Accueil > Médias & Audiovisuel > Kiosques numériques : ePresse.fr cédé au suédois Readly pour un montant pouvant atteindre 8,2 millions d’euros Kiosques numériques : ePresse.fr cédé au suédois Readly pour un montant pouvant atteindre 8,2 millions d’euros Le mouvement de concentration des plateformes qui se positionnent comme distributeurs de presse en ligne s'accélère en Europe. L'objectif pour ces sociétés déficitaires est de créer des synergies et atteindre une taille critique pour retrouver des marges de manœuvre, alors que certains éditeurs médias veulent réinternaliser leurs offres. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 08 octobre 2021 à 7h00 - Mis à jour le 13 mars 2025 à 14h35 Ressources Toutabo SA, société française qui édite des services de vente de presse en ligne, avec la marque Epresse.fr principalement, mais aussi Toutabo.com, Monkiosque et Inter magazines, a annoncé mercredi 6 octobre l’acquisition de 97 % de son capital par son homologue suédois, Readly AB. Cet acteur, coté en Bourse au Nasdaq Stockholm Midcap et dirigé par Maria Hedengren, CEO (sa fiche LinkedIn), est l’un des rares kiosques en ligne à être présent dans plusieurs pays, principalement en Europe mais aussi en dehors. Il a réalisé près de 35 millions d’euros de revenus en 2020. L’opération s’élève à environ 8,2 millions d’euros (sur une base cash free, dette free) et sera effectuée en deux temps : 3,9 millions d’euros dans le cadre du closing de l’acquisition – qui doit aboutir fin octobre -, et un complément de prix de 4,3 millions d’euros à verser avant fin janvier 2024 sous réserve de l’atteinte de certains objectifs. Le montant sera payé à la fois en numéraire et en actions Readly nouvellement émises. Avant l’opération, les fondateurs détiennent 52 % du capital et les sociétés d’investissement Tempocap et Turenne 40 % et 7 %. Toutabo a été créé en 2005 par Jean-Frédéric Lambert (sa fiche LinkedIn). Présente uniquement en France, la société rassemble 14 personnes. La majorité de son activité tient dans la commercialisation, via Epresse.fr – acquis en 2015 pour un peu moins de deux millions d’euros – des versions numériques des PDF de centaines de titres de presse par différentes formules : l’achat à l’unité, l’abonnement à un titre à prix réduit, à des bouquets (à partir de 5 euros) ou en illimité (9,99 euros par mois). Sur un marché estimé à 3 000 magazines et journaux en France, la société revendique un portefeuille total de plus de 1 000 titres issus de 280 éditeurs médias. Toutabo pourra bénéficier de nouveaux moyens Les résultats financiers de Toutabo mentionnent un chiffre d’affaires net de 6,6 millions d’euros en 2020 (en progression de 6 %) pour un EBITDA négatif de 173 000 euros et un résultat net négatif à hauteur de 760 000 euros (en amélioration de 10 %). Après plusieurs années durant lesquelles les plateformes de distribution numérique ont pu s’appuyer sur le levier d’audience que représentent les opérateurs télécoms, elles ont besoin de franchir une nouvelle étape. Ces acteurs ont profité entre mi-2016 et mi-2018 de l’augmentation artificielle du marché : les opérateurs télécoms et FAI (SFR, Bouygues, Orange) ont intégré gratuitement leurs services à leurs offres d’abonnement télécom avec un mécanisme d’optimisation fiscale en appliquant le taux réduit de TVA appliqué à la presse (2,1 %) pour l’ensemble. L’usage de la vente par tiers s’est ainsi développé pendant deux ans ; gonflant le marché de l’ordre de 60 à 80 %, jusqu’à l’interdiction de la pratique par le gouvernement courant 2018. Les revenus annuels de Toutabo ont ainsi atteint 12,4 millions d’euros en 2017 puis 13,3 millions en 2018, avant de revenir à plus de 6 millions d’euros depuis 2019. L’économie de ces plateformes reste difficile. Ces dernières années, PressReader, qui a tenté de se déployer en France sur un positionnement BtoBtoC a presque disparu, Lagardère a fermé son service Relay.com en 2018, Zinio n’a jamais décollé, tandis que l’initiative Pressmium, lancée en 2019, s’est achevée dès 2020. Le coût d’acquisition des abonnés est élevé et nécessite des investissements