Accueil > Services bancaires > Open banking > Michaël Diguet : “Algoan veut devenir le leader européen du score open banking de crédit” Michaël Diguet : “Algoan veut devenir le leader européen du score open banking de crédit” En annonçant sa décision de basculer tous ses parcours de crédit à la consommation sur un score open banking calculé par Algoan, Sofinco (Crédit Agricole) a initié une petite révolution sur le marché du crédit français, assure Michaël Diguet, CEO d’Algoan. La société, désormais rentable, vise le cap des 5 millions d’euros de revenu annuel récurrent au premier semestre et met l’accent sur l’international. Par Aude Fredouelle. Publié le 22 janvier 2025 à 11h15 - Mis à jour le 10 février 2025 à 15h20 Ressources En février 2024, lors d’une interview accordée à mind Fintech, vous regrettiez que les volumes de scores de crédit open banking soient encore faibles mais vous prévoyiez une bascule de l’ensemble du marché dans les années à venir. À peine un an plus tard, qu’en est-il ? Nous sommes extrêmement satisfaits de notre année 2024. Nous avions même sous-estimé la force de la bascule et nous sommes au-delà de nos objectifs, ce qui est d’autant plus gratifiant dans un contexte difficile. Notre premier objectif, à la suite des investissements réalisés par Sopra et par Mastercard au sein de la société (respectivement en février 2023 et juin 2023 en obligations convertibles), était d’atteindre la rentabilité. Nous y sommes parvenus plus tôt que prévu, en mai 2024, et nous avons même enregistré un cash-flow positif, ce qui nous donne une indépendance financière totale. Désormais, nous ne lèverons des fonds que pour accélérer notre développement, ce qui représente un changement significatif dans notre gestion et nous apporte de la sérénité. Sur l’année 2024, nos résultats seront encore très légèrement négatifs. Finalement, tout s’est passé comme prévu… mais avec plusieurs années de retard. La prise de conscience des directions générales des acteurs du crédit sur l’enjeu de l’open banking a eu lieu plutôt vers 2021 et 2022 que dès 2019. Et la bascule complète d’un grand acteur a entraîné le reste du marché, encore plus vite que nous l’avions imaginé. Ce grand acteur est le Crédit Agricole [Crédit Agricole Personal Finance and Mobility (CAPFM), sous la marque Sofinco. CAPFM a lancé son premier parcours basé sur le score open banking d’Algoan fin octobre 2023 pour le paiement fractionné et a constaté “un impact positif dans la maîtrise du risque”. La société l’étend depuis juin 2024 au crédit à la consommation, Ndlr] Depuis, tous les grands acteurs du secteur décident, eux aussi, de basculer progressivement complètement vers le score open banking, avec des objectifs très ambitieux. Cela change complètement la donne pour nous. Nous avons déjà converti environ 50 % de l’objectif du Crédit Agricole, mais je pense même que CAPFM sous-estime l’ampleur des volumes et des cas d’usage que cela pourrait représenter. Désormais, tous les dirigeants des principaux acteurs du crédit à la consommation ont l’intention de passer à 100 % sur l’open banking. La révision de la directive européenne sur le crédit aura été l’étincelle décisive : elle impose la preuve des charges de l’emprunteur, rendant l’open banking incontournable pour analyser les comptes bancaires et respecter la réglementation. Nous travaillons aujourd’hui avec l’ensemble des groupes bancaires et, lorsqu’ils sont déjà clients, avec de plus en plus de nouvelles divisions. Nous recevons aussi beaucoup de leads d’acteurs du financement qui nous demandent de les équiper du score open banking en anticipation de la réglementation – parfois pour du rachat de crédit, du BNPL… Alors que nous ne recevions il y a un an qu’un ou deux leads intéressants par mois, nous sommes passés à deux ou trois par jour. C’est un véritable changement d’échelle. Révision de la directive sur le crédit : les acteurs du BNPL se préparent à rentrer dans le cadre Le score open banking devient-il le seul parcours proposé aux clients ? Les acteurs traditionnels continuent pour l’instant de proposer une alternative pour des raisons de conformité mais celle-ci est souvent peu mise en avant, car les performances sont bien meilleures avec le score de crédit d’Algoan. Au-delà du gain sur le risque, la conversion atteint en moyenne 70 % sur ces parcours, grâce à l’amélioration des parcours app-to-app pour l’authentification et à la maturité des API bancaires. Revolut, qui ne propose d’ailleurs que le parcours open banking, assure que le taux d’utilisateurs finalisant le parcours est même encore plus élevé. Pourriez-vous également être partenaire de Revolut pour le crédit immobilier, qui doit bientôt être lancé en France ? Nous nous positionnons en tout cas comme le prestataire de référence de Revolut sur ces sujets dans le pays, et la France est le marché où le risque est le mieux géré pour la société. Par ailleurs, nous allons être déployés à l’international chez Revolut dans le futur. Le recours à l’open banking est tout de