Accueil > Investissement > Comment le néocourtier Webull s’attaque à l’Europe Comment le néocourtier Webull s’attaque à l’Europe Arrivé au Royaume-Uni en 2023, le néocourtier américain Webull poursuit son expansion en Europe avec les Pays-Bas. L’Allemagne et la France suivront. La plateforme d’investissement, présente sur tous les continents, veut à terme que l’international représente 50 % de son chiffre d’affaires. Par Caroline Soutarson. Publié le 15 septembre 2025 à 7h00 - Mis à jour le 12 septembre 2025 à 18h06 Ressources Le néocourtier états-unien Webull, concurrent de Robinhood, fait ses débuts dans l’Union européenne (UE) en lançant sa plateforme d’investissement aux Pays-Bas – où il a obtenu son agrément d’entreprise d’investissement. “D’autres pays de l’UE suivront dans les mois qui arrivent”, précise l’entreprise dans un communiqué diffusé le 8 septembre. “L’Allemagne et la France l’année prochaine. Puis l’Espagne, le Portugal, l’Italie, etc.”, énumère auprès de mind Fintech Andries van Luijk, CEO de Webull Europe. “Grâce au passeport européen, nous sommes autorisés à proposer nos services dans tous les pays de l’Espace économique européen. Toutefois, le régulateur néerlandais nous a demandé de prouver la fiabilité de notre système aux Pays-Bas avant d’étendre nos services aux autres marchés de la zone”, ajoute Andries van Luijk. Webull mise sur les commissions à l’étranger Au lancement, la plateforme d’investissement propose des actions et ETF UE, ainsi que des actions et options américaines. Webull met également à disposition des comptes espèces rémunérés, en partenariat avec la Deutsche Bank, à un taux égal au taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE) moins 1,25 %. Comme beaucoup de nouveaux acteurs, Webull offre des services d’achat d’actions fractionnées et des horaires de trading étendus. Moins habituel pour une application de trading “nouvelle génération”, créée en 2016 : la présence de frais de commission, bien que “plus faibles” que chez les acteurs historiques concurrents, note Andries van Luijk (0,1 % pour les actions et ETF). Alors que la plateforme s’appuie sur le paiement pour flux d’ordres (PFOF) outre-Atlantique pour contrebalancer son offre de trading sans commission, elle recourt à un modèle économique plus classique dans l’UE, où le PFOF sera définitivement banni le 30 juin 2026 au plus tard. “Nous proposons nos services de courtage à des tarifs compétitifs sur tous les marchés où nous opérons, notamment des transactions sans commission sur les actions et options états-uniennes pour les clients américains et des commissions de trading peu élevées sur les marchés hors des États-Unis”, explique l’entreprise dans ses comptes annuels 2024. Webull travaille sur le lancement dans l’UE depuis 3 ans L’entreprise américaine a posé ses valises sur le sol batave en juillet 2022. Elle y a enregistré deux sociétés : Webull Holdings (Europe) B.V. et Webull Securities (Europe) B.V. Deux ans plus tard, en septembre 2024, elle a obtenu de l’Autoriteit financiële markten (AFM) néerlandaise un agrément d’entreprise d’investissement (EI) pour Webull Securities. Webull peut ainsi proposer dans l’UE des services de change lorsque ces services sont liés à la fourniture de services d’investissement, de réception-transmission d’ordres, de tenue de comptes-conservation et de recherche en investissements et d’analyse financière, selon les informations mises à disposition par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA). Depuis, le dirigeant de la filiale néerlandaise prépare le déploiement avec une équipe restreinte. “Nous comptons neuf salariés (conformité, finance, service client, opérations).” Une période de test a débuté à l’été 2025, “auprès de nos amis et familles”, qui s’est révélée concluante. “L’objectif était de vérifier la qualité de notre produit par rapport au reste du marché, car si notre proposition