audience. Le PDG du Point, Renaud Grand-Clément, insiste sur la nécessaire optimisation des dispositifs de recrutement des abonnés : “Ce qui est importe, c’est de tester et de mesurer en continu nos stratégies marketing et de les ajuster en comparant les résultats obtenus avec les résultats précédents. Une même politique marketing agressive pourra être cohérente pour un éditeur et pas pour un autre, selon la maturité de son modèle d’abonnement et son audience”, souligne-t-il. “Nous ne proposons jamais d’offres d’abonnement à moins 50 % ou plus, car elles dégradent la perception de valeur de la presse” Edmond Espanel, directeur général de Brief.me C’est la raison pour laquelle certains éditeurs se refusent à mettre en place des réductions trop importantes. Edmond Espanel, directeur général et associé à Brief.me, en fait partie. “Nous ne proposons jamais d’offres d’abonnement à moins 50 % ou plus, car elles dégradent la perception de valeur de la presse que peuvent avoir les lecteurs, estime-t-il. Nous nous limitons à des promotions de 10 euros sur l’abonnement annuel (soit 20 %, ndlr), qui sont d’ailleurs adressées à une petite partie de nos prospects seulement, sur des cibles très précises”. Brief.me a accéléré son recrutement d’abonnés en 2020 (+ 33 %) et avait dépassé les 12 000 en juin 2021. Après une année 2020 de forte croissance, Brief.me atteint la rentabilité avec 741 000 euros de chiffre d’affaires commercial annuel Quel est le nombre d’abonnés numériques recrutés via ces offres marketing très agressives ? Le chiffre varie selon la puissance du média, la promotion offerte et la durée de l’opération. Libération ne nous a pas communiqué de chiffre exact pour les deux opérations réalisées en septembre, mais on peut estimer le nombre de recrutements à plusieurs milliers. Son chiffre d’abonnés numériques est en effet passé, en solde net, de 50 000 en février 2021 à environ 57 000 mi-octobre, selon des chiffres fournis par le titre. Une partie de cette progression, qui inclut le churn naturel, provient de ces deux dispositifs. Il est également difficile de déterminer quelle est la proportion de ces abonnés à le demeurer une fois la fin de la période d’offre spéciale achevée, lors du passage à un tarif mensuel bien plus important. Chez Libération, “une majorité d’entre eux restent abonnés”, répond Denis Olivennes. Les politiques tarifaires agressives s’avèrent efficaces pour recruter et fidéliser des abonnés en ligne si elles sont suffisamment adaptées au média et optimisées en continu. Et limitées dans le temps et/ou à des cibles très spécifiques, sous peine de voir son panier moyen et ses revenus considérablement affectés. La clé, ici : la fidélisation du prospect une fois soumis au tarif classique, ce qui demeure un travail de longue haleine pour les éditeurs, qui met en jeu à la fois la qualité des contenus proposés et la relation client qui aura été nouée durant la période d’essai. Jean-Michel De Marchi Abonnements numériquesDonnées personnellesPaywallPQNPresse magazineSites d'actualité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Xavier Niel va céder les 26 % détenus dans le groupe Le Monde à un fonds de dotation 13,7 millions d'euros de résultat net pour le groupe Le Monde en 2020 Dossiers Abonnements numériques (1/2) : le classement annuel des médias en ligne payants Abonnements numériques (2/2) : comment les éditeurs ont-ils fait évoluer leurs offres en 2020 ? 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