Accueil > Marques & Agences > Publicité responsable : comment fonctionnent les calculettes carbone des agences médias ? Publicité responsable : comment fonctionnent les calculettes carbone des agences médias ? Plusieurs agences médias françaises ont lancé ces derniers mois des calculettes carbone pour évaluer l’impact des campagnes de communication des marques. Sur quels grands principes reposent-elles ? Et où en est leur adoption ? Par . Publié le 25 avril 2021 à 16h00 - Mis à jour le 25 juin 2021 à 13h54 Ressources Malgré la crise sanitaire et économique, le secteur publicitaire français a accéléré ses initiatives en matière de RSE au cours de l’année 2020. Poussé par les demandes des consommateurs et du législateur – dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, dont l’examen en première lecture au Parlement s’est achevé samedi 17 avril -, il a orienté une partie de sa réflexion sur la limitation de son impact environnemental. “Le marché publicitaire français ne pourra piloter la réduction de son bilan carbone que s’il en a la pleine connaissance”, souligne Gildas Bonnel, président de la commission RSE de l’AACC et président de l’agence spécialisée RSE. D’où l’importance, en amont, du travail de mesure. Sur ce volet, plusieurs périmètres et méthodologies coexistent sur le marché. Récemment, des initiatives communes ont été menées, par l’AACC qui prépare un référentiel commun de l’impact carbone sur les trois scopes (émissions directes de l’entreprise, émissions provoquées par son activité, émissions liées à l’impact de son activité sur la société) des agences de conseil en communication (lire notre article), et par l’Udecam qui développe avec la société Glimpact un outil commun de mesure de l’empreinte environnementale du volet média des campagnes publicitaires (lire notre article). Elles ont été permises grâce à l’historique acquis par le secteur sur ce sujet, des agences médias ayant déjà déployé depuis plusieurs mois des calculettes carbone pour évaluer les émissions de CO2 émises par la diffusion des créations publicitaires. Transformer les paramètres des campagnes en émissions de CO2 “L’émission de CO2 est l’une des principales sources du réchauffement climatique”, explique Marion Cardona, cofondatrice de la société française fondée en juillet 2020 IMPACT+ – qui n’exclut cependant pas d’intégrer à terme d’autres indicateurs, tels que la consommation d’eau. Cette dernière mesure l’impact carbone des campagnes numériques d’annonceurs tels que L’Oréal ou La Poste via Publicis Media, Axa via GroupM, Danone via iProspect (lire son interview à mind Media). Cet indicateur, qui repose sur la traduction en tonnes équivalentes CO2 des émissions de chaque média, fait en effet consensus sur le marché publicitaire. Il reste néanmoins beaucoup moins exhaustif que la mesure de l’empreinte environnementale, qui englobe 16 indicateurs différents (émissions de particules fines, consommation de ressources fossiles ou minérales, impact sur la biodiversité…), et a été standardisée par l’Union européenne – c’est d’ailleurs sur elle que s’appuiera l’outil commun de l’Udecam. L’avantage de l’utilisation de ce critère : “permettre des points de comparaison grâce à une base commune, malgré des différences relatives au niveau des méthodologies”, pointe Anne-Servane Lasserre, directrice générale de StudioM, qui est aussi en charge de la stratégie RSE de GroupM en France. Le réseau média du groupe WPP a lancé sur le marché français en septembre 2020 son “Media Carbone Calculator”, développé par la société britannique CO2Balance et d’abord déployé au Royaume-Uni au début de l’année – il est désormais disponible dans 25 pays. Pour nourrir ces calculettes, il faut pouvoir en amont “analyser le cycle de vie de chaque support média, des matières premières nécessaires à sa fabrication, à son recyclage, en passant par l’énergie nécessaire à sa diffusion”, détaille Arnaud Doré, directeur associé Europe du Sud d’EcoAct, la société de conseil spécialisée de l’ESN française Atos. Concrètement, cela nécessite de prendre en compte des données aussi variées que le grammage du papier d’un titre de presse, l’éclairage d’un panneau d’affichage, le serveur utilisé par