Accueil > Adtechs & Martechs > Après cookies : le lent développement des alliances de login commun Après cookies : le lent développement des alliances de login commun À l’image de Nonio au Portugal,ou Verimi et netID en Allemagne - qui ont inspiré PassMedia en France -, des alliances d’éditeurs médias avec d’autres acteurs du marché (opérateurs télécoms, e-commerçants...) pour proposer un login commun ont émergé ces dernières années en Europe, avec des ambitions marquées sur le marché publicitaire. Depuis 2017, le contexte réglementaire et la politique des navigateurs se sont considérablement durcis, et ces alternatives mettent du temps à tenir leurs promesses. Par Paul Roy. Publié le 22 avril 2021 à 17h03 - Mis à jour le 29 avril 2021 à 10h53 Ressources Plusieurs initiatives de SSO (single sign on) et logins communs à plusieurs acteurs ont vu le jour en Europe depuis 2016. Elles sont nées d’une volonté de se positionner contre les entreprises technologiques américaines en matière d’identification et sur le marché publicitaire, d’anticiper la fin des cookies tiers ; mais aussi de s’adapter à un contexte réglementaire de plus en plus contraignant et à une évolution des attentes de la population civile concernant la protection de leurs données personnelles. Nonio a été la première à émerger dès 2016 au Portugal, et bénéficiait paradoxalement d’un financement du fonds Google News Initiative, à hauteur de 600 000 euros. Portée par la Plataforma de Meios Privados (PMP), association de six éditeurs majeurs qui représentent 85 % du reach dans le pays (Impresa, Global Media, Cofina, Media Capital, Publico et Renascença), elle comprenait à la fois un SSO commun présent sur les sites des éditeurs ; une plateforme de gestion de l’identité et des accès client (opérée par Gygia) ; et une DMP à l’époque fournie par CXense (racheté par Piano en 2019) pour la segmentation des audiences. Comment des éditeurs portugais lancent leur alliance data, Nonio Toujours un enjeu d’adoption par les internautes L’enjeu et l’intérêt du login ont été rapidement identifiés côté industrie publicitaire et des médias, mais restait-il encore à convaincre les internautes de s’enregistrer. Dans cette optique, Nonio a lancé une vaste campagne de communication BtoC en 2018. L’alliance portugaise a ainsi atteint 700 000 inscrits en avril 2018, 1,5 million en 2019, et en compte 2,5 millions aujourd’hui, soit plus d’un tiers des internautes portugais, dans un marché local des médias très concentré. Le login est obligatoire après un article consulté sur un des sites de l’alliance. Le marché publicitaire face à la fin des cookies tiers Outre-Rhin, l’alliance Verimi, qui propose une solution de login comun, concentrait beaucoup d’attentes à sa création en 2017, notamment car elle réunissait des actionnaires de secteurs d’activités variés : l’opérateur Deutsche Telekom, la banque Deutsche Bank, la compagnie aérienne Lufthansa, le média Axel Springer ou encore l’assureur Allianz. En juin 2018, deux mois après son lancement, elle ne comptait que 13 000 utilisateurs inscrits (une campagne de communication avait alors été lancée). Verimi ne communique pas le nombre d’utilisateurs enregistrés actuellement, mais affirme pouvoir atteindre “presque tous les citoyens allemands”. Les éditeurs français travaillent sur un login commun à la manière de Google et Facebook Si l’alliance avait au départ entrouvert la porte à une utilisation des données collectées à des fins publicitaires, comme l’expliquait Digiday en 2017, il semble qu’elle s’en éloigne définitivement. “Nous ne participons à aucune discussion sur la communauté de la publicité numérique et des médias et nous ne prévoyons pas d’offrir des services ou des solutions pertinentes dans cet espace”, assure Roland Adrian, le directeur général de Verimi. Axel Springer est d’ailleurs le seul groupe média à être actionnaire du projet, mais a intégré le login sur deux de ses sites principaux, Bild et Die Welt. “Le but de de Verimi est d’augmenter les taux de conversion tout en réduisant les coûts de transaction chez nos partenaires marchands”, ajoute Roland Adrian. Verimi fournit ainsi un système d’identification unique et sécurisé pour un ensemble de services (banque, télécom, services publics etc.), commercialisé sous forme de licence SaaS dont le prix varie en fonction du volume de transaction, de l’étendue du dispositif etc. Le nombre d’entreprises utilisant la solution – hors actionnaires – n’est pas communiqué. À l’inverse, la fondation européenne netID avait une ambition marquée sur le marché publicitaire, dès