Accueil > Marques & Agences > Alexandra Chabanne (GroupM) : “Notre métier est de trouver le juste équilibre entre investissement technologique et humain” Alexandra Chabanne (GroupM) : “Notre métier est de trouver le juste équilibre entre investissement technologique et humain” Alexandra Chabanne est la CEO de GroupM France depuis novembre 2023. Elle pilote l'ensemble des agences du groupe, réunies depuis septembre 2023 sur le campus flambant neuf de WPP, à Levallois-Perret. Un nouvel élan pour le pôle média du groupe, qui bénéficie d'une activité dynamique en France, liée notamment aux Jeux olympiques cette année. L'occasion de faire le point sur ses priorités stratégiques et sur la vision de sa nouvelle patronne. Par Raphaële Karayan. Publié le 12 avril 2024 à 14h32 - Mis à jour le 12 avril 2024 à 16h01 Ressources Comment se passe votre installation dans le nouveau campus WPP ? Nous avons commencé à mutualiser nos fonctions RH et finances, et à homogénéiser les conditions salariales et de télétravail. Le projet date de 2019, mais il a été remodelé à la suite du Covid. Nous avons voulu redonner le goût du collectif. Il n’est pas facile de créer ce sentiment de collégialité, c’est pour cela que nous avons beaucoup investi dans ce campus, avec beaucoup de lieux de partage, informels, d’animation, etc. La collégialité a également besoin de se créer autour de nos clients. Aujourd’hui, 50 % des effectifs de WPP dans le monde sont dans des campus de ce type. C’est un mouvement qui est en train de se généraliser. Quelle est votre feuille de route pour 2024 ? Nous allons continuer à installer notre leadership. Aujourd’hui, nous sommes numéro deux derrière Publicis en France, avec environ 20 % de part de marché. Nous voulons rendre notre groupe plus lisible, et pour cela nous regroupons l’ensemble des activités médias de WPP au sein de GroupM, en mutualisant nos expertises médias et nos investissements data et tech, même si nous avons plusieurs agences avec des ADN et une coloration différents : EssenceMediacom, Wavemaker, Mindshare… afin de correspondre aux différentes cultures de marques. Un de nos objectifs est également de placer le curseur au bon endroit entre l’investissement humain et technologique, pour créer une équipe gagnante. Beaucoup de nos clients nous demandent par ailleurs des organisations “miroirs”, reflétant leur mode opératoire propre, pour une meilleure fluidité des échanges et une meilleure gouvernance. WPP s’est réorganisé en six grands réseaux, dont GroupM, et s’est engagé depuis plusieurs années dans un processus de simplification. En quoi cela change-t-il vos activités concrètement ? WPP s’est construit sur de multiples acquisitions au cours du temps. La lisibilité n’était pas optimale dans sa lecture primaire. Il fallait donc se recentrer sur des marques fortes, leaders mondiales, ce qui suppose un effort de clarté, afin d’exprimer de manière plus lisible leur puissance. Quant à GroupM, nous essayons d’en faire la maison mère de nos activités médias dans le groupe, et d’avoir une plateforme mutualisée qui offre le meilleur des talents et des expertises. Le mouvement était déjà très avancé mais je veux lui donner une expression plus lisible. Vous avez lancé Nexus en octobre 2023 pour regrouper vos activités de marketing digital. Quelle est la logique derrière cette initiative ? Pourquoi sortir le digital, qui alimente tout le reste ? Nous avons beaucoup investi dans l’expertise technologique et les technologies. Là, nous en sommes à l’heure de l’unification et de l’harmonisation de nos process de travail. Nous prenons les meilleurs et nous les scalons. Mais ce n’est pas parce que nous les avons unifiés que nous les avons sorties des BU clients : la tech reste intégrée pour être au plus proche des clients. GroupM génère une croissance supérieure à celle du groupe WPP, qui anticipe d’ailleurs une croissance faible en 2024. Avez-vous une place à part dans le groupe ? GroupM