Accueil > Investissement > Un accord politique provisoire a été scellé pour le règlement européen MiCA Un accord politique provisoire a été scellé pour le règlement européen MiCA Le projet de règlement européen pour les cryptoactifs a franchi une étape de plus avec l’élaboration d’un cadre réglementaire provisoire. Au programme : protection des investisseurs, régulation des stablecoins, empreinte environnementale… Par Caroline Soutarson. Publié le 01 juillet 2022 à 17h03 - Mis à jour le 24 août 2022 à 19h46 Ressources La présidence du Conseil et le Parlement européen se sont accordés, provisoirement, le 30 juin 2022, sur le cadre de la proposition de règlement européen sur les marchés de cryptoactifs (Markets in crypto assets – MiCA). Pour rappel, le projet doit permettre de réguler l’écosystème crypto (les actifs numériques, leurs émetteurs, ainsi que les prestataires de services) dans l’Union européenne, notamment au sujet de la protection des investisseurs et de la stabilité financière, tout en favorisant l’innovation et le développement du secteur. Il s’agit notamment d’établir un environnement concurrentiel commun pour dépasser les législations établies au niveau national et instaurer un système de passeportage des agréments, comme cela peut déjà être le cas pour d’autres services financiers. Prestataires de services et protection des investisseurs Les prestataires de services sur cryptoactifs (ou crypto assets services providers – CASP) devront ainsi demander des autorisations d’exercer auprès de leurs régulateurs nationaux et respecter les mêmes exigences demandées aux acteurs bancaires en termes d’assurance des fonds de leurs clients, de fonds propres ou encore de sécurité informatique. À la différence de la réglementation active des PSAN en France, composée d’un régime obligatoire pour quatre activités spécifiques (conservation d’actifs numériques, achat ou vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal, échange d’actifs numériques et exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques) et d’un agrément optionnel, MiCA devrait être un régime complet impliquant des demandes pour une liste exhaustive de services. Autre distinction, les délais de délivrance des agréments seront raccourcis à trois mois, contre six actuellement avec l’Autorité des marchés financiers (AMF). L’un des points évoqués dans l’accord provisoire concerne le soutien aux consommateurs. Les CASP “auront l’obligation de respecter des exigences fortes de protection des investisseurs en cryptoactifs et seront désormais considérés comme responsables en cas de perte de cryptoactifs appartenant à des investisseurs”, indique le communiqué. Pour les consommateurs, cela se traduira par exemple par plus d’informations et de transparence sur les produits et les acteurs. Comme dans la finance traditionnel, MiCA couvrira également les cas d’abus de marché (manipulations de cours, délits d’initiés…). Émetteurs de stablecoins et stabilité financière Née en parallèle des controverses autour du projet de cryptoactif de Facebook, Libra, (depuis renommés Meta et Diem respectivement), MiCA a dès ses débuts eu les stablecoins en ligne de mire. Bien que l’initiative de Meta ne soit aujourd’hui plus d’actualité – la propriété intellectuelle liée au projet a été revendue par l’association Diem à la banque Silvergate -, MiCA intègre toujours ces actifs spécifiques à son cadre réglementaire, quand les NFT et la DeFi en sont exclues (voir encadré). D’autant plus que les derniers événements sur les marchés des cryptoactifs, et plus particulièrement l’effondrement du stablecoin algorithmique TerraUSD qui a entraîné dans la tourmente à la fois des investisseurs, des cryptoactifs et des sociétés, n’ont pas aidé à une amélioration de leur image auprès des institutions européennes. Cette prise en grippe se retrouve dans le cadre réservé à ces actifs. MiCA demandera notamment aux émetteurs “de constituer une réserve suffisamment liquide, avec un ratio de 1/1 et en partie sous forme de dépôts. Chaque détenteur de soi-disant ‘stablecoins’ pourra se faire rembourser à tout moment