Accueil > Investissement > Structures d'investissement > Jacky Abitbol (Cathay Innovation) : “Chime est IPO-ready” Jacky Abitbol (Cathay Innovation) : “Chime est IPO-ready” Grâce à une relation étroite avec certains investisseurs corporate et des effectifs dédiés au développement commercial des start-up, Cathay Innovation entend fournir à ces dernières davantage qu’un simple apport financier. Son managing partner Jacky Abitbol explique la stratégie du VC et fait un point sur son portefeuille de fintech. Par Caroline Soutarson. Publié le 17 avril 2024 à 17h00 - Mis à jour le 27 janvier 2025 à 17h50 Ressources Cathay Innovation dispose de plusieurs types de fonds. Pouvez-vous nous les présenter ? Tout d’abord, il y a nos fonds flagships, ceux avec lesquels nous avons démarré l’activité de capital-risque de Cathay fin 2015. Avec eux, nous investissons lors de grosses Séries A et de Séries B. Nous avons bouclé en 2017 un premier fonds de 287 millions d’euros, initialement agnostique en termes de secteur, tourné vers la technologie et le numérique. Le soutien de grands groupes industriels, comme BNP Paribas Cardif, Total, Valeo ou encore Michelin, a progressivement favorisé une approche sectorielle. En 2019, lorsque nous avons lancé notre deuxième fonds de 650 millions d’euros, nous avons privilégié quatre segments : santé digitale, fintech, consumer/retail et mobilité/smart energy. Enfin, en 2022, nous avons déployé un fonds d’un milliard d’euros, complètement verticalisé sur ces quatre secteurs, avec des équipes dédiées. Dans ce fonds III, nos tickets initiaux vont de 10 à 30 millions d’euros, puis nous pouvons accompagner les entreprises jusqu’à 100 millions d’euros. Avec ces trois fonds flagships, nous couvrons les États-Unis, avec un bureau à San Francisco, l’Europe, avec des bureaux à Paris, Berlin et l’ouverture d’un bureau espagnol cette année, l’Asie du Sud-Est (avec un bureau à Singapour) et la Chine, avec des équipes à Shanghaï et Pékin. Ces dernières cohabitent avec celles dédiées au private equity, l’activité historique de Cathay. À côté de ces fonds flagships, vous avez lancé d’autres fonds. Quels sont-ils ? Du fait de nos relations de proximité avec de grands groupes, notamment BNP Paribas Cardif, nous avons constitué des fonds thématiques [fintech/insurtech, mobilité et énergie, Ndlr], nommés C. Entrepreneurs. Ceux-ci permettent d’investir dans des sociétés plus early-stage mais compatibles avec les fonds principaux (master funds) pour d’éventuels réinvestissements. Nous sommes en partenariat avec BNP Paribas Cardif sur le fonds C. Entrepreneurs dédié à l’assurance et à la fintech. Nous comptons aussi des fonds géographiques. Nous couvrons l’Amérique latine en partenariat avec le fonds espagnol Seaya, avec une équipe au Mexique. Nous opérons de la même manière avec Africinvest en Afrique [avec un fonds de 110 millions d’euros, Ndlr]. Plus récemment, nous avons aussi initié un fonds Web3 avec Ledger, avec lequel nous investissons en pré-amorçage et amorçage. Enfin, nous développons une activité de fonds de fonds pour investir dans des géographies dans lesquelles nous ne sommes pas présents, en early-stage, et qui alimente notre deal flow. L’investissement en private equity en tokens débarque en France Investissez-vous toujours en lead ? Nous investissons plutôt en lead, parfois en co-lead et très rarement en suiveur. Nous essayons de prendre entre 10 et 20 % du capital. Nous investissons toujours en minoritaire, mais avec la volonté de participer au développement des sociétés, notamment du fait de nos investisseurs corporates. Comment se traduit en pratique votre lien avec ces investisseurs corporate et quels changements cela introduit dans votre manière d’interagir avec les start-up ? Nous échangeons à un rythme mensuel avec ces LP industriels. Ils nous présentent leur feuille de route et leurs priorités. Et, de notre côté, nous les aidons à identifier les sociétés innovantes, ainsi que les tendances sur leur secteur. Cela peut donner lieu à des partenariats stratégiques entre nos investisseurs et les start-up. À noter que, malgré notre verticalisation, nous repérons aussi des activités “cross-secteur”. Nous avons par exemple investi en early-stage dans Upway, une place de marché pour des vélos électriques reconditionnés valant plusieurs milliers d’euros. Initialement sur le segment de la mobilité, la société s’est saisie du sujet de l’assurance. BNP Paribas Cardif s’est montré intéressé et a noué un partenariat avec Upway pour étoffer son portefeuille de distribution sur un sujet de mobilité. Ce type de partenariat aide les sociétés du portefeuille à scaler. Au-delà