Accueil > Industrie > IMPACT : la e-santé mentale face à l’urgence de son développement IMPACT : la e-santé mentale face à l’urgence de son développement La seconde édition de l’appel à projets IMPACT a été lancée le 8 mars dernier. Ce programme réunit des acteurs publics et privés du soin et de la recherche autour d’une ambition commune : accélérer le développement de solutions numériques pour la prévention, le suivi et la prise en charge de la santé mentale. À l’origine de cette initiative, le Pr Gérard Friedlander, délégué général de la Fondation Université Paris Cité et le Dr Aurélie Lécuyer, directrice médicale chez Otsuka France, reviennent sur la genèse de cet accélérateur et les défis de l’accompagnement des start-up en santé mentale. Par Romain Bonfillon. Publié le 16 mars 2023 à 12h08 - Mis à jour le 21 mars 2023 à 14h38 Ressources Selon une récente étude de Santé publique France, la proportion des 18-24 ans ayant traversé un épisode dépressif a augmenté de 9 points entre 2017 (11,7%) et 2021 (20,8%). Cette hausse relativement brutale des besoins de soins s’est ajoutée comme un nouveau défi au secteur de la psychiatrie, qui fait face depuis de nombreuses années à une crise majeure de moyens, humains et financiers. Aussi, avec le même souci de répondre à un problème de santé publique que le projet PROPSY, le comité santé mentale du Leem ou le “Grand Défi” en e-santé mentale, l’initiative “IMPACT – Accélérateur d’Innovation en Santé Mentale” a été lancée, en septembre 2021. “La prise de conscience du besoin d’accélérer dans les solutions en santé mentale a eu incontestablement lieu en France, se félicite le Pr Gérard Friedlander, délégué général de la Fondation Université Paris Cité et co-fondateur de l’initiative IMPACT. “Le champ de la santé mentale est probablement l’un de ceux où le décalage entre l’offre et la demande de soins est le plus important” Pr Gérard Friedlander, délégué général de la Fondation Université Paris Cité “Les pouvoirs publics et les financeurs ont également pris conscience que le champ de la santé mentale est probablement l’un de ceux où le décalage entre l’offre et la demande de soins est le plus important, poursuit-il. Mais il ne suffit pas de donner des sous. Il faut accompagner. Cela signifie aussi bien aider les start-up à accumuler des datas pertinentes mais aussi mettre dans la boucle les instances comme la HAS pour accélérer l’examen et éventuellement le remboursement de solutions numériques”. À noter que l’implication d’instances évaluatrices dans un programme d’accélération est un choix stratégique qu’a récemment fait l’Agence de l’innovation en santé. TENDANCES 2023 : 4 nouveaux marchés de la e-santé De l’intérêt des partenariats public/privé Dès la création de l’accélérateur IMPACT, les initiateurs du projet ont mis en avant la nécessité de faire collaborer des acteurs publics et des acteurs privés, pour parvenir à un accompagnement efficace et pérenne financièrement. Ainsi, parmi les membres fondateurs de l’initiative, figurent aux côtés d’acteurs publics (PariSanté Campus, la Fondation Université de Paris, l’AP-HP, France Biotech, l’ARIIS et la Fédération Française de l’Assurance) d’importants acteurs privés : AXA France, Janssen France, Eisai et Otsuka. “Otsuka est un groupe pharmaceutique historiquement impliqué en santé mentale, justifie Aurélie Lécuyer. C’est le premier pilier du groupe, notamment en termes de recherche. Nous avons donc répondu présent très rapidement à cette idée d’incubateur”. Du côté des acteurs publics, cette coopération est tout simplement vitale pour pouvoir lancer des projets de recherche. “Lorsque j’ai pris pour la première fois la direction d’une unité mixte, université/INSERM, en 1995, la dotation récurrente de l’INSERM couvrait 90% de mes besoins de fonctionnement, se souvient le Pr Gérard Friedlander. Lorsque j’ai cessé mes fonctions plus de 20 ans plus tard, cette dotation couvrait entre 10 et 15% de mon budget de fonctionnement. Les plus gros financements que nous avons obtenus pour accélérer notre recherche, poursuit-il, nous les avons eus auprès de laboratoires comme Roche, d’initiatives comme MSDAVENIR qui, au lieu de vous donner 200 000€ au coup par coup, mettent sur la table entre 1,5 M€ et 3M€ pour un programme de recherche pluriannuel. Cela change tout parce que cet argent permet d’embaucher, de faire une vraie prospective de développement…et, pour le coup, d’accélérer vraiment. ” Retour sur la première édition Une cinquantaine de dossiers de candidatures avaient été soumis lors du lancement de l’accélérateur. En janvier 2022, 5 start-up furent retenues : Fedmind, Litdhospi, Tricky, Tech2Heal et sa solution QOOKKA et ResilEyes Therapeutics. “Toutes n’étaient pas au même niveau de maturité, explique Aurélie Lécuyer. Lorsqu’elles sont arrivées dans le circuit d’accompagnement, un bilan a été fait. Nous les avons aussi fait dialoguer avec nos partenaires pour mieux comprendre et affiner leurs besoins. De façon globale la première édition d’IMPACT a permis d’apporter aux 5 start-up sélectionnées un programme d’accélération sur mesure avec un taux de satisfaction élevé”, relève-t-elle. “L’incubateur peut essentiellement apporter un mécénat de compétences, ajoute Gérard Friedlander. Nous nous sommes aperçus que la quasi-totalité de ces start-up