Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Néobanques françaises : qui sont les survivantes ? Néobanques françaises : qui sont les survivantes ? mind Fintech fait le bilan des initiatives observées depuis plusieurs années dans l’Hexagone sur le segment foisonnant des banques mobiles pour les particuliers. Seuls quelques acteurs français survivent, et les plus emblématiques se tiennent entre les mains de banques traditionnelles ou de corporates. Par Aude Fredouelle. Publié le 14 juin 2020 à 13h59 - Mis à jour le 26 novembre 2020 à 12h50 Ressources Le “business model” des néobanques (qui s’appuient sur un partenariat avec un établissement de paiement ou de crédit) et des challengers (dotés de l’agrément d’établissement de crédit) BtoC est encore loin d’être éprouvé. Peu d’acteurs dans le monde peuvent se targuer d’avoir atteint la rentabilité. Même si les coûts fixes sont moins élevés que ceux des banques traditionnelles, les coûts d’acquisition pèsent sur le modèle et surtout, les sources de revenus restent limitées. Avec des comptes de base gratuits et peu ou pas de frais sur les paiements internationaux, et sans produits d’investissements sur lesquels se rémunérer, les néobanques et challengers ont bien du mal à se monétiser. Dans ces conditions, seuls les mieux financés parviennent à croître et survivre en attendant d’atteindre, un jour peut-être, le point mort. D’autres misent sur le développement en marque blanche pour soutenir les coûts du BtoC. En France, aucune néobanque BtoC indépendante n’a levé suffisamment de fonds pour se maintenir sur le marché. Hormis Nickel, qui était en passe d’atteindre la rentabilité lorsqu’elle a été rachetée par BNP Paribas en 2017, toutes ont fermé ou ont été sauvées par un corporate. Passage en revue de la trajectoire des néobanques et challengers français. Plusieurs échecs et abandons Parmi les néobanques françaises lancées ces dernières années, plusieurs ont récemment abandonné leurs activités. Morning, start-up reprise par la Banque Edel en 2017, a fermé son activité BtoC en février dernier après de multiples déboires (lire notre enquête). Une autre néobanque de distributeur a connu un sort similaire. C-zam, néobanque lancée par Carrefour en mars 2017, a annoncé en mai 2020 que ses comptes seraient clôturés en juillet. C-zam visait deux millions de coffrets vendus en 2022, mais ne comptait que 120 000 clients début 2020 (lire notre baromètre publié en février 2020 sur le nombre de clients des néobanques et banques en ligne en France). Malgré un réseau de vente significatif (3 000 points de vente en France), l’enseigne n’a pas réussi à convaincre et son service client s’est montré défaillant. D’autres ont tout simplement renoncé aux lancements annoncés. C’est le cas de BPCE, qui avait racheté la néobanque allemande Fidor début 2017, avec l’intention de déployer une version BtoC de son application communautaire en France. Le volet communautaire a bel et bien été lancé, en toute discrétion, mais le parcours bancaire n’a jamais vu le jour. Le site communautaire a finalement fermé en octobre 2018, BPCE abandonnant toute velléité de lancement dans l’Hexagone et cherchant même à revendre Fidor. Depuis Fidor a subi d’autres déconvenues, perdant notamment un contrat emblématique en BtoB signé en 2016 avec l’opérateur télécoms Telefonica. S’il n’a pas été annulé, le projet de néobanque de Pumpkin a de son côté été repoussé. Lors de son rachat par le groupe Arkéa, mi-2017, l’application de paiement entre particuliers avait annoncé le lancement d’un compte courant pour 2017, mais cette offre n’a toujours pas vu le jour. Entre-temps, le groupe coopératif a lancé max, assistant personnel et néobanque proposant un compte courant et une carte sans frais à l’international. “Depuis 2017, Pumpkin se concentre sur le développement de sa stratégie “peer-to-peer”, via notamment son application de remboursement entre particuliers, indique le groupe Arkéa, contacté par mind Fintech. En janvier 2020, le cap du million d’utilisateurs de l’application Pumpkin a été franchi (contre 250 000 utilisateurs en 2017).” Arkéa indique qu’un bêta-test est actuellement en cours en mode “friends & family” pour peaufiner l’offre bancaire “qui sera déployée plus largement dans le futur (…) Pumpkin s’attache à définir une offre sur-mesure, en adéquation avec les besoins spécifiques de sa cible (étudiants et jeunes actifs).” Les survivants : Nickel, max, Orange Bank, Ma French