porte structurellement la croissance de WPP. Nous sommes leader mondial, numéro un en Europe et numéro deux aux États-Unis. Il y a beaucoup de synergies au sein de la zone EMEA. Les gains sont souvent multimarques ou des extensions de pays. La France est un hub européen ou mondial pour certains clients. Plus de 200 collaborateurs travaillent dans ce hub pour plus d’une vingtaine de clients. C’est le cas pour Axa, Richemont et TotalEnergies. Cela peut être des hubs stratégiques ou d’activation, selon la façon dont le client est organisé. Résultats des Big Six : Publicis s’est démarqué en 2023 GroupM a livré la prévision de croissance la plus élevée pour le marché publicitaire français en 2024. A quoi est-ce dû ? Ces prévisions reflètent notre activité et l’attractivité de notre offre, ainsi que l’effet JO : nous accompagnons quasiment un tiers des partenaires mondiaux de l’événement, tels que Coca Cola, Danone, AirBnB, Toyota… Nous avons d’ailleurs créé un espace dédié au deuxième étage du campus pour les Jeux olympiques. En France, nous avons une situation très dynamique, avec beaucoup de gains de budgets fin 2023 et début 2024, entre ceux qui resignent tels que Axa, Richemont, TotalEnergies ou Marionnaud, et les nouveaux clients gagnés suite à des appels d’offres, parmi lesquels Nestlé, Aldi, Allianz et Schneider Electric. Ce qui nous amène à beaucoup recruter actuellement. GroupM France a embauché 297 personnes en 2023. Les Jeux olympiques de Paris vont booster le marché publicitaire français en 2024 Vous avez lancé Back to News en juin 2023 pour défendre une approche de la publicité responsable, et vous recommandez des mesures pour favoriser les investissements responsables des grands annonceurs. Quel bilan faites-vous de cette expérience et que peut-on faire ? Nous sommes en train de finaliser le renouveau de l’offre Back to News, qui n’a pas eu l’écho que l’on aurait voulu au départ. Je crois fermement qu’en tant qu’acteur conseil, nous avons une voix plus forte sur ce sujet. Il faut aller chercher l’efficacité là où elle est sur les plateformes bien sûr, mais il y a aussi des compléments de plan média à considérer pour améliorer les performances et contribuer à défendre la qualité de l’information, qui est aujourd’hui à risque. J’ai beaucoup vu les clients ces derniers mois, et je sens que c’est une attente grandissante, il y a une écoute que je n’avais pas identifiée avant, et une compréhension plus forte. mind Media Day : comment recréer du lien et de la valeur dans les médias et la publicité WPP a annoncé un plan d’investissements de 250 millions de livres par an dans l’IA. Comment seront-ils investis ? Dans la plateforme Open de WPP, dans des acquisitions et des talents. Aujourd’hui, il faut avoir des capacités d’investissement très solides pour mener cette transformation. Je pense que ce sera un élément différenciant. Comment utilisez-vous l’IA générative dans vos agences ? L’intelligence artificielle est partout chez nous : IA prédictive, l’optimisation, l’automatisation… Nous avons beaucoup investi dans l’IA générative, c’est-à-dire, dans notre cas, dans l’IA conversationnelle, qui est utilisée par tout le monde. Pour cela, nous avons noué des partenariats structurants au niveau mondial, avec des entreprises comme Adobe, Google, Nvidia, OpenAI, afin de l’implémenter de manière sécurisée dans nos outils. Nous avons une plateforme qui permet à nos collaborateurs d’utiliser l’ensemble des technologies à disposition. Selon une étude américaine de GroupM, avec le déploiement de l’IA générative, nos équipes font 12 % de tâches en plus, 25 % plus vite, et de manière 40 % plus fiable et qualitative. Mais la technologie sans l’humain n’apporte ni créativité ni valeur ajoutée. Donc le grand sujet c’est l’éducation, il faut que tout le monde s’y mette. Médias en difficulté, IA générative… Comment voyez-vous l’avenir de votre métier ? L’industrie est en train de se transformer, mais sa technicité nécessite des incubateurs de nouveaux talents, des expertises, des décrypteurs. C’est très compliqué de naviguer dans notre industrie aujourd’hui. Les annonceurs ont besoin de comprendre la fragmentation des audiences, de capter l’attention, de trouver des leviers de désirabilité. Notre métier est de trouver le juste équilibre entre investissement technologique et humain. Nous avons besoin de personnes qui savent apprécier et exprimer l’ensemble du parcours client. Aujourd’hui, celui qui est le plus automatisé c’est Google. Mais malgré les algorithmes, ce n’est pas accessible au premier venu, à l’échelle. On aura toujours besoin des agences pour acheter sur les plateformes, tester la nouvelle data, les nouveaux algorithmes, etc. Privacy Sandbox par exemple, comment on gère cela sans agence, je ne vois pas. Nous avons notre rôle de décryptage, de tiers de confiance. Justement, où en êtes-vous de votre programme de préparation à Privacy Sandbox, commencé en novembre 2023 ? Plus de 50 % de nos inventaires sont déjà achetés sans cookies, via de la publicité contextuelle, sémantique, etc. Donc pour nous, c’est à la fois un sujet et un non sujet. Nous, nous testons tout, nous sommes très volontaires là-dessus. Mais est-ce que le marché est prêt ? Je n’en suis pas sûre. Notre rôle est de l’accompagner. Christine Removille (Bain & Company) : “Il est essentiel d’avoir une langue commune au sein des marques entre le marketing et les finances” Lors des dernières rencontres de l’Udecam, l’association a appelé les annonceurs à mieux rémunérer les agences médias. Quelle est votre vision personnelle des choses ? Tout ce dont nous venons de parler nécessite des investissements et le recrutement de nouveaux talents. On a besoin que les annonceurs rémunèrent à leur juste valeur ces efforts d’investissement et ces nouveaux profils. On n’opère plus le média comme dans les années 80. Cette mue, il faut la financer. Le rapport de force est difficile à cause d’un marché publicitaire en contraction, du contexte inflationniste, de la guerre en Ukraine, de la perte de confiance des consommateurs, ce qui rend les annonceurs très prudents dans leurs investissements. Le poids du procurement dans la renégociation des contrats, auprès de tiers comme nous et des médias, ne vient pas embrasser la vraie valeur du temps passé et de nos talents. Il faut mieux l’expliquer. Nous parvenons à augmenter nos prix, mais pas suffisamment. Et certains clients ont des approches de productivité globale qui détruisent la valeur. Il faut réenchanter notre industrie. GroupM France en chiffres Nombre de clients : 250 début 2024 Effectifs : plus de 1 000 personnes, soit plus de la moitié de WPP en France Emploi : 297 recrutements en 2023 Raphaële Karayan AgencesGoogle Privacy SandboxIA générativeMarché publicitaire 2024Stratégies annonceursTransformation marketing Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Alexandra Chabanne est nommée CEO de GroupM France (WPP) Mouvements GroupM France repositionne son agence T&Pm avec Laurent Douard à sa direction Analyses Dossiers mind Media Day : comment recréer du lien et de la valeur dans les médias et la publicité The Trade Desk teste l’achat programmatique sur une liste fermée de 500 éditeurs “premium” WPP va investir autant que Publicis dans l'IA en 2024 AVOD : GroupM réunit adtechs et plateformes de streaming pour standardiser le marché Analyses Les six grands enjeux des médias et de la publicité en 2024 IA générative : WPP signe avec Google Analyses Résultats des Big Six : Publicis s'est démarqué en 2023 GroupM (WPP) lance un programme de préparation à Privacy Sandbox Mathieu Morgensztern lance AdaptivAI, une structure spécialisée dans l’intelligence artificielle WPP lance le nouveau département Nexus de GroupM France WPP fusionne Wunderman Thompson et VMLY&R essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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