Accueil > Médias & Audiovisuel > Baisse du trafic sur X : la fin programmée des réseaux sociaux comme apporteurs de trafic ? Baisse du trafic sur X : la fin programmée des réseaux sociaux comme apporteurs de trafic ? Au contraire de leurs homologues américains, les médias d’informations français constatent une baisse mais pas d’effondrement du trafic issu de X (Ex-Twitter), déjà très faible dans leur trafic référent. La dynamique témoigne surtout de la transformation du rôle des réseaux sociaux amorcée depuis plusieurs années. Ils sont passés de canaux de conversion et d’apport de trafic à vecteur de notoriété, notamment via la vidéo. Par Paul Roy. Publié le 08 septembre 2023 à 16h21 - Mis à jour le 12 juillet 2024 à 17h01 Ressources – 35 % pour le New York Times entre juillet 2022 et juillet 2023, – 29 % pour le Guardian, – 42 % pour le Wall Street Journal… Les données de la société de publication sur les réseaux sociaux Automattic reprises par Digiday fin août témoignent d’un effondrement du trafic issu de X (ex-Twitter) pour les principaux médias d’informations depuis sa reprise en main par Elon Musk. Outre la défiance du nouveau propriétaire de la plateforme à l’égard des médias, le changement d’algorithme survenu entre mars et mai, qui pénalise encore davantage les liens externes dans le référencement, est mis en cause. Le Washington Post avait même pointé des pratiques du réseau social pour ralentir le chargement de certaines pages.a Plus récemment, X a annoncé son intention de supprimer les titres et textes associés aux liens partagés sur la plateforme, pour ne laisser visible que l’image d’illustration, mesure qui devrait accentuer la dynamique. Une part de trafic déjà très faible pour X En France, une baisse est déjà constatée, mais reste marginale au regard de la faible part qu’à toujours représenté X. Les données de la société Echobox, éditeur de solution de publication sur les réseaux sociaux, fournies en exclusivité à mind Media, montrent que sur la période de juin à août 2023, le trafic référent issu de Twitter pour les éditeurs français a baissé de 18 % par rapport à la même période l’année dernière, et ne représentait que 0,94 % du trafic référent de ces derniers en août 2023 contre 1,12 %, un an plus tôt (respectivement 0,68 % et 1,2 % au niveau mondial). Sur le territoire français, Echobox travaille entre autres avec le groupe Le Monde, Le Figaro, Public Sénat, L’Express, Libération, La Voix du Nord, le Groupe EBRA et Nice Matin. Une tendance qui n’est pas confirmée par tous les éditeurs interrogés. “Twitter a toujours été très bas, entre 5 000 et 10 000 visites par jour sur un total d’un million de visites quotidiennes, et l’impact réel en perte de trafic se situe davantage sur Facebook depuis plusieurs années”, indique Michaël Szadkowski, directeur de la rédaction du HuffPost (Groupe Le Monde). Abonnements numériques (1/2) : les lecteurs sont de plus en plus difficiles à convaincre Chez Mediapart, la part des visites issues de Twitter est restée la même, à environ 4 %, le titre bénéficiant même d’un engagement en hausse sur ses articles, selon Renaud Creus, directeur de la communication du titre. Certains évoquent en revanche une altération de la qualité du trafic sur la plateforme. “Nous n’avons pas observé de baisse particulière mais avons assisté à un fort recul des conversions abonnements sur X depuis 2021”, constate Julien Apack, responsable marketing des Jours. Le social publishing à l’épreuve du passage au payant de l’API de X Depuis quelques années, les médias utilisent des outils de social publishing pour publier leurs articles sur les réseaux sociaux de manière automatisée et à grande échelle. Cependant, beaucoup de ces outils reposent sur les API ouvertes des réseaux sociaux, qu’X a rendu payante il y a quelques mois. Le prix d’accès est prohibitif pour les éditeurs (5 000 dollars par mois) et aucune société de social publishing n’a à notre connaissance accepté de payer, bien que des tarifs spécifiques aient été proposés. Chaque média est donc limité à 1 500 tweets par mois, - soit une moyenne de 50 publications par jour - ce qui est relativement peu pour certains gros éditeurs. “Cela ne poserait pas de problème pour un seul compte qui postait des articles, mais Le Monde a une dizaine de comptes sur Twitter, avec beaucoup de tweets relayant les actualisations du live sur certains événements”, déplore Julie Lelièvre, responsable de l'équipe audience du titre. Si Echobox a fini par trouver un moyen temporaire de construire une intégration - qui a pu montrer ses limites, selon plusieurs éditeurs -, la société recommande aussi aux éditeurs de réduire leur dépendance aux réseaux sociaux, et de passer par d’autres canaux comme les mails pour l’acquisition. Les réseaux sociaux progressivement remplacés par