Accueil > Marques & Agences > Jeff Katzin (Bain & Company) : Intelligence artificielle générative : “Seules les applications qui permettent à l’entreprise de se différencier vaudront la peine d’être explorées” Jeff Katzin (Bain & Company) : Intelligence artificielle générative : “Seules les applications qui permettent à l’entreprise de se différencier vaudront la peine d’être explorées” Le cabinet Bain & Company, qui accompagne de nombreux grands groupes sur des problématiques d’organisations, de transformations d’activités et de marketing, a conclu en février 2023 un partenariat commercial avec OpenAI, la société éditrice de ChatGPT. Rencontré lors des Cannes Lions 2023, Jeff Katzin, partner media, telecoms & marketing practices du cabinet, explique à mind Media les enjeux et risques liés à l’utilisation de l’IA générative par les marques. Par Paul Roy. Publié le 23 juin 2023 à 16h13 - Mis à jour le 04 septembre 2023 à 16h46 Ressources Quels sont aujourd’hui les domaines d’application de l’IA générative dans le marketing et la communication ? Il y a bien sûr beaucoup d’enthousiasme autour des applications de l’IA générative dans le domaine de la création publicitaire, mais je pense qu’une application plus large est possible pour réellement transformer le marketing. Cela va de la planification des campagnes, à l’approfondissement de la connaissance client, en passant par l’amélioration de la prédiction sur la façon dont vous pouvez atteindre les consommateurs via les canaux numériques ou le marketing direct. Mais aussi sur la partie création et exécution des campagnes, leur mesure, l’amélioration de leur performance… L’ensemble du travail effectué par les spécialistes du marketing peut être augmenté. Jeff Katzin Depuis 2019 : partner media, telecoms & marketing practices chez Bain & Company 2011 – 2019 : successivement consultant, manager puis principal chez Bain & Company Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de cas d’usage chez les entreprises que vous conseillez ? Sur l’aspect créatif, nous avons collaboré avec Coca-Cola autour de leur volonté de transformer leur stratégie marketing, en créant de nouveaux points de contact avec les consommateurs. Nous avons lancé avec eux la campagne “Create Real Magic”, autour de la génération de texte et d’image pour la création de nouveaux actifs créatifs : l’utilisateur pouvait s’enregistrer et créer une imagerie, insérer un poème au sein d’une publicité… C’était un moyen d’engager les consommateurs, tout en s’assurant de la protection des actifs de la marque (forme de la bouteille, logo, etc.) et du discours de certains utilisateurs associé à la marque. Un autre exemple, cette fois-ci autour de la conversation, est celui de Carrefour, qui utilise l’intelligence artificielle pour améliorer l’expérience d’achat, les consommateurs pouvant ainsi obtenir davantage d’informations sur les produits dans un chat. John Cosley (Microsoft Advertising) : “Nous voulons innover pour les consommateurs, les annonceurs et les éditeurs” Enfin, nous avons un client du secteur des biens de consommation – que je ne peux pas citer – qui travaille sur l’engagement dans les réseaux ciaux de deux manières. Sur des commentaires sur les réseaux sociaux, par exemple, les IA permettent de classer le thème ou le ton, ou de déterminer s’ils sont positifs ou négatifs. Il y a donc un volet d’écoute, pour savoir comment les consommateurs s’engagent avec la marque, et de quelle manière elle peut utiliser ces enseignements dans une campagne marketing. Et il y a aussi une perspective d’interaction. Ainsi, quand un consommateur s’exprime à propos d’un produit sur une plateforme sociale, cela peut permettre de suggérer aux responsables social media dans l’entreprises des réponses de bonne qualité, personnalisées et contextualisées. Les cabinets de conseil investissent massivement dans l’intelligence artificielle Bain & Company a choisi dès février 2023 de construire un partenariat commercial non exclusif avec OpenAI pour proposer ses solutions à ses clients – après avoir déjà permis à ses 18 000 employés d’utiliser les outils proposés par la société. Coca Cola a été le premier client du cabinet de conseil à implémenter les outils d’OpenAI. Plus globalement, les cabinets de conseil ont directement affirmé leur volonté d’investir massivement dans l’intelligence artificielle générative. Après PwC qui a annoncé en avril sa volonté d’investir un milliard de dollars aux États-Unis, Accenture a affirmé mi-juin vouloir dédier 3 milliards de dollars à l’intelligence artificielle. Les équipes data et AI vont passer de 40 000 à 80 000 employés, notamment dans la R&D, des programmes d’acquisition de sociétés et de formations internes seront mis en place, et de nouveaux outils seront développés et des accélérateurs de start-up sectoriels seront crées. Au-delà de ces exemples centrés sur la relation avec les consommateurs chez les marques, y a-t-il des cas d’usage liés à la stratégie et au planning chez les acteurs et organisations marketing ? Ce sont des projets en cours de développement. La plupart des entreprises du marketing avec lesquelles nous avons travaillé s’intéressent à deux domaines. Le premier concerne les capacités d’assistant interne. Il s’agit de donner à un employé des réponses suggestives pour qu’il puisse améliorer et fluidifier son travail. Deuxièmement, les spécialistes du marketing cherchent à comprendre comment construire quelque chose qui puisse puiser dans la grande quantité de données consommateurs qu’ils ont à disposition, même s’ils le font plus discrètement. “La première question à se poser pour les entreprises est de savoir quels sont les talents et les compétences dont elles auront besoin pour utiliser la technologie d’IA” N’y a-t-il pas un risque que ces innovations affectent la relation des marques avec leurs agences ? C’est une question centrale. Certaines agences – comme WPP, qui a annoncé un partenariat avec NVIDIA – communiquent en externe sur la façon dont elles vont utiliser la technologie. Il est également essentiel que les agences réfléchissent à la manière dont elles peuvent l’utiliser en interne pour mieux servir leurs clients. Il y aura seulement certains cas d’usage qui seront assez importants pour justifier le développement d’ applications propriétaires par les entreprises. Nous travaillons beaucoup avec nos clients, en examinant les différents cas d’usage dans le domaine du marketing, à comprendre où se trouve la valeur en termes de différenciation concurrentielle, d’engagement des consommateurs, et aussi quel est le degré de complexité de la construction de chaque application reposant sur l’IA. Seules les applications de l’IA qui peuvent vraiment vous différencier sont donc celles qui valent la peine d’être explorées. Les agences auront un rôle très important à jouer dans cette démarche. Elle continueront à être des partenaires centraux des marques, aussi grâce à la manière dont elles utiliseront la technologie elles-mêmes pour améliorer leur efficacité et leur workflow. Quelles sont les implications de ces nouvelles technologies en matière d’organisation et de compétences recherchées au sein des entreprises ? C’est une technologie qui va transformer la façon dont beaucoup d’entre nous font leur travail. Les entreprises doivent se poser deux questions. La première est de savoir quels sont les talents et les compétences dont elles auront besoin pour utiliser la technologie. En matière de compétences, on parle évidemment des métiers du “prompt engineering”, ou l’aptitude à manipuler une application d’IA générative pour qu’elle produise ce qu’on lui a demandé de produire. Ensuite, il faut envisager les différents aspects de ce que ce changement représentera pour l’entreprise, les talents qui devront s’ajouter à long terme, pour modifier les processus et les comportements. Il s’agit de réfléchir aux objectifs en tant qu’organisation, qu’on parle d’augmenter les revenus, de cibler de nouveaux consommateurs ou de lancer de nouveaux produits, et de voir comment utiliser la technologie peut aider à les atteindre. C’est probablement une tendance que nous avons observée chez les entreprises qui évoluent le plus rapidement sur l’IA générative : elles adoptent une vision transformationnelle plus large et centrée sur l’entreprise. Ce qui reste central dans l’agenda de toute organisation est évidemment la réflexion pour établir des garde-fous afin d’utiliser l’IA de manière éthique, responsable, tout en garantissant la sécurité des données. C’était déjà le cas en matière d’IA auparavant, mais les nouveaux dispositifs génératifs demandent d’adapter ce cadre. Au-delà de la nécessité d’encadrer l’usage de l’IA générative sur le plan éthique, quels sont les principaux risques que vous identifiez à l’usage de l’intelligence