même moins évident pour le paiement fractionné (BNPL), qui privilégie des parcours extrêmement courts et où le risque est moins élevé, que pour le crédit à la consommation. Les acteurs du BNPL espèrent d’ailleurs pouvoir l’éviter en s’appuyant sur le principe de proportionnalité évoqué dans la directive européenne… Je suis persuadé que le BNPL basculera aussi sur les scores open banking. Aujourd’hui, cela dégrade peut-être les taux de transformation sur un parcours de paiement en plusieurs fois, comme a pu le dire Alma par exemple, qui ne l’utilise donc qu’en rattrapage. Mais dans quelques années, ce sera tellement habituel pour les clients que cela ne sera plus le cas. Algoan a enregistré en 2023 un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros pour une perte nette de 1,14 million d’euros en 2023. Quels ont été vos résultats en 2024 ? Nous doublons le MRR (revenu mensuel récurrent) tous les douze mois. En décembre 2024, il était même en hausse de 150 % par rapport à fin 2023. Et en 2025, nous souhaitons encore doubler notre activité. Début 2024, vous comptiez environ 100 000 appels de scores par mois. Combien en dénombrez-vous actuellement ? Plusieurs centaines de milliers d’appels à l’octroi par mois. Et si l’on compte aussi le “refresh”, dont le prix est moins élevé, plusieurs millions par mois. Avec le consentement d’accès aux comptes valable six mois, Algoan Refresh permet de surveiller les fragilités des comptes et de proposer des solutions en amont du recouvrement. Quel est le coût moyen des appels ? Cela dépend des volumes. Les clients payent une licence fixe mensuelle sur des engagements pluriannuels, couvrant notamment notre rôle de PSEE [prestataire de services essentiels externalisé, Ndlr], avec des obligations d’audit et de reportings assez lourdes. Nous facturons ensuite les appels en fonction des volumes. Lorsqu’ils commencent à devenir plus importants, nous privilégions une facturation plus simple, sans licence : le client achète pour deux ou trois ans X millions d’appels à un prix donné. Nous allons progressivement basculer vers ce modèle, qui permet aussi au client de bénéficier d’un paiement mensuel alors que nous demandions auparavant un an de licence en amont, pour gérer notre trésorerie. Combien de clients comptez-vous aujourd’hui ? Aujourd’hui, nous avons environ 35 clients, dont la totalité des grands groupes bancaires français [Algoan compte parmi ses clients Franfinance, Cetelem, Financo, Oney, Floa, Cofidis, Premista, bunq, Revolut, Docaposte, Toyota Financial Services, Solarisbank, Silvr, American Express… Ndlr]. Nous avons signé des contrats dans sept pays et nous sommes présents à l’international avec de bonnes performances (deux clients au Royaume-Uni, deux en Espagne, deux aux Pays-Bas, un en Allemagne, deux en Belgique, un en Irlande…). Ce qui nous limite, ce sont nos forces commerciales et l’absence de bureaux à l’étranger. Par contre, nous sommes aidés par Mastercard et Sopra – à l’origine de la grande majorité de nos contrats étrangers. Maintenant que nous avons atteint notre objectif de rentabilité et une forte croissance, le but est de prouver notre capacité à devenir vraiment international. Notre proposition est assimilable à celle d’un credit bureau. Peu sont présents à l’international, c’est habituellement une activité plutôt nationale. Notre objectif est de proposer une API unique dans un ensemble de pays et de tirer notre chiffre d’affaires de manière plus équilibrée dans différents pays européens. Alors, nous aurons prouvé que l’on peut gérer cette problématique de manière internationale grâce au standard qu’est l’open banking. Quels sont vos concurrents en Europe ? Aujourd’hui, nous sommes l’acteur le plus européen sur l’open banking. Nous pouvons faire face lors des appels d’offres à Experian, Equifax ou CRIF, mais nous sommes plus internationaux qu’eux sur cet aspect. Leurs offres commencent à bien fonctionner, mais plutôt dans leur pays d’origine : CRIF en Italie, Experian au Royaume-Uni, Equifax au Royaume-Uni (notamment grâce au rachat d’AccountScore en 2021) et en Espagne… Et les niveaux de performance de l’open banking ne sont pas extrêmement bons, même sur leurs marchés locaux, car ces credit bureau le voit comme une menace plutôt qu’une opportunité. Hormis au Royaume-Uni, où les credit bureau sont performants, les scores open banking nous permettent pourtant d’obtenir de meilleurs niveaux de performance. Notre vraie compétition, ce sont les credit bureau, avec leur tendance à faire du dumping sur les prix. L’un d’entre eux propose même le score open banking gratuitement en complément du score historique, en le présentant comme un “add-on”. Du côté des fintech, Kredit Kudos a été racheté par Apple et Nordigen par Gocardless, plutôt pour leur usage interne, et les acteurs britanniques comme DirectID, Bud ou Atto restent très locaux. Les initiatives des GAFAM dans les services financiers Combien de collaborateurs comptez-vous ? Nous sommes une petite trentaine. Nous avons été plus nombreux