Accueil > Marques & Agences > Comment Pierre Calmard veut relancer dentsu en France Comment Pierre Calmard veut relancer dentsu en France Le groupe de communication japonais, très impacté par la crise, a annoncé des résultats 2020 dans le rouge avec 1,25 milliard d'euros de pertes. Pour y remédier, il amorce une vaste refonte de ses activités partout dans le monde. Pierre Calmard, son président en France depuis quatre mois, présente sa feuille de route : cession de certaines activités, hybridation des offres, réorganisation de la gouvernance et simplicité de l'offre aux annonceurs. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 19 février 2021 à 15h56 - Mis à jour le 19 novembre 2021 à 17h13 Ressources Dentsu est confronté depuis deux ans à d’importantes difficultés au niveau mondial, que la crise économique depuis février 2020 accentue. La nomination, à l’automne, de Wendy Clark en tant que global CEO de dentsu international – soit les activités du groupe en dehors du Japon – et d’executive officer de l’ensemble du groupe, va de pair avec une nouvelle stratégie axée sur plus de simplicité dans le positionnement et dans la structure de l’entreprise, des économies de coûts et un recentrage des activités. C’est sur ces bases que Pierre Calmard reconfigure dentsu en France depuis sa nomination comme président en octobre 2020, succédant à Thierry Jadot. Avec un constat : dentsu présentait une grande complexité en interne dans son organisation et en externe dans ses marques commerciales. La tâche est délicate. La crise sanitaire a accentué les difficultés économiques et financières que le groupe japonais subi depuis 2019 au niveau mondial. Le résultat opérationnel mondial a été négatif à hauteur d’1,1 milliard d’euros pour l’exercice 2020 (contre – 26,7 millions d’euros un an plus tôt), tandis que ses pertes nettes annuelles se sont élevées à 1,25 milliard d’euros (contre 630 millions d’euros en 2019). Des résultats inférieurs à ceux d’autres grands réseaux d’agences comme Publicis et WPP, dûs en partie aux coûts de restructuration de ses activités internationales (610 millions d’euros annoncés) et de dépréciations d’actifs (1,1 milliard d’euros annoncés). Mais pas seulement. Là où Publicis et WPP, notamment, ont amélioré leurs ventes opérationnelles au dernier trimestre 2020, période marquée par un certain regain d’investissements publicitaires de la part des marques -, elles ont reculé de 10,4 % pour dentsu (à 7,3 milliards d’euros). “Le contexte économique et les attentes des clients nécessitent plus de flexibilité, des organisations plus hybrides et moins hiérarchiques, des offres plus simples…” Pierre calmard, président de dentsu france Pour inverser la tendance, le groupe a annoncé une série de mesures, financières et structurelles, à l’échelle du groupe et dans ses filiales. “Que ça soit la gouvernance, le style de management, la gestion des entreprises. Le contexte économique et les attentes des clients nécessitent plus de flexibilité, des organisations plus hybrides et moins hiérarchiques, des offres plus simples… autant de tendances pré-existantes que que la crise a accéléré, souligne Pierre Calmard auprès de mind Media. Notre volonté est de sortir de la crise plus rapidement et plus fort que d’autres. Cette période peut aussi être un moment d’opportunités si on sait se réinventer, à la fois dans l’état d’esprit et dans les pratiques.” Le groupe peut s’appuyer sur un portefeuille de clients encore solide : au niveau mondial BMW, Coca-Cola – qui devrait remettre en jeu son budget mondial au printemps -, Société Générale, Groupama, Air France, mais aussi Beiersdorf, KFC, Conforama, le Gouvernement et tous les ministères. Dentsu France pilote par ailleurs les budgets du groupe SEB, d’Accor, de Shiseido pour l’Europe et Danone sur le numérique. Le nouveau président de dentsu France est sur le point de finaliser la réoarganisation de la filiale amorcée à l’automne. “Dentsu ne possède pas d’héritage créatif extrêmement fort. C’était une faiblesse jusqu’à présent, mais c’est désormais un atout car nous entrons dans l’ère de la communication post-publicitaire”, affirme-t-il. Sa feuille de route pour l’agence repose sur trois axes : responsabilité des communications, simplicité de l’offre de l’agence et contrôle plus étroit des outils et données. 1) Une meilleure responsabilité dans les communications Le constat est maintenant partagé par les acteurs du marché ces derniers mois : les consommateurs ont de nouvelles exigences vis-à-vis des marques, pour des prises de parole à la fois plus sociétales et plus authentiques. “Les annonceurs doivent expliquer et défendre leurs valeurs, faire preuve de transparence et adapter leur communication. Notre objectif doit donc être désormais de susciter de la confiance envers les marques et de créer du lien au sein de contextes plus qualitatifs, plutôt que de générer un simple volume de contacts”, souligne Pierre Calmard. Cela demande une compréhension plus fine des opinions, et une évolution de la mesure des tendances sociétales et des attentes et besoins des consommateurs. Les outils de l’agence vont être réorientés. L’outil de mediaplanning, Trust Planner, qui oriente les choix d’investissements médias, va intégrer la mesure de la confiance générée par les consommateurs et pas seulement l’audience touchée. Sa plateforme de connaissance des consommateurs et d’activation “M1” – alimentée notamment par les fournisseurs de données Nielsen et Yougov – sera davantage utilisée en ce sens. Un outil de mesure de l’emprunte carbone des campagnes va par ailleurs être utilisé pour informer l’annonceur de l’impact du dispositif sur l’environnement et aider à faire des arbitrages, voire à mettre en place des alternatives. 2) Une plus grande simplicité de l’offre de l’agence La simplicité des produits, des services et des interfaces proposés par les Gafa est le fondement de leur réussite. Le propos est souvent souligné par les acteurs du marché ; sa mise en pratique est plus délicate. “Nous avons un devoir de simplification des offres en agence, à la fois pour nos enseignes et nos pratiques”, approuve Pierre Calmard. Dentsu a annoncé au niveau groupe vouloir passer de 160 marques commerciales à 6. En France, le chiffre est de cinq avec une réorganisation quasiment achevée. Le nouveau dentsu France s’articule ainsi autour de trois agences médias et deux agences hybrides. Carat est positionnée sur l’humain (confiance et comportements humain) et dirigée par Kevin Gras. Dentsu x est positionnée le média et la création et dirigée par Grégoire Peyroles. Enfin iProspect, dans laquelle Vizeum est intégrée, est positionnée sur le digital, le marketing à la performance et les dispositifs offline/online. Deux agences créatives, plus hybrides, complètent l’offre proposée aux annonceurs : Isobar, recentrée sur l’expérience consommateur et les technologies (CRM, CXM), dirigée par Cécile Bitoun, et Gyro, pour la communication corporate, les nouvelles écritures et la communication responsable, dirigé par Nathaël Duboc. Les dirigeants de ces cinq agences sont directeurs généraux. Jean-Christophe Lalevée, qui était directeur général de Vizeum depuis 17 ans, devient quant à lui chief client officer du groupe et membre du comité exécutif. Il a en charge des grands comptes, la satisfaction client et les process internes qui y sont liés, par exemple au déploiement de l’outil de CRM Salesforce. Les marques The Story Lab, Amplifi et Posterscope sont abandonnées et leurs activités regroupées au sein du pôle Dentsu Trading, l’activité programmatique qui réunit notamment le trading desk Amnet – positionné comme régie agnostique et transparente – qui agit en transversal pour toutes les agences. Trading desks : comment les grands réseaux de communication organisent leurs achats médias programmatiques Enfin, dentsu France se sépare des autres structures commerciales. Dentsu Consulting (influence et conseil aux directions d’entreprise), l’ex-Keneo (marketing sportif) et MKTG (marketing pour les secteurs de la santé et des voyages, entre autres) sont cédées à leurs managements. Ce sont des structures en difficulté qui souffrent le plus du contexte économique et pour lesquelles il y a peu de synergies avec le reste du groupe en France. Celui-ci préfère concentrer ses efforts sur son coeur d’activité. Dentsu sort totalement du capital de ces sociétés mais devraient conserver des liens via des partenariats commerciaux. Dentsu France a réduit ses effectifs à 800 personnes Cette simplification de l’offre et de l’organisation de l’agence s’accompagne d’une réduction des effectifs. Au niveau mondial, après un premier plan de départs concernant 11 % de ses équipes annoncé fin 2019 (une centaine de départs alors en France), dentsu a annoncé en décembre dernier se séparer de 12,5 % de ses près de 48 000 collaborateurs. Soit 6 000 suppressions de postes, tous en dehors du Japon. La France n’y échappe pas. Dentsu france est maintenant composé de 800 collaborateurs contre 1 200 fin 2019 – “avec très peu de départ contraints”, souligne Pierre Calmard – et veut s’inscrire dans une nouvelle dynamique “Notre organisation est maintenant marquée par une “collaboration radicale” pour constituer un groupe unifié, avec aucun silo. C’est un enjeu à la fois culturel, de gouvernance et d’organisation”, insiste le président du groupe en