Accueil > Parcours de soins > TENDANCES 2025 – Comment l’IA transforme les essais cliniques en accélérant le recrutement des patients ? TENDANCES 2025 – Comment l’IA transforme les essais cliniques en accélérant le recrutement des patients ? mind Health décrypte 10 tendances qui marqueront l'année 2025. Utilisée pour concevoir et optimiser les essais cliniques, l'intelligence artificielle est rapidement devenue un outil indispensable aux chercheurs. Mais c'est dans la phase très chronophage de recrutement des patients qu'elle s'avère aujourd'hui la plus précieuse, grâce à la multiplication d'outils permettant la collecte automatisée des données ou la génération de données dites synthétiques. Par Romain Bonfillon. Publié le 28 janvier 2025 à 8h00 - Mis à jour le 10 juin 2025 à 15h17 Ressources Contexte : Selon un rapport d’IQVIA paru en 2024 et dédié à la R&D en oncologie, les temps d’attente tendent à s’allonger entre chacune des phases des essais cliniques. En cause : les difficultés de recrutement de patients. Ainsi, le nombre de patients inscrits dans les essais cliniques a chuté de 11% en 2023 par rapport à 2021. Selon Kourosh Davarpanah, cofondateur et CEO d’Inato, “70% des essais cliniques sont aujourd’hui concentrés sur 5% des principaux hôpitaux, alors que 90 % des sites potentiels sont sous-utilisés pour la recherche clinique”. L’intelligence artificielle (IA), au travers notamment des données dites synthétiques, est une piste pour répondre au défi du recrutement des patients dans les essais cliniques. En quoi c’est important : L’enjeu d’un meilleur recrutement des patients est de pouvoir accélérer la recherche clinique en apportant des éléments de démonstration qui participent au développement des produits de santé (DM ou médicaments). La phase de recrutement peut en effet être particulièrement longue, notamment dans le cadre des maladies rares. Or, en oncologie notamment, les traitements sont de plus en plus ciblés et les cancers s’apparentent de plus en plus à des maladies rares. La cancérologie fait donc face à une pénurie de données patients, ce qui rend le recours à des données synthétiques plus urgent et nécessaire. Claire Biot, vice-présidente de l’Industrie de la santé chez Dassault Systèmes Medidata, qui dispose des droits d’usage secondaires sur les données de plus de 10 millions de patients, crée aujourd’hui des bras de contrôle synthétiques “pour aider les promoteurs d’essais cliniques à se benchmarker, pour optimiser leurs protocoles, et notamment leur faire connaître les sites qui recrutent à l’heure. Nous savons que le recrutement des patients est le nerf de la guerre, 30% des essais cliniques dans le monde se terminent sans résultat faute d’avoir réussi à recruter des patients. Aussi, 4 sites investigateurs sur 5 sont en retard sur leur programme”, témoigne Claire Biot, vice-présidente de l’Industrie de la santé chez Dassault Systèmes. Le recours à ces données synthétiques répond aussi à des exigences éthiques, pour éviter aux patients ce que le Pr Besse, directeur de la recherche clinique à Gustave Roussy, appelle le bras “pas de chance”. Lorsqu’on est face à un traitement innovant, et que l’on sait que les patients qui n’en bénéficieront pas, auront une perte de chance, le recours à des données synthétiques peut permettre d’apporter la preuve de l’efficacité du traitement. Les données synthétiques sont-elles l’avenir des essais cliniques ? Les études cliniques décentralisées peuvent également permettre d’améliorer le recrutement des patients, en leur évitant de se déplacer dans les centres d’investigation. Dans ce domaine, on peut citer les solutions développées par la start-up SKEZI, spécialisée dans la collecte de données de santé et la gestion de e-cohortes, ou la société britannique iLoF qui permet la stratification des patients pour les essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer. À noter que l’essor des EDS hospitaliers doit, à terme, permettre d’améliorer le recrutement des patients. Les solutions de gestion des données de ces bases (comme celles d’Arkhn, codoc et HOPSIIA) mettent en avant leur capacité à identifier plus facilement les patients éligibles à un essai clinique. Mais pour recruter encore plus de patients et être plus performants, ces EDS doivent faire face à plusieurs défis, notamment celui de l’harmonisation et de la mise en réseau de leurs données. Quelles pistes pour accélérer la recherche clinique ? Signaux forts/faibles : En mai 2024, la Food and Drug Administration (FDA) a compilé les différentes pistes qu’elle explore pour promouvoir l’innovation en matière d’essais cliniques. L’une des priorités de la FDA est de favoriser la diversité dans les essais cliniques en améliorant l’inclusion de certaines populations (enfants, femmes enceintes, personnes âgées, groupes ethniques sous-représentés). Elle a publié des directives traitant spécifiquement de leur recrutement, d’autres concernant les essais décentralisés ainsi qu’un projet de directive concernant le consentement éclairé. Selon le livre blanc “Données de santé artificielles : analyses et pistes de réflexion” publié en avril 2024 et coordonné par la Pr Stéphanie Allassonnière et le Dr Jean-Louis Fraysse, ces données synthétiques pourraient permettre de constituer des cohortes artificielles