Accueil > Médias & Audiovisuel > L’idée de quotas publicitaires imposés aux annonceurs de nouveau évoquée L’idée de quotas publicitaires imposés aux annonceurs de nouveau évoquée Devant une commission sénatoriale, Pierre Louette, le président de l'APIG et des Echos - Le Parisien, a mis en avant l'idée d'un encadrement légal du volume de budgets alloués par les marques aux plateformes, afin de mieux protéger l'économie des médias traditionnels. Une idée déjà exprimée par Marc Feuillée, directeur général du Figaro. La DGMIC trouve l'idée "intéressante".crédit photo : Bruno Lévy Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 03 décembre 2021 à 17h22 - Mis à jour le 03 décembre 2021 à 18h24 Ressources Faut-il instaurer des quotas publicitaires pour favoriser la réorientation des budgets marketing des marques, aujourd’hui très majoritairement orientés vers Google, Facebook et Amazon, vers les autres supports médias ? La question a été soulevée dans le cadre de la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias, qui vient de débuter ses travaux, et elle sera sans doute l’objet de discussions ces prochaines semaines et mois. Interrogé par cette commission, installée depuis le 29 novembre et dont le rapport est attendu au cours du premier semestre 2022, en tant que président de l’Alliance de la presse d’information politique et générale (APIG), Pierre Louette, par ailleurs président des groupes Les Echos et Le Parisien, a insisté dans son propos sur les difficultés économiques qu’éprouvent les médias locaux, notamment dans la publicité face aux GAFA, et repris la proposition avancée par la professeure d’Université Nathalie Sonnac quelques jours plus tôt, qui consiste à imposer aux marques des quotas dans leurs investissements marketing. Sollicité par le rapporteur de commission, David Assouline, sur la façon de permettre aux médias de retrouver une croissance économique, “tous les moyens, notamment liés ceux liés à la publicité, doivent être mobilisés, a répondu Pierre Louette. Je trouve intéressante la proposition que décrivait Nathalie Sonnac devant vous : on peut imaginer et travailler à une façon de limiter la part du budget publicitaire qu’un même investisseur peut consacrer à un seul support. Par exemple, quand on est un annonceur, ne pas mettre plus de 25 % de ses investissements sur un seul support, le support TV, le support Google ou le support Facebook. Quand on parle de concentration, on parle de risque pour la diversité. Il y a ici (avec ces quotas) une réponse parfaitement économique adaptée à ce risque (…) comme jadis il y a eu des secteurs industriels ou des heures de diffusion pour lesquels la publicité était interdite (…). Cela oblige à mieux répartir les investissements marketing. D’ailleurs certains acteurs le font déjà dans leurs plans médias.” (le replay vidéo) Interrogée par la commission sénatoriale mardi 30 novembre (la vidéo), Nathalie Sonnac, professeure des universités à Paris II – Panthéon-Sorbonne-Assas en histoire et économie des médias, ancienne membre du CSA et du Conseil national du numérique, a en effet évoqué – sommairement – l’idée d’appliquer au secteur des médias ce qui a été mis en place pour protéger le secteur du cinéma, avec des interdictions de diffusion de films à la télévision certains jours de la semaine. Marc Feuillée (Le Figaro) a déjà demandé cette mesure La proposition d’encadrer légalement les investissements marketing des annonceurs par des quotas pour en réorienter une partie des revenus publicitaires – des plateformes vers les médias locaux – est pour la première fois présentée de façon officielle et publique auprès des pouvoirs publics, mais elle n’est pas nouvelle. Marc Feuillée, directeur général du Groupe Figaro et vice-président de l’APIG, l’avait déjà présentée dans une tribune publiée dans nos colonnes en juin 2020, au plus fort de la crise publicitaire : “Le monde de l’information digitale a un besoin vital de régulation, c’est-à-dire d’un ensemble de règles communes qui soient efficaces et appliquées, pour que la compétition entre les acteurs soit juste et équitable. Responsabilité juridique, neutralité des algorithmes, partage des données, rémunération des contenus utilisés… Rien n’est en place et rien n’est imposé. Pour y parvenir, il ne faut plus être naïfs et agir, avec un cadre juridique non pas conservateur, mais protecteur.” Marc Feuillée appelait alors les pouvoirs publics à agir rapidement et faisait un parallèle avec d’autres secteurs industriels qui ont imposer des quotas aux activités d’acteurs : “Par le passé, des dispositifs ont contribué à protéger des pans entiers de notre industrie culturelle. Je pense aux quotas pour la diffusion de la musique française sur les radios, ou au prix unique du livre pour défendre l’édition et la culture françaises… On peut imaginer des mécanismes de protection similaire, avec des quotas publicitaires en faveur des médias nationaux, en France ou en Europe.” Marc Feuillée (Groupe Figaro) : “Le monde de l’information digitale a un besoin vital de