Candice Dauge : “L’identité numérique La Poste va simplifier les parcours d’onboarding bancaires”

Pouvez-vous rappeler en quoi consiste une identité numérique ?

Le règlement européen eIDAS donne un cadre réglementaire permettant aux nations européennes de construire et de mettre en œuvre des identités numériques interopérables afin de faciliter le marché unique numérique et de sécuriser les transactions numériques. Il est demandé à chaque pays d’avoir un régulateur qui certifie et qualifie les solutions – en France, il s’agit de l’ANSSI. Libre à chaque pays de créer ou non un fédérateur dont la vocation est d’héberger et accueillir toutes les identités numériques. En France, il s’agit de France Connect [à la fin septembre 2020, ce fédérateur d’identités comptait 18 millions d’utilisateurs, ndlr].

L’Identité Numérique La Poste est une solution d’authentification et une preuve d’identité. L’objectif est notamment de pouvoir, comme dans le monde physique, entrer en relation pour ouvrir un compte bancaire par exemple, en faisant preuve de son identité comme en agence. 

Comment peut-on créer son identité numérique ?

Nous vérifions l’identité soit par l’intermédiaire d’un facteur, qui valide la corrélation entre la personne et la pièce d’identité, soit en bureau de poste, soit en ligne – aujourd’hui, avec une lettre recommandée électronique, et bientôt avec une solution PVID [Prestataire de vérification d’identité à distance, ndlr], le cadre réglementaire étant sorti en mars 2021. La Poste a déposé son dossier pour demander à se faire certifier PVID.

Pourquoi La Poste est-elle le seul fournisseur français d’identité numérique certifié de niveau substantiel par l’ANSSI ?

Il faut avoir une certaine capacité d’investissement et la possibilité d’équiper les Français et les entreprises au sens large. Nous avons été certifiés identité numérique de niveau substantiel en février 2020.

Quels sont les cas d’usage de l’identité numérique ?

C’est une solution d’authentification de niveau fort. Elle permettra, quand nous aurons équipé des entreprises, de mettre en place une clé utilisateur pour entrer sur les espaces en ligne avec un niveau de sécurité fort et une preuve de l’identité. L’identité numérique peut donc être utilisée pour des actes de gestion : pour l’onboarding (ouverture d’un compte bancaire, de crédit, de paiement, de crypto-actifs…), l’accès à des sites, le partage de données (KYC et remédiation), la signature électronique (type Docaposte), la gestion des habilitations, les autorisations et mandats, et enfin, dans le monde physique, l’accès à des bâtiments par exemple, avec un scan de l’identité numérique sur le smartphone.

Quel impact cela aura-t-il sur les parcours clients ?

L’identité numérique ne vient pas remplacer l’authentification mais la compléter. Elle permettra de supprimer des étapes du parcours client comme le téléchargement de la pièce d’identité ou l’utilisation de la solution PVID pour vérifier l’identité. Avec l’identité numérique, la vérification a déjà été faite. 

Pour l’ouverture d’un compte bancaire, depuis le 2 avril, l’identité numérique suffit pour identifier l’utilisateur et il n’y a plus besoin de seconde mesure de vigilance comme un virement SEPA ou une pièce d’identité [Le gouvernement a introduit le 2 avril 2021 dans un décret modificatif du code monétaire et financier un article autorisant le recours à un moyen d’identification électronique attesté au niveau de garantie substantiel par l’ANSSI dans les transactions électroniques, ndlr]. On estime que l’identité numérique permettrait un gain d’environ 100 euros sur l’entrée en relation, car cela évitera des traitements en back office. Par ailleurs, une étude publiée en juin 2020 par l’ACPR révèle que l’entrée en relation à distance constitue un facteur de différenciation important pour les clients. Lever les irritants est un enjeu fort car cela permet de diminuer les abandons de parcours [En 2020, 63 % des consommateurs abandonnaient en plein milieu du processus d’ouverture d’un compte en ligne chez des banques scandinaves, britanniques et allemandes, selon une étude de Signicat, ndlr].

Combien d’utilisateurs ont créé une identité numérique La Poste ?

Un peu plus de 320 000 utilisateurs détiennent une identité numérique La Poste. Nous mettons en place un grand programme pour équiper les Français et les entreprises. Nous allons développer des usages, notamment liés aux services postaux (pour le retrait de colis, la réexpédition en ligne…) et communiquer via une campagne en ce mois de juin.

Quel est votre objectif ?

 Nous souhaitons que dans 5 ans, 10 millions d’utilisateurs soient équipés. Et à terme, une bonne partie de la population française aura une identité numérique.

Où en est le déploiement avec les banques ?

Nous discutons avec toutes les banques de la place et des intégrations sont en cours pour mettre le bouton de notre identité numérique dans leurs espaces en ligne. 

Nous discutons aussi avec des plateformes de Banking-as-a-Service et des plateformes de crypto-actifs, qui ont besoin de faciliter l’enrôlement des clients.

À quand une identité numérique européenne ?

Idéalement, l’identité numérique estonienne, par exemple, devrait pouvoir fonctionner en France et inversement. L’objectif est de tendre vers l’interopérabilité.