Commanders Act muscle sa CDP pour embrasser l’ère cookieless

Portées par les nouveaux environnements cookieless, les customer data platforms (CDP) ont actuellement le vent en poupe. Ces solutions, qui rassemblent et permettent d’exploiter l’ensemble des données propriétaires et multisources d’une marque ou d’un éditeur, afin d’activer des segments dans le cadre d’opérations marketing, réunifient en quelque sorte les solutions CRM, basées sur les interactions avec les clients, et les solutions DMP (data management platform) qui exploitent les données d’audience third party, donc essentiellement les cookies tiers en voie de disparition. 

La société française Commanders Act (ex-TagCommander, créée en 2010) édite une CDP, dont la dernière version sortie en juin 2022, basée sur des API, adopte une approche “server side” (les requêtes ne sont pas traitées au niveau du navigateur mais les API se connectent directement aux serveurs des partenaires) et fournit une “gestion centralisée de tout le cycle de vie de la donnée, de sa collecte jusqu’à son activation”. Un marché sur lequel elle fait face à des concurrents qui fournissent des CDP tels que Tealium et Twilio Segment.

En octobre 2023, elle a racheté Adloop, éditeur français d’une plateforme de marketing analytics et d’optimisation média. Grâce aux synergies entre les deux plateformes, Commanders Act espère pouvoir “donner plus de sens” à la masse de données collectées par les marques, et proposer une solution unifiée pour traiter l’ensemble des problématiques des annonceurs : mesure de la performance, optimisation des campagnes médias, activation des données, tag management, et consent management.

Faire de l’attribution sans cookies 

Adloop propose trois offres, depuis le reporting unifié des campagnes cross-plateformes jusqu’aux recommandations d’optimisation au niveau granulaire. “Adloop est une solution d’attribution, de contribution et d’optimisation du média digital. Si on abandonne la gestion aux algorithmes des plateformes, il faut au moins augmenter la capacité de contrôle au niveau granulaire. On prend des données multi-sources et on construit des indicateurs et des scores pour gérer les recommandations. Cela permet aux annonceurs de piloter leurs opérations indépendamment des plateformes”, explique à mind Media Stéphane Gendrel, fondateur et CEO d’Adloop. 

“Notre manière de faire de l’attribution était très liée aux cookies. Puis se sont formés des walled gardens, et ensuite est venu le cookieless. Une partie de notre solution a ainsi perdu de son sens. Il fallait donc trouver une autre manière de fonctionner, en permettant aux clients de garder le contrôle sur leurs investissements publicitaires. L’approche d’Adloop consiste à passer par des API pour importer des données de campagnes. Cela permet d’éviter d’avoir à tracker soi-même tous les événements publicitaires”, complète Michaël Froment, CEO et fondateur de Commanders Act. L’acquisition d’Adloop s’inscrit ainsi tout à fait dans le positionnement de sa CDP, qui a pour ambition d’inclure dans son champ d’action l’univers publicitaire, en permettant de faire de l’optimisation média. 

La plateforme d’Adloop est soit vendue en stand alone, soit de manière intégrée avec la CDP de Commanders Act. Les deux fonctionnent sur un modèle SaaS, et le tarif dépend à la fois du volume d’événements marketing stockés dans la plateforme et des blocs activés (collecte, attribution, etc.). La CDP démarre à 1 000 euros par mois environ pour des entreprises qui réalisent environ 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, tandis qu’Adloop s’adresse à toutes les tailles de structures. 

Stéphane Gendrel (Adloop) espère profiter de l’empreinte internationale de Commanders Act, présente en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique Latine et Asie du Sud-Est, pour se développer en Allemagne, en Italie et en Espagne où elle est déjà implantée. Commanders Act réalise 65 % de son chiffre d’affaires en France. La société assure être profitable depuis deux ans et avoir réalisé une croissance à deux chiffres en 2023. Elle travaille assez peu avec les médias mais compte néanmoins quelques grands clients dans le secteur, tels que TF1 et CMI Média.

“Les CDP sont des entrepôts d’identités”

La période est propice à la conquête de nouveaux marchés. “Tout le challenge aujourd’hui, c’est celui de l’identité numérique, une méthode alternative qui va permettre aux annonceurs de relier des actions à un individu. Le cookieless est favorable aux CDP, qui sont des entrepôts d’identités d’utilisateurs, dont les cookies sont longtemps restés les conteneurs. Grâce aux CDP, on contrôle la distribution des données aux différentes plateformes”, explique Michaël Froment (Commanders Act). “Nous avons commencé le travail de développement sur le cookieless en 2021. Pendant un an et demi, nous avons mis quasiment 70 % de notre équipe technique dessus. C’est un gros investissement, quelque 3 000 jours hommes”, poursuit-il.

Un chiffre qui montre une nouvelle fois à quel point les intermédiaires du monde des technologies adtechs et martechs doivent investir pour s’adapter au nouvel environnement sans cookies, un investissement qui n’est pas à la portée de tous. 

“Depuis que les navigateurs ont décidé de faire la guerre au monde publicitaire, il faut  remplacer le travail qu’ils faisaient par des échanges de données via des API. C’est ce qu’on appelle le server side : une méthode d’échange de données qui s’affranchit des navigateurs. Il faut aussi transformer les cookies. Pour cela, nous mettons en place des stratégies de tracking first party, qui vont aussi permettre de contourner les adblockers. L’enjeu du moment, c’est d’accompagner nos clients sur le server side et le first party”, déclare Michaël Froment. 

Mais si Commanders Act est partie tête baissée dans la collecte et la gestion des données first party, elle n’a en revanche pas encore pris fait et cause pour l’une des alternatives aux cookies tiers, les identifiants uniques. “Nous attendons de voir qui émerge parmi les identifiants uniques pour pouvoir s’interconnecter avec ces nouveaux standards, tels que first.ID”. Idem pour ce qui est de Privacy Sandbox, dont “tout le monde se méfie”, selon Stéphane Gendrel (Adloop). “Le marché est réticent. On sent que même les adtechs n’ont pas encore de religion sur ce sujet, donc en termes de recommandations, on ne pousse pas”, confirme Michaël Froment (Commanders Act).