Accueil > Services bancaires > Comment Keewe verdit les paiements internationaux Comment Keewe verdit les paiements internationaux Depuis son lancement en 2021, la start-up Keewe fournit des paiements internationaux, sous le prisme de la transition écologique. La fintech démarre une seconde phase de son histoire en proposant de nouveaux services financiers aux entreprises du commerce international et en ouvrant son premier marché étranger : la Pologne. Par Caroline Soutarson. Publié le 05 juin 2025 à 6h00 - Mis à jour le 06 juin 2025 à 16h03 Ressources En 2021, quatre anciens de BNP Paribas (dont trois rencontrés en salle des marchés), Jean-Yves Rettel, Adrien Farras, Vincent Voisin et Alexandre Torbay, lancent la solution de paiements internationaux Keewe. Celle-ci vient d’abord résoudre un problème financier : “les banques tirent profit de la situation des PME et génèrent une rente considérable sur leurs opérations sur le forex”, affirmait Jean-Yves Rettel à mind Fintech en 2022. Keewe est loin d’être la première fintech à se bâtir sur ce constat et elle rejoint, sur ce créneau, des sociétés comme Wise, Thunes ou encore iBanFirst. Elle s’appuie d’ailleurs en grande partie sur Currencycloud, une fintech dédiée aux paiements transfrontaliers, lancée en 2012 puis rachetée par Visa en 2021 pour environ un milliard de dollars. Mais Keewe veut se différencier de ses concurrents grâce à une promesse d’accompagnement de ses clients dans leur transition écologique. Cashback orienté vers la transition écologique La start-up s’illustre notamment dans ce qu’elle nomme les “green payments”. “Grâce à un modèle d’IA que nous avons créé, nous détectons quel produit est acheté ou vendu et en calculons l’empreinte carbone (production, transport, cycle de fin de vie…). Puis, une fois le paiement effectué, nous reversons 15 % de nos revenus sous forme de cashback fléché vers des causes à impact, pour aider les entreprises à financer leur transition écologique [soit un service de compensation carbone, Ndlr]”, explique Adrien Farras, devenu président de Keewe début 2025. Ce service de bilan carbone trouve un écho réglementaire avec le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF ou CBAM en anglais, voir encadré), qui concerne les entreprises qui importent des produits hors UE. Keewe a profité de cette opportunité législative européenne pour développer un produit dédié. En outre, le nombre croissant de législations extra-financières (taxonomie, SFDR, CSRD, CSDDD…) pousse des entreprises non ciblées directement à s’intéresser quand même à leur empreinte carbone, si elles collaborent avec des sociétés concernées. Les législations extra-financières, une aubaine pour les regtech françaises La taxe carbone aux frontières Entrée en vigueur le 1er octobre 2023, la taxe carbone aux frontières – expression qui désigne le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) – a complété le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne. “Elle oblige les entreprises qui importent certains produits à reporter les émissions de CO2 de ces produits auprès de l’Union européenne”, résume Adrien Farras. À partir de 2026, le MACF doit également imposer aux importateurs de certains produits (ciment, électricité, engrais, aluminium, hydrogène, fonte, fer et acier) de payer pour les émissions de CO2 émises durant leur production, “pour éviter le dumping carbone”, explique le dirigeant. Toutefois, les mesures et le public cible du MACF devraient changer, le texte ayant été intégré à la directive Omnibus de simplification présentée le 26 février 2025 par la Commission européenne. Au menu : réduction du public cible et des obligations administratives pour les entreprises concernées. Devenir le one-stop-shop des entreprises du commerce international Quatre ans après le déploiement des green payments, Keewe étoffe sa gamme de produits afin de devenir “le one-stop-shop des entreprises qui font du commerce international de manière plus durable”, indique à mind Fintech Adrien Farras. Ainsi, bien que les paiements internationaux soient l’activité “qui génère le plus de revenus aujourd’hui (avec plusieurs dizaines d’opérations sur la plateforme par jour), le but est d’ajouter d’autres briques financières”. La société a ainsi récemment complété son offre avec des cartes de paiement virtuelles, via un partenariat avec Edenred Payment Solutions, mais aussi avec de l’avance de trésorerie, en s’appuyant sur la fintech Defacto. Côté paiements internationaux, Keewe collabore avec Currencycloud et Corpay (ex-Fleetcor), société américaine cotée à la Bourse de New York (NYSE) et membre du S&P 500. La start-up est agréée en tant que courtier en opérations de banque et en services de paiement (COBSP) et conseiller en investissements financiers (CIF). La fintech propose aussi des fonctionnalités de “couverture de change (pour les entreprises réalisant un minimum de 300 000 à 400 000 euros d’opérations de change à l’année) et de rapatriement de devises pour les grandes entreprises – quand l’avance de trésorerie est plutôt à destination des petites entreprises”, précise Adrien Farras. La société ne communique pas sur ses typologies de clients mais indique que “le montant du change annuel des clients de Keewe se situe, en moyenne, autour d’un million d’euros”. Edenred Payment Solutions met les cartes virtuelles au service des assureurs La société pourrait par conséquent progressivement grappiller des parts de marché aux néobanques pour les entreprises, en s’appuyant sur son double prisme – commerce