sa création par les groupes médias RTL group, Prosiebensat.1, et l’opérateur télécom United Internet, en proposant un login et un identifiant intersite. Sven Bornemann (NetID) : “Nous allons commercialiser des fonctionnalités annexes à notre login partagé” Elle est passée de 60 sites partenaires en 2019 à 100 aujourd’hui, et revendique un reach de 38 millions d’internautes en Allemagne, sans toutefois communiquer sur son nombre d’utilisateurs enregistrés, qu’on peut supposer faible. Elle vient tout juste d’imiter la démarche de Nonio en lançant une première campagne de communication BtoC sur les sites et chaines TV de ses partenaires pour accélérer l’adoption. Quels modèles ? Pour assurer leur développement, les deux acteurs allemands ont fait le choix de la commercialisation de solutions technologiques d’identification. La fondation netID, qui fournit son module de SSO gratuitement, a elle aussi commencé en avril 2020 à vendre des solutions – une fois que le TCF V2 avait été adopté par le marché publicitaire (voir l’interview de son président Sven Bornemann en 2019) – qui permettent d’utiliser les données collectées à des fins publicitaires. netID Professional et netID Enterprise (voir les fonctionnalités du produit) sont proposées pour un montant annuel allant de 5 000 à plusieurs dizaines de milliers d’euros. “Les premières implémentations sont actuellement en cours et seront bientôt “live” pour netID Professional”, promet Sven Bornemann (netID). Il ajoute qu’une grosse partie du travail de la fondation ces deux dernières années s’est concentrée sur l’adhésion des grandes plateformes publicitaires indépendantes (SSP, DSP). Xandr a d’ailleurs récemment annoncé son intégration. Ciblage publicitaire : les identifiants uniques peuvent-ils remplacer les cookies tiers ? Une campagne test a été menée sur deux portails web appartenant à l’opérateur membre United Media en octobre 2020 par l’association automobile Allgemeiner Deutscher Automobil-Club, son agence PREX, la SSP Yieldlab et la DSP ADITION technologies. netID revendique des résultats plutôt satisfaisants sur les environnements sans cookies tiers avec usage de son identifiant (voir les résultats), sans communiquer le nombre d’utilisateurs concernés. L’initiative étant à vocation européenne, Sven Bornemann nous indique être toujours en discussion active avec des éditeurs pour le développement d’alliances à l’étranger, et vise un lancement de sa solution à l’international en 2022. Nonio s’est quant à lui inscrit dans une logique de création d’une place de marché commune avec partage de la donnée entre les éditeurs. Près de trois ans après sa création, fin 2019, il commençait seulement, selon Digiday, à attirer de premiers annonceurs. Depuis, des campagnes ont été menées par Procter & Gamble, Vodafone, et plusieurs annonceurs locaux. Le ticket minimum pour lancer une campagne sur la place de marché, qui était de 50 000 euros en 2019, se situe aujourd’hui entre 10 000 et 20 000 euros selon les cas. Nonio veut se différencier par la qualité de la donnée Fin d’année 2020, l’alliance a fait de Xandr sa SSP exclusive pour sa nouvelle place de marché, lui permettant ainsi de proposer deux modes d’achat. “Les éditeurs peuvent utiliser de la data Nonio pour commercialiser leurs propres inventaires. Dans la place de marché, les annonceurs ont la possibilité de mettre en place un deal programmatique et cibler l’ensemble des sites de l’alliance sur leurs critères. Les éditeurs sont ensuite rémunérés en fonction du nombre d’impressions”, explique José Frade, le directeur digital de Cofina, un des éditeurs fondateurs de Nonio. Les deux premières années, Nonio – qui ne collecte que l’âge et le genre des utilisateurs qui s’inscrivent – ne proposait pas de catégorisation des audiences autre que par ces deux attributs. Aujourd’hui, 25 segments d’habitude de consommation de contenus (automobile, food etc.) sont croisés avec ces données. Une démarche d’enrichissement des segments accélérée par le passage de l’infrastructure DMP de Cxense à Weborama courant 2020. “Aujourd’hui nous travaillons avec Weborama sur de meilleurs moyens pour les annonceurs d’utiliser leurs données first party sur notre plateforme, mais aussi une meilleure catégorisation du contexte”, explique-t-il. La place de marché ne permet pour le moment pas de matching par e-mail entre les bases propriétaires des annonceurs et Nonio, comme c’est faisable sur Facebook ou Google Ads, mais cela reste en projet. Pour l’année à venir, Nonio fera de la centralisation de la commercialisation des inventaires son principal