mais nous avons cessé de recruter et l’équipe s’est resserrée avec les départs naturels. Nous avons maintenant une équipe très solide et nous réouvrons les recrutements, mais de manière très sélective. Nous ne voulons pas retomber dans l’hypercroissance de 2021, indépendamment de considérations sur la rentabilité. Actuellement, trois postes sont ouverts. Pour le développement à l’étranger, nous avons des discussions avec des profils internationaux. Nous allons effectuer des recrutements sur le plan commercial, même si ce n’est pas simple car c’est un métier assez spécifique avec une dimension innovante très forte. Nous serons très sélectifs dans les recrutements, mais nous allons en effet avoir besoin d’équipes commerciales locales. Nous recruterons aussi des collaborateurs sur le plan produit, car il y a des spécificités locales et il faut entraîner les algorithmes qui analysent et catégorisent les transactions bancaires. Nous utilisons aussi beaucoup des LLM, qui sont très pertinents pour entraîner les modèles. On en utilise plusieurs, en open source, qu’on installe sur nos infrastructures. On a testé par exemple les technologies de Meta (LLaMA) et Mistral. Nous avons aussi testé OpenAI, mais uniquement pour comparer les performances car cela présente des problématiques de gestion de la donnée. Les algorithmes de “clustering” sont assez sophistiqués, de même que ceux qui permettent d’analyser les libellés. Ce qui est clé, c’est de faire en sorte que l’IA puisse réaliser une recherche sur Internet sur une transaction bancaire. Toutefois, bien qu’elles puissent réaliser 80 % du travail, elles ne remplacent pas complètement l’humain, donc nous faisons appel à des experts crédit dans chaque marché pour entraîner les IA. Souhaitez-vous lever des fonds pour grossir et accélérer ? À moyen terme, il faudra relever de l’argent pour investir. Nous enregistrons actuellement la croissance la plus forte de notre histoire. Nous nous sommes fixés un niveau d’ARR (revenu annuel récurrent) à atteindre avant de se poser la question d’un tour de table et de recruter à l’international. Ce seuil de 5 millions d’euros d’ARR (qui ne comprend donc pas les frais de set-up ou de PoC) devrait être atteint au premier semestre 2025. L’objectif serait alors de lever entre 2 et 5 millions d’euros de cash-in, avec probablement un peu de secondaire en complément. Cela nous permettrait de poursuivre une croissance raisonnable, sans lever de manière démesurée. Allez-vous aussi cibler d’autres régions du monde que l’Europe ? Nous restons avant tout concentrés sur l’Europe, mais nous recevons parfois des opportunités d’Amérique du sud ou d’Asie du Sud-est. L’open banking est un phénomène mondial et tout le monde a compris partout dans le monde que c’est très puissant. Ce sont des leads qui peuvent être rémunérateurs, mais nous devons nous poser la question de la capacité de notre équipe data science. Quels sont vos KPIs ? Les indicateurs que nous donnons depuis plusieurs années continuent de se confirmer : un score de Gini au-delà de 70 % et, à iso-risque, nous sommes capables d’octroyer 40 % de crédits en plus, ce qui est une révolution. À l’inverse, si le client souhaite octroyer le même nombre de crédits, nous divisons son risque par deux. Après avoir décroché l’agrément open banking AIS, vous avez lancé en 2023 une solution packagée baptisée Algoan Transaction Data, qui regroupe l’open banking et le score et évite à vos clients de contracter à la fois avec vous et avec une ou des plateformes d’open banking. A-t-elle eu du succès ? Tous les nouveaux clients prennent l’offre packagée. Nous avons développé des fonctionnalités spécifiques pour le prêt et une nouvelle expérience utilisateur, et cette offre simplifiée rencontre un grand succès. Nous continuons à passer par nos plateformes d’open banking partenaires pour accéder à la donnée bancaire et ne réalisons pas de marge dessus. Les sociétés autorisées DSP2 Avez-vous lancé d’autres nouveautés produit ? Désormais, nous proposons aussi des scores de crédit pour les professionnels, notamment sous l’impulsion de Mastercard. Nous n’avons encore que quelques clients sur ce segment, mais nous avons été très surpris de la qualité des résultats – le score de Gini est presque aussi bon que pour les particuliers. Nous le proposons pour des crédits aux alentours de 100 000 euros, pour des entreprises de moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et en excluant certains domaines d’activités pour lesquels le score n’est pas assez discriminant. Nous avons signé des fintech et avons de très belles références dans le pipe commercial. Mais là encore, il nous faudrait une force commerciale plus importante pour vraiment développer ce segment, et l’international reste notre priorité. Aude Fredouelle BNPLcrédit en ligneopen bankingrégulationscoring Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretien Michaël Diguet (Algoan) : “Une grande banque française va basculer en 2024 tous ses parcours de crédit conso sur l’open banking”