Accueil > Médias & Audiovisuel > Droits sportifs : les ligues basculent progressivement vers la diffusion OTT en propre Droits sportifs : les ligues basculent progressivement vers la diffusion OTT en propre Dans un marché des droits TV moins avantageux pour eux, pour développer leur notoriété, les ligues, fédérations et clubs de sports français moins "premiums" que le football ou le rugby se réapproprient la diffusion de leurs contenus en lançant leurs plateformes en OTT. Par Paul Roy. Publié le 04 novembre 2022 à 10h11 - Mis à jour le 11 juillet 2024 à 15h43 Ressources Les points clés Les fédérations et ligues françaises qui lancent leur offre en OTT le font avant tout pour fédérer une communauté autour de leur sport et des clubs que pour en faire un véritable levier de croissance économique. La démocratisation et la baisse des coûts d’accès aux outils de diffusion et de captation du sport en live ont considérablement facilité la tâche aux ayant droits. Pour les plus petits acteurs, qui n’ont pas jamais eu l’opportunité de commercialiser des droits TV, l’enjeu est aussi d’être intégré dans des plateformes d’agrégation ou des offres plus larges, proposant l’accès à plusieurs sports. En 2020, 24 % des internautes de 15 ans et plus étaient abonnés à au moins une offre payante de sport, selon une étude publiée par Hadopi et le CSA. 6 % de cette même population était abonné à au moins une déclinaison OTT d’une chaîne de sport, et 3 % avait souscrit à au moins une offre purement OTT lancée par une ligue ou autre ayant droit. Une tendance qui concerne particulièrement les plus jeunes, moins enclins à s’abonner aux diffuseurs classiques. Ainsi, selon l’étude, “60 % des abonnés à une offre de sport en OTT ont entre 15 et 34 ans, contre 35 % pour les abonnés à des offres classiques. Si la part d’abonnés aux offres des acteurs du sports était à l’époque faible, la multiplication des lancements de plateformes “direct to consumer” par les acteurs du sport (ligues, clubs, fédérations, etc.), laisse penser que l’usage va se généraliser. “Aujourd’hui, un consommateur de sport veut un abonnement affinitaire et pas nécessairement payer pour un championnat complet alors qu’il ne suit qu’une seule équipe, par exemple”, explique Arnaud Simon, ex-directeur d’Eurosport et fondateur du cabinet de conseil spécialisé In&OutStories, qui a notamment travaillé sur le développement de la plateforme de basketball Skweek, et de l’offre OTT de la Ligue nationale de volley. Sur le territoire français, des ligues dont les revenus issus des droits TV sont moins importants que pour les ligues nationales de rugby (121,4 millions d’euros de droits TV sur la saison 2019-2020) ou de football (836 millions d’euros sur la saison 2020-2021), ont développé leurs propres plateformes. C’est le cas récemment des ligues nationales de volley, de handball et de basketball. Un marché des droits qui se contracte pour les ligues “moins premiums” Comment expliquer cette dynamique ? D’abord parce que l’ensemble des ayant droits sportifs subissent les conséquences de la recomposition du paysage audiovisuel. Le cord-cutting, ou la tendance à préférer la consommation en OTT à la TV payante, et l’éclatement de l’offre de diffusion pour le sport ont eu un impact sur les compétitions moins premiums, qui peuvent à terme ne pas trouver de diffuseur tiers. OTT : la plateforme de streaming sportif pour les professionnels Screach vise 20 000 établissements abonnés d’ici 2025 À titre d’exemple, en 2021, malgré l’engouement suscité par l’équipe nationale depuis plusieurs années, la ligue nationale de basketball perdait son contrat avec RMC Sport pour la retransmission de la Pro A. Si elle a depuis retrouvé un accord avec la chaîne Bein Sports pour la diffusion d’un match par journée pour la saison 2022-2023, ses droits sont passés d’un montant oscillant entre 3 et 4 millions d’euros par an sur la période 2018-2020, à pratiquement zéro en 2021. La Ligue – qui n’a pas pu répondre à nos sollicitations à temps -, plus pour conserver ses audiences que compenser cette importante perte de revenu, a ainsi diffusé l’ensemble des matches sur sa plateforme LNB TV, lancée un an plus tôt. Développer des communautés avant de monétiser C’est en partie pour limiter l’effet de ce type de déconvenue que la Ligue nationale de Handball a préféré prendre les devants, en développant conjointement avec la fédération nationale, HandballTV, dévoilée en août 2022 – et ce malgré le renouvellement de son contrat de diffusion avec Bein Sport courant jusqu’en 2026 pour un montant avoisinant les 4 millions d’euros par saison, selon L’Equipe. Loin des millions d’abonnés payants générés par les chaînes de sport, le but de l’offre – d’ailleurs codéveloppée avec Bein Sports et reposant sur l’infrastructure de la société d’Origins Digital – est avant tout de fédérer une communauté autour du sport. “L’intérêt est de préparer l’après, d’enregistrer des inscrits pour mieux connaître notre audience, ce qui les intéresse. Il y a aujourd’hui une forte culture de la gratuité dans le handball, mais le but est aussi de faire évoluer l’offre”, explique Victor Boillaud, responsable digital de la LNH. Handball TV diffuse environ 150 matches (Star Ligue, équipe de France féminine et masculine…) et des contenus annexes (interviews, résumé, reportages, etc) et propose aujourd’hui trois options de visionnage : libre, gratuit avec création d’un compte donnant accès à la majorité des contenus, et une formule à 4 euros par mois (35 euros par an) pour l’accès à la totalité des contenus et à deux écrans simultanés. “Nous nous sommes fixé un objectif à deux ans de 80 000 inscrits, et nous avons aujourd’hui dépassé les 20 000”, indique Victor Boillaud (LNH), qui n’a pas souhaiter communiqué le chiffre d’abonnés payants. De son côté, la LNV, au moment du non-renouvellement de son contrat de diffusion avec L’Équipe en 2018, a lancé LNV TV avec SportRadar, une plateforme spécialisée dans la diffusion en OTT et les paris sportifs – d’abord via une formule payante. La Ligue – dont Bein Sports diffuse un match de Ligue A par journée depuis 2022 – a refondu son offre en 2022 pour proposer une plateforme entièrement gratuite (matches, analyses, résumés…) accessible via la création d’un compte. “Nous passerons les play-off en payant, et nous envisageons dans un second temps de faire payer certaines fonctionnalités comme le multi-écrans”, anticipe Pierre Hérault, responsable marketing et communication de la LNV, rapportant que la plateforme compte aujourd’hui 37 000 inscrits. Une tendance qui concerne les ligues majeures La NBA a fait office de précurseur dans le domaine en lançant en 1995 le NBA League pass – qui était accessible uniquement via des services de télévision payants, et commercialisé à un prix très élevé (plus de 200 dollars par an), notamment pour éviter de heurter les accords avec les diffuseurs. Ce service, destiné aux fans, et proposant l’intégralité des matches au visionnage, a progressivement été ouvert au streaming, d’abord via des services payants, puis ensuite en direct vers le consommateur sur tous les environnements numériques. “Le but de cette offre est d’attaquer des marchés locaux faibles ou elle tire moins des droits TV et d’aller sur de nouveaux environnements pour capter d’autres audiences (comme la Xbox). C’est une arme de conquête, qui amène aussi une meilleure connaissance des fans via la data, afin d’être en capacité de proposer une expérience plus complète (merchandising, sport augmenté, métavers, statistiques, etc.)”, détaille Arnaud Simon (In&OutStories). Son prix a été pratiquement divisé par deux cette année en France passant de 119,99 euros contre 199,99 euros la saison passée, preuve de la volonté de la ligue d’accompagner la transformation des usages et d’en faire un véritable relai de croissance. Dans le sillon de la NBA, plusieurs ayant-droits majeurs ont également lancé leurs offres, à l’image de la Ligue de Football espagnol, qui a fait le choix de lancer une plateforme commune à plusieurs sports (basketball, handball, futsal, football…) et de la FIFA, qui a dévoilé son offre FIFA+ pour la diffusion de 40 000 matchs de football masculin et féminin issus des fédérations membres. Les acteurs majeurs européens en matière de droits sportifs restent pour le moment plus timides. La BundesLiga (championnat de Football allemand), de la Premiere League et la LFP, bien qu’elles aient des offres OTT de replay et contenus annexes, n’ont pour le moment pas développé de plateforme de diffusion live. Le montant très élevé des droits TV touchés les pousserait à rester dans cette situation de “confort”, selon Arnaud Simon (In&OutStories). “Ma conviction, c’est que le lancement d’une offre OTT n’est pas l’apanage de ligues qui se retrouvent en difficulté. Vous devez continuer de capitaliser sur les revenus de droits tout en développant votre relation directe avec les audiences”, rappelle-t-il. Cette tendance pourrait cependant s’accentuer en cas de dépréciation du contenu des ligues. Après une très forte augmentation des droits TV du football européen pendant une dizaine d’années, les premiers signes d’un plafonnement sont observés. Bien que la Premiere League ait vu augmenter ses revenus issus des droits augmenter de 30 % sur le cycle 2022-2025 par rapport au précédent cycle, les revenus de la Liga (cycle 2022-2027 par rapport au précédent) ont stagné, et ceux de la Bundesliga (cycle 2021-2025) et de la Série A (cycle 2021-2024) sont même en légère baisse. Et ce malgré l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, tels qu’Amazon ou DAZN. L’accès aux outils de production et de diffusion