les agrégateurs Ces chiffres sont à replacer dans un contexte d’érosion de la part des réseaux sociaux dans l’apport de trafic des éditeurs depuis plus de trois ans. Le HuffPost, qui avait beaucoup misé sur la publication sur les plateformes, a vu leur part dans le trafic référent dégringoler de 18 % en 2020 à 6 % en 2023. La faute notamment à une chute du trafic issu de Facebook, qui dès 2021 a donné moins de visibilité aux médias dans son fil pour mettre en avant le contenu des utilisateurs. "Cela fait maintenant deux ans et demi que ces canaux sont largement supplantés par Google Discover, Google news, Apple News… Nous sommes dans un média qui se diffuse en ligne avant tout par le SEO et des références dans les agrégateurs” Michaël Szadkowski, directeur de la rédaction du HuffPost Le trafic référent du réseau social a baissé de 50 % depuis 2022 selon Echobox. Sur le panel d'éditeurs au niveau global (Social Media Index) de la société, Facebook représente aujourd’hui 6,2 % du trafic des éditeurs d’information, contre 13,45 % en janvier 2020. Une tendance qui est quasiment la même au niveau français. Mediapart rapporte ainsi une part du trafic issu de Facebook passant de 8,5 % à 2,3 % entre 2021 et 2023 sur son site desktop et mobile. “Cela fait maintenant deux ans et demi que ces canaux sont largement supplantés par Google Discover, Google news, Apple News… Nous sommes dans un média qui se diffuse en ligne avant tout par le SEO et des références dans les agrégateurs”, analyse Michaël Szadkowski (HuffPost). En effet, un agrégateur comme Google Discover, lancé seulement en 2018, représente 50 à 80 % du trafic SEO selon les éditeurs, relevait mind Media en janvier. La vidéo et la notoriété remplacent les lien externes et le trafic Si certains médias français continuent d’enregistrer un apport de trafic et des conversions conséquentes sur Facebook, les réseaux sociaux sont devenus, avec l’explosion de la vidéo, un moyen de travailler sa notoriété à plus long terme. Ce qui est encore plus vrai pour les médias qui misent sur le modèle de l’abonnement. “Il s’agit d’un pari à long terme. Nous voulons entrer en contact avec ces jeunes internautes pour qu’une fois atteinte l’autonomie financière, ils se dirigent plus naturellement vers nous pour un abonnement”, nous détaillait Olivier Laffargue, chef du service Snapchat/TikTok du Monde en janvier. “Nous réfléchissons nécessairement à notre manière d’être présents sur ces réseaux (Twitter et Facebook, ndlr), notamment en matière de ressources humaines. Nous sommes en réflexion sur les formats courts, vidéo, sans créer un second média qui serait dissocié du site ou de l’application”, explique Renaud Creus (Mediapart). Les médias d’information tentent de s’approprier TikTok Paradoxalement, cela explique aussi aujourd’hui pourquoi les éditeurs français ne se désengagent pas de Twitter, malgré les audiences faméliques et la méfiance vis-à-vis des médias de son dirigeant. “Je considère Twitter comme une vitrine et une manière de s’adresser à certaines audiences - tout comme Instagram ou TikTok. On doit faire vivre la marque dans cet espace car c’est un moyen d’atteindre une audience de journalistes, communicants et politiques. Notre indicateur sur le réseau est davantage l’engagement (tweets et likes) que l’apport de trafic”, constate Michaël Szadkowski (HuffPost), ajoutant que certains agrégateurs et outils de veille prennent en compte l’activité sur X des éditeurs d’information, et qu’il reste un moyen pour les journalistes de récupérer de l’information. La question du désengagement total se pose nécessairement dans quelques rédactions françaises, mais aucune n’a à notre connaissance franchi le pas pour le moment. "Un retrait n’est pas à l’ordre du jour et nous restons très attentistes. Nous regardons ce qui se passe chez nos confrères et ensuite nous avisons", explique un journaliste médias sociaux d'un éditeur français. Pour rappel, la radio publique américaine NPR ne poste plus sur le réseau depuis le 12 avril. La récente annonce de Meta de mettre fin à son onglet Actualités sur Facebook - qui avait principalement été créé pour répondre aux inquiétudes des régulateurs -, avançant que les articles de presse ne constituent plus qu’une part infime des contenus consultés par ses utilisateurs, ne vient que renforcer ce nouveau paradigme. Et les médias sont obligés de s’y adapter, en témoignent les investissements des rédactions dans leur production vidéo ces dernières années. Un pari sur l’avenir qui s’avère plus coûteux et générant nécessairement moins de résultats directs (audience sur le site, abonnements…) sur le court terme. Paul Roy Abonnements numériquesAudiences et diffusionPQNRéseaux sociaux Besoin d’informations complémentaires ? 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