Accueil > Médias & Audiovisuel > Thomas Bremond (Comcast Advertising) : “Universal Ads veut rassembler les éditeurs TV pour proposer un bouton d’achat facile en multi-écran” Thomas Bremond (Comcast Advertising) : “Universal Ads veut rassembler les éditeurs TV pour proposer un bouton d’achat facile en multi-écran” Le groupe audiovisuel américain Comcast vient de reconfigurer ses activités de technologies et de commercialisation publicitaires numériques en distinguant Freewheel et Universal Ads. Le Français Thomas Bremond, récemment promu managing director international de Comcast Advertising, détaille cette évolution et ses motivations. Il présente également les ambitions du groupe pour fédérer davantage les broadcasters, avec des premières initiatives aux États-Unis et au Royaume-Uni. En espérant décliner le dispositif en France. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 04 juillet 2025 à 13h46 - Mis à jour le 04 juillet 2025 à 13h46 Ressources Comcast a annoncé en avril dernier une vaste réorganisation de ses activités publicitaires. En quoi consiste-t-elle ? L’objectif est de répliquer en Europe un modèle qui fonctionne déjà aux États-Unis, en instituant une séparation très nette entre nos activités “médias” – régie, sous-régie – et nos activités technologiques. Au sein de Comcast Advertising, toutes les activités médias, notamment AudienceXpress, qui opère comme une sous-régie, sont donc désormais regroupées sous la nouvelle entité Media Solutions, comme point d’accès unique, tandis que les activités purement technologiques, d’activation data et de place de marché, demeurent chez FreeWheel, structure déjà existante. En Europe, nos activités technologiques sont historiquement plus importantes, puisque FreeWheel, autour duquel a été construit le groupe ici, est avant tout une entreprise technologique. Il y a toujours des synergies entre les entités du groupe Comcast ; FreeWheel, NBCUniversal et Sky, avec la volonté de vendre des offres audiovisuelles multi-écrans dans une approche flexible. Thomas Bremond2025 Managing director international, Comcast Advertising 2014 Senior vice president et chief revenue officer international, FreeWheel 2011 Vice président EMEA, Sizmek2002 Cofondateur, SmartJog Pourquoi cette évolution ? Après une douzaine d’années de développement international, nous sommes arrivés à un point où il était devenu essentiel de clarifier ce que nous apportons à nos clients, que ce soit en matière de technologies – côté demande, comme côté offre – ou d’activités médias plus complémentaires. Cette séparation vise à apporter davantage de transparence. C’est un premier point essentiel. Le deuxième, c’est la création d’un pôle global au sein du groupe. Nous avions déjà lancé il y a deux ans un projet commun à l’échelle du groupe, avec NBC, destiné à satisfaire la demande des annonceurs pour des campagnes globales, notamment face à des plateformes comme Amazon ou Netflix : leur empreinte internationale et leurs offres publicitaires leur permettent d’adresser directement une douzaine de pays, ce qui constitue un vrai levier pour eux. C’est là où nous voulons aller. NBC a, depuis, annoncé le spin-off de certaines chaînes câblées, comme CNBC ou MSNBC. Ces chaînes disposaient d’équipes à l’international avec lesquelles nous travaillions déjà. Nous avons donc repris une grande partie de ces activités pour créer un nouveau pôle “Global Agency” dans lequel, concrètement, nous avons rassemblé les équipes locales issues d’AudienceXpress France. Quels sont vos objectifs avec cette initiative ? L’idée est double. D’abord, proposer une approche vraiment internationale pour les grandes marques. Nous revendons l’inventaire de NBC aux États-Unis (Peacock, etc.), ainsi que dans d’autres territoires où FreeWheel est présent. Cela nous permet d’être présent sur 12 à 15 très grands marchés par un effet de taille. Deuxième enjeu : s’adapter et répondre à une tendance forte dans le monde des agences, avec la centralisation des achats dans des hubs régionaux comme Londres, Amsterdam ou Düsseldorf. Avoir une couverture homogène de ces hubs européens est devenu une priorité, tant du point de vue média que produit. Que représentent ces budgets régionaux désormais ? Pour donner un ordre d’idée, une grande agence nous expliquait récemment qu’il y a trois ans, chez elle, environ 100 millions de dollars de budgets publicitaires par an passaient par ces hubs. Aujourd’hui, c’est 1 milliard, avec une projection à 3 ou 4 milliards à très