régulation” Jean-Baptiste Gourdin, le directeur général de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) au sein du ministère de la Culture, a été interrogé aussitôt après par la commission. Il semble enclin à appuyer cette idée : “C’est une réflexion moins directement liée à la concentration des médias qu’à la question de savoir comment on régule le transfert de valeur qui s’opère sur le marché publicitaire entre les médias traditionnels et la publicité digitale. Le point de départ de cette réflexion c’est de dire que ce n’est pas la même chose que les investissements des annonceurs aillent vers des médias qui financent des contenus, qui rémunèrent des journalistes, qui achètent des acquisitions de droits ; ou qu’il aillent vers des plateformes qui contribuent beaucoup à la diffusion de ces contenus, mais qui ne les financent pas. De ce point de vue là, on a une réglementation sectorielle de la publicité qui a longtemps reposé sur une logique de secteur interdit : on a protégé la radio et la presse du média dominant de l’époque, qui était la télévision, en interdisant à la télévision certains types de publicité. On voit bien que ces règles, qui protègent le petit contre le gros, perdent un peu de leur sens lorsque le gros devient le moyen face à un très gros (…). Ce qu’on veut, in fine, c’est que les investissements publicitaires aillent vers les médias, non par patriotisme ou par défense d’intérêts catégoriels, mais parce que ces médias financent les contenus, la production de l’information et des œuvres. L’idée évoquée me semble extrêmement fertile ; l’idée qu’il y ait une forme de responsabilité des annonceurs quant aux supports sur lesquels ils placent leurs messages. Cela pose beaucoup de questions ; il n’y a pas de travaux en cours sur ce sujet mais je crois que l’idée est intéressante.” (le replay vidéo) Les auditions de la commission sénatoriale vont se poursuivre jusqu’en février 2022, avant la publication d’un rapport au deuxième trimestre. Des interrogations politiques multiples Le président du Sénat, Gérard Larcher, a accepté le 22 novembre la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à la création d’une commission d’enquête sur la concentration des médias (journaux, radios, chaînes de télévision). Sa réunion constitutive s’est tenue le mercredi 24 novembre. Le président de la commission, Laurent Lafon, sénateur UDI du Val-de-Marne et président de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat, a souligné “la nécessité de disposer d’un constat lucide et actualisé dans l’optique de la révision d’une loi du 30 septembre 1986 qui parait aujourd’hui largement obsolète compte tenu des évolutions technologiques, juridiques et internationales.” Son rapporteur est David Assouline, sénateur PS de Paris, spécialiste des dossiers liés aux médias – il a favorisé l’adoption de la loi sur les droits voisins. “La commission d’enquête va s’attacher, à travers les auditions des dirigeants et des actionnaires des principaux médias, mais également des journalistes, des experts, des pouvoirs publics et des régulateurs, à estimer la réalité de la concentration des médias dans notre pays et à mesurer à quel point elle est susceptible d’entraver la liberté d’expression et la démocratie et de porter atteinte aux principes constitutionnels de liberté, d’indépendance et de pluralisme des médias”, a-t-il indiqué lors de son installation Les auditions de la commission sénatoriale devraient avoir lieu jusqu’en février 2022, avant la publication d’un rapport au deuxième trimestre. Les sénateurs veulent déterminer si les règles anti-concentration dans les médias sont encore adaptées, s’il faut les assouplir ou les durcir. Deux interrogations en toile de fond : l’une sur l’opportunité de voir se créer des groupes médias plus importants pour faire face aux nouveaux enjeux concurrentiels que représentent de nouveaux acteurs technologiques – la fusion entre M6 et TF1 présentée comme réponse à la concurrence posée par les grandes plateformes -, l’autre sur la place de plus en plus importante occupée dans le secteur des médias par quelques investisseurs et industriels. Le développement dans le secteur du groupe Vivendi, et son premier actionnaire Vincent Bolloré, depuis l’acquisition de Prisma Media et le rapprochement entre Europe1 et CNews, suscitent des questions sur le rôle et l’influence que peuvent avoir quelques personnalités sur les médias et l’information. La fusion souhaitée entre M6 et TF1 est aussi sujette à des critiques. De son côté, le gouvernement s’interroge sur les règles à appliquer lors des rachats dans les médias. Le ministère de l’Economie et celui de la Culture ont commandé chacun en septembre un rapport en ce sens à l’Inspection des finances et à l’Inspection des affaires culturelles, selon Capital. Ils sont attendus au premier semestre 2022. Jean-Michel De Marchi Achat médiaAgencesLobbyingPublicité programmatiqueSites d'actualitéStratégies annonceurs Besoin d’informations complémentaires ? 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