Accueil > Assurance > E-santé > Comment l’accélérateur IMPACT met le numérique au service de la santé mentale Comment l’accélérateur IMPACT met le numérique au service de la santé mentale La seconde édition du programme d'accompagnement IMPACT a démarré en avril 2023. Cette initiative réunit des acteurs publics et privés du soin et de la recherche autour d’une ambition commune : accélérer le développement de solutions numériques pour la prévention, le suivi et la prise en charge de la santé mentale. Par Romain Bonfillon. Publié le 17 octobre 2023 à 9h00 - Mis à jour le 17 octobre 2023 à 15h22 Ressources Selon une étude de Santé publique France, la proportion des 18-24 ans ayant traversé un épisode dépressif a augmenté de 9 points entre 2017 (11,7%) et 2021 (20,8%). Cette hausse relativement brutale des besoins de soins s’est ajoutée comme un nouveau défi au secteur de la psychiatrie, qui fait face depuis de nombreuses années à une crise majeure de moyens, humains et financiers. Aussi, avec le même souci de répondre à un problème de santé publique que le projet PROPSY, le comité santé mentale du Leem ou le “Grand Défi” en e-santé mentale, l’initiative “IMPACT – Accélérateur d’Innovation en Santé Mentale” a été lancée, en septembre 2021. “La prise de conscience du besoin d’accélérer dans les solutions en santé mentale a eu incontestablement lieu en France“, se félicite le Pr Gérard Friedlander, délégué général de la Fondation Université Paris Cité et co-fondateur de l’initiative IMPACT. “Les pouvoirs publics et les financeurs ont également pris conscience que le champ de la santé mentale est probablement l’un de ceux où le décalage entre l’offre et la demande de soins est le plus important, poursuit-il. Mais il ne suffit pas de donner des sous. Il faut accompagner. Cela signifie aussi bien aider les start-up à accumuler des datas pertinentes mais aussi mettre dans la boucle les instances comme la HAS pour accélérer l’examen et éventuellement le remboursement de solutions numériques“. À noter que l’implication d’instances évaluatrices dans un programme d’accélération est un choix stratégique qu’a récemment fait l’Agence de l’innovation en santé. De l’intérêt des partenariats public/privé Dès la création de l’accélérateur IMPACT, les initiateurs du projet ont mis en avant la nécessité de faire collaborer des acteurs publics et des acteurs privés, pour parvenir à un accompagnement efficace et pérenne financièrement. Ainsi, parmi les membres fondateurs de l’initiative, figurent aux côtés d’acteurs publics (PariSanté Campus, la Fondation Université de Paris, l’AP-HP, France Biotech, l’ARIIS et la Fédération Française de l’Assurance) d’importants acteurs privés : AXA France, Janssen France, Eisai et Otsuka. “Otsuka est un groupe pharmaceutique historiquement impliqué en santé mentale, justifie Aurélie Lécuyer, directrice médicale d’Otsuka France. C’est le premier pilier du groupe, notamment en termes de recherche. Nous avons donc répondu présent très rapidement à cette idée d’incubateur“. Du côté des acteurs publics, cette coopération est tout simplement vitale pour pouvoir lancer des projets de recherche. “Lorsque j’ai pris pour la première fois la direction d’une unité mixte, université/INSERM, en 1995, la dotation récurrente de l’INSERM couvrait 90% de mes besoins de fonctionnement, se souvient le Pr Gérard Friedlander. Lorsque j’ai cessé mes fonctions plus de 20 ans plus tard, cette dotation couvrait entre 10 et 15 % de mon budget de fonctionnement. Les plus gros financements que nous avons obtenus pour accélérer notre recherche, poursuit-il, nous les avons eus auprès de laboratoires comme Roche, d’initiatives comme MSDAVENIR qui, au lieu de vous donner 200 000 euros au coup par coup, mettent sur la table entre 1,5 million et 3 millions d’euros pour un programme de recherche pluriannuel. Cela change tout parce que cet argent permet d’embaucher, de faire une vraie prospective de développement…et, pour le coup, d’accélérer vraiment. ” Retour sur la première édition Une cinquantaine de dossiers de candidatures avaient été soumis lors du lancement de l’accélérateur. En janvier 2022, 5 start-up furent retenues : Fedmind, Litdhospi, Tricky, Tech2Heal et sa solution QOOKKA et ResilEyes Therapeutics. “Toutes n’étaient pas au même niveau de maturité, explique Aurélie Lécuyer. Lorsqu’elles sont arrivées dans le circuit d’accompagnement, un bilan a été fait. Nous les avons aussi fait dialoguer avec nos partenaires pour mieux comprendre et affiner leurs besoins. De façon globale la première édition d’IMPACT a permis d’apporter aux cinq start-up sélectionnées un programme d’accélération sur mesure avec un taux de satisfaction élevé”, relève-t-elle. “L’incubateur peut essentiellement apporter un mécénat de compétences, ajoute Gérard Friedlander. Nous nous sommes aperçus que la quasi-totalité de ces start-up n’étaient pas fondées par des médecins. Lorsqu’on leur parle de santé mentale, il y a donc une acculturation qui est indispensable“. La question de la maturité Au-delà de l’expertise médicale, qu’il peut contribuer à améliorer, l’accélérateur trouve cependant ses limites dans sa capacité à faire décoller de très jeunes sociétés. “Le meilleur accompagnement du monde ne remplace pas la