artificielle générative par les marques ? Il y a d’abord des risques de données et de sécurité liés à l’utilisation de cette technologie. Les organisations doivent se demander si elles mettent en place la technologie de la bonne manière, que ce soit en interne, ou avec leurs partenaires comme Google et Microsoft. Elles doivent contrôler quelles sont les informations introduites dans les dispositifs et quelles sont les réponses données, beaucoup d’utilisateurs individuels ne réalisant pas nécessairement qu’ils posent une question dans un modèle public. La première chose à faire est donc de mettre en place l’infrastructure technologique adéquate pour disposer de sa propre instance privée, et d’informer vos employés sur la manière dont ils doivent utiliser ces technologies. Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Un autre risque concerne l’impact sur la marque et la propriété intellectuelle. Il y a un grand débat sur la façon dont nous protégeons les actifs créatifs originaux qui pourraient être utilisés ou manipulés par le biais de certaines de ces plateformes. Ces dernières réfléchissent d’ailleurs toutes à la possibilité d’apposer un filigrane sur une image ou un texte pour indiquer si quelque chose est original ou non. Enfin, la relation avec la communauté créative est une autre dimension à prendre en compte, en particulier dans le domaine du marketing et des médias. C’est pour cela que beaucoup d’entreprises qui se lancent et apprennent, se disent qu’il ne faut pas explorer “certains cas d’usage avec l’IA générative, qu’on ne sait pas comment va évoluer la technologie”. Et elles le font pour protéger la créativité. À quels enjeux les entreprises devront-elles répondre dans les mois à venir ? L’enjeu sera d’abord de savoir comment, pour les entreprises, naviguer dans un ensemble d’options et de plateformes qui prolifèrent très rapidement, que ce soit du côté des grands modèles linguistiques open source ou de ceux fournis par un acteur technologique comme Bard de Google et ChatGPT d’OpenAI. Il faut que la marque se demande ce qu’elle veut construire, avec quels fournisseurs d’applications – dont certains sont déjà des partenaires existants, comme les solutions CRM, et d’autres des acteurs émergents sur cette technologie en particulier. Certains de nos clients ne choisissent qu’un ou deux partenaires pour acquérir de l’expérience, quand d’autres privilégient une approche écosystémique. Cette façon d’envisager la création d’un réseau de partenaires technologiques est centrale, certains pouvant être spécifiques à une fonctionnalité comme la création audio, de texte ou de code, et d’autres pouvant répondre à plusieurs problématiques. Martin Sorrell (S4 Capital Group) : “L’intelligence artificielle générative va bouleverser les relations dans l’entreprise” Le but sera aussi de savoir comment passer de la phase d’excitation à la phase de mise à l’échelle, en démontrant la valeur des cas d’usage isolés afin d’étendre l’innovation rapidement au niveau global. Ce qui est essentiel pour les grands groupes qui ont plusieurs unités commerciales, dans des zones géographiques variées. Y a-t-il quelque chose qui se passe dans une région et qui génère de la valeur ? Comment en faire une approche plus programmatique (au sens d’un programme, d’un projet structuré, ndlr) qui permette d’équilibrer l’innovation et d’en tirer parti plus largement dans un cycle court ? Paul Roy Achat médiaCannes LionsRelations agences-annonceursStratégies annonceursTransformation marketing Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretiens Martin Sorrell (S4 Capital Group) : “L’intelligence artificielle générative va bouleverser les relations dans l’entreprise” Aux États-Unis, USA Today va tester le résumé d’articles avec l’intelligence artificielle Analyses Entretiens Pierre Calmard (Dentsu France) : "Les directions des achats chez l'annonceur ont souvent trop de poids au détriment des directions marketing" Carrefour déploie des outils d’intelligence artificielle générative dans ses activités commerciales Publicis intègre la C2PA pour identifier les contenus produits par IA La Commission européenne veut obliger la labellisation des contenus produits par IA IA générative : WPP signe un partenariat avec NVIDIA sur la création de contenus publicitaires essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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