international et transition écologique. La société vise une stratégie similaire à celle de Wise en BtoB, avec des comptes rémunérés pour les entreprises, des cartes physiques et virtuelles, de la gestion des dépenses, etc. “Nous ne souhaitons pas être étiquetés “néobanque”, car cela pourrait nous couper d’une partie de notre clientèle, comme les grosses ETI et entreprises du CAC 40”, s’inquiète Adrien Farras. Au total, “Keewe compte 1 000 clients, sans secteur d’activité particulier, qui disposent de fournisseurs en Asie et aux États-Unis, précise le dirigeant. Entre 30 et 40 entreprises nous rejoignent chaque mois.” Cross-selling Comme chez Wise, l’ajout de briques financières pour les entreprises permet de garder le client dans son sillage : “le client nous rejoint initialement pour ses paiements internationaux. Ensuite, il voit qu’on propose une couverture de change. Après, il a besoin de faire des paiements par carte car, sur les petits montants, c’est plus facile que par virement. Puis, un jour, il a besoin d’une avance de trésorerie”, résume Adrien Farras. Pour guider les utilisateurs vers les différents services, l’équipe rétention de Keewe (3 collaborateurs sur 40 au total) envoie des notifications. “Un client qui fait toujours les mêmes paiements, au même moment, verra un pop-up lui indiquant qu’il peut les anticiper en mettant en place une couverture pour le protéger des variations de change et conserver sa marge”, illustre le dirigeant. D’ici la fin de l’année 2025, Keewe veut automatiser l’envoi des notifications. Le cross-selling permet à Keewe de diversifier ses sources de revenus – la société facture des commissions sur chaque service -, de fidéliser sa clientèle, d’augmenter les revenus par client, voire de rentabiliser certains clients. “Certains de nos clients les plus petits ne sont pas forcément rentables pour nous. Mais nous travaillons pour accroître nos revenus auprès d’eux et qu’ils le deviennent”, analyse Adrien Farras. En marge des services financiers, Keewe n’en oublie pas sa deuxième casquette d’acteur vert. À côté des green payments et de la solution de MCAF, la fintech a développé d’autres calculateurs spécifiques en fonction des métiers, comme la mesure de l’empreinte carbone du transport réservé aux clients d’agences de voyage. En outre, depuis début 2025, la fintech recense les besoins métiers de ses clients dans ce domaine afin de développer des produits verts en adéquation. Parmi les idées en réflexion : recommander des alternatives visant à réduire les émissions de CO2. Alors que les produits green représentaient 5 % du chiffre d’affaires de Keewe en 2024, l’objectif est “de monter à 10 %, voire 15 % en 2025”. Près de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires Avec son modèle économique actuel, Keewe a réalisé “plus de 140 % de croissance et un chiffre d’affaires approchant les 5 millions d’euros en 2024”, affirme le président de la société. Sur ce total, une faible partie est récurrente : “entre 100 000 et 150 000 euros provenaient des abonnements [le produit MACF est disponible par abonnement, Ndlr]”, ajoute Adrien Farras. Le dirigeant assure que l’entreprise “a effectué un mois de janvier [2025] rentable, car nous maîtrisons nos coûts. Nous ne cherchons toutefois pas à être rentable sur l’année, dans la mesure où nous souhaitons capter plus de parts de marché”. La start-up a notamment débuté son expansion à l’international au premier trimestre 2025, en ouvrant le marché polonais. Le bureau, situé à Cracovie et composé de trois personnes, est dirigé par Pierre Jeannes, un ancien de la division FX de BNP Paribas, comme les cofondateurs. “D’après notre étude de marché, la Pologne est un marché où le gouvernement met des choses en place pour rattraper son retard en matière de transition écologique et où des efforts sont demandés aux entreprises sur le sujet [fin 2023, un gouvernement centriste a repris le pouvoir aux mains des conservateurs, Ndlr], justifie Adrien Farras. En outre, en tant que membre de l’Union européenne, la Pologne a une proximité culturelle avec la France, à la différence que sa devise nationale est le zloty et non l’euro. Dès lors, pour chaque échange en dehors de ses frontières, des rails de paiement sont nécessaires, ce qui rend ce marché plus intéressant pour nous que tout autre au sein de la zone euro.” Sur ce marché, la société cherche aussi à adresser les entreprises en s’appuyant sur des canaux de distribution comme les établissements bancaires, affirme-t-elle à mind Fintech. Keewe se lancera dans un nouveau pays début 2026. “À horizon 2030, nous avons l’ambition d’être présents dans six pays et de réaliser 100 millions d’euros de chiffre d’affaires”, prévoit Adrien Farras. D’ici là, la start-up mise sur une nouvelle croissance à trois chiffres pour tutoyer les 10 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025. La société a réalisé deux levées de fonds depuis sa création. Une première de 1,25 million d’euros auprès de business angels en 2022, puis une deuxième de 3 millions d’euros auprès du Blast.Club d’Anthony Bourbon, de Dovesco, family office belge, et de ses investisseurs historiques. Caroline Soutarson finance durablepaiements internationaux Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Comment les calculateurs d’empreinte carbone s’introduisent dans les offres bancaires Confidentiel [Info mind Fintech] Fin de parcours pour la néobanque à impact OnlyOne Younited acquiert la néobanque verte Helios Green-Got se lance dans les produits structurés