Accueil > Adtechs & Martechs > Les éditeurs de presse tentent de mieux valoriser les données issues de leurs environnements Les éditeurs de presse tentent de mieux valoriser les données issues de leurs environnements Pour s’adapter au nouveau contexte anti-tracking et diversifier leurs sources de revenus, les éditeurs de presse structurent leurs offres mais ont toujours du mal à valoriser leurs données propriétaires à des fins publicitaires. Par Paul Roy. Publié le 04 mars 2022 à 10h01 - Mis à jour le 10 mars 2022 à 11h13 Ressources Pour préparer l’après-cookies tiers, les éditeurs privilégieraient l’exploitation de leurs données propriétaires et contextuelles plutôt que les alternatives ouvertes comme les identifiants uniques et la suite d’API de Google Privacy Sandbox. Tel était le constat dressé par la société adtech Teads en avril 2021 dans une étude menée auprès de 419 médias dans le monde. Depuis, l’incertitude autour des possibilités offertes par Privacy Sandbox, et le coup d’arrêt marqué par certaines initiatives d’identifiants uniques ou d’alliance éditeurs pour un log commun ont sans doute renforcé cette perception. Un rôle serviciel et une meilleure valorisation de leurs contextes Un constat qui va de pair avec l’ambition des régies, depuis quelques années, de se positionner comme prestataire de services aux annonceurs. Leurs offres data se découpent donc souvent entre capacité à activer directement des segments marketing, et apport d’enseignements ou “insights” pour la stratégie marketing. À titre d’exemple, MEDIA.figaro propose ainsi Media Insights, un profilage des internautes exposés aux campagnes ; Audience insights, pour permettre aux annonceurs de mieux connaître leurs visiteurs ; et Data listening, une offre de veille sur certaines thématiques. Elle vient par ailleurs de lancer une offre de ciblage des contenus à partir des requêtes web. Après cookie : qui sont les acteurs positionnés sur le ciblage contextuel ? Ce rôle de conseil s’accompagne également d’une volonté des éditeurs d’informations de mieux valoriser leurs contenus dans un contexte moins propice à l’exploitation de données personnelles, notamment au travers de l’analyse sémantique. C’est ce qui a guidé le choix de la DMP 1plusX – originellement spécialisée dans l’analyse sémantique – par le Groupe Figaro. Les Echos – Le Parisien Médias, a également pris ce chemin en proposant une offre data, baptisée “les citoyens du mieux”, pour cibler les utilisateurs les plus engagés dans les causes sociétales, à partir d’un audit sémantique des articles du Parisien et un travail d’association à des persona – établis à partir de cookies tiers -, qui permet de d’activer six sous-segments. On vous explique : comment fonctionne l’analyse sémantique pour le ciblage contextuel Une complexité à exploiter les données propriétaires à des fins publicitaires Car si elles existent déjà depuis plusieurs années chez les groupes audiovisuels, forts de leur culture TV axée sur les données socio-démographiques et de leur capacité à loguer les audiences, les offres issues des données propriétaires des éditeurs de presse se structurent encore. Un développement plus lent qui découle aussi de la gestion complexe de l’équilibre entre maximisation des revenus de la publicité, et ceux issus des abonnements, surtout chez des éditeurs d’actualités qui privilégient de plus en plus ce second modèle. En témoigne la politique d’M Publicité, dont l’outil d’analyse et de segmentation des données propriétaires Forecast,a d’abord été pensé côté éditeur avant d’être décliné pour la régie. “Aujourd’hui, Forecast For Ad nous permet de mieux qualifier des audiences, et d’en tirer des insights, mais il n’est pour le moment pas question de partager cette donnée à l’extérieur”, explique Sébastien Noël, directeur délégué des activités programmatique, adtech et monétisation d’M Publicité. Martech : comment les marques peuvent accélérer sur la collecte et l’usage de données propriétaires Même constat chez MEDIA.FIGARO. “Sur la partie loguée, l’objectif est pour le moment de fidéliser, de pouvoir générer davantage d’engagement, plus de lecteurs et donc plus d’inventaires disponibles et alimenter une stratégie de développement sur les abonnés, qui passe par la connaissance des parcours et le déploiement de fonctionnalités réservées”, explique Karine Rielland-Mardirossian, directrice générale déléguée digital de la régie, qui revendique un taux de log de 25 % sur les meilleurs sites du groupe Figaro (le JDN ayant par exemple mis en place un registration wall). La régie du groupe les Echos-Le Parisien indique quant à elle travailler depuis longtemps sur les données socio-démographiques issues des comptes de ses abonnés professionnels. “Nous avons accès à des données telles que la typologie d’entreprise, à la fonction occupée en son sein, qui nous permettent d’obtenir une granularité d’audience intéressante”, explique Nicolas Danard, directeur délégué en charge du pôle digital & revenue management chez les Echos-Le Parisien Médias. Côté éditeur, le groupe a d’ailleurs reçu un fonds du Google DNI pour la meilleure exploitation de ses données, et sa déclinaison à grande échelle sur le plan publicitaire est pour le moment à l’état de projet. “L’un des grands travaux du projet était la réinternalisation des données sur un cloud Google, principalement pour opérer des modèles de machine learning à des fins marketing pour l’abonnement. Mais l’ajout d’autres briques technologiques, et la mise à disposition de ce type de segments – plus sophistiqués – pour l’activité publicitaire se développent progressivement”, indique Violette Chomier, chief data officer du groupe Les Echos – Le Parisien. Quel coût pour la donnée ? L’enjeu est aussi de valoriser directement l’exploitation de données de