l’hébergeur d’une vidéo en ligne, ou encore le recyclage des différents composants d’un smartphone. “La complexité réside dans l’identification de l’ensemble des facteurs qui impactent le bilan carbone pour chacune des médias”, abonde Laurent Broca, directeur général du pôle média d’Havas en France, qui s’est appuyé sur l’expertise d’EcoAct pour lancer sa calculette Havas Impact Carbone en septembre dernier également. Une initiative similaire existe également pour l’activité créative et de production du groupe Havas. Dans une démarche internationale, comme c’est le cas pour GroupM, “il faut aussi prendre en compte le mix énergétique de chaque pays pour pondérer l’énergie déployée par chaque média”, ajoute Anne-Servane Lasserre. Le groupe WPP prévoit par ailleurs de mettre en place, d’ici septembre, une solution similaire pour étendre l’évaluation du bilan carbone à ses activités de création et de production. Collecter les données auprès des régies publicitaires Si les agences médias interrogées par mind Media ont toutes fait appel aux services de sociétés spécialisées pour mettre en place des calculettes carbone, la tâche de récolter les données nécessaires à la mesure des émissions de CO2 leur incombe. Chez Publicis Media par exemple, “les experts médias en interne ont réalisé un important travail de recensement de l’impact carbone de chaque paramètre de campagne pour établir des moyennes, qui ont été soumises pour validation à Bureau Veritas”, rapporte Laurent Capion, directeur de la stratégie des agences Starcom et Spark Foundry. D’ici le mois de mai, le réseau média déploiera son programme Alice (pour Advertising Limiting Impact and Carbon Emissions), déjà opérationnel depuis 2018 sur la mesure du bilan carbone des activités de création et de production, sur la diffusion des messages publicitaires. Laurent Capion reconnaît néanmoins la limite et “les possibles marges d’erreur” induites par l’utilisation de chiffres moyens. Ces moyennes sont néanmoins parfois les seules données utilisables dans les bilans carbone, “la collecte de ces informations se faisant de manière volontaire auprès des régies publicitaires des médias”, expose Laurent Broca (Havas Media). Tous n’ont pas le même niveau de maturité sur la question de leur transition écologique – bien que de nombreuses initiatives ont été annoncées par Les Échos-Le Parisien, Altice Media ou encore Prisma Media, sur lesquelles mind Media reviendra en détail dans un prochain article – ni la même volonté de communiquer ces informations. “Chez les afficheurs par exemple, la performance énergétique peut-être une donnée concurrentielle, tandis que les plateformes doivent obtenir l’accord de leur siège pour nous répondre”, illustre le PDG d’Havas Media. Le Media Carbone Calculator de GroupM ne permet pas ailleurs pas une granularité régie par régie sur les supports numériques et mobiles, pour lesquelles il s’appuie sur des données liées aux appareils utilisés pour consulter une publicité. La collecte des informations nécessaires au calcul du bilan carbone repose sur le volontariat des régies publicitaires des médias Laurent Broca (Havas Media) IMPACT+ est, à notre connaissance, le seul acteur à effectuer une collecte de données automatisée sur les campagnes numériques “en intégrant un outil de tracking dans les outils d’achat des agences médias, ou auprès des régies publicitaires en achat en gré à gré”, détaille sa cofondatrice Marion Cardona. La solution fait ainsi partie de la Global Vendor List de l’IAB Europe, mais doit elle aussi se contenter des données fournies par les plateformes sur leurs environnements. L’analyse de ces données permet de quantifier le bilan carbone en unité de tonnes équivalent CO2. Les avis sont partagés sur le bienfait d’en faire ensuite un “score” : chez IMPACT+, il permet aux annonceurs de se situer par rapport à un (futur) référentiel marché pour estimer leur marge de progression ; pour EcoAct, il ne doit pas devenir un outil de communication, mais servir uniquement à définir la stratégie de réduction du bilan carbone. Car la mesure n’est qu’une première étape, certes nécessaire, dans l’amélioration de l’empreinte environnementale de la publicité – mind Media y