de valeur est moins bonne que les autres, les clients attendront au moins deux ans avant de songer à reconsidérer notre application. Aux Pays-Bas, nos trois principaux concurrents en ligne sont flatexDeGiro [né de la fusion du Néerlandais DeGiro et de l’Allemand flatex, Ndlr], Bux [racheté par ABN Amro en 2024, Ndlr] et Binck [banque en ligne néerlandaise rachetée par le Danois Saxo Bank, Ndlr]. Puis il y a les banques traditionnelles : ING, Rabobank, ABN Amro…” Saxo Bank se valorise à 1,6 milliard d’euros lors de son rachat par J. Safra Sarasin Ainsi, bien que l’offre d’actifs de Webull Europe ne soit pas encore aussi complète que celles de ses concurrents, Andries van Luijk estime disposer d’autres atouts. Tout d’abord, “notre technologie est supérieure. flatexDeGiro, Bux et Saxo Banque sont présents sur le marché depuis dix ans et n’investissent plus de manière proactive dans leurs plateformes tandis que nous mettons la notre à jour constamment. Nous sommes également compétitifs en termes de données de marché [service gratuit, Ndlr]. Combinés à nos prix plus compétitifs, notre offre est particulièrement intéressante.” Stratégie d’expansion à l’international Au fil des années, Webull a pu éprouver sa plateforme auprès de plusieurs marchés. “Quand nous avons complété notre produit aux États-Unis, nous avons décidé de nous étendre au niveau mondial en ouvrant Hong Kong fin 2020, puis Singapour, l’Australie et l’Afrique du Sud en 2022”, rappelait début 2024 à mind Fintech Nick Saunders, CEO de Webull Securities UK. La fintech a ainsi poursuivi les ouvertures de marchés au point d’être désormais présente sur tous les continents (voir cartographie). “L’objectif est que les États-Unis ne représentent plus que 50 % des revenus”, prévoyait le président du groupe et CEO de Webull US, Anthony Denier, auprès du média hongkongais South China Morning Post à l’été 2024. En 2024, l’étranger comptait pour 6 % des revenus de Webull. Malgré sa stratégie d’internationalisation rapide et intercontinentale, Webull tient à “localiser” ses produits, affirment les responsables britannique et UE à mind Fintech (dans des interviews séparées). Par exemple, alors que Nick Saunders a ajouté des actions hongkongaises et chinoises à l’offre outre-Manche, elles ne sont pas sur la feuille de route UE pour l’instant. “Quand nous entrons sur un nouveau marché, nous nous adaptons aux besoins des investisseurs locaux, car l’ajout d’actifs à notre offre est extrêmement coûteux. Nous devons donc savoir à l’avance si l’activité générée compensera les coûts d’intégration. Actuellement, les investisseurs néerlandais s’intéressent aux actions européennes et américaines, et non à celles de Hong Kong ou de Singapour, où ils peuvent toutefois investir via des ETF”, explique Andries van Luijk. Webull s’appuie sur Jumio et ComplyAdvantage pour la conformité Les nouveaux marchés ouverts peuvent toutefois s’appuyer sur des briques technologiques existantes, notamment en termes d’expérience utilisateur (UX) ou de services proposés, ou des partenariats déjà en place. Webull Europe fait par exemple appel à la plateforme américaine de vérification d’identité (KYC) Jumio, après des déploiements convaincants dans les filiales singapourienne, australienne, britannique et indonésienne. Webull Europe et Webull UK collaborent aussi avec la même plateforme d’Investment-as-a-Service allemande : Upvest, pour proposer respectivement des actions et ETF UE et des actions et ETF britanniques, qui arriveront prochainement sur l’application (voir encadré sur Webull UK). Comment les plateformes d’Investment-as-a-Service diffusent les nouvelles normes du trading Webull UK : l’ISA sur la feuille de route, pas les crypto À l’occasion du lancement de Webull dans l’UE, mind Fintech a fait un point sur le développement de Webull au Royaume-Uni avec le dirigeant de l’entité, Nick Saunders. Le responsable