Bank Succès parmi les néobanques indépendantes, Nickel a finalement été rachetée par BNP Paribas en avril 2017. La néobanque dénombrait alors 540 000 comptes ouverts depuis son inauguration en 2014 et un coût d’acquisition inférieur à 15 euros grâce à son réseau de buralistes, auprès duquel le compte de paiement est commercialisé. Hugues Le Bret, fondateur, confiait alors à mind Fintech que les dirigeants n’avaient pas “pour projet court terme de céder l’entreprise” dans la mesure où elle prévoyait d’atteindre le point mort à l’été 2017 et que la levée de fonds bouclée à l’automne 2016 lui permettait d’être en excès de trésorerie par rapport aux exigences réglementaires. Pour la première fois depuis sa création en 2012, Nickel (anciennement Compte-Nickel) dégageait en 2018 un résultat annuel positif de 1,25 million d’euros, contre une perte de 2,65 millions en 2017. La société revendique désormais 1,6 million de comptes ouverts depuis sa création et a présenté en novembre 2019 sa stratégie d’expansion internationale, à commencer par l’Espagne où elle vise un million de clients d’ici 2024. max : 10 millions d’euros de perte nette par an Hormis Nickel, toutes les néobanques françaises BtoC encore en vie sont des initiatives créées par des groupes bancaires ou corporates. En mai 2017, Arkéa annonçait le lancement de sa propre fintech baptisée max. Dotée à ses débuts de 20 millions d’euros, cette entité propose un service à la croisée de la néobanque (compte de paiement, carte bancaire) et de l’assistant personnel (services de conciergerie, conseils personnalisés). max a reçu en 2019 un financement supplémentaire de 10 millions d’euros. A la fin 2019, max comptait près de 100 000 clients en portefeuille, en ligne avec ses objectifs, et près de 32 000 comptes de paiement actifs (avec un solde différent de zéro). Près de 26 000 utilisateurs recouraient aux services d’agrégation. “Nous avons désormais dépassé les 130 000 clients, dont plus de 35% utilisent le compte de paiement max, indique Didier Ardouin, CEO, à mind Fintech. C’est une bonne surprise car nous visions plutôt une proportion de 20% environ.” max vise 150 000 à 160 000 clients d’ici à fin 2020. “Nous ne visons pas une énorme base de clients, insiste le CEO. Notre modèle repose sur une communauté active.” Mais le service 100% gratuit n’a pas encore trouvé le moyen de se monétiser. Selon les comptes annuels de Nouvelle Vague, la société a enregistré un chiffre d’affaires net de 775 000 euros environ en 2019 pour une perte nette de 10 millions d’euros (et 119 000 euros de chiffre d’affaires net en 2018 pour une perte nette de 10,1 millions d’euros). “Nous sommes en ligne avec ce qui était prévu et notre objectif est d’atteindre l’autonomie financière dans les années à venir, au plus tard dans cinq ans”, assure Didier Ardouin. Pour compléter son offre gratuite, max va lancer d’ici à la fin de l’année, “pour quelques euros par mois”, une carte en métal avec des services complémentaires (cashback plus important, assurances…). Mais la majorité de son chiffre d’affaires doit reposer sur son modèle de commissions perçues sur les recommandations personnalisées de produits et services à ses utilisateurs. Plusieurs partenaires ont déjà été intégrés, à l’image du comparateur A comme Assure. max est aussi en discussion avec plusieurs acteurs pour commercialiser son offre en marque blanche. “Notre business plan n’a pas besoin de cette source de revenus pour fonctionner mais nous avons été sollicités par des acteurs du transport, de la grande distribution, des assureurs…”, révèle Didier Ardouin. Orange Bank et ses primes agressives Lancée en novembre 2017 par l’opérateur télécoms Orange, Orange Bank pèse encore plus lourd dans les comptes de son actionnaire. À l’occasion de la présentation des résultats annuels 2019 d’Orange, le groupe a concédé un creusement des pertes de la banque mobile : son résultat d’exploitation est négatif à hauteur de 186 millions d’euros, contre 169 millions en 2018 (+10%). Des investissements liés au lancement en Espagne fin 2019 ont été invoqués par Orange pour justifier cette dégradation. Les pertes cumulées d’Orange Bank avoisinent désormais les 400 millions d’euros. Il faut dire que la politique d’acquisition agressive de l’opérateur, qui propose des primes de bienvenue élevées à ses nouveaux clients (jusqu’à 120 euros, alors que les néobanques étrangères comme N26 et Revolut n’en offrent aucune), vient grever