la régie par les annonceurs, qu’elles soient issues des cookies tiers ou non. “La data était devenue une commodité, que le marché n’avait plus l’habitude de payer. Commercialement, nous sommes en capacité de demander un effort supplémentaire dès que nous proposons des données qui font preuve de leur efficacité ou sont discriminantes”, explique Nicolas Danard (Les Echos – Le Parisien Médias). Il parle sur ce point un “surcoût” de 10 à 30 % au CPM lié à l’utilisation de données d’audience fournies par la régie sur les environnements qu’elle monétise. Karine Rielland-Mardirossian évoque quant à elle d’un coût allant de 50 centimes à deux euros au CPM. “Ce coût dépend forcément de la qualification du segment activé : les segments socio-démographiques et intentionnistes issus de données avérées sont parfois plus coûteux que les ciblages par centre d’intérêt”, indique-t-elle. Un choix qui pèse aujourd’hui dans l’activité des régies. Les Echos – Le Parisien Médias revendique ainsi que plus d’une campagne en direct sur deux est associée à des données sur le site des Echos – un peu moins pour le Parisien. MEDIA.FIGARO revendique une croissance de son chiffre d’affaires lié à la data de 45 %, et l’activité média et data représente 15 % du revenu numérique de la régie. Vers le partage de données propriétaires et les data clean rooms ? Si certaines régies comme M Publicité désirent rester maîtres des données collectées sur leurs environnements, des éditeurs à audience plus large et dépendant davantage de la publicité, vont plus loin dans la logique de commercialisation. C’est dans cette optique Prisma Media Solutions, a lancé début 2022 une offre baptisée PMS data sharing. Concrètement, le dispositif permet aux annonceurs, à des finalités de recherche d’insights ou d’activation marketing, d’accéder à une liste de plusieurs milliers de segments d’audience anonymisés, activable dans leurs propres outils (DMP ou DSP) – l’ensemble du processus étant encadré par un contrat “juridico-commercial”. “De plus en plus de clients (notamment dans l’industrie des produits de grande consommation) peinent à récolter de la donnée, souvent bloquée au niveau de la grande surface. Le but de ce dispositif est de nous poser comme apporteur de solutions et plus seulement comme vendeur de médias”, explique Paul Ripart, directeur commercial programmatique et data de Prisma Media Solutions. Privacy Sandbox : toujours beaucoup d’incertitudes autour du projet alternatif aux cookies tiers de Google Ces données sont pour le moment issues de l’exploitation du cookie de sa DMP, mediarithmics. “Nous planchons sur une V2 qui permettra de transmettre des identifiants persistants (Liveramp, Unified ID, ndlr), en plus de cookies, prévue pour courant juin”, explique Paul Ripart. Il indique que ce dispositif est le premier point d’étape vers un projet de data clean room, encore en réflexion. MEDIA.FIGARO indique aussi travailler sur un dispositif similaire pour le deuxième trimestre, qui serait opéré par sa DMP récemment choisie, 1plusX. Il s’agit là d’espaces sécurisés entre l’éditeur et l’annonceur, pour le partage, le croisement et l’activation de données propriétaires, déjà très développés chez les Big techs. “Cela demande des investissements financiers lourds, et surtout une taille critique en termes de données issus des univers logués disponibles”, constate Paul Ripart (Prisma Media Solutions). Après–cookies : le lent développement des alliances de login commun “La data clean room est plutôt simple technologiquement. Mais il y a aujourd’hui un conflit sur la chaîne de valeur entre annonceur, éditeur, prestataire, pour le rôle d’opérateur de ces dispositifs”, nous indique un expert adtech. Pour lui, l’enjeu pour les éditeurs réside aujourd’hui dans la capacité des éditeurs à exploiter le peu de données qualifiées qu’ils ont (souvent de 10 % à 20 % de leurs audiences), pour extrapoler proposer des profils look-a-like, en fonction des données fournies par l’annonceur. Les récents choix technologiques d’un certain nombre d’éditeurs (Groupe Figaro chez 1plusX, Unify chez Permutive), et les appels d’offres en cours, sont en tout cas assez parlants, pour jauger la volonté des grands éditeurs français de mieux exploiter leurs données propriétaires. Et le marché publicitaire semble donner raison à une meilleure valorisation de ces actifs, en atteste l’intérêt côté annonceurs, mais aussi la dernière initiative de l’IAB Tech Lab – qui veut généraliser l’usage de cohortes basées sur les données propriétaires des éditeurs dans le marché programmatique ouvert. Paul Roy Ciblage contextuelCookiesIdentifiant uniquePublicité programmatique Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire L’IAB Tech Lab dévoile un premier dispositif post-cookies tiers basé sur le ciblage de cohortes Privacy sandbox : Google confirme le remplacement de FLoC par Topics Prisma Media Solutions consolide la commercialisation de ses données propriétaires La CDP mParticle acquiert une société spécialisée dans l’analyse du parcours client NBCUniversal lance NBCUnified, une plateforme d’activation de ses données propriétaires Entretiens Emmanuel Crego (Values) : "Chaînes de télévision et opérateurs télécoms ont dans l'immédiat des intérêts partagés à ne pas ouvrir l'écosystème audiovisuel à de nouveaux acteurs ou nouveaux services" Samsung Ads va permettre aux annonceurs d’activer leurs données propriétaires dans ses environnements Dossiers On vous explique : comment fonctionne l’analyse sémantique pour le ciblage contextuel Tribunes gratuit "Nous devons profiter des technologies pour surfer sur les investissements publicitaires croissants en social media et en retail media" essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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