et gratuitement par l’émetteur”. Par ailleurs, les stablecoins étrangers, tels que ceux, majoritaires aujourd’hui, indexés sur le dollar, devront respecter des règles strictes, à commencer par l’obligation d’avoir un siège dans l’Union européenne. “Le développement de jetons se référant à un ou des actifs (asset-referenced tokens ou ART) fondés sur une devise non européenne, utilisés en tant que moyen de paiement, sera limité pour préserver notre souveraineté monétaire”, d’après le cadre provisoire. Empreinte environnementale Enfin, MiCA porte un enjeu de durabilité. Les acteurs de l’écosystème devront “fournir des informations concernant leur empreinte environnementale et climatique” et respecter des normes établies par la Commission européenne en termes de durabilité des mécanismes de consensus, et plus particulièrement la preuve de travail (Proof of Work) – sur laquelle repose Bitcoin – dont l’interdiction pure et simple avait été rejetée par le Parlement européen en mars 2022. L’accord présenté est soumis à l’approbation du Conseil et du Parlement européen avant son adoption formelle. Le règlement entrera en application 18 mois après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. En mai 2022, le président de l’AMF Robert Ophèle estimait la mise en application à 2024, voire 2025. Lutte contre le blanchiment avec la proposition TFR MiCA ne dictera pas la mesure en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. En revanche, l’accord politique sur la “mise à jour des règles relatives aux informations accompagnant les transferts de fonds” (TFR), parue le 29 juin 2022, étendra le cadre aux transferts de cryptoactifs et suivra le même calendrier législatif que MiCA. Les CASP auront donc l’obligation, au même titre que les prestataires de services de paiement (PSP) avec les virements électroniques, “de recueillir et de rendre accessibles certaines données sur le donneur d’ordre et le bénéficiaire des transferts de cryptoactifs qu’ils traitent” afin de détecter les transactions suspectes, indique le communiqué. L’exclusion des NFT et de la DeFi de MiCA Alors que les NFT (jetons non fongibles) et la DeFi (finance décentralisée) n’étaient pas à l’ordre du jour en 2019, lorsque les premières discussions autour d’un règlement européen ont vu le jour (ces termes n’apparaissent d’ailleurs pas dans la proposition de règlement publiée en septembre 2020), les institutions européennes avaient finalement hésité à soumettre ces deux sujets à la réglementation, qui ont gagné en importance depuis le début des négociations. Comment la DeFi réinvente l’infrastructure financière L’accord politique provisoire prévoit finalement que ces deux thèmes en soient exclus, sauf si certains NFT “rentrent dans les catégories de cryptoactifs existantes”, précise le communiqué. Le spécialiste juridique et réglementaire du cabinet Gide, Matthieu Lucchesi, listait à mind Fintech début 2022 les différentes applications que recouvraient ces instruments numériques. “Les NFT peuvent être considérés comme des actifs numériques, ou des biens, mais ils interviennent aussi dans les secteurs du luxe, du jeu, des médias, de la distribution…”. MiCA intervenant dans un cadre financier, le règlement n’a donc pas vocation à réguler l’ensemble de ces cas d’usage. Encore aux prémices de leur développement, les NFT et la DeFi seront toutefois regardés de près par les institutions qui évoquent l’éventualité d’une réglementation complémentaire à moyen terme. Caroline Soutarson cryptoactiflutte anti-blanchimentPSANrégulationstablecoin Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Coinbase se tourne vers l’Europe pour relancer son activité Cryptoactifs : l’AMF se prépare aux différentes échéances réglementaires européennes Comment l’écosystème crypto français s’empare du régime PSAN MiCA : le Parlement européen rejette l’interdiction de facto de la preuve de travail Les débats autour de la preuve de travail stoppent MiCa Entretien M. Lucchesi et F. Guiader (Gide 255) : “Il faut trouver un équilibre entre attractivité et réglementation des activités liées aux cryptoactifs”