Accueil > Financement > Jean-Marc Clerc (WiSEED Transitions) : “Pour la première fois, nous avons compté plus de projets financés en obligataire qu’en actions” Jean-Marc Clerc (WiSEED Transitions) : “Pour la première fois, nous avons compté plus de projets financés en obligataire qu’en actions” Comme pour l’immobilier auparavant, la plateforme de crowdfunding WiSEED a créé en novembre 2020 une filiale dédiée au financement de projets à impact. Mais avec un environnement macroéconomique peu favorable, WiSEED Transitions peine à atteindre les objectifs espérés, confie son directeur général Jean-Marc Clerc. Par Caroline Soutarson. Publié le 24 janvier 2024 à 14h19 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h48 Ressources Quelles sont les raisons qui ont motivé WiSEED à créer une filiale dédiée aux projets à impact ? Je viens du secteur de l’économie sociale et du photovoltaïque et je suis entré chez WiSEED en 2016 pour développer le financement des projets à impact. De 2017 à 2019, nous avons réalisé des tests. Nous avons agrandi notre réseau d’apporteurs d’affaires et avons constaté que ces derniers, tout comme les investisseurs, avaient de l’appétence pour cette offre. Nous avons donc décidé fin 2020 de créer une filiale dédiée aux projets de transitions sociale et écologique qui, jusque-là, étaient traités de façon opportuniste par WiSEED. La société avait procédé de la même manière pour notre filiale en immobilier lancée en 2012. Le terme “transitions” est en effet employé au pluriel dans la dénomination sociale de la filiale. Que sous-entend-il ? Pour nous, les projets à impact recouvrent deux volets : un premier social, qui consiste à financer des SCOP (société coopérative de production, Ndlr) et SCIC (société coopérative d’intérêt collectif, Ndlr), des entreprises détenues par leurs salariés, et un volet environnemental. Nous ne souhaitions pas nous cantonner à la transition énergétique, qui représente l’essentiel de l’activité de nos compétiteurs. Nous nous différencions en étant davantage axés sur l’innovation. Ainsi, alors qu’Enerfip et Lendosphere sont concentrés sur des technologies rompues comme l’éolien et le photovoltaïque, nous nous sommes déployés sur les énergies marines renouvelables – pour lesquelles nous avons notamment recruté un business developper venu de ce secteur, Romain [Baronnet, Ndlr], qui a pu capter des réseaux qui ne connaissaient pas le financement participatif -, la mobilité décarbonée, l’hydrogène ou encore l’agritech. Julien Hostache : “Les collectes d’Enerfip ont plus que triplé en 2021” Cette diversité d’expertises vous a-t-elle permis d’atteindre une activité satisfaisante ces trois dernières années ? Nous sommes satisfaits de nous être renforcés sur ces secteurs mais nous sommes aussi frustrés. Nous avons commencé à lister plus de projets à un moment où l’environnement devenait anxiogène avec le cumul du Covid, de la guerre [russo-ukrainienne, Ndlr] et de l’inflation. Or le financement de l’innovation est risqué et sa dynamique de collecte a par conséquent connu un impact négatif, avec des particuliers qui ont plutôt opté pour une stratégie de bas-de-laine [c’est-à-dire l’allocation de leur épargne vers des produits peu risqués, Ndlr]. En pratique, approximativement 5 % de nos projets promus sur la plateforme n’ont pas collecté le montant minimum de financement souhaité. Début 2021, vous exprimiez l’ambition de collecter 100 millions d’euros via WiSEED Transitions d’ici la fin 2024. Cette ambition est-elle encore réalisable ? Dans un environnement classique, avec le nombre de projets que nous avons amenés, nous aurions atteint l’objectif. Mais même en augmentant notre collecte d’une année sur l’autre, nous n’arriverons pas à 100 millions d’euros collectés en 2024. Nous atteindrons plutôt ce montant en cumulé que sur une année. Quels sont vos indicateurs de performance pour 2023 ? Nous avons levé 15 millions d’euros pour 22 projets de transition écologique. Les projets d’énergies renouvelables marines comptent pour un bon quart de nos collectes. Un quart a financé la transition énergétique, un autre la mobilité décarbonée, y compris le stockage d’hydrogène, et le dernier quart l’agritech et la biomasse. Pour la première fois, nous avons compté plus de projets financés en obligataire qu’en actions. Nous observons cette même tendance dans le private equity. Du côté de l’économie sociale, deux SCOP ont bénéficié d’un financement. C’est un rythme classique pour nous. À quelle hauteur du chiffre d’affaires du groupe la filiale WiSEED Transitions participe-t-elle ? Et quel est son horizon de rentabilité ? Le chiffre d’affaires de WiSEED Transitions contribue à 15 % de celui du groupe, avec un horizon de rentabilité espéré dès 2024. Selon vous, si davantage de projets sont financés en obligations, c’est le résultat de la “stratégie de bas-de-laine” privilégiée par les particuliers actuellement ? Les actions sont un titre d’investissement plus complexe, notamment en sortie de financement. Actuellement, les particuliers aiment avoir une visibilité sur leurs liquidités, ce que permet le financement obligataire. Nous remarquons toutefois que le nombre d’investissements en actions n’a pas baissé mais que le ticket moyen a diminué, parfois de moitié. Concernant le financement en actions, un tiers des placements disparaissent avec les fermetures d’entreprise, un tiers ont une performance à zéro, c’est-à-dire que l’investisseur récupère sa mise, voire en perd avec