Ermes tente de prouver aux agences médias l’intérêt de l’IA générative 

“Plusieurs centaines de milliers d’euros”. C’est ce qu’a investi le groupe Redpill, selon le président d’Ermes Marco Tinelli interrogé par mind Media, pour développer Alice, un module d’intelligence artificielle générative destiné à automatiser la création de contenus marketing. Alice est intégré depuis octobre à la plateforme d’Ermes, la plateforme de Redpill créée en 2019 qui a vocation à automatiser le marketing et la communication grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle (média planning, génération d’insights, diffusion, mesure de la performance). 

Alice est la dernière innovation d’Ermes, qui depuis sa création a investi plus de 10 millions d’euros dans sa technologie, qu’elle utilise en interne quand il s’agit d’exécuter les stratégies bâties par l’activité de conseil en communication digitale, portée par Redpill, mais qu’elle commercialise aussi en standalone afin de la monétiser auprès des marques et des agences. Sur la centaine de personnes qui composent ses effectifs, près de 70 sont des professionnels de la tech et de la data.  

Génération de contenus textuels et adaptations de visuels

Les agences représentent environ 40 % des clients d’Ermes, qui en compte une centaine en tout, ce qui correspond à environ 4 000 utilisateurs, indique Marco Tinelli. Ce dernier ne communique pas le nom des agences qui utilisent Alice, l’entreprise ayant signé des accords de confidentialité. Outre les agences, les clients d’Ermes sont à 20 % constitués de réseaux d’enseignes pour leur marketing multi-local (Stellantis, Leclerc…), et à 40 % d’annonceurs en direct (Evaneos…), clients ou non de Redpill.  

Alice ne permet pas aujourd’hui de générer des visuels à partir de prompts. C’est une fonctionnalité qui pourrait arriver début 2024. Pour le moment, le module est capable de créer des contenus textuels : accroche, argumentaire, call to action, quiz, repiquages, landing pages ; ainsi que des visuels formatés en fonction du canal de diffusion, à partir d’actifs de la marque transférés dans l’outil ou scrappés dans le catalogue du client. Par la suite, Ermes prévoit d’ajouter des fonctionnalités de création de spots radio synthétiques et de storyboarding vidéo, ainsi qu’une brique de service client (pour la gestion automatisée des mails entrants) et de SEO. 

Une version customisée de GPT-4

Pour créer ces contenus, nul besoin d’apprendre les techniques des spécialistes du “prompt”, les commandes utilisées sur ChatGPT ou autre IA conversationnelle pour lui indiquer le contenu que l’on souhaite générer. “Nous avons injecté nos propres data, provenant des feedbacks de campagnes, et nos propres algorithmes dans la version ‘sandboxisée’ de GPT-4 pour simplifier l’input. Il y a une dizaine d’algorithmes qui travaillent derrière Alice”, explique Marco Tinelli. Le résultat n’est pas toujours exempt de défauts, mais l’utilisateur a toujours les mains pour effectuer des modifications. “Un des sujets à venir pour l’IA, ce sera de faire en sorte qu’elle se contrôle elle-même pour demander à l’humain de reprendre la main quand elle ne sait pas faire”, observe le dirigeant. 

Ces contenus partent ensuite alimenter le plan média (display, TV, email, vidéo, SMS, radio…) modélisé par la plateforme, de manière optimisée sur la base de segments cibles précis et d’un brief, que l’utilisateur entre à l’aide d’un formulaire précisant ses objectifs, son budget, etc. Le ciblage est réalisé à partir des 58 millions de profils actionnables répertoriés par Ermes, comportant 380 items et provenant de partenaires auxquels la société achète les données. Un fonctionnement qui n’est pas sans rappeler celui de Performance Max, de Google. Mais Marco Tinelli ne craint pas la comparaison. “Nous laissons davantage la main aux utilisateurs. Sur Google, on n’a pas le contrôle du réseau publicitaire sur lequel on passe”, juge-t-il, considérant la solution du mastodonte comme une boîte noire. 

Réduire les délais et les besoins en ressources humaines

Quel résultat espérer, au final ? Un gain de temps, essentiellement, ce qui permet de réduire les coûts et/ou d’en faire plus en un minimum de temps. “Alice permet de gérer en multivariables le testing de centaines de créations. Or, quand le coût marginal de la création d’un format supplémentaire tombe, on peut tester plus de formats. L’objectif est de diviser par cinq les délais, et entre cinq et dix la charge humaine de manière générale, expose Marco Tinelli. Sur un lancement de campagne, on peut diviser par cinq les délais et par deux la charge humaine”, assure-t-il.

Le président d’Ermes considère que “60 % du temps passé par les équipes marketing est consacré à la partie exécution. Le reste, c’est de la stratégie, de la conception et la vision. La conception pèse la moitié de ce qui est facturé, mais l’exécution pèse environ 60% du temps passé. La plateforme remplace une partie de ce que fait l’agence média mais n’a pas la prétention de remplacer les créatifs. Les agences créatives ont un rôle indispensable pour encore très longtemps. Mais il y a toute une partie des opérations qui sont concrètement délégables à une IA aujourd’hui.” A l’en croire, l’IA pourrait remplacer les métiers du trafic management, du reporting, les personnes qui préparent les données d’insight et une partie des tâches de la production créative (exé). “Ce qui ne fera pas forcément des emplois en moins, mais des emplois différents.” 

“L’IA va obliger les professionnels à sortir la tête du guidon”

In fine, l’IA générative devrait selon lui permettre aux agences de se concentrer sur les tâches les plus valorisables. “Les agences passent tellement de temps à agréger les informations qu’elles arrivent à bout de souffle sur la partie explication. L’IA va obliger les professionnels à sortir la tête du guidon, pour aller davantage vers l’analyse et la compréhension.”

Jusqu’à fin 2023, Alice est inclus dans l’abonnement fixe à Ermes, disponible à partir de 2 000 euros par mois, afin de faire découvrir la technologie. L’agence se rémunère également sur un pourcentage de l’achat d’espace, et le cas échéant sur le setup de la solution, quand le client a besoin d’une configuration spécifique. Ce qui est le cas pour les agences. “300 à 400 personnes se connectent tous les jours depuis la mise en ligne de la démo”, précise Marco Tinelli. Redpill prévoit de réaliser une marge brute de 10 millions d’euros en 2023.