d’être un simple intermédiaire d’investissement pour ces industriels, Cathay Innovation est donc aussi à l’origine de décisions opérationnelles. Êtes-vous aussi vu comme un intermédiaire pour le rachat de start-up ? Nous pouvons aider au co-investissement pour les entreprises qui disposent de véhicules de corporate venture capital. C’est arrivé en 2021 avec Sanofi qui a investi 180 millions de dollars dans Owkin, une biotech qui utilise l’intelligence artificielle pour aider les groupes pharmaceutiques à développer des traitements contre le cancer. Les deux entités avaient en plus signé un partenariat commercial qui représentait plusieurs centaines de millions de dollars. Aujourd’hui, rien n’empêche Sanofi de faire une offre de rachat. Toutefois, notre rôle n’est pas de préparer une éventuelle acquisition mais bien d’optimiser notre rendement. Les collaborations, un levier essentiel pour les CVC mutualistes et paritaires de l’assurance Nous avons davantage une casquette de business developer, pour accompagner nos participations. Nous avons d’ailleurs mis en place depuis plus de cinq ans une équipe dédiée - composée de deux collaborateurs en Europe, un aux États-Unis et un autre en Asie -, dont la tâche est d’accompagner les start-up dans la commercialisation. Pour cela, nous nous appuyons sur un écosystème de partenaires qui va au-delà des industriels présents dans nos fonds, que nous avons développé au fil des années sur nos géographies. Nous avons par exemple aidé Descartes Underwritting, qui développe une solution d’assurance paramétrique pour les risques climatiques, à entrer en relation avec plusieurs de ses clients entreprises. Vous disposez également d’operating partners. Quel rôle jouent-ils ? Sur le fonds III, nous avons en effet renforcé notre équipe avec des operating partners, des personnes qui ont 20 à 25 ans d’expérience dans les domaines que nous couvrons et qui sont mis à la disposition des entrepreneurs pour les conseiller dans leur stratégie. Nous pouvons aussi faire appel à eux en amont d’un investissement sur leur secteur d’expertise. À l’heure actuelle, ils travaillent généralement à temps partiel chez Cathay. Sur le segment fintech, nous faisons ainsi appel à Benjamin Jacquard, ancien responsable mondial des activités de crédit de BNP Paribas CIB. Au total, quel est l’effectif de Cathay Innovation ? Sans compter les équipes support, qui sont mutualisées au sein du groupe, nous devons être une quarantaine dédiée à l’investissement et à l’accompagnement des start-up : une douzaine d’investisseurs à San Francisco, une dizaine en Europe, deux en Asie du Sud-Est et cinq en Chine, auxquels s’ajoutent les business developers, operating partners, ainsi que trois personnes dédiées à la tech. À quoi fait référence cette “tech” chez Cathay Innovation ? L’équipe tech nous aide à automatiser certaines tâches et crée des outils pour le sourcing, le suivi du portefeuille et la remontée d’informations sur les marchés, etc. Nous sommes en phase de test sur l’automatisation de certains process via l’intelligence artificielle. Nous recevons par exemple des alertes lorsque les effectifs d’une entreprise évoluent à la hausse rapidement sur LinkedIn. Cela peut nous permettre, sans investir directement, de détecter certaines jeunes entreprises pour nouer des relations et commencer à les suivre. Comment appréhendez-vous l’intelligence artificielle comme thèse d’investissement ? En effet, nous pensons que l’intelligence artificielle va révolutionner tous les secteurs. Récemment, Klarna à indiqué que l’intelligence artificielle effectuait le travail de 700 personnes dans l’entreprise. Alma, l’une de nos participations, compte des équipes focalisées sur le sujet, notamment pour le support client. Pour nous positionner sur ce terrain, nous avons annoncé en décembre 2023 un carve-out sur notre fonds d’un milliard d’euros. Une enveloppe de 50 à 100 millions d’euros sera consacrée à accompagner des entrepreneurs dans des projets early-stage en intelligence artificielle. Nous avons investi récemment dans Nabla [une Série B de 24 millions de dollars, Ndlr], qui assiste les médecins dans l’automatisation de la transcription d’une consultation, une tâche qui occupe 20 % de leur temps. Parmi la vingtaine de fintech présentes dans votre portefeuille, quels sont vos investissements les plus prometteurs ? Dans notre fonds I, il y a la néobanque américaine Chime. Nous étions le seul nouvel investisseur lors de sa Série B [18 millions de dollars en 2017, Ndlr]. Elle a depuis fait d’autres tours, jusqu’à son dernier fin 2021 [Série G de 750 millions de dollars, Ndlr], dirigé par Sequoia. Nous