court terme. Pour nos clients locaux, c’est donc un vrai enjeu. Or, ces hubs sont souvent pilotés par des traders assez jeunes dans le métier, pour qui il est aujourd’hui culturellement et opérationnellement plus simple d’acheter des audiences sur Facebook ou YouTube. À l’inverse, lorsqu’ils se retrouvent face à une liste de chaînes TV, souvent désignées par des acronymes peu clairs et très nombreux – TF1, TV2, TV4, etc. – c’est pour eux plus confus et plus compliqué. C’est aussi avec cette réalité que nous devons composer. Nous jouons ici un rôle de décryptage et de facilitateur, en aidant les agences et en travaillant étroitement avec nos clients historiques présents dans ces hubs. Ils nous le disent souvent : “Acheter de la télévision premium, c’est compliqué, trop long, pas assez massif, etc.” Il faut du volume et de la simplification. “Notre enjeu est de ne pas devenir une technologie supplémentaire dans la stack des agences, mais un outil intégré aux flux existants” Cela implique des évolutions technologiques. Quel est votre constat et vos initiatives ? Nous avons racheté la DSP Beeswax il y a quelques années. Depuis, nous avons déjà fait évoluer ce produit pour permettre un accès plus direct et plus simple à l’inventaire de nos clients. Beeswax reste la “Freewheel DSP”, mais ce n’est pas une DSP classique comme l’est The Trade Desk. C’est un outil d’achat très personnalisable proposé aux agences : les clients l’utilisent comme bidder avec les API associées pour construire des solutions spécifiques à leurs cas d’usage : data, plateformes d’achat personnalisées, etc. Un bon exemple est la plateforme Vibe, qui est un client important de Beeswax. Historiquement, Beeswax touchait très peu les agences. Mais aujourd’hui, avec la centralisation évoquée précédemment, les agences cherchent des outils qui leur permettent d’acheter un inventaire qu’elles connaissent, qu’elles peuvent packager, et sur lequel les CPM sont plus élevés – comme la vidéo premium, tout en offrant des marges plus élevées que ne le proposent Google et Meta. Or, à part les DSP classiques, il n’y avait pas vraiment d’outil pour acheter cet inventaire-là. C’est notre ambition. Nous avons donc travaillé avec nos éditeurs pour créer un accès simplifié et raccourcir l’accès à cet inventaire au sein de la chaîne de valeur, afin de redonner un vrai rôle aux éditeurs et supports médias. Ce dispositif, que nous avons appelé “Curation Hub”, est actuellement en test dans les pays nordiques et au Royaume-Uni. Quels seront les enjeux autour de ce dispositif ? En quoi consiste ce “Curation Hub” ? Notre dispositif offre une nomenclature homogène et permet aux agences d’utiliser directement notre plateforme. La difficulté – et notre enjeu – c’est de ne pas devenir une technologie supplémentaire dans la stack technologique actuelle des agences, mais un outil intégré aux flux existants. C’est l’objectif de notre réorganisation. L’autre enjeu stratégique est le déploiement plus large de la solution Universal Ads, lancée par Comcast Advertising en janvier aux États-Unis. Que doit apporter Universal Ads à l’offre du groupe ? L’idée de départ est simple : la télévision a besoin, elle aussi, d’un “easy button”, d’un achat facile multi-écran. C’est particulièrement vrai du fait de la montée en puissance des logiques de performance impulsées par les grandes plateformes. Comcast a constitué une équipe dédiée – notamment en recrutant l’équipe fondatrice de Snap Ads – avec un double mandat : ne pas se contenter de transposer la télévision traditionnelle dans le digital, mais au contraire construire une plateforme adaptée aux acheteurs à la performance ; ceux qui travaillent déjà avec Meta, TikTok, etc. Deuxièmement, créer des connexions directes avec les plateformes marchandes – Shopify, GoDaddy, etc. – pour que les annonceurs puissent acheter de l’inventaire TV comme ils le font via les plateformes sociales. Aujourd’hui, une grande partie des achats publicitaires sur TikTok, Meta ou YouTube se font via des API connectées à ces plateformes marchandes. C’est ce qui permet aux e-commerçants d’intégrer très facilement la publicité dans leur tunnel de vente. Universal Ads veut proposer le même principe pour la télévision : créer une API “TV”, et rassembler les éditeurs TV, pour proposer un bouton “Acheter en télé” intégré aux écosystèmes déjà utilisés par ces annonceurs. “Nous avons les outils pour créer une vaste place de marché TV au bénéfice de tous les acteurs” Quels sont les premiers