assure être satisfait du lancement mais ne communique pas d’indicateurs de développement. Il partage toutefois sa feuille de route produit. Alors que l’application de trading comporte à date des actions et options américaines, des actions hongkongaises et chinoises, ainsi qu’une marketplace de comptes rémunérés, des actions et ETF britanniques sont attendus prochainement sur la plateforme. Ces futurs actifs seront disponibles grâce à une collaboration avec l’Allemand Upvest, en charge de l’exécution et de la conservation. Une enveloppe est également attendue de pied ferme : l’ISA, l’équivalent britannique du PEA. “Il arrivera au deuxième trimestre 2026 au plus tard”, affirme Nick Saunders. Ce qui n’est pas le cas du compte d’épargne retraite britannique (SIPP). “C’est un produit plus compliqué à mettre en place. Nous aimerions le proposer, mais ce n’est pas encore prévu.” À noter qu’Upvest travaille à l’intégration de l’ISA et du SIPP à son offre. Autre produit qui mettra du temps à arriver : les cryptoactifs. Nick Saunders n’imagine pas les lancer sur la plateforme avant deux à trois ans. “Actuellement, la réglementation relative aux cryptoactifs et au courtage d’actifs numériques est assez fluctuante”, analyse le responsable britannique. En effet, la FCA travaille sur le sujet et a annoncé fin 2024 qu’elle élaborerait un cadre législatif complet pour les cryptoactifs à horizon 2026. Andries van Luijk a également opté pour des prestataires européens, tels que le spécialiste britannique de détection des risques de criminalité financière pilotée par l’intelligence artificielle ComplyAdvantage, ainsi que “le système de paiement néerlandais iDEAL et la banque allemande Deutsche Bank, à laquelle nous recourons pour offrir des comptes cash”, complète le responsable UE. Investment-as-a-Service : Upvest déploie le PEA Cibler les investisseurs débutants et expérimentés Preuve de la “localisation” de l’offre, Andries van Luijk renie également avec la tradition du groupe de viser des investisseurs expérimentés et entend également attirer les investisseurs débutants. “Nous devons fournir des services d’investissement en fonction du profil de risque, de l’investissement automatique et une version de l’application plus légère, évoque-t-il. Et lorsque l’utilisateur sera plus expérimenté, il pourra ouvrir la version complète avec toutes les fonctionnalités. Des services de ce type sont sortis sur la plateforme états-unienne de Webull” et dans laquelle le responsable Europe compte piocher. Webull a par exemple développé ParperTrade, qui permet de simuler des stratégies d’investissement afin de s’entraîner à trader. Les clients confirmés sont toutefois la cible première du groupe. Webull constatait dans son rapport annuel 2024 que ses 4,7 millions de clients (enregistrés et ayant transféré de l’argent sur la plateforme) “ont en moyenne 37 ans et environ 77 % d’entre eux déclarent avoir déjà eu une expérience en matière d’investissement [avant d’investir avec Webull, Ndlr]”. Nick Saunders, qui suit cette politique au Royaume-Uni, explique : “notre clientèle cible est constituée de personnes qui ont déjà fait du trading, qu’elles utilisent une plateforme d’investissement très basique et souhaitent passer à une plateforme offrant davantage d’informations et éventuellement des produits plus sophistiqués, ou qu’elles fassent du trading depuis plusieurs années avec un courtier traditionnel et souhaitent réduire le montant des frais associés”. Stratégie d’acquisition clients agressive Pour attirer sa double clientèle (investisseurs débutants et confirmés), Andries van Luijk n’hésitera pas à flécher des fonds dans le marketing. “Nous devons construire une marque et un certain niveau de confiance aux Pays-Bas, car personne ne connaît Webull. Nous ne pouvons le faire qu’avec du marketing. C’est l’une de nos priorités dans les prochains mois et l’année prochaine, avec