objectif. “Aujourd’hui chaque éditeur de l’alliance vend les inventaires Nonio à des agences média portugaises. À partir de mai, nous aurons une équipe dédiée à la commercialisation des inventaires de la place de marché Nonio”, explique José Frade (Cofina). Une dépendance aux politiques des Big techs Si elles semblent s’installer progressivement, ces initiatives communes restent fragiles face aux politiques des grands groupes technologiques américains. La situation du marché publicitaire a en effet beaucoup évolué depuis leur création, en plus d’être dégradée par la crise sanitaire en cours. D’une part, Google a acté la fin des cookies tiers et des identifiants alternatifs sur son navigateur Chrome. D’autre part, Apple a musclé sa politique anti-tracking sur mobile et desktop, tout en créant son propre dispositif de login inter-application, l’Apple ID. Apple impose l’opt-in sur l’IDFA : le marché publicitaire réagit Celui-ci est obligatoire depuis avril 2020 pour les éditeurs qui proposent d’autres social login comme ceux de Google et Facebook – ce qui est le cas dans Nonio. Apple ID, encrypte le mail des utilisateurs qui se connectent avec, le rendant inexploitable par les éditeurs hors de leurs environnements et menaçant donc directement les logins communs, rappelait le JDN. “Pour le moment, l’inscription avec Nonio n’est pas possible sur les applications. Si l’utilisateur est déjà enregistré, il peut toutefois se connecter avec son Nonio ID et accéder à ses services, détaille José Frade (Cofina). L’Apple ID est bien entendu une menace pour notre SSO, qui est directement basé sur l’enregistrement avec e-mail”. Selon StatCounter, la part de marché d’Apple dans le pays serait de 26 %. Google et identifiants alternatifs (1/3) : mieux comprendre l’annonce de Google pour l’après-cookie tiers Comme les fournisseurs d’identifiants alternatifs aux cookies tiers ID5 ou Liveramp, netID se veut rassurant face aux nouvelles annonces de Google, notamment car il n’utilise pas de mail encrypté, pratique directement visée par le groupe. “Nous sommes en contact direct avec Google, et il est évident qu’il reste quelques questions ouvertes, mais nous pensons être sur la bonne voie avec la solution que nous offrons”, constate Sven Bornemann (netID). netID et Nonio affirment tous les deux être en discussion avec les autres solutions d’identification, sans que des intégrations soient envisagées à court terme. Ce nouveau contexte ne semble en tout cas pas freiner le lancement de nouvelles initiatives. En mars, une alliance entre les principaux éditeurs suisses CH Media, NZZ, Ringier, TX Group et SSR, a émergé, avec la création d’une société dédiée, OneLog. “Nous ne sommes pas une alliance de tracking, ce qui signifie que nous ne générons pas un pot de données centralisé sur le comportement de nos utilisateurs”, explique un porte-parole de TX Group. Une logique proche de celle du PassMedia du Geste, lancé en février 2020 sur 15 sites et applications, qui le mettent actuellement très peu en avant. Paul Roy Alliances DataAlliances éditeursCiblage publicitaireIdentifiant uniqueLoginPublicité programmatique Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Xandr va intégrer plusieurs solutions d’ID unique Les grands axes de la stratégie programmatique de M Publicité Dossiers Quelles sont les options des éditeurs et adtechs pour s'adapter à la politique d'Apple sur mobile ? Dossiers Ciblage publicitaire : les identifiants uniques peuvent-ils remplacer les cookies tiers ? L’Apple ID pourrait mettre en danger les login communs Dossiers Comment le marché publicitaire se prépare à la fin des cookies tiers sur Chrome essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? Le New York Times affiche toujours une croissance très robuste portée par le numérique data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché Le classement des éditeurs français qui ont le plus d'abonnés purs numériques Les données récoltées par les acteurs de la publicité en ligne La liste des sociétés présentes dans les fichiers ads.txt des éditeurs français Les gains de budget des agences médias Opt-out : quels éditeurs français interdisent les robots crawlers de l'IA générative ? Le panorama des sociétés spécialisées dans les technologies de l’e-retail media La liste des outils utilisés par les équipes éditoriales, marketing et techniques des éditeurs français Le détail des aides à la presse, année par année La liste des CMP choisies par les principaux médias en France Digital Ad Trust : quels sites ont été labellisés, pour quelles vagues et sur quel périmètre ?