Les tests se développent dans la production d’informations via l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle au secours de la productivité des entreprises médias ? C’est la question qui agite les éditeurs ces dernières semaines.

Si différents dispositifs algorithmiques et des outils d’intelligence artificielle plus ou moins avancés sont déjà utilisés pour l’optimisation publicitaire et la gestion des bases de données dans l’industrie média, voire pour améliorer ou personnaliser l’expérience utilisateur sur des interfaces, leur usage pour la production de contenus éditoriaux est jusque-là timide et expérimentale, ou constitue une innovation de plus, sans remise en cause des modèles, des organisations ou de l’économie des médias.

L’apport de la technologie dans la production d’informations a d’abord été visible par l’utilisation du “robot-journalisme” pour rédiger et publier des contenus standardisés à partir de modèles préétablis. Différentes start-up se sont positionnées sur ce type d’approche, comme l’entreprise française Syllabs, qui travaille sur des dispositifs éditoriaux événementiels depuis une demi-douzaine d’années avec des médias comme Le Monde, Ouest-France, Radio France et avec l’agence AFP.

Des acteurs proposent aussi des outils de transformation d’un contenu en un autre format. Le text-to-video est ainsi utilisé depuis plusieurs années par différents médias : il permet la génération automatique de vidéos en ligne construites à partir de l’analyse sémantique d’un article. Les vidéos sont réalisées automatiquement à partir de catalogues d’images et de vidéos de partenaires. Wibbitz propose cette solution aux médias depuis une dizaine d’années. Le text-to-speech, la lecture audio automatisée d’un article, est également déployée ces deux dernières années sur de plus en plus de médias.

Des progrès notables

L’intelligence artificielle va maintenant plus loin. Et les progrès réalisés ces toutes dernières années, en particulier dans l’intelligence artificielle liée aux outils conversationnels comme l’est ChatGPT, offrent à certains éditeurs médias de nouveaux horizons. La perspective : produire de l’information ou des contenus précis, uniques, rapidement et à moindre coût. Ou a minima faciliter grandement le travail de production.

La pertinence des résultats proposés par ChatGPT depuis sa mise en ligne fin novembre a conduit plusieurs éditeurs, ces derniers jours, à tester l’outil ou à vouloir l’intégrer dans leur dispositif éditorial.

En France, Brut a ainsi mis en ligne jeudi 19 janvier une première vidéo en s’appuyant sur l’outil d’OpenAI. Après avoir créé l’avatar de l’un de ses journalistes, le média social a utilisé ChatGPT pour générer un résumé de dépêche de l’AFP. Celui-ci a été vérifié, corrigé et validé par un journaliste de sa rédaction, avant d’être lu automatiquement par l’avatar du journaliste dans une vidéo de 55 secondes, avant un spot publicitaire. Le résultat est fluide et de bonne qualité. La direction de Brut parle de “premier test” et indique “continuer d’explorer ces nouvelles technologies”.

Aux Etats-Unis, des projets plus avancés voient le jour. Dans une note interne adressée jeudi 26 janvier à ses salariés, et révélée par le Wall Street journal, Jonah Peretti, directeur général de BuzzFeed, a déclaré vouloir utiliser l’intelligence artificielle “pour personnaliser et améliorer ses quiz et ses contenus en ligne”, a annoncé la société aux employés cette semaine. “En 2023, vous verrez les contenus inspirés de l’IA passer d’une étape de R&D à une partie de notre activité principale, améliorant l’expérience du quiz, informant notre brainstorming et personnalisant nos contenus pour notre public”, a-t-il déclaré. Le média américain entend s’appuyer sur ChatGPT.

De nombreuses erreurs

L’automatisation du contenu publié peut-elle rebattre les cartes de l’économie des médias ? En tout cas les investisseurs apprécient : la médiatisation des projets de Buzzfeed, additionnée à celle d’un partenariat de fourniture de contenus avec Meta, a fait grimper le cours de l’action de l’entreprise de 120 % le lendemain de la publication de l’article du Wall Street Journal en Bourse.

Il y a quelques semaines, toujours aux Etats-Unis, c’est le site spécialisé sur les nouvelles technologies Cnet qui avait annoncé avoir discrètement expérimenté pendant près de deux mois l’écriture automatisée de plusieurs articles (environ 75) avec ChatGPT avant leur publication. Ils ont été “relus, vérifiés et édités” par sa rédaction, a indiqué la direction de l’entreprise. Mais ces contenus n’étaient pas signalés clairement comme tels jusqu’à la découverte du dispositif.

L’intelligence artificielle a fait de tel progrès et ses perspectives sont suffisamment larges pour ne pas laisser indifférents les éditeurs médias, qui composent avec un écosystème économique difficile. D’autres outils encore plus performants sont annoncés cette année. Une nouvelle version de ChatGPT par OpenAI et par d’autres acteurs, notamment Google avec DeepMind.

Dans l’immédiat, la question de la qualité et de la véracité des contenus proposés par les nouveaux outils conversationnels se pose : plus de la moitié des contenus proposés par ChatGPT lors des expérimentations faites par Cnet contenaient des erreurs factuelles, selon sa direction. L’outil construit en effet ses réponses à partir de probabilités reposant sur les millions de documents “appris” en amont, sans pouvoir vérifier leur crédibilité et sans réflexion globale.

En attendant de nouveaux progrès autour de l’intelligence artificielle – annoncés des cette année -, plutôt qu’une utilisation directe auprès des audiences, ce type d’outil peut constituer un gain de temps pour les Redaction et être utilisé comme première base de travail pour la recherche d’informations et la production assistée de contenus, en amont du travail journalistique.