résultats d’Universal Ads et comment décliner ce projet en Europe ? Aux États-Unis, une vingtaine d’éditeurs sont déjà intégrés à cette plateforme : cela va des grands broadcasters aux plateformes de streaming. L’inventaire CTV y est donc accessible de manière simple et fluide. Les résultats sont très prometteurs, même si nous ne communiquons pas encore sur les revenus générés, car la plateforme est encore en phase bêta. Nous avons annoncé lors des Cannes Lions le lancement d’un projet similaire au Royaume-Uni. Les broadcasters britanniques ont décidé de s’unir pour lancer leur propre version, sur la même base technologique. C’est la première fois qu’ils arrivent à s’accorder à ce niveau. Ce n’est pas simple, évidemment, pour les groupes télévisuels traditionnels. Tout le monde dit que c’est le sens de l’histoire, mais il faut encore convaincre les broadcasters et créer de la confiance : rassurer sur les résultats, la gestion de la donnée, écarter tout risque de cannibalisation avec les activités propriétaires ou de laisser penser que participer au dispositif va favoriser d’abord leurs concurrents. Notre crédibilité sur le marché a aidé, tout comme le fait que le modèle a déjà été testé aux États-Unis. Visez-vous là aussi les très grands budgets régionaux ? Ce sera sans doute la deuxième phase. L’enjeu, pour commencer, c’est d’abord de capter les budgets “new-to-TV” – ces entreprises du numérique qui ont acquis une taille importante mais n’ont jamais ou presque investi dans la publicité en télévision. Ils ont encore plus besoin de simplification. C’est un exemple qu’on donne souvent : le vendredi matin, un acheteur média reçoit un budget important à investir sur une campagne audiovisuelle multinationale avant le week-end, par exemple un million d’euros. Il ne va pas passer sa journée à appeler un par un tous les groupes de télévision. Sur YouTube ou Meta, il peut lancer une campagne en quelques minutes. Ce niveau de simplicité, la télévision ne l’offre pas aujourd’hui. Notre objectif n’est pas de déclencher une guerre concurrentielle entre les plateformes et les broadcasters, ni entre broadcasters. Mais nous avons les outils pour créer une vaste place de marché TV au bénéfice de tous les acteurs à côté des grandes plateformes. Et cette place de marché existe déjà dans certaines situations : Canal+ utilise par exemple la marketplace de FreeWheel pour commercialiser Max. L’enjeu est donc d’étendre cet usage, en fédérant les acteurs autour d’une infrastructure commune. Universal Ads, c’est une première brique pour aller chercher les nouveaux annonceurs qui, jusqu’ici, ne considéraient pas la télé comme un levier pertinent. Et pourtant, la télé est performante ; elle ne s’évalue simplement pas avec les mêmes métriques que les plateformes. C’est cette promesse incrémentale qui a séduit les broadcasters britanniques. On prévoit un déploiement début 2026 en alpha, après avoir achevé les développements techniques, les connexions de paiement et rôdé la plateforme aux États-Unis. Est-ce qu’un lancement de Universal Ads est envisagé en France ? Certains groupes audiovisuels ont tenté de créer leur propre plateforme d’achat ; c’est compréhensible et c’est une bonne chose. Mais ce que veulent vraiment les acheteurs, ce n’est pas de gérer dix interfaces d’ad managing différentes, fussent-elles efficaces. Ce qu’ils attendent, c’est une seule solution centralisée, et donc un agrégateur. Universal Ads répond à cette logique. Nos dernières annonces ont suscité de l’intérêt ces dernières semaines en France. J’ai eu des échanges avec les broadcasters français qui étaient curieux de comprendre ce projet. Il y a le projet Retail Connect TV, lancé en septembre par France Télévisions Publicité, M6 Publicité et RMC BFM Ads avec Unlimitail, qui correspond à cette logique. L’idée est déjà de créer une offre packagée sur la TV adressée. On veut aller plus loin avec une offre massive et un service managé. Une logique du type Universal Ads pourrait tout à fait s’appliquer à terme en France, peut-être pas sous cette marque, mais dans le même esprit. Il y a une volonté de générer une demande incrémentale, de mutualiser les forces. Cela dit, la collaboration entre groupes TV reste complexe en France, et les discussions commencent tout juste. Jean-Michel De Marchi AdtechAlliances éditeursPublicité programmatiquePublicité vidéoRégiesSSPTransformation de l'audiovisuelTV Besoin d’informations complémentaires ? 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