est devenu moins coûteux Ce passage à l’OTT est facilité par la démocratisation des outils de production et de diffusion généralistes (Okast, Kinow, Vimeo, etc.), et spécialisés (Origins Digital, Sportall…). Pour la refonte de sa plateforme, la LNV TV, qui a utilisé la solution développée par Kinow (récemment rachetée par Alpha Networks), a déboursé environ une centaine de milliers d’euros, auxquels s’ajoutent des “frais de vie”. Cette baisse des coûts d’entrée est également liée aux possibilités de captation et production de matches en propre. “Auparavant le moindre match coûtait 30 000 euros à produire, on se situe aujourd’hui autour de 10 000 euros”, indique Arnaud Simon (In&OutStories). La LNH et la FFHB s’appuient ainsi sur ViaStoria pour la production des 5 matches de Starligue les moins importants (les trois autres étant produits par Bein Sports), et pour les diffusions inférieures, les clubs s’appuient parfois sur des prestataires locaux. “Le but est qu’à terme, le flux des matches de Starligue que nous produisons puisse être diffusé sur Bein Sports”, rapporte Victor Boillaud (LNH). La LNV travaille de son côté avec Move’N See, une société spécialisée dans la captation automatique du sport et des événements live, qui développe des robots caméra accessible à un prix de 1 000 euros unitaire environ. Pourquoi le fournisseur de solutions OTT Alpha Networks rachète Kinow SportAll, une plateforme OTT dédiée au sport qui a levé 2,9 millions d’euros en mai 2022 et compte aujourd’hui une vingtaine de salariés, pousse le modèle plus loin en accompagnant à la fois les acteurs du sport dans la diffusion, la production mais aussi la monétisation via la publicité, la recherche de sponsors et les abonnements. Pour la production des matches, la société s’appuie sur un réseau de 25 sociétés spécialisées – et revendique un coût de production par match avoisinant les 3 000 euros -, mais propose aussi un kit de captation pour permettre à des acteurs de plus petites taille de filmer de manière autonome. Vers l’agrégation dans des offres plus larges ? Sur le contenu, SportAll veut se poser comme un vrai agrégateur et contribuer au développement de l’offre. “Nous essayons d’avoir un modèle mouvant. Dans le cas du lancement de RugbyZone avec la Ligue nationale de rugby, nous avons ajouté plusieurs matches de la première division anglaise, la Premiership, qui il y a trois ans était diffusée par RMC”, se félicite Thierry Boudard, président et co-fondateur de la société. Elle revendique aujourd’hui 400 000 inscrits à l’ensemble des offres qu’elle a développées (Athlé TV, Futsal TV, RC Toulon TV…). Sportall veut autant s’adresser aux fédérations, ligues, qui ne monétisent pas leurs droits qu’aux acteurs établis qui veulent développer leur présence en ligne ou le payant. “L’ensemble des services lancés sont agrégés sur la plateforme, et certains des plus importants peuvent également avoir leur application en marque blanche (à l’image de la plateforme du RC Toulon et de la bientôt lancée WorldSquash TV, ndlr)”, détaille Thierry Boudard. Son modèle économique est celui d’un partage de revenus issus des sponsors et des abonnements, avec des frais supplémentaires s’appliquant pour certains services (conseil, production live, etc.). Panorama des solutions technologiques pour développer une offre vidéo en OTT Car c’est finalement une autre question qui se pose pour les acteurs du sport qui veulent se lancer dans la diffusion OTT, celle d’être intégrés dans des offres plus larges donnant accès à de nouvelles audiences. D’autant que certains diffuseurs, comme l’Equipe avec l’Equipe Live, ont lancé leur offre OTT permettant de visionner quantité de sports moins populaires. “Le modèle de Sportall est particulièrement pertinent pour certaines ligues qui n’ont pas d’historique de vente de droits. Les acteurs avec davantage de notoriété doivent se poser la question de l’opportunité d’être intégré dans une offre plus puissante comme L’Equipe Live ou MyCanal”, explique Arnaud Simon (In&OutStories). Pour le moment, ces dispositifs OTT en propre sont vus comme un vrai complément, et ne se substituent pas à la diffusion en TV. Insistant sur cette complémentarité entre les différents canaux, la LNH et la FFHB ambitionnent de rendre Handball TV entièrement accessible aux abonnés Bein Sports. “Nous avons une pyramide complète dans le parcours client : L’Equipe (qui diffuse certains matches de l’équipe de France, ndlr) pour la grande masse “fans de sport” ; Bein Sports pour les audiences en recherche d’éditorialisation ; et Handball TV pour les fans de handball”, conclut Victor Boillaud (LNH). Paul Roy Abonnements numériquesOTTStreaming vidéoSVODTransformation de l'audiovisuelVidéo en direct Besoin d’informations complémentaires ? 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