les comptes du challenger. Pour l’instant, les revenus ne suivent pas. Orange Bank a aussi dégagé en 2019 un produit net bancaire (PNB) de 40 millions d’euros, en repli de 6,3% comparé à 2018, “en raison de la réévaluation de portefeuilles de titres”. Orange Bank a pour objectif de recruter deux millions de clients à terme. Le challenger en regroupait déjà plus de 500 000 à fin 2019, dont 390 000 titulaires de comptes courants en France (les autres sont souscripteurs de crédits à la consommation). De son côté, La Banque Postale a lancé Ma French Bank en juillet 2019, deux ans après la vague de créations de néobanques dans l’Hexagone. Il faut dire que les chantiers techniques, menés par Accenture sur la base du core banking de la banque mobile polonaise mBank, ont pris plus longtemps que prévu. Après des débuts difficiles en raison d’un débordement du service client, Ma French Bank – qui ne propose aucune prime de bienvenue – assure avoir réagi et a annoncé en décembre 2019 avoir franchi la barre des 100 000 clients. En février 2020, son directeur innovation Karim Drif indiquait à mind Fintech avoir atteint un rythme d’acquisition avoisinant les 20 000 clients par mois. Par ailleurs, selon le responsable, les clients de Ma French Bank sont très actifs ; plus de 80% réalisent plus de trois transactions par trimestre et plus de 50% effectuent plus de trois transactions par mois. Objectifs de Ma French Bank : 300 000 clients fin 2021, puis plus d’un million de clients en 2025, ainsi qu’un compte de résultat positif et un PNB d’environ 100 millions d’euros à cet horizon. En parallèle, des challengers européens extrêmement bien financés par des fonds de capital-risque raflent la mise : le britannique Revolut, qui a levé plus de 900 millions de dollars depuis sa création en 2015, rassemble environ un million de clients dans l’Hexagone, tout comme l’allemand N26, qui a récolté 780 millions de dollars. Après Nickel, ce sont les deux challengers comptant le plus de clients dans l’Hexagone. La néobanque britannique Monese, qui a levé 80 millions de dollars, en revendique de son côté 200 000 à fin 2019, montant ainsi sur la cinquième marche du podium, derrière Orange Bank mais devant Ma French Bank et max. L’éclosion des néobanques pour adolescents À la suite de la création de nombreuses néobanques BtoC dans l’Hexagone, une seconde vague de néobanques pour entreprises et indépendants a déferlé avec Qonto, Shine, manager.one et bientôt Margo Bank (lire notre dossier). Puis, en 2019, de nouvelles néobanques BtoC indépendantes ont débarqué en misant sur une cible bien particulière : les adolescents. Inspirées par des acteurs comme gohenry, Nimbl ou Osper au Royaume-Uni et Current ou Greenlight aux États-Unis, les françaises Xaalys, PixPay, Kard et Vybe ont vu le jour.Mais ces acteurs sont encore jeunes, peu financés, et les questions de monétisation et de rentabilité des néobanques généralistes s’imposent déjà à elles (lire notre dossier). Les impacts de la crise du coronavirus sur le financement des fintech pourraient en outre les fragiliser. D’autant que les start-up étrangères lourdement financées commencent elles aussi à se positionner sur le créneau, à l’image de Revolut, qui a lancé en mai 2020 son offre Revolut Junior en Europe. Moneway prépare son lancement public Une néobanque française indépendante prépare discrètement son lancement. Créée en janvier 2018, l’application Moneway est éprouvée par 7 000 bêta-testeurs. Agent de l’établissement de paiement Treezor, la société a levé plus d’un million d’euros en juin 2019 auprès de Bpifrance et de business angels de Bourgogne-Franche-Comté. La start-up mise sur un fort ancrage territorial et proposera une offre de base gratuite et des fonctionnalités additionnelles payantes, comme des assurances, qui sortiront en 2020. “En 2021, nous souhaitons nouer des partenariats avec des banques pour proposer de l’épargne et du micro-crédit”, ajoute Noémie Nicod, fondatrice et CMO. Moneway indique enregistrer environ 150 ouvertures de compte par jour à l’heure actuelle. Aude Fredouelle application mobilechallengernéobanque Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La néobanque brésilienne Nubank compte 25 millions d’utilisateurs Carrefour met un point final à sa néobanque C-zam La néobanque pour mineurs Pixpay lève 8 millions d’euros Applis des banques en lignes et néobanques : Nickel a augmenté sa base installée de 5% au deuxième semestre 2019