solidité de l’assise financière et du projet de développement d’une start-up, analyse Gérard Friedlander. Nous l’avons vu : les plus fragiles, celles qui étaient le plus en amont dans leur projet, ont vécu une période difficile, dans un contexte post-pandémique qui était en outre très compliqué.” “À nous de trouver un juste équilibre entre le besoin de développement – nous ne pouvons pas avoir des “start-up prêtes à lancer” – et le niveau de maturité nécessaire“, abonde Aurélie Lécuyer. Applications de santé mentale: raisons et limites d’un succès IMPACT, saison 2 L’appel à projets IMPACT2, mis en ligne le 8 mars 2023, a mis en évidence plusieurs nouveautés par rapport à celui de 2022. Pour cette deuxième édition, au-delà de l’accompagnement classique (mentoring, coaching, connexion à l’écosystème…) sur une période de neuf mois, des modules spécifiques ont été mis en place, dédiés aux données de santé, à l’évaluation de l’impact des solutions, à la mise en perspective de la santé mentale sous plusieurs angles (parcours de soin, prise en charge) et à l’accès à des terrains d’expérimentation. “La question qui est vraiment centrale pour les start-up est de savoir quelles données de santé elles doivent générer pour accéder au marché, observe Aurélie Lécuyer. Évidemment, cela pose la question de l’accès au remboursement“. En outre, afin que le programme s’adresse au plus grand nombre d’acteurs possible (le premier AAP ne concernait que des solutions qui ciblent des ruptures de parcours de soins en santé mentale), l’AAP 2022/2023 d’IMPACT s’est élargi à trois thématiques : “la prévention, le suivi et la prise en charge, la continuité extra-hospitalière de l’accompagnement avec un élargissement du périmètre à la pédopsychiatrie, la psychiatrie de l’adulte et la démence des personnes âgées”, détaille Gérard Friedlander. Ce dernier a accordé une attention toute particulière à la satisfaction-patient apportée par les solutions candidates. “La satisfaction-patient, explique-t-il, s’inscrit dans une dynamique qu’on appelle les PROMs (Patient-reported outcome measures). Ce feedback des patients sur l’aide qu’une solution, quelle qu’elle soit, peut leur apporter s’applique aussi pour les solutions digitales et dans le domaine de la santé mentale. Il va d’ailleurs devenir de plus en plus important, pour les patients, les professionnels et les payeurs“, prédit-il. Fin avril 2023, les cinq projets lauréats ont été dévoilés. Il s’agit de : – Callyope, qui développe des outils de télésurveillance basés sur la voix permettant d’évaluer l’efficacité d’un traitement ou de détecter les prémices d’une rechute. – Healthy Mind, qui développe et commercialise des thérapies digitales (DTx) combinant les neurosciences et la réalité virtuelle immersive. – O-Kidia, une société de R&D qui travaille sur des solutions numériques pour améliorer le diagnostic, l’orientation thérapeutique et le suivi du bénéfice clinique des troubles du neurodéveloppement et de santé mentale associés chez les enfants et les adolescents. – Sêmeia, qui édite MentalWise, une plate-forme d’aide à la décision médicale qui permet la collecte, la restitution et l’analyse des données de santé basée sur des algorithmes cliniques et d’IA. – Shifters, à l’origine d’un programme digital mêlant intelligence artificielle et neurosciences cognitives, afin de permettre aux travailleurs en horaires décalés de retrouver un rythme de sommeil récupérateur. E-santé mentale : les verrous au développement du marché français Dans une période où les investissements en e-santé ont significativement ralenti parce que les acteurs du capital-risque se montrent plus prudents (cf. le baromètre 2022 des levées de fonds), le marché français de la santé mentale peine à trouver des débouchés. “Peu d’industriels se sont penchés sur ce secteur, notamment en raison d’un problème de modèle économique, analysait David Sainati, dans un entretien accordé à mind Health. Le coordinateur de la Stratégie d’Accélération Santé numérique (SASN) pointait alors du doigt notre “grand besoin de débloquer les verrous d’évaluation clinique et d’accès au marché”. Le secteur de la e-santé mentale est, de fait en France, encore balbutiant. Pour preuve, la famille des thérapies numériques (DTx) dans laquelle ces solutions sont pour la plupart appelées à s’inscrire, ne compte aujourd’hui que trois dispositifs remboursés : Moovcare, DBLG1 (?) et l’application OdySight de Tilak Healthcare (sous la modalité dérogatoire de l’article 51). À noter qu’outre-Atlantique, ce marché de la e-santé mentale est beaucoup plus mature qu’en France. Il poursuit même sa consolidation. Selon un rapport de la Silicon Valley Bank (publié cinq mois avant sa mise en faillite), les plateformes de soins de santé mentale représentaient la moitié des investissements dans la healthtech en 2021. Leur part a même atteint 69% fin 2022. Ce contenu a été publié initialement en mars 2023 par mind Health (une publication du groupe mind), service d’information professionnelle consacré à la transformation numérique du secteur de la santé. Il a été actualisé par la rédaction de mind Fintech en septembre 2023. Romain Bonfillon accélérateure-santéinnovationsanté mentale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind