Accueil > Adtechs & Martechs > [Etude mind Media] Google Analytics continue de perdre du terrain au profit d’autres solutions [Etude mind Media] Google Analytics continue de perdre du terrain au profit d’autres solutions Notre nouvelle analyse des solutions d’analytics utilisées par les sites médias, e-commerçants et marques français révèle une dégradation de la part de marché de Google, qui tombe à 47 %, contre 59 % en novembre 2022. La complexité de prise en main de GA4, mais aussi l’incertitude légale qui l'entoure, poussent certaines entreprises à choisir d’autres solutions en substitut ou en complément. Par Paul Roy et Sara Chaouki. Publié le 03 novembre 2023 à 17h07 - Mis à jour le 04 juin 2024 à 16h58 Ressources En novembre 2022, nous relevions dans notre étude menée sur plus de 400 sites que 65 % d’entre eux utilisaient Google Analytics (GA). Depuis, la baisse s’est accentuée : ils n’étaient plus que 59 % en mars 2023 et 47 % dans notre dernier relevé de novembre 2023. De plus en plus d’entreprises se tournent donc vers des solutions alternatives, que nous avons analysées pour la seconde fois sur notre panel de 371 sites de médias, marques, e-commerçants, services et institutions publics. Google Analytics 4 ballotté entre incertitude légale et difficulté d’usage La première explication à cette diminution de la part de marché de Google est liée à l’historique légal de la solution. Pour rappel, en février 2022, la Cnil a invalidé la version optimale de Google Analytics, la jugeant non-conforme au RGPD après l’annulation du Privacy Shield par la Cour de justice de l’Union européenne. Plus tard en 2023, le nouvel accord de transfert de données transatlantique, baptisé Data privacy framework – adopté et entré en vigueur en juillet 2023, dans un contexte géopolitique particulier entre Europe et Etats-Unis (guerre en Ukraine) – a poussé les autorités de protection des données personnelles à revoir leur position. Aujourd’hui, comme la Cnil l’explique sur son site, “les transferts de données personnelles depuis l’UE vers certains organismes états-uniens peuvent désormais s’effectuer librement, sans encadrement spécifique”. Cet événement a globalement rassuré une partie du marché sur la licéité de l’utilisation de la solution, mais certains éléments enjoignent tout de même à la prudence. Le nouvel accord a immédiatement été contesté par l’organisation activiste Noyb, à l’origine de l’annulation des deux précédents textes, et pourrait être renvoyé devant la Cour de justice européenne dans les prochains mois. Pour se protéger, si les sites – notamment les e-commerçants et les annonceurs – utilisent encore massivement Google Analytics, ils le font souvent en complément d’une autre solution. “Beaucoup d’acteurs ont un double outillage effectif, ou ont au moins préparé un plan de repli pour parer cette incertitude”, constate Julien Ribourt, partner en charge de l’activité Analytics chez Converteo. Certains éditeurs ont privilégié le proxy Pendant la période d’illégalité de Google Analytics, une autre possibilité était de mettre l’outil en conformité avec l’utilisation d’un proxy, la seule alternative à l’époque proposée par la Cnil. Il s’agit là de l’utilisation d’un serveur mandataire pour éviter tout contact direct entre le terminal de l’internaute et les serveurs de l’outil de mesure – ici expliqué par la Cnil – afin de pouvoir reconstituer un parcours de navigation, sans pour autant identifier l’internaute. Nous n’avons pas pu déterminer de manière automatisée si les éditeurs de sites de notre panel utilisent ce procédé. Nous avons cependant relevé que les sites du groupe Prisma Media, Le Figaro et Orange utilisaient la solution Analytics Helper de Sirdata, reposant sur un proxy. L’autre élément expliquant ce ralentissement tient au fait que la nouvelle version de Google Analytics, GA4, est souvent jugée plus complexe à prendre en main que sa prédécesseure, Universal Analytics. “GA4 ne vient pas avec un parti pris en matière d’analyse des données. Tout est à construire et personnalisable pour chaque set (configuration d’analyse de données, ndlr) sur le site. Nous proposons d’ailleurs un set GA4 qui permet de reconstruire Universal Analytics”, explique Julien Ribourt (Converteo). Cette prise en main est souvent encore plus complexe pour les éditeurs médias, qui n’ont pas toujours les moyens des grandes entreprises pour se former à de nouveaux outils. Beaucoup de sites que nous avons observés utilisaient Universal Analytics et ne sont pas passé à la version GA4 au moment de la fin de validité de la première (juillet 2023 pour le recueil de nouvelles données, et juillet 2024 pour l’accès à l’interface). Piano Analytics et Wysistat grands gagnants pour la mesure d’audience Ce contexte a largement favorisé des solutions alternatives, particulièrement du côté des médias, suite à la non certification de Google Analytics pour la mesure d’audience par l’ACPM. Ils se sont dirigés vers les deux autres solutions certifiées : Piano Analytics, aujourd’hui intégré par 51 % des éditeurs médias de notre panel, et Wysistat (30 %) - contre 46 % et 25 % en décembre 2022. Celles-ci sont d’ailleurs souvent utilisées en complément d’autres solutions : 83 % des sites utilisant Wysistat ont aussi intégré Google Analytics, et 18 % pour Piano Analytics. Derrière, Marfeel, passé de 2,7 % à 12 % de part de marché chez les éditeurs médias de notre panel, complète le podium. Laurent Naigeon, fondateur de Wysistat, note cependant une volonté de certains éditeurs de s’affranchir entièrement de la suite du groupe américain. “II nous est de plus en plus demandé de fournir des fonctionnalités très précises et complémentaires dans le but de sortir de GA4, qui est souvent mal compris par les éditeurs”, relève-t-il. À noter que pour les éditeurs, la certification de la Cnil sur l’exemption de consentement de ces outils est également essentielle, dans un contexte de diminution du taux de consentement aux cookies (30 % des audiences environ). Le semestre a été également marqué par l’appel d'offres du SIG, remporté par Eulerian, qui équipera désormais les 500 sites gouvernementaux - autrefois équipés par Piano Analytics (ex-AT internet). Le passage de la société française sous pavillon américain a d’ailleurs été l’un des éléments déterminants dans le choix de deux acteurs français. Eulerian est relativement peu présent chez les médias - marché préempté par Piano Analytics - mais compte notamment SFR et Canal+ parmi ses clients. Mais Piano Analytics a également séduit des entreprises hors du secteur des médias. Sa part de marché chez les marques / e-commerçants que nous étudions est passée de 7,5 % en décembre 2022 à 13,5 % en octobre 2023. “Sur les quelques migrations que nous avons observées chez nos clients, la moitié se faisait sur GA4 et l’autre sur Piano Analytics”, témoigne Erwan Lohezic, fondateur et CEO du cabinet 3qtz. Parmi les nouveaux utilisateurs de l’outil en 2023 on note également Promod, Kiabi et Electro Dépôt. Derrière, pour la première fois dans notre étude, nous avons analysé la présence d’Adobe Analytics. Il en ressort que la solution est intégrée chez 11,2 % des sites de marques / e-commerçants, notamment les groupes internationaux (Rolex, Siemens ou encore Nissan et Coca-Cola), qui cherchent à bénéficier de l’ensemble du cloud marketing du groupe. Vers une évolution de l’analytics ? À l’image de la suite d’Adobe, beaucoup de solutions embarquées ne se limitent plus à l’analyse site-centric (analyse de l'audience d'un site web en se concentrant sur le site lui-même). Eulerian - notamment présent chez Monoprix et FDJ - propose ainsi des briques analytics, attribution et CDP pour l’activation. Le positionnement sur la mesure d’audience uniquement a donc en partie été opportuniste pour suivre l’évolution du marché et ne constitue pas l’essentiel de l’activité de la société. “30 % de nos clients utilisent uniquement la solution d’attribution, 20 % sont sur la mesure d’audience et 50 % sur le full stack”, illustre Akim Bellour, chief revenue officer de la société. Selon lui, les contraintes en matière de gouvernance des données et de transition écologique pourraient renforcer cette volonté des entreprises d’avoir recours à une solution répondant à davantage de cas d’usage. En 2024, l’un des principaux chantiers pour les solutions analytiques et les annonceurs les utilisant - s'ils ne sont pas déjà prêts - sera la fin des cookies tiers. Pour se préparer, beaucoup de cabinets de conseil et acteurs du marché mettent en avant la nécessité d’une intégration server side. “Cela permet également d’avoir une plus grande maîtrise de la donnée. Les traitements sont faits de manière privée avec beaucoup plus de contrôle que via le système de library (bibliothèques appelées) dans le navigateur”, constate Julien Ribourt (Converteo), qui pointe également des apports en matière de web performance. Akim Bellour (Eulerian) tend à relativiser, expliquant que si l’annonceur effectue une collecte de données first party, comme c’est le cas avec sa solution, l’intégration server side n’est pas une priorité. On pourrait également assister à une transformation plus profonde de l’outillage en matière d’analytics, accélérée par l’adoption des méthodologies des start-up et scale-up outre-Atlantique. “On distingue deux alternatives autres que le choix d’une solution SaaS de marché (Adobe, Eulerian, Piano Analytics…) pour les clients en réflexion sur une migration. La 'modern stack analysis' avec des outils comme Snowplow ou Segment, qui sont des plateformes data avec une capacité de collecte open source et agnostique pour servir quantité de cas d’usage - dont l’analytics. Mais aussi les solutions issues du 'product analysis' comme Amplitude ou Mix Panel et des outils hybrides comme Contentsquare”, explique Julien Ribourt (Converteo). Il souligne cependant que la prise en main des outils de modern stack nécessite un fort niveau de maturité et une intégration des équipes analytics dans les équipes data. Mise à jour le 4 juin 2024 : suite à une vérification des données récupérées, le taux d'adoption de Piano Analytics en conjonction avec Google Analytics en octobre 2023 a été rectifié de 41 % à 18 %. 41 % correspondait au taux d'adoption en mars 2023. Méthodologie Cette méthodologie a été mise au point en s’appuyant sur l’expertise de plusieurs acteurs du secteur de la publicité. Pour déterminer si un site utilise ou non Google Analytics (GA), nous avons développé un crawler qui visite automatiquement la page d’accueil des sites de notre panel. Ce script appuie sur le bouton “Accepter” de leur CMP, puis vérifie dans les requêtes réseau si un appel JavaScript “analytics.js” est déclenché. En effet, pour que leur interface de GA affiche leurs données de fréquentation, les sites configurés avant août 2017 devaient avoir installé au préalable un bout de code (ou “balise”) sur chacune de leurs pages (voir l’assistance de Google). La présence de cette balise “analytics.js” seule ne signifie toutefois pas que l’outil est actif. Le site peut avoir cessé de l’utiliser sans enlever la balise de ses pages. Pour s’assurer de son activité, nous avons donc recherché le paramètre “collect” dans les requêtes de Google Analytics (google-analytics.com, analytics.google.com, etc.). Dans une dizaine de cas, la balise était présente sans que nous ayons identifié de collecte de données. Lorsque “collect?v=1” apparaît, le site utilise Universal Analytics. Lorsque c’est la mention “collect?v=2” qui apparaît dans les requêtes, alors l’éditeur du site utilise Google Analytics 4. Les deux versions de l’outil peuvent être utilisées en même temps. Google Analytics 4 ne nécessite plus l’installation de la balise JavaScript “analytics.js”. Nous avons utilisé la même méthodologie pour les solutions exemptées de consentement les plus présentes sur le marché selon nos échanges avec des acteurs du secteur, et pour lesquelles la récupération du code dans les requêtes est relativement simple : Piano Analytics (ex-AT Internet), en repérant les mentions “hit.xiti” et “ati-host.net” Matomo, en repérant la mention “matomo.php”, Wysistat (ID.fr), en repérant la mention “compteur.php”, SmartProfile (Net Solution Partners), en repérant la mention “sp_tracker_v3”, Piwik Pro, en repérant la mention “ppms.php”. Marfeel, en repérant la mention “ingest.php” Adobe, en repérant la mention “adobetm” Notre script n’est pas toujours parvenu à identifier le bouton “Accepter” des CMP des sites visités. Dans ces cas-là, nous avons vérifié manuellement les paramètres décrits précédemment dans la console de développement de Google Chrome. Limites Plusieurs biais sont possibles. Lorsque les sites ont opté pour une solution hébergée côté serveur, qu’ils passent par le procédé de proxification (utilisation d’un serveur mandataire pour éviter tout contact direct entre le terminal de l’internaute et les serveurs de l’outil de mesure, ici expliqué par la Cnil), ou qu’ils utilisent une délégation de sous-domaine à un tiers via une redirection (ou ”CNAME cloaking”), le repérage d’une solution peut-être plus complexe, et celle-ci a pu nous échapper. Par ailleurs, certains sites mettent en place des configurations spécifiques de leurs outils, à l’image de 20 Minutes et Le Monde avec Piano Analytics (ex-AT Internet), qui rendent leur solution indétectable pour notre méthode fondée sur les requêtes réseau. Beaucoup d’éditeurs testent régulièrement des solutions d’Analytics. Nous ne pouvons pas certifier que lorsque certaines des mentions citées précédemment apparaissent sur le site d’un éditeur, cela signifie que la solution est utilisée de manière active par ces derniers. Comment est constitué le panel de sites ? Notre panel est constitué de 371 sites - dont 192 sites de médias, 9 sites de services et d’institutions et 170 sites de marques, e-commerçants, distributeurs, et petites annonces. Vous pouvez consulter la liste ici. Pour les 192 sites médias présents dans la base de données, nous nous sommes appuyés sur une base de sites déjà utilisée dans le cadre de notre baromètre des CMP. Elle repose sur le classement unifié des sites grand public de l’ACPM de novembre 2021, fondé sur le nombre de visites totales de leurs sites web fixes et mobiles, et sur la base de données que nous utilisons pour notre baromètre annuel des médias payants. Pour les 170 sites de marques, e-commerçants, distributeurs, petites annonces, nous nous sommes appuyés sur le top 100 annonceurs de l’institut Kantar pour l’année 2021 (publié par Stratégies), et le top 100 e-commerce publié par la société E-commerce Nation, en partenariat avec Similarweb. Nous avons ensuite sélectionné une dizaine de sites d’institutions et de services publics. Pour certains groupes dont le nom est peu visible aux yeux du grand public, nous avons choisi d’intégrer le site d’une marque significative : Braun pour Procter and Gamble par exemple. Nous mettrons cette étude régulièrement à jour, et intégrerons de nouvelles solutions alternatives. Une question, un commentaire, une précision ? Contactez-nous : datalab@mind.eu.com. Paul Roy et Sara Chaouki Audiences et diffusionCNILGoogleRGPD Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire 46,6 % des sites français utilisent toujours Google Analytics Analyses Dossiers [Etude mind Media] Google Analytics est toujours utilisé par 59 % des sites français en mars 2023 Analyses Dossiers [Etude mind Media] Google Analytics : quelles sont les alternatives utilisées par les éditeurs de sites français ? 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