consacrera un autre article la semaine prochaine. Marion Cardona (IMPACT+) : “Nous pouvons aider les annonceurs à réduire de 80 % en trois ans l’impact carbone de leurs campagnes” Faire de la performance carbone un nouveau KPI Reste la question de l’adoption des calculettes carbone par les annonceurs français. Tous les professionnels interrogés par mind Media se montrent optimistes : “depuis 2019, il y a une vague de prise de conscience et de volonté d’agir pour la transition écologique de la publicité, et les calculettes carbone en sont l’un des leviers”, observe Arnaud Doré (EcoAct). Il souligne également que “l’engagement de grands acteurs du secteur publicitaire, tels qu’Havas, pousse ceux qui ne s’y intéressaient pas encore à le faire”. Ce sujet a en effet bénéficié du “projet de loi Climat et résilience, qui a été un accélérateur car il a apporté une notoriété citoyenne à la question de l’impact environnemental de la publicité, au-delà de la seule interdiction de publicité pour les produits les plus polluants, et a permis au marché de se structurer plus rapidement sur la réponse à y apporter”, confirme Marion Cardona (IMPACT+). Anne-Servane Lasserre indique ainsi que l’outil de GroupM est “en cours de déploiement sur les campagnes d’une trentaine d’annonceurs (donc un nombre bien plus grand de marques)”. Un dispositif complet de mesure, de réduction et de compensation des émissions de CO2 a également déjà été mené pour Adidas, dans le cadre de sa campagne ses nouvelles baskets Stan Smith produites à 50 % à partir de plastique recyclé. Laurent Capion, quant à lui, se félicite de constater que “onze annonceurs qui font partie du think tank Positive Media Project (programme de réflexion sur l’amélioration de la publicité sur différents volets initié par Publicis Media, ndlr) ont provisionné sur 2021 des ressources financières pour expérimenter les calculettes carbone”. Car “si l’objectif n’est pas de faire des calculettes carbone un centre de profit, leur mise en œuvre n’est pas neutre pour les agences”, fait valoir Laurent Broca. Ces dernières restent ainsi assez évasives sur leur modèle économique. Le directeur général du pôle média d’Havas évoque “un ticket d’entrée à quelques milliers d’euros, le coût étant calculé en fonction du volume de l’achat média mesuré et des spécificités des supports médias choisis”. Si l’ordre de grandeur est le même chez GroupM, le modèle de rémunération est celui du temps passé, qui semble être le plus évident à mettre en œuvre dans un premier temps dans les agences médias et dans les prestataires de mesure du bilan carbone. Le ticket d’entrée des calculettes carbone est de quelques milliers d’euros Laurent Broca (Havas Media) Pour faciliter l’adoption d’outils tels que les calculettes carbone, les agences médias doivent amener leurs clients annonceurs à inscrire le bilan carbone dans leurs objectifs de campagne, au même titre qu’un KPI de performance classique. “Tout l’enjeu est de trouver l’équilibre entre les KPI de performance publiciaire et ceux de performance environnementale, pour ne pas dégrader les uns au profit des autres”, avance Laurent Capion (Publicis Media). Les agences et les prestataires spécialisés pointent en effet l’efficacité égale des dispositifs médias moins carbonés – grâce à des leviers relativement simples comme le ciblage de vidéonautes utilisant la wifi, la diffusion des campagnes à des heures moins consommatrices en carbone ou encore la réduction du poids des créations publicitaires, que mind Media détaillera la semaine prochaine. Comment la publicité réalise sa transition écologique Achat médiaAgencesMesure médiaRéglementationTransition écologiqueUdecam Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire L’AACC prépare un référentiel commun de mesure des émissions carbone des agences L'Udecam veut construire un outil commun de mesure de l’impact environnemental des campagnes Marion Cardona (IMPACT+) : “Nous pouvons aider les annonceurs à réduire de 80 % en trois ans l’impact carbone de leurs campagnes " Médias et régies vont devoir s’adapter aux contraintes écologiques essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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