l’inflation, et un tiers des projets surperforment, jusqu’à fois 20 pour certains. En moyenne, le TRI du portefeuille de WiSEED est à 8 % pour les placements en actions. En obligations, avec l’augmentation des taux d’intérêt, les rendements sont passés de 7 % à 9 % en deux ans, pouvant rendre l’investissement obligataire pécuniairement plus intéressant que le TRI moyen en actions. Chez les porteurs de projets, cette bascule vers l’obligataire s’accompagne d’une autre tendance : le financement de la société-mère plutôt que celui d’un projet précis. Le financement est toujours associé à un projet spécifique mais il sert aussi au déploiement d’équipes sur d’autres secteurs d’activité ou au renforcement de la société sur un pan plus administratif. Les levées sont donc plus conséquentes, avec des financements à hauteur de 1,5 million d’euros par projet en obligataire, contre 600 000 à 700 000 euros il y a trois ans. Prévoyez-vous une reprise de la dynamique d’investissement en 2024 ? Nous prévoyons la reprise avant la fin 2024, avec la diminution de l’inflation et des niveaux de taux d’intérêt qui permettront aux porteurs de projets de présenter leur projet sur la plateforme. Quels chantiers rythmeront votre année en attendant cette reprise ? Nous souhaitons nouer des partenariats avec des fonds d’investissement et des investisseurs professionnels. La France possède un bon tissu de créateurs d’innovation, accompagné par les beaux outils que sont Bpifrance et l’Ademe, mais il manque des acteurs dans le private equity, notamment dans les tours en seed et jusqu’à la Série A. En ce qui concerne les projets, nous voulons développer davantage les énergies matures. Nous avons creusé notre sillon dans les projets innovants mais nous souhaiterions proposer du placement d’infrastructure avec le photovoltaïque, des unités de méthanisation, etc. Enfin, en tant que société à mission, WiSEED a passé son audit fin 2023. Nous étudions les améliorations possibles en termes d’impact interne. Lors d’un entretien accordé à mind Fintech en 2021, la directrice générale de WiSEED Mathilde Iclanzan affirmait qu’un marché secondaire était en réflexion. Où en est le projet ? Une première brique de marché secondaire arrivera au premier semestre 2024. Elle permettra la rencontre des registres d’offreurs et de demandeurs, sans marché organisé. Une brique plus large et plus organisée devrait arriver fin 2024, grâce au recours à la technologie blockchain. Avec le régime pilote, nous travaillons en partenariat avec le régulateur pour proposer un marché secondaire plus efficace. Il s’agirait de donner un prix unique connu de tous, ce qui était jusqu’ici interdit dans le non coté à cause du peu de demandeurs et d’offreurs dans le private equity. Notre travail consiste ainsi à lever les problématiques de création d’un prix objectif. Ce marché organisé est pour nous l’un des outils obligatoires pour faire augmenter la communauté d’investisseurs puisqu’il résoudrait leur problématique de liquidité. Quels sont les effectifs de WiSEED Transitions ? Cinq salariés travaillent au sein de la filiale, sur un total de 45 chez WiSEED. Trois sont business developers et cherchent des porteurs de projet et deux sont analystes. Ils étudient la qualité des dossiers. Nous faisons appel à nos collègues pour les champs transverses comme la comptabilité, le juridique, le marketing, la communication, etc. Du côté des investisseurs, WiSEED Transitions peut-elle s’appuyer sur ceux qui investissent dans les projets immobiliers de la plateforme ? Avant 2021, les investisseurs immobiliers restaient essentiellement sur ce segment. Au contraire, ceux qui rentraient sur la plateforme par le biais des transitions allaient chercher des investissements immobiliers. Mais depuis 2023 et la crise de l’immobilier, nous observons que les investisseurs immobiliers se tournent aussi vers les projets de transition écologique obligataires car ils s’appuient sur un schéma d’investissement assez similaire. Grâce à cette crise, les investisseurs immobiliers découvrent que les placements à impact sont intéressants en termes de valeur et que les deux secteurs sont complémentaires [dans une stratégie d’investissement, Ndlr] car ils n’ont pas les mêmes dynamiques macroéconomiques. Par ailleurs, le secteur immobilier tend aussi vers plus de vert dans ses projets, comme avec l’arrêt de l’artificialisation des sols, la performance énergétique… La filiale immobilière de WiSEED est donc un vivier de potentiels investisseurs. D’ici quelques temps, vous pourriez aussi étendre votre public à des investisseurs européens grâce à l’agrément de prestataire de services de financement participatif (PSFP). Comment allez-vous procéder ? Nous aurions aimé cibler tous les pays mais entrer sur un marché, dans un nouvel écosystème, est complexe. Nous allons par conséquent commencer avec les pays frontaliers : Benelux, Allemagne, Italie et Espagne, en essayant de capter les investisseurs dans un premier temps et d’être attentif aux opportunités. Liste des PSFP agréés auprès de l’ESMA Dans l’autre sens, voyez-vous des concurrents européens arriver dans l’Hexagone grâce au nouvel agrément ? Non, nous n’en voyons pas encore. Mais il y a de la place sur le marché. Il y a un manque certain sur le terrain de l’innovation et du private equity. Caroline Soutarson crowdfundingfinance durablefinancement des entreprisesinnovation Besoin d’informations complémentaires ? 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