marketing importants, de même que le développement technique de l’offre. Enfin le partage de la valeur, avec les éditeurs de presse, qui sont rémunérés sur chaque téléchargement, et avec les éventuels partenaires distributeurs – des carrefours d’audience – est lui aussi à déduire du chiffre d’affaires. Pire, un certain nombre de grandes marques médias, qui concentrent une large partie des usages sur ces plateformes, sont de plus en plus réticents, désormais, à partager la commercialisation de leurs ventes avec ce qu’ils considèrent être des intermédiaires. Ceux-là préférèrent conserver la commercialisation de leurs abonnements numériques au sein de leurs espaces dans une approche plus globale de leur offre. Suivant en cela l’exemple du Monde, qui est absent des kiosques, et du Figaro et La Croix, qui y ont restreint leur présence au téléchargement à l’unité et ne sont pas disponibles dans les offres globales illimitées, L’Equipe quittera ces plateformes en janvier 2022, ainsi que Le Point. Laurent Prud’homme (L’Equipe) : “Nous allons sortir des kiosques numériques car l’expérience ne correspond plus à celle, globale, que nous souhaitons proposer directement à nos lecteurs” Un modèle exigeant en investissements Pour retrouver des marges de manœuvres, les kiosques les plus solides financièrement tentent de gagner en taille pour s’ouvrir de nouveaux marchés et réaliser des synergies. Cafeyn, qui se positionne uniquement comme un distributeur de contenus de presse via un abonnement illimité, a ainsi acquis SFR presse au printemps 2020 (pour un montant avoisinant les 10 millions d’euros), puis Blendle quelques mois plus tard. C’est cette même logique qui explique le rapprochement entre Readly et Toutabo aujourd’hui. L’opération s’appuie sur un effet de volume et des complémentarités géographiques. Créé en Suède en 2012, Readly, qui était composé de 120 personnes fin 2020 (dont 40 consultants), s’appuie sur des accords noués avec 900 éditeurs issus de 11 pays, essentiellement au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suède, mais aussi aux Etats-Unis, en Irlande, Italie et Pays-Bas. Le groupe propose sur sa plateforme 5 000 titres accessibles dans 50 pays via 17 langues, soit 140 000 éditions de journaux et magazines disponibles sur l’ensemble de l’année 2020. 99 millions de téléchargements de titres ont été effectués en 2020. L’engagement semble important, avec 21 minutes de temps passé moyen par session utilisateur et 7 heures de temps passé moyen par mois par utilisateurs, selon des chiffres communiqués par la société pour l’année 2019. La consultation des titres a lieu, selon les pays, de 80 à 88 % sur tablette, le solde sur mobile. 60 à 70 % des sessions se font via une application iOS, contre 30 à 40 % via Android. En 2020, selon son rapport financier, son chiffre d’affaires annuel s’est élevé à 34,7 millions d’euros, en hausse de 33 % en un an, pour des pertes de 19,5 millions d’euros, en hausse de 35 %. Avec une offre principale à 9,9 euros pour l’abonnement mensuel avec un accès illimité aux titres référencés et un volume d’abonnés de 370 000 abonnés, la société présentait un revenu moyen par utilisateur (ARPU) de 9,2 euros, en progression de 7 % en un an. Mais le coût d’acquisition des abonnés est élevé ; de l’ordre de 15,3 millions d’euros en 2020, en hausse de 56 % en un an. Un dépense qui a représenté 44 % de son chiffre d’affaires l’an passé. De même, les reversements aux éditeurs de presse sont importants : 23 millions d’euros en 2020, en hausse de 29 % en un an. Ce qui représentait 66 % de son chiffre d’affaires. L’échelle européenne est nécessaire Readly s’est engagé dans une phase d’investissements pour recruter des abonnés et croître rapidement. Le groupe a pour cela levé environ 40 millions d’euros en plusieurs fois ces dernières années. Selon ses derniers résultats semestriels, publiés en juin, sur les six premiers mois de l’année 2021, le groupe a réalisé 21 millions d’euros de chiffre d’affaires, en progression de près de 11 % sur le semestre précédent. 