n’étaient pas fondées par des médecins. Lorsqu’on leur parle de santé mentale, il y a donc une acculturation qui est indispensable”. La question de la maturité Au-delà de l’expertise médicale, qu’il peut contribuer à améliorer, l’accélérateur trouve cependant ses limites dans sa capacité à faire décoller de très jeunes sociétés. “Le meilleur accompagnement du monde ne remplace pas la solidité de l’assise financière et du projet de développement d’une start-up, analyse Gérard Friedlander. Nous l’avons vu : les plus fragiles, celles qui étaient le plus en amont dans leur projet, ont vécu une période difficile, dans un contexte post-pandémique qui était en outre très compliqué. C’est un sale temps pour les start-up.” et d’ajouter : “la question peut se poser, pour cette deuxième édition, de savoir si l’on prendra des start-up très en amont dans leur processus de maturité”. “À nous de trouver un juste équilibre entre le besoin de développement – nous ne pouvons pas avoir des “start-up prêtes à lancer” – et le niveau de maturité nécessaire”, abonde Aurélie Lécuyer. Ce sera notre travail cette année de trouver ce juste milieu.” Applications de santé mentale: raisons et limites d’un succès IMPACT, saison 2 L’appel à projets IMPACT2, mis en ligne le 8 mars dernier, comporte plusieurs nouveautés par rapport à celui de l’an dernier. Pour cette deuxième édition, au-delà de l’accompagnement classique (mentoring, coaching, connexion à l’écosystème…), des modules spécifiques seront mis en place, dédiés aux données de santé, à l’évaluation de l’impact des solutions, à la mise en perspective de la santé mentale sous plusieurs angles (parcours de soin, prise en charge) et à l’accès à des terrains d’expérimentation. “La question qui est vraiment centrale pour les start-up est de savoir quelles données de santé elles doivent générer pour accéder au marché, observe Aurélie Lécuyer. Évidemment, cela pose la question de l’accès au remboursement. Il existe aujourd’hui plusieurs moyens pour y parvenir, dont certains restent encore à clarifier” (l’entrée dans le droit commun, le 1er juillet 2023, du remboursement des dispositifs de télésurveillance a encore sa part d’inconnues, notamment la grille tarifaire. Des précisions doivent également être apportées concernant la prise en charge accélérée des dispositifs médicaux numériques. Un arrêté, toujours en attente, était attendu pour fin janvier 2023, ndlr). En outre, afin que le programme s’adresse au plus grand nombre d’acteurs possible (le premier AAP ne concernait que des solutions qui ciblent des ruptures de parcours de soins en santé mentale), l’AAP 2022/2023 d’IMPACT s’est élargi à trois thématiques : “la prévention, le suivi et la prise en charge, la continuité extra-hospitalière de l’accompagnement avec un élargissement du périmètre à la pédopsychiatrie, la psychiatrie de l’adulte et la démence des personnes âgées” détaille Gérard Friedlander. Ce dernier accordera une attention toute particulière à la satisfaction-patient apportée par les solutions candidates. “La satisfaction-patient, explique-t-il, s’inscrit dans une dynamique qu’on appelle les PROMs (Patient-reported outcome measures). Ce feedback des patients sur l’aide qu’une solution, quelle qu’elle soit, peut leur apporter s’applique aussi pour les solutions digitales et dans le domaine de la santé mentale. Il va d’ailleurs devenir de plus en plus important, pour les patients, les professionnels et les payeurs”, prédit-il. Le calendrier d’IMPACT 2 Du 8 mars au 17 avril 2023 : appel à projets Du 17 au 27 avril 2023 : sélection des projets lauréats À partir de 28 avril 2023 : annonce des lauréats, puis déploiement du programme d’accompagnement de 9 mois E-santé mentale : les verrous au développement du marché français Dans une période où les investissements en e-santé ont significativement ralenti parce que les acteurs du capital-risque se montrent plus prudents (cf. notre baromètre 2022 des levées de fonds), le marché français de la santé mentale peine à trouver des débouchés. “Peu d’industriels se sont penchés sur ce secteur, notamment en raison d’un problème de modèle économique, analysait David Sainati, dans un récent entretien accordé à mind Health. Le coordinateur de la Stratégie d’Accélération Santé numérique (SASN) pointait alors du doigt notre “grand besoin de débloquer les verrous d’évaluation clinique et d’accès au marché”. Le secteur de la e-santé mentale est, de fait en France, encore balbutiant. Pour preuve, la famille des thérapies numériques (DTx) dans laquelle ces solutions sont pour la plupart appelées à s’inscrire, ne compte aujourd’hui que deux dispositifs remboursés : Moovcare et l’application OdySight de Tilak Healthcare (sous la modalité dérogatoire de l’article 51). À noter qu’outre-Atlantique, ce marché de la e-santé mentale est beaucoup plus mature qu’en France. Il poursuit même sa consolidation. Selon un rapport de la Silicon Valley Bank (publié cinq mois avant sa mise en faillite), les plateformes de soins de santé mentale représentaient la moitié des investissements dans la healthtech en 2021. Leur part a même atteint 69% fin 2022. Romain Bonfillon AccélérateurDispositif médicalDonnées de santéFinancementsLaboratoiresParcours de soinsPatientRechercheSanté mentaleTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind