[Info mind Media] RSF veut s’appuyer sur l’ACPM pour certifier la fiabilité des médias français

Le programme Journalism Trust Initiative (JTI) entame une nouvelle étape de son déploiement en France et l’ACPM devrait y jouer un rôle. Ce dispositif mondial de certification des médias de confiance, porté par Reporters sans Frontières (RSF), était plus ou moins en sommeil depuis son lancement en 2018. Son déploiement s’accélère depuis le printemps 2023. 

L’association propose un label (“JTI”) pour certifier à l’échelle mondiale l’information reconnue comme étant fiable et qualitative à partir de normes journalistiques et éthiques partagées. L’objectif : mettre en relief les principes essentiels du journalisme au service de l’information, et, dans un deuxième temps, faire en sorte que le modèle économique des médias en bénéficie. 

Un label à vocation mondiale

Concrètement, ce label est délivré aux médias d’informations généralistes qui respectent une série de critères. Il a été mis en place “à la manière d”une norme ISO”, affirme RSF, par 130 experts internationaux : des journalistes, institutions, organismes de régulation et sociétés technologiques, sous l’égide du Comité européen de normalisation (CEN). Parmi eux : AFP, AP, France Télévisions, BBC News, The Guardian Foundation, Ethical Journalism Network, le Geste, Université Paris Diderot, University of Lincoln, Google, Facebook, Newsguard…

Les indicateurs retenus doivent permettre de s’assurer du sérieux et de la transparence des médias sur leur nature et leurs pratiques de travail au quotidien : tenue d’une ligne éditoriale, processus de correction d’une erreur manifeste, supervision humaine des contenus automatisés, contrôle interne, mais aussi transparence sur l’actionnaire principal et les sources de revenus, preuve du respect de garanties professionnelles, etc. Les médias procèdent à une auto-évaluation à partir de la méthodologie mise en place par RSF, puis un “rapport de transparence” est rendu public : un taux de réponses minimum permet d’obtenir le label JTI. C’est la première étape du dispositif.

Une deuxième phase, facultative, permet aux médias candidats d’obtenir une certification indépendante après un audit du bilan déclaratif. Il est réalisé par un organisme spécialisé qui agit comme tiers de confiance. Il s’agit du cabinet Deloitte, partenaire du Journalism Trust Initiative au niveau mondial. La prestation est payante : le tarif est de plus de 5 000 euros par média. 

Un appui opérationnel de l’ACPM

Pour des groupes médias disposant de cinq, dix ou quinze marques médias différentes, comme peuvent en avoir certains grands éditeurs d’informations, le budget commence à être significatif. C’est ici que l’ACPM va intervenir. Selon nos informations, l’association qui certifie la diffusion et la fréquentation de la presse et des médias en France, dirigée par Stéphane Bodier et Jean-Paul Dietsch, s’est positionnée pour devenir l’un des partenaires de RSF pour agir en tant que certificateur indépendant pour le marché français. Les discussions avec RSF ont lieu depuis plusieurs mois.

L’ACPM pourrait ainsi rejoindre ses homologues AAM (aux Etats-Unis) et ABC (au Royaume-Uni), à qui RSF s’est déjà associée et qui agissent comme certificateurs complémentaires de JTI sur leur territoire respectif. L’ACPM proposerait alors aux médias français candidats à JTI son expertise dans l’audit et la certification à un tarif inférieur à celui de Deloitte. Elle veut ainsi compléter son activité historique – la certification de la diffusion et de la fréquentation des médias – par une activité de tiers de confiance plus statutaire et plus institutionnelle. 

Pour RSF, ce partenariat avec un acteur très installé auprès des médias français lui servirait de levier supplémentaire pour convaincre les éditeurs d’informations dans l’Hexagone. L’ACPM touche aussi les acteurs de la publicité : les six grands réseaux d’agences médias (Publicis, Havas, WPP, Omnicom, IPG Mediabrands, Dentsu) et l’UDM en sont membres et sont représentés à son conseil d’administration aux côtés de toutes les familles de médias. L’association est toujours coprésidée par Gautier Picquet, président de Publicis Media France et directeur des opérations de Publicis dans l’Hexagone. 

Des enjeux aussi pour les modèles économiques

L’intérêt du label est multiple pour l’ensemble des acteurs de l’information et son économie, selon RSF : améliorer les pratiques journalistiques et redonner confiance dans les médias, permettre aux citoyens de distinguer les informations fiables, voire prendre en compte le label dans les critères de subventions publiques et privées, en particulier les aides à la presse. 

L’association milite aussi pour en faire un instrument de brand safety en valorisant davantage les inventaires publicitaires des médias labellisés JTI, voire en faisant en sorte qu’ils soient mieux référencés dans les algorithmes des réseaux sociaux et moteurs de recherche. C’est l’espoir des éditeurs médias qui souscrivent au projet. En 2023, Microsoft a affiché son soutien au dispositif sur ce point.

Cette volonté a également trouvé un écho auprès des instances politiques européennes, où RSF a ses entrées. Le projet de règlement European media freedom act (EMFA), le texte sur la liberté des médias qui vise à protéger le journalisme et l’information en ligne, incite en effet de façon explicite les plateformes à utiliser le label JTI pour identifier les médias d’informations fiables qui doivent bénéficier d’un statut particulier en ligne, leur offrant notamment des garanties contre la modération et la suppression de leurs contenus, arbitraires ou liés au DSA. 

Plusieurs centaines de médias dans le monde, issus de 80 pays, ont réalisé l’auto-évaluation JTI. En France, les médias du groupe EBRA, France Télévisions, France Médias Monde et TF1 ont passé cette étape, puis ont été audités et ont obtenu la certification. Plusieurs autres groupes médias français ont initié la démarche. 

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Ce sujet fera partie de l’un des thèmes de notre conférence mind Media Day du 20 mars – “Proximité et confiance dans les médias et la publicité : créer du lien pour créer de la valeur”. Accès gratuit. Programme et inscription

Mise à jour vendredi 4 octobre 2024 : les discussions n’ont finalement pas abouties et RSF s’est tourné vers les cabinets spécialisés CEVA Solution et ICPF.