résolvant le problème du recrutement des patients dans les essais ciblant les maladies rares ou les essais pédiatriques. Elles permettraient également d’augmenter la diversité des cohortes en les enrichissant avec des patients sous-représentés (femmes enceintes, personnes âgées, etc.). Les régulateurs face aux nouvelles méthodologies d’essais cliniques Le ministère de la santé, la DGOS, l’ANSM et la CNIL ont lancé en juin dernier une phase pilote pour accompagner, via un guichet unique, les promoteurs dans la conception de leurs projets de recherches cliniques décentralisés. Les cancers du sein triple négatif en rechute moins d’un an après la fin des traitements sont particulièrement agressifs et sans offre thérapeutique efficace. L’Institut Gustave Roussy a annoncé le 24 juin l’ouverture du programme COMPASS intégrant une plateforme dédiée afin de proposer aux patientes concernées d’accéder à des essais cliniques spécifiques. Klineo est partenaire de Gustave Roussy pour identifier l’essai clinique le plus adapté pour chaque patiente en fonction de son histoire médicale, son âge ou encore sa localisation géographique. La techbio franco-américaine Owkin a annoncé le 13 août 2024 sa collaboration avec la coopérative des biobanques finlandaises (FINBB). La FINBB gère un guichet unique numérique qui permet d’accéder à des échantillons de patients, des données cliniques, des données biologiques et des données de recrutement patients. Owkin pourra donc accéder à cette collection de 11 millions de données provenant des huit biobanques publiques finlandaises. La société Ospi, spécialisée en données de santé et IA, en partenariat avec le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Toulouse, a lancé cette année le projet AIIPIK (Artificial Intelligence to Improve Patient Inclusion and Knowledge) afin de l’expérimenter dans un environnement clinique réel. AIIPIK, soutenu par Amgen, a consisté à tester la capacité d’un logiciel d’IA d’Ospi pour analyser en continu des comptes rendus médicaux et identifier les patients éligibles à un essai clinique pour un certain sous-type de cancer du poumon. Formation Bio a présenté le 12 novembre 2024 son outil Muse, construit en collaboration avec OpenAI et Sanofi. Il est destiné à optimiser le recrutement de patients pour les essais cliniques. Alimenté par l’IA, Muse entend faire passer ces délais de recrutement “de plusieurs mois à quelques minutes seulement”. L’outil compile des recherches approfondies sur les maladies, les caractéristiques démographiques des patients et le paysage concurrentiel, afin de bâtir une stratégie de recrutement. Perspectives 2025 Sur la base du moteur d’IA de Dalvia Santé, La Poste Santé & Autonomie a annoncé en octobre dernier le lancement prochain de la phase d’expérimentation de Dalvia Clinical Trial, une solution d’IA générative pour la recherche clinique. “Nous allons travailler avec des hôpitaux et des industriels de santé pour aider au repérage des patients qui peuvent bénéficier d’études cliniques innovantes. Je voudrais que l’on commence avec 2 ou 3 hôpitaux et 2 ou 3 sociétés savantes pour voir si cela fonctionne. La solution sera ensuite testée sur le premier semestre 2025”, explique Dominique Pon, directeur général de La Poste Sante & Autonomie . La cohorte LUCC, centrée sur les patients atteints du cancer du poumon, s’appuie sur un outil de collecte automatique des données de vie réelle développé par Lifen et co-construit avec Gustave Roussy. Lifen visait l’inclusion de 5000 patients dans cette cohorte multicentrique. Avec à date sept établissements partenaires et plus de 4600 patients inclus, l’objectif est en passe d’être atteint. Comment Lifen et Gustave Roussy ont construit un outil de collecte automatique des données de vie réelle Le projet de loi de simplification de la vie économique devrait être voté courant 2025. Au travers de ce projet, les chercheurs espèrent que des dispositifs comme le e-consentement et le e-monitoring (dérogatoire pendant la période Covid) vont pouvoir entrer dans le droit commun et être utilisés en routine. Comme le rappelle le Pr Karim Asehnoune, président du CNCR (Comité national de coordination de la recherche), “la décentralisation et la dématérialisation des essais cliniques, grâce au e-consentement et au e-monitoring, sont par exemple une recommandation européenne, mais la France n’a pas encore fait sauter les verrous réglementaires pour permettre la digitalisation des essais. Résultat : aujourd’hui, 30% de mon budget passe dans les voyages de nos ARC (les attaché(s)s de recherche clinique, ndlr), ce n’est pas un modèle supportable. Or, la Cnil n’est pas opposée à rendre les essais décentralisés possibles, dès lors que le politique donne son aval”. Au-delà de la mise en œuvre d’une base nationale des essais cliniques (ECLAIRE), sur laquelle travaille la DNS, l’AIS (Agence de l’innovation en santé) mène des travaux pour aider à la digitalisation et à la décentralisation de la recherche clinique. “Nous avons lancé des travaux avec des financements à hauteur de 8 millions d’euros pour permettre de faire évoluer les SIH”, rappelle Lise Alter à mind Health. Romain Bonfillon Données synthétiquesEssais cliniquesIntelligence ArtificielleMaladies raresPatients Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind