On vous explique : le “throttling” ou la rationalisation des requêtes programmatiques envoyées

En juin 2022, le fournisseur de SSP Index Exchange rachetait Rivr, une société spécialisée dans l’optimisation du trafic de requêtes publicitaires, plus communément appelé le “throttling” sur le marché programmatique. 

Cette acquisition visait alors à répondre à l’une des grandes problématiques de l’open auction, le nombre toujours grandissant de requêtes programmatiques envoyées par les SSP aux DSP. “La chaîne programmatique multiplie les appels à plusieurs niveaux, entraînant une augmentation du coût de “data transfer out” (le prix à payer pour diffuser de la donnée sur internet pour les acteurs adtechs, ndlr)”, explique Jean-Baptiste Pettit, cofondateur et CTO de Greenbids,  société française fondée en 2022 qui mise sur le throttling pour réduire l’empreinte carbone du marché programmatique.

Utilisé depuis plusieurs années par les SSP pour réduire leurs coûts

Depuis plusieurs années déjà, les acteurs de la vente programmatique se sont penchés sur le sujet, en partant du principe que la demande est souvent “sparse” (clairsemée ou hétérogène) selon les inventaires. “Toutes les DSP ne sont pas intéressées par les mêmes inventaires au même moment. Sur une typologie d’inventaire à un instant T, une DSP peut avoir 20 % de taux de réponse, et 0 % sur beaucoup d’autres inventaires”, explique Jean-Baptiste Pettit. Le principe du throttling est alors relativement simple : la SSP calcule la probabilité qu’une DSP participe à une enchère sur un inventaire en fonction de plusieurs paramètres (contexte, terminal…) pour éviter de “gaspiller” les bid requests envoyées. L’enjeu est alors de choisir le bon seuil de probabilité en dessous duquel une bid request ne doit pas être émise. 

Teads a ainsi mis en place plusieurs niveaux de throttling depuis 2017 – époque à laquelle Jean-Baptiste Pettit (Greenbids) travaillait sur ces sujets au sein de la société. “Nous avons deux niveaux de throttling : sur les bid requests envoyées, et sur l’inventaire lui-même. Dans le second cas, il s’agit de ne pas mettre inutilement un inventaire en vente et de couper la requête au plus tôt”, explique Benjamin Davy, sustainability director de Teads, qui indique que la première tactique a permis à Teads de réduire de 80 % le nombre de requêtes sortantes. Les différentes techniques de throttling restent difficiles à isoler, tant elles dépendent des stratégies internes des SSP, qui ont construit une partie de leur proposition de valeur dessus.

Ce type de stratégie a immédiatement un impact financier, les coûts de serveurs pouvant représenter plusieurs centaines de milliers d’euros par mois chez les principales SSP. Dans une présentation réalisée par Jean-Baptiste Pettit alors qu’il travaillait encore pour Teads en 2018, on observe une diminution de moitié du coût par million de requêtes de moitié en quelques jours à partir de la mise en place des techniques de throttling. “Si on divise par deux la quantité de requêtes envoyées, on divise presque par deux le nombre de serveurs utilisés, même si ce n’est pas complètement linéaire”, souligne Benjamin Davy (Teads).

Un concept que s’approprient progressivement les éditeurs 

Pour les éditeurs, qui constatent des taux de participation des SSP aux enchères souvent faibles, le principe se réplique également en complément d’autres mesures pour la réduction de la performance, et la maitrise de l’impact carbone du programmatique. La place de marché Media Square met ainsi ses algorithmes de throttling à disposition dans sa plateforme Auction. “Pour un éditeur, cela correspond au deuxième niveau de rationalisation, après avoir trié les partenaires qui ne rapportent pas de revenus incrémentaux”, constate Baptiste Berger, sales director de la place de marché Media Square. 

Cette fonctionnalité n’est pour le moment utilisée que par les éditeurs partenaires, qui peuvent néanmoins le faire sur l’ensemble de leurs inventaires (pas seulement ceux monétisés par Media Square). “Cela conduit au global à une réduction de 25 % des appels publicitaires, pour le même niveau de revenus”, ajoute-t-il, indiquant que la plateforme va progressivement s’ouvrir à d’autres éditeurs. 

Dans cette optique, Le Figaro teste actuellement la solution de GreenBids, intégrée directement dans le wrapper Prebid. “Pour nous, limiter le nombre de requêtes envoyées simultanément est aussi un moyen de réduire la latence et d’améliorer la vitesse de chargement des pages”, rapporte Karine Rielland Mardirossian, directrice déléguée au digital de Media.Figaro.

De la maîtrise de la performance à la réduction de l’empreinte carbone ?

Comme souvent dans l’adtech, les techniques d’optimisation des coûts et de la performance trouvent une résonance dans un contexte de transition écologique du secteur. C’est d’ailleurs sur cet aspect là que GreenBids se positionne, en mettant sa solution à disposition sur l’ensemble de la chaîne programmatique pour mesurer (en se basant sur les technologies et référentiels externes) et ensuite optimiser l’empreinte carbone. “Cela permet à la fois aux acteurs adtechs et éditeurs d’optimiser leur gestion du trafic de requêtes mais aussi de montrer aux autres éléments de la chaîne au travers d’un simple partage de données qu’ils ont des bonnes pratiques en matière d’empreinte écologique”, indique Jean Baptiste Pettit (Greenbids). 

Au niveau global, Scope3 évaluait à 60 % la part de “la sélection d’annonces publicitaires” dans l’empreinte carbone du programmatique. Mais pour le moment, selon les différentes sociétés de mesure, qui travaillent actuellement sur le sujet et que nous avons interrogées, il reste difficile de mesurer l’empreinte carbone de la coupure d’une requête publicitaire côté éditeur. Media Square cherche sur ce point à faire mesurer l’impact carbone de sa solution, et le nouveau référentiel du SRI réalisé avec Alliance Digitale – publié dans les jours prochains – devrait s’attacher à mieux prendre en compte cette dimension. 

Les éditeurs questionnent nécessairement le coût carbone de l’ajout dans leurs stack programmatique de solutions justement destinées à le réduire. “Pour que ces algorithmes apprennent, il faut bien sûr consommer des données, et envoyer des requêtes. Mais nous procédons par échantillon. J’aime prendre l’exemple du détecteur de mouvements sur les lampes à allumage automatique : il est actif et consomme de l’électricité mais permet à terme de fortement réduire la facture énergétique”, conclut Jean-Baptiste Pettit (GreenBids).