les lancements des marchés allemand et français.” D’après son dernier rapport annuel, Webull est notamment adepte des programmes de parrainage et de publicité payante (pour 138,7 millions de dollars en 2024, soit 36 % du chiffre d’affaires). “Être coté en Bourse devrait aider également, ajoute Nick Saunders. Nos finances sont désormais transparentes, cela devrait renforcer la confiance.” En effet, Webull est désormais coté au Nasdaq depuis avril 2025, via sa fusion avec la Spac SK Growth Opportunities Corporation. La capitalisation boursière de la société s’élève à 6,3 milliards de dollars le 10 septembre 2025, selon CompaniesMarketCap. En 2024, le groupe a enregistré plus de 390 millions de dollars de revenus (un niveau similaire aux années 2022 et 2023), pour une perte nette de 23 millions de dollars. Les deux exercices précédents, l’entreprise avait réussi à dégager des bénéfices. Avant son introduction en Bourse (IPO), Webull avait mené cinq levées de fonds pour plus de 330 millions de dollars en cumulé. Le besoin de “transparence” se fait d’autant plus ressentir que Webull a été victime de controverses aux États-Unis, du fait de relations avec la Chine jugées trop étroites (voir encadré). Webull jugé trop proche de la Chine outre-Atlantique Dans un contexte de montée des tensions entre les États-Unis et la Chine couplée à la publication de documents d’entreprise dans le cadre de son processus d’IPO, Webull a fait l’objet de soupçons du Congrès états-unien quant à la protection des données personnelles de ses utilisateurs américains, du fait de ses relations étroites avec la Chine (lire la lettre adressée au CEO Anthony Denier le 25 novembre 2024). Webull est en effet originaire de Chine. La société a été fondée par Wang Anquan, ancien general manager de la division dédiée aux services financiers de Xiaomi, passé par Alibaba et Ant Group. Il a notamment bénéficié, aux débuts de Webull, d’investissements de la part de Lei Jun, fondateur de Xiaomi. Par ailleurs, les premières opérations de la société ont été menées sous la coupe de l’entreprise chinoise Hunan Fumi Information Technology, dirigée par Wang Anquan. La holding du groupe est toutefois basée aux Îles Caïmans depuis 2019. Webull conserve des activités dans l’Empire du milieu puisqu’il est même le lieu de son “principal centre de recherche et développement”, est-il écrit dans rapport annuel 2024. Le groupe dispose par ailleurs de filiales à Hong Kong. Cryptoactifs et obligations Autre sujet que le CEO de Webull Europe regarde pour 2026 : l’ajout de nouvelles classes d’actifs, telles que “les obligations, qui plaisent aux Allemands et aux Français”, – également présentes chez les néocourtiers allemands Trade Republic et Scalable Capital notamment – et les cryptoactifs. Mais aucun dossier de candidature à l’agrément de prestataire de services sur cryptoactifs (CASP), dans le cadre du règlement européen sur les marchés de cryptoactifs (MiCA), n’a été déposé à ce jour, selon Andries van Luijk, bien que le sujet soit à l’étude. Présents dans les offres de Webull sur les marchés australien et brésilien via Coinbase, ainsi qu’aux États-Unis, les actifs numériques sont un non-sujet pour le moment concernant l’offre britannique (voir encadré dédié à la feuille de route de Webull UK). La liste des CASP agréés (MiCA) Caroline Soutarson acquisitionnéocourtierrégulationtrading Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Investment-as-a-Service : Upvest déploie le PEA Webull entame son expansion dans l’UE avec les Pays-Bas Webull entre au Nasdaq via une Spac Entretien Laurynas Spangevičius (Robinhood Europe) : “Notre priorité est d’obtenir un agrément MiCA” Confidentiel [Info mind Fintech] Webull se lancera dans l’UE avant septembre 2025 Dossier En attendant Robinhood, les néocourtiers européens affinent leurs stratégies Huit mois après son arrivée, Public.com quitte le Royaume-Uni