39 % de ses revenus proviennent du marché allemand, 23 % du marché britannique, 22 % du marché suédois et le solde d’autres pays. Le Royaume-Uni est actuellement son marché le plus dynamique : il représente 60 % de la croissance de son chiffre d’affaires. Le groupe détenait 420 000 abonnés en juin 2021, en hausse de 30 % en un an. Avec l’acquisition de Toutabo, Readly s’implante en France avec pour ambition de “devenir le leader” – une position aujourd’hui détenue par Cafeyn.Il veut aussi étendre la diffusion des contenus des éditeurs français à l’international, “auprès des 500 millions de francophones” présents dans le monde, et donc atteindre une taille critique. Un cobranding Toutabo-Readly sera rapidement utilisé en France, avant de ne conserver que la marque Readly, sans doute pas avant 2023. La structure française pourra s’appuyer sur les ressources techniques, la technologie de distribution et l’expertise liée aux données de Readly, des aspects sur lesquels Toutabo affiche un retard sur les standards de marché. L’enjeu passe notamment par une meilleure connaissance utilisateur via l’analyse de leur consommation des contenus sur la plateforme afin de constituer et adresser des listes de contenus personnalisées. Une concurrence frontale avec Cafeyn Le groupe Readly proposera une offre consolidée de 6 000 magazines et 350 journaux issus de 1 000 éditeurs de presse dans 11 pays, avec 17 langues disponibles. Le groupe mise sur une croissance annuelle de son revenu de 30 % à partir de 2022 et un développement en Europe. Il fera face sur ce point à la concurrence du Français Cafeyn (ex-LeKiosk). Cofondé en 2007 et dirigé par Ari Assuied (sa fiche LinkedIn), Cafeyn revendique proposer 2 500 journaux et magazines sur sa plateforme et 2 millions d’utilisateurs actifs (soit une fois par mois au moins) pour 20 titres consommés par mois en moyenne par utilisateur. Avec des bureaux en France, au Royaume-Uni, Canada, Maroc et Pays-Bas, la société est passée de 50 personnes en 2018 à 180 aujourd’hui. Cafeyn a noué des partenariats avec des éditeurs de presse en France, au Royaume-Uni, en Italie, au Canada et en Irlande. Son chiffre d’affaires a progressé de 40 % en 2020, via notamment les acquisitions de miLibris (plateforme SaaS) auprès de SFR et de Blendle (achat d’articles à l’unité). Pourquoi Altice a cédé SFR Presse à Cafeyn Fin 2020, Cafeyn avait annoncé l’entrée à son capital du fonds de capital développement britannique Bregal Milestone, afin, elle aussi, d’accélérer son développement à l’international. Les modalités de l’opération n’avaient pas été évoquées, mais Bregal Milestone investit généralement entre 20 et 75 millions d’euros, dans des activités liées au logiciel et aux produits et services technologiques. Jean-Michel De Marchi Abonnements numériquesDistribution des contenusKiosques en lignePresse magazineSites d'actualité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretiens Laurent Prud'homme (L'Equipe) : "Nous voulons saisir de nouvelles opportunités de partenariats, à l’image de l'accord de production noué avec Amazon" Entretiens gratuit Louis Dreyfus (Groupe Le Monde) : "Les abonnements en ligne représenteront plus de 50 millions d'euros de revenus pour Le Monde en 2021" 13,7 millions d'euros de résultat net pour le groupe Le Monde en 2020 Cafeyn prend une nouvelle dimension avec l'entrée de Bregal Milestone dans son capital Cafeyn renforce son offre de kiosque en ligne en acquérant Blendle Tribunes gratuit "Ce n’est qu’en proposant une rémunération plus élevée aux éditeurs qu’Apple News réussira à s'installer" Dossiers La presse magazine aborde prudemment les kiosques numériques Entretiens Pierre Louette (Les Echos et Le Parisien) : "Nous procéderons à d'autres opérations de croissance externe" Pourquoi Altice a cédé SFR Presse à Cafeyn Entretiens François Claverie (Le Point) : "Il faut reconsidérer la prise en compte des ventes par tiers dans la diffusion France payée" Le classement des éditeurs français qui ont le plus d'abonnés purs numériques Abonnements numériques (2/2) : comment les éditeurs ont-ils fait évoluer leurs offres en 2020 ? 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