Comment Accor a adapté sa stratégie média à l’arrêt de son activité ?
Sébastien Valentin, directeur communication international d’Accor : Il faut déjà noter que dans le monde, 62 % de nos 5000 hôtels sont actuellement fermés. En France, cette part est plus importante, de l’ordre de 80 %, en raison des mesures d’accompagnement du gouvernement comme le chômage partiel qui permettent de fermer les établissements lorsque la demande n’est pas suffisante ; car l’hôtellerie n’a pas fait l’objet d’une fermeture administrative. Certains restent néanmoins ouverts pour accueillir des clientèles particulières comme le personnel soignant, les forces de l’ordre ou les SDF. Les effectifs au siège d’Accor, dont l’équipe communication, sont eux aussi concernées par les mesures de chômage partiel, à hauteur de 50 %.
Antoine Dubois, SVP global marketing d’Accor : Dès que l’application du confinement a été annoncée, nous avons suspendu pour remettre à plus tard l’ensemble de nos communications. En particulier parce que de nombreux canaux, comme le search et le display, sont orientés vers la génération de trafic qui ne peut en ce moment pas être assurée. Toutes les communications autour de nos marques (Pullman, Mercure, Ibis…) ont également été stoppées.
Nous avons ensuite basculé notre stratégie sur les réseaux sociaux et les RP avec pour objectif d’accompagner nos clients pendant la période de confinement en capitalisant sur l’identité de nos marques et sur les humains qui travaillent dans nos hôtels. Par exemple, Pullman diffuse des cours de yoga sur YouTube, Mercure partage des recettes de cuisine du monde sur Instagram, le programme de fidélité ALL fait gagner des entretiens avec des joueurs du PSG.
Que représentent ces reports, annulations sur votre budget de communication ?
Antoine Dubois : La période actuelle est très importante dans l’hôtellerie car elle prépare les réservations du mois de mai puis de l’été. C’est le moment où l’on communique le plus dans l’année, il concentre 60 à 70 % de nos investissements médias. Soit environ 60-65 % de nos investissements de communication en valeur qui ont été suspendus. Une toute petite part a été réinvestie en social media, bien que sur ce canal, notre stratégie repose principalement sur de l’organique pendant le confinement.
60-65 % de nos investissements de communication ont été suspendusAntoine DuboisSVP global marketing d’Accor
Pourquoi était-ce important pour Accor de continuer à communiquer, bien que dans une moindre mesure ?
Sébastien Valentin : Il était essentiel de maintenir le lien avec nos clients qui, à l’issue du confinement, auront envie de se tourner vers des services de restauration, de voyage, afin de maintenir notre présence à l’esprit. De manière générale, il est stratégique pour Accor d’entretenir cette relation tout au long de l’année, car dans l’hôtellerie les clients n’ont en moyenne que trois interactions par an.
C’est également nécessaire vis-à-vis de l’interne car la communication permet de garder le lien avec les 300 000 employés du groupe dans le monde. D’une part pour les informer sur l’évolution de la crise sanitaire et ses effets pour l’activité du groupe, mais aussi pour montrer comment l’humain est valorisé pendant le confinement, et faire connaître les différentes initiatives d’hôtels (accueil de personnes fragiles par exemple).
Allez-vous devoir défendre votre budget communication auprès de la direction générale, des achats à la sortie de la crise ?
Antoine Dubois : Si la question se pose chez certains annonceurs, chez Accor il n’y a pas de débat à ce sujet, la communication a toujours été un asset primordial et le groupe est conscient qu’il faudra réinvestir massivement au moment de la reprise.
Sébastien Valentin : Nous savons qu’il y a une relation directe entre les campagnes que nous diffusons et l’activité de nos hôtels. Par ailleurs, la basse-saison en hôtellerie signifie tout de même 60-65 % d’occupation, donc nous avons intérêt à générer de l’activité tout au long de l’année, quelle que soit la période de la reprise.
Comment envisagez-vous la reprise plus large de vos communications ?
Antoine Dubois : Nous avons réuni l’ensemble de nos partenaires agences (le groupe Dentsu Aegis Network en média notamment, ndlr) pour analyser d’une part les meilleurs moments pour communiquer à nouveau de façon plus classique, et d’autre part quel message délivrer. Nous attendons avant cela la reprise de la consommation, mais il est certain que nous n’allons pas relancer les campagnes initialement prévues telles quelles. Elles devront aborder les thèmes de la prévention sanitaire et de la sûreté de nos établissements afin de rassurer nos clients pour qu’ils reviennent dans nos hôtels.
Sébastien Valentin : Par ailleurs, étant donné que la fermeture des frontières nous prive de notre clientèle internationale, nous allons devoir adapter notre communication à une cible domestique. De même, nous constatons dans d’autres pays où le groupe est présent, et qui sortent du déconfinement, que la première activité à reprendre sur notre marché est la restauration dans les hôtels, il faudra peut-être donc orienter la communication dans ce sens.
Quel sera l’impact sur votre stratégie média ?
Antoine Dubois : La période en cours a confirmé l’importance de la télévision, média sur lequel nous investissons déjà majoritairement, avec des audiences en très forte hausse. Idem pour les plateformes de vidéo en ligne, et pour la presse en ligne ; nous devrons être présents sur ce type de bassins d’audience, s’ils perdurent au-delà du confinement.
À la reprise, nous investirons en publicité là où nos clients sont présentsAntoine DuboisSVP global marketing d’Accor
Cependant, il faudra répondre à la question d’un probable encombrement publicitaire au moment de la reprise des investissements publicitaires. Des propositions ont émergé dans ce sens : réautoriser temporairement la publicité après 20 heures sur France Télévisions, augmenter la durée de la publicité en télévision ; mais il s’agit de problématiques de médias et non d’annonceurs.
Accor prévoit-il de favoriser les investissements publicitaires sur les médias nationaux, plus durement touchés par la crise, au détriment des GAFA ?
Antoine Dubois : Nous serons présents là où nos consommateurs le sont et sur les supports qui seront le plus efficaces à ce moment-là. Accor investit traditionnellement beaucoup en communication auprès des médias nationaux, et en particulier la télévision ; 60 à 70 % de nos dépenses publicitaires sont concentrées sur les médias offline. Nous continuerons donc à faire de même, car l’entreprise ne fait pas de politique. Il faut également noter qu’à l’inverse des éditeurs, qui ont perdu en revenus publicitaires, les GAFA ont perdu en trafic.
Cette période a-t-elle eu un effet sur vos relations avec vos partenaires agences ?
Antoine Dubois : Nous fonctionnons avec des contrats annuels. Nous avons donc revu nos propriétés pour mettre en pause certains projets et à l’inverse en lancer d’autres, mais nous n’avons mis fin à aucun contrat. Il y a eu des réalignements des missions des agences par rapport à la période : les agences social media travaillent par exemple sur les messages à diffuser pendant le confinement, tandis que les agences de communication travaillent sur la communication de l’après.
Par ailleurs, il y a actuellement des discussions entre les interprofessions UDM (dont il fait partie du comité de direction, ndlr), AACC et l’Udecam pour préparer le marché à la reprise en instaurant une solidarité avec les acteurs les plus touchés par la crise.
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