France. Une direction élargie et paritaire a été constituée, composée d’une quinzaine de personnes. Elle a été remodelée pour intégrer davantage les fonctions business aux prises de décision. Concrètement, le comité qui rassemble les fonctions de gestion (RH, finances, juridiques…) est complété par un comité commercial qui réunit les dirigeants des activités business. Ces deux comités se réunissent chacun trois fois par mois et une réunion globale se tient une fois par mois. Sur le plan opérationnel, les équipes occupent désormais un seul bâtiment plutôt que deux jusque-là. L’autonomie des collaborateurs et le flex office vont être privilégiés, avec moins de postes fixes et plus d’espaces collectifs pour favoriser les collaborations, ce qui avait été impulsé déjà en 2017. notre archive de 2017 – Comment dentsu France donne plus d’autonomie à ses salariés L’objectif est d’atteindre 50 % de télétravail et 50 % flex office. Des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux sur ce point. Le déménagement du groupe, actuellement basé à Courbevoie, en banlieue parisienne, est prévue cette année, à la fin du bail. Il devrait avoir lieu au plus tard au quatrième trimestre 3) Un meilleur contrôle des données et des process internes “L’achat d’espace, à cause des contraintes légales qui pèsent sur le secteur, est totalement datée en matière de gestion administrative et de facturation. On estime que 20 % du temps moyen de nos équipes est dédié à tâches administratives. C’est trop, il faut leur faciliter le plus possible cette partie du travail”, confirme Pierre Calmard. Pierre Calmard (dentsu France) : “Accélérons la plateformisation des offres et des outils publicitaires pour une meilleure productivité” Réduire les silos et les enjeux politiques par une nouvelle gouvernance et faciliter le travail opérationnel des équipes est perçu un levier pour le groupe afin de gagner en productivité. Cela passe par deux leviers. D’abord une meilleure automatisation des process internes (Saleforces pour la gestion client) et par la facturation et la gestion des flux avec les régies et les partenaires, un levier sur lequel plusieurs initiatives ont été lancées par différents acteurs du marché ces dernières années – par des régies comme des agences – mais qui n’a pas encore vu de résultat probant tant le chantier est vaste. En attendant un éventuel nouvel outil construit et partagé par le marché, Dentsu a décidé d’investir en optimisant Mediamanager, la solution généralement utilisée par les agences médias, par le développement d’une surcouche technologique. Ensuite par un meilleur contrôle et un meilleur usage des données. Un pôle data a été constitué, incarné par Soumaya Combe, récemment nommée chief data officer du groupe, pour agir sur toutes les activités du groupe : mediaplanning, ciblage des campagnes, etc. Son rôle doit être central dans la compréhension des consommateurs et le service aux annonceurs. Jean-Michel De Marchi Achat médiaAgencesMouvementsRelations agences-annonceursSurmonter la crise Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Mouvements Dentsu France fusionne ses agences iProspect et Vizeum sous la direction d’Emilie Rouganne Dentsu va se séparer de 12,5 % des ses effectifs dans le monde Tribunes gratuit Pierre Calmard (Dentsu Aegis Network) : “Accélérons la plateformisation des offres et outils publicitaires pour une meilleure productivité” Dossiers gratuit Ce que la crise économique et publicitaire va changer dans la relation agence-annonceur Tribunes gratuit "L’appauvrissement collectif n'est jamais la solution à une sortie de crise" essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction ENQUÊTE - La régie publicitaire du Monde a réduit ses effectifs de 8 % INFO MIND MEDIA - Le CESP va lancer sa certification Retail Data Trust Agence79 officialise la consolidation du budget média numérique de Carrefour Publicis et Omnicom, champions de la croissance au premier semestre 2024 INFO MIND MEDIA - Une levée de fonds d’environ 750 000 euros en vue pour le nouveau média The Big Whale Google reconnu coupable de monopole dans la recherche en ligne : ce qu'il faut retenir 24 lobbys enjoignent Bruxelles d’harmoniser le RGPD Outbrain acquiert Teads sur une valorisation d’1 milliard de dollars : les détails de l’opération Fin des cookies tiers : derrière l’annonce de Google, la méfiance du marché INFO MIND MEDIA - Marketing des abonnements : TBS Group rachète OwnPage data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché IA générative : quels éditeurs français bloquent les robots d’OpenAI et Google, lesquels ont adopté le protocole TDMRep ? 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