Accueil > Médias & Audiovisuel > Comment Schibsted augmente son revenu par abonné avec des bundles Comment Schibsted augmente son revenu par abonné avec des bundles Historiquement très développé dans le secteur de l’audiovisuel, le modèle des offres d'abonnement groupées à plusieurs services inter ou intra groupes médias peine à émerger chez les acteurs français du marché de la presse. L’éditeur norvégien Schibsted en a lancé plusieurs en 2022, sur lesquelles il livre un retour d’expérience. Par Paul Roy. Publié le 06 octobre 2023 à 16h03 - Mis à jour le 11 juin 2024 à 11h47 Ressources Contexte Après une dynamique très positive depuis le lancement de leurs offres, les éditeurs de presse constatent depuis deux ans un ralentissement de la croissance de leurs abonnés numériques. En témoignent les chiffres du groupe Le Monde en France, qui devrait enregistrer 8 à 10 % de croissance annuelle cette année, contre 13 % en 2022, et 15 % en 2021. Une tendance également observée par Schibsted, éditeur norvégien (propriétaire du site Leboncoin) qui s’était développé relativement tôt sur le numérique et cherchait à augmenter son ARPU. “Notre croissance d’abonnés numériques, même si elle était toujours importante, était en ralentissement ces dernières années”, explique Tor Jacobsen, SVP consumer & subscriptions de l’éditeur. À cela se superposait un double constat : 13 % seulement des nouveaux abonnés numériques conservaient leur abonnement après un mois d’abonnement, et 13 % étaient abonnés à plusieurs titres de Schibsted. Dispositif C’est dans ce contexte que l’éditeur a développé trois produits d’abonnement “bundle”. L’un, baptisé Tilgang et lancé entre août et octobre 2022, donne accès à l’ensemble des titres du groupe (6 quotidiens, 44 magazines et l’application de podcast Podme, rachetée en 2021) pour un prix de 30 euros par mois environ – contre 25 euros pour un abonnement simple à l’une de ses marques les plus fortes, le quotidien national Aftenposten. Le deuxième, lancé en 2023, est une offre similaire pour ses titres en Suède, baptisée Pocketet. Et le dernier, une offre “divertissement”, permet d’accéder au tabloïd VG et à l’application Podme. Abonnements numériques (1/2) : les lecteurs sont de plus en plus difficiles à convaincre L’éditeur a avancé progressivement, d’abord en proposant à ses abonnés existants de passer à l’offre Tilgang. “Après les tests et les premiers retours d’expérience d’utilisateurs, nous sentions que c’était une étape supplémentaire naturelle et que le marché était prêt. De plus en plus d’acteurs, à l’image d’Amazon, proposent des offres groupées à plusieurs services”, constate Tor Jacobsen (Schibsted). Résultats Aujourd’hui les offres bundle représentent 10 % des revenus abonnés numériques de Schibsted et légèrement moins en nombre de souscriptions. Au-delà d’augmenter le panier moyen, elles permettent également, selon Tor Jacobsen, de remplir l’objectif d’attirer de nouveaux utilisateurs : 50 % des nouveaux abonnés de Schibsted le sont via une offre bundle, l’autre moitié s’abonnant à l’un des titres du groupe. Elles répondent aussi à la problématique de churn constatée par l’éditeur. “Sur les abonnés à l’offre bundle, nous observons que 60 % des nouveaux abonnés via l’offre Tilgang sur le titre Aftenposten le sont toujours après le deuxième paiement. Cette fidélité accrue est à la fois liée au fait qu’ils aient accès à plusieurs offres, mais aussi parce que ces offres incluent le partage d’abonnement avec d’autres personnes”, explique Tor Jacobsen. Et après ? Plusieurs risques étaient identifiés au lancement de la stratégie bundle : la cannibalisation des offres, un portfolio trop large par rapport au besoin utilisateur, et surtout des complexités opérationnelles internes. Comme l’explique Tor Jacobsen, l’enjeu est dorénavant de finaliser la transition d’une organisation marketing centrée sur les offres à un système axé sur le consommateur final. “C’est quelque chose de complexe, et nous devons mettre en place des systèmes d’incitations pour que les organisations internes comprennent que les bundles sont bénéfiques pour l’ensemble des marques”, avance-t-il. Abonnements numériques (2/2) : après la conquête, l’augmentation des revenus par abonné ? L’offre étant parfois “surdimensionnée” par rapport aux besoins de l’utilisateur, le but sera de créer des bundles plus segmentés dans le futur (sport, divertissements, etc.). “Il ne s’agira au final pas uniquement de proposer des offres bundle mais d’adapter au mieux l’offre de contenus que nous proposons à chaque utilisateur”, conclut Tor Jacobsen (Schibsted). Les offres groupées restent marginales chez les éditeurs français mise à jour du 16/10/2023 à 10:30 : dans une première version de l’article nous indiquions que Les Jours faisait partie du GIE à l’origine de Presse libre, mais le média n’en était qu’utilisateur. Walmart+ et Paramount+ pour 12,95 dollars par an, le Pass Ligue 1 Amazon et le Pass Warner pour 17,99 euros, Canal +, Netflix et Disney+ pour 49,99 euros… S’inscrivant dans la stratégie historique des bouquets TV proposés par les câblo-opérateurs, les acteurs de l’audiovisuel multiplient les offres groupées avec des services concurrents. Le but pour les pure players, être distribués le plus largement possible quitte à rogner un peu sur leur marge. Et pour les opérateurs, améliorer leur offre de services pour fidéliser leurs abonnés. Malgré la potentielle complémentarité entre leurs offres, et l’émergence d’initiatives à l’étranger (The Times of India avec le service de SVOD Times prime, intégration de The Athletic dans le New York Times…), les groupes médias français possédant plusieurs titres se refusent pour le moment à créer des offres groupées à l’image de ce que propose Schibsted. En cause, selon les acteurs interrogés, des directions marketing qui fonctionnent parfois en silos, une peur de la dilution de la marque et de la cannibalisation des offres, et le risque de lancer un produit complexe à mettre en œuvre qui ne trouverait pas son public. Interrogés sur le sujet, Les Echos – Le Parisien – qui a affirmé être en cours de réflexion sur le sujet -, le groupe Le Monde (qui avait lancé une offre couplée Courrier International et Le Monde il y a une dizaine d’années) et CMI France, ont tous décliné nos sollicitations. Quelques initiatives d’offres groupées entre plusieurs médias Les initiatives en France s’apparentent à des accords commerciaux ponctuels entre différents éditeurs, à l’image de l’offre conjointe que propose Libération avec Les Inrocks (un abonnement aux deux titres papier + numérique à 149 euros), lancée avec Qiota (TBS Group). “Il s’agissait d’une opportunité. Nous voulions au départ proposer un complément papier mensuel (périodicité sur laquelle nous ne sommes pas présent) à notre abonnement numérique”, détaille Jean-Charles Thébaud, responsable CRM et acquisition de Libération. Libération reconnaît des résultats pour le moment moyens, avec quelques dizaines d’abonnements générés, mais ne ferme pas la porte à d’autres collaborations de ce type. “C’est un bon moyen de s’adresser à certaines communautés, comme lorsqu’on lance une campagne dans un environnement de niche” ajoute-t-il, en citant l’offre spéciale pour les abonnés à la chaîne Twitch Backseat,. Des projets un peu plus ambitieux ont vu le jour. Presse Libre a été développé en 2016 au sein d’un GIE entre Arrêts sur image, Next Inpact et Alter Eco, dans le but de proposer une plateforme commune et des tarifs préférentiels pour l’abonnement à plusieurs titres, mais a depuis été abandonné – en raison notamment de coûts de maintenance trop importants. “Il y a une demande des lecteurs pour ce type d’offres. Mais il faut qu’elles soient portées par les leaders du marché pour être cohérentes”, constate Augustin Naepels, cofondateur et directeur général du média les Jours, qui a utilisé la plateforme. La distribution via les opérateurs privilégiée Comme l’audiovisuel, la presse s’est en revanche tournée assez tôt vers les opérateurs télécom pour la distribution. L’Équipe, précurseur dans le domaine, distribue actuellement son offre sur Bouygues Telecom, et a mis fin à son partenariat de distribution historique avec Canal + (200 000 abonnés). La raison invoquée auprès de l’AFP : un revenu par abonné trop faible qui “ne suffisait plus à monétiser nos investissements dans ces contenus à valeur ajoutée”, selon Laurent Prudhomme, le président du quotidien sportif, qui n’exclut pas la possibilité d’autres contrats de cette nature. Canal + a également des accords avec Télérama et Midi Olympique pour la distribution de leurs offres dans certains produits d’abonnement. En parallèle, les kiosques en ligne – eux aussi distribués via les opérateurs – qui proposent l’accès à plusieurs titres pour un abonnement fixe – ont peu à peu perdu du terrain. Cafeyn a ainsi vu des éditeurs majeurs quitter sa plateforme (L’Equipe, l’Express, Le Point, Ouest-France…) et a récemment perdu son accord de distribution avec Canal + au profit d’une plateforme concurrente développée par Prisma Media, Pass Presse. Une dernière opportunité se situe dans la construction d’offres communes avec des services d’autres secteurs, à l’image du Washington Post avec l’application de méditation Headspace, ou en France, des Inrocks avec le service de streaming audio Qobuz. Là aussi ce type d’initiative reste ponctuel et complexe à mettre en place. Paul Roy Abonnements numériquesPQN Besoin d’informations complémentaires ? 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