avions investi au même stade dans la solution de sécurisation de cryptoactifs Ledger, société française qui évolue à l’international. Elle a réalisé deux cycles de financement depuis, dont un tour en 2023 alors que le marché des cryptoactifs était à la peine. Aujourd’hui, l’entreprise sécurise plus de 20 % des actifs numériques au niveau mondial. Dans le fonds II, Alma, qui évolue sur le segment du BNPL, est prometteuse. Nous avions repéré la tendance aux États-Unis, mais nous avions raté le coche avec Affirm. Nous avons donc regardé les autres géographies. Nous avons investi dans FinAccel, en Asie du Sud-Est, qui fonctionne très bien. Nous avons vu arriver Klarna en Europe du Nord et nous avons estimé qu’en Europe continentale, Alma était la meilleure société dans laquelle investir. Nous avons donc mené sa Série B et, aujourd’hui, Alma est leader en France, en termes de parts de marché, et est présente sur cinq marchés (Allemagne, Italie, Benelux et Espagne). Côté insurtech, Descartes sort du lot. Nous avions envie d’investir dans le secteur de l’assurance paramétrique pour le risque climatique mais aucune équipe ne nous satisfaisait. Lorsque nous avons rencontré Tanguy [Touffut, Ndlr], Kevin [Dedieu, Ndlr] et Sébastien [Piguet, Ndlr], les trois cofondateurs, nous avons été impressionnés par leur expérience - ils avaient notamment créé AXA Climate auparavant. Ils ne proposent pas seulement une technologie mais créent un assureur spécialisé dans l’assurance paramétrique. [Data] Comment évolue le financement des start-up et scale-up de la finance et de l'assurance ? Enfin, dans le fonds III, Flowdesk, qui a développé une plateforme de trading pour des tokens, offre de belles perspectives. Nous avons dirigé son dernier tour [une Série B de 50 millions de dollars, où Cathay Innovation a apporté près de la moitié des capitaux levés, selon Capital Finance, Ndlr]. Notre fonds Cathay Ledger a également participé au tour. Comment en êtes-vous arrivés à créer un fonds dédié au Web3 aux côtés de Ledger ? Déjà, lors de notre premier investissement dans Ledger, et jusqu’à présent, nous sommes convaincus que les écosystèmes autour de la blockchain vont embarquer tous les secteurs. Or, sur ce segment du Web3, Ledger joue un rôle essentiel. Entre leur expertise et nos thèses d’investissement, cela faisait sens de nous unir. Ledger apporte la validation de la technologie et participe aux sourcing d’opportunités. Nous venons avec le savoir-faire de l’investisseur et une équipe dédiée. Selon la presse américaine, Chime devrait s’introduire en Bourse en 2025. Comment anticipez-vous cette sortie, sachant qu’en parallèle, Visa et Mastercard se sont coordonnés sur une baisse des frais d’interchange, qui sont une source de revenus non négligeable pour Chime. Je ne pense pas que cette évolution changera radicalement la stratégie de Chime, peut-être quelques adaptations tout au plus. La néobanque engrange d’autres frais sur différents services lancés. Concernant un potentiel exit sur le marché public, sur le Nasdaq, Chime est “IPO ready”. La société est bien financée, dispose de beaucoup de trésorerie et vient de terminer son meilleur trimestre en termes d’onboarding de nouveaux clients. Vos convictions sur le BNPL ont-elle été revues depuis que les taux sont remontés ? Non, nous pensons que le BNPL n’est plus seulement un levier pour favoriser la consommation [de biens non essentiels, Ndlr], comme pour s’acheter un iPhone, mais permet d’accompagner les individus dans les mois plus compliqués, pour faire leurs courses par exemple. Des cas d’usage de ce type se sont notamment développés depuis plusieurs années dans des pays émergents sujets à des taux d’inflation élevés. Les acteurs du BNPL définissent un meilleur scoring et un schéma de remboursement plus pertinent grâce aux données collectées. Cette technologie, qui s’affine avec les années, permet de réduire le risque lié à l’évolution des taux. Notre thèse est que le paiement fractionné est là pour rester et que la technologie permet de servir de plus en plus de secteurs. Tous les mois, mind Fintech vous propose un entretien avec un investisseur actif dans le secteur fintech. Lire tous les entretiens Caroline Soutarson capital-risquelevée de fonds Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Flowdesk a représenté plus d'un tiers des fonds levés par les fintech françaises au premier trimestre 2024 Cryptoactifs : Flowdesk lève 50 millions de dollars L’investissement en private equity en tokens débarque en France Alma lève 115 millions d'euros pour accélérer en Europe Descartes Underwriting lève 120 millions de dollars pour accélérer sa croissance