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Accueil > Médias & Audiovisuel > Les dirigeants des groupes télévisuels français présentent leur vision du marché et leur stratégie

Les dirigeants des groupes télévisuels français présentent leur vision du marché et leur stratégie

Nicolas de Tavernost (M6), Rodolphe Belmer (TF1), Maxime Saada (Canal+), Stéphane Sitbon Gomez (France Télévisions) et Arthur Dreyfuss (BFMTV) se sont exprimés en avril dans le cadre d'une discussion organisée par le SNPTV et animée par mind Media.

Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 11 mai 2023 à 13h31 - Mis à jour le 29 août 2024 à 16h29
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Pour la première fois depuis plusieurs années, les représentants des cinq plus grands groupes audiovisuels français étaient réunis vendredi 7 avril à l’occasion d’une table ronde pour parler de l’avenir de la télévision et des grandes orientations stratégiques portées pour leur groupe : Nicolas de Tavernost (PDG de M6), Rodolphe Belmer (PDG de TF1), Maxime Saada (PDG de Canal+), Stéphane Sitbon Gomez (directeur des antennes et des programmes de France Télévisions) et Arthur Dreyfuss (PDG d’Altice France et BFMTV). Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, en déplacement à Kiev, a été excusée et remplacée par Stéphane Sitbon Gomez. C’était également l’une des toutes premières prises de parole de Rodolphe Belmer, PDG du groupe TF1 depuis quelques mois.

La table ronde était organisée dans le cadre d’une matinée de discussions dédiées au secteur audiovisuel organisée par le SNPTV, le Syndicat national de la publicité télévisée. La préparation des échanges et l’animation de cette table associant les dirigeants des grands groupes audiovisuel ont été réalisées par mind Media.

Liquidation de la plateforme Salto et échec de la fusion TF1-M6, nouvelles alliances et consolidation du marché, rôle de la télévision comme facteur de lien social et de proximité avec les Français, capacité ou non à fidéliser les jeunes audiences, cadre réglementaire jugé asymétrique avec celui des plateformes, stratégie pour la création et les programmes, stratégie de monétisation, axes de développement à trois et cinq ans… Les dirigeants des groupes TF1, M6, Canal+, BFMTV et France Télévisions ont présenté leur regard sur le secteur audiovisuel.

Les points à retenir 

Tous les groupes TV, en particulier les groupes privés, pointent ce qu’ils estiment être des asymétries réglementaires avec les plateformes vidéo et réclament un ajustement du cadre légal et réglementaire, français et européen. 

Pour cibler et fidéliser les jeunes audiences, les groupes télévisuels vont proposer des programmes linéaires spécifiques et développer leurs offres en ligne. 

Stéphane Sitbon-Gomez (France Télévisions) souligne le manque de légitimité aujourd’hui du volume d’audience comme critère de succès d’un programme TV et met plutôt en avant les critères d’attention et d’impact générés, direct ou indirect sur le public visé. 

Canal+ et M6 se montrent ouverts à des opérations de croissance externe. Le groupe de Maxime Saada travaille sur une acquisition en Asie. 

Rodolphe Belmer veut positionner le groupe TF1 autour d’une offre linéaire et d’une offre de streaming très importante. Avec l’ambition de proposer “l’offre de streaming gratuite de référence pour les Français”, financée par la publicité.

COMMENT RECRÉER DU LIEN

mind Media : On assiste, année après année, à la fois à une réelle défiance des Français dans les médias – et c’est le cas dans beaucoup de pays – et à la montée des fake news. Cette défiance touche aussi la télévision. Comment recréer du lien et de la confiance avec les Français sur des aspects parfois diffus et irrationnels ? En quoi la télévision a-t-elle un rôle à jouer ici dans l’information véhiculée et ses programmes, en particulier votre groupe ?

Nicolas de Tavernost (M6) : Je dois rappeler ici que la télévision a un indice de confiance qui est très fort et que le problème que vous évoquez se pose plus pour les réseaux sociaux que pour nous, chaînes de télévision. La radio est également un média qui jouit d’un indice de confiance très important. Evidemment, il faut entretenir cela. Cela veut dire notamment que nous devons proposer une information de qualité. 

C’est ce que nous essayons de faire. Cela nécessite des moyens pour les grandes chaînes généralistes. A M6, nous comptons 356 journalistes permanents dans le groupe et nous avons fait le choix, à côté de l’information News, d’avoir une politique de magazines affirmée depuis l’origine et très ambitieuse. Et nous souhaitons poursuivre sur cette voie. Nous avons pris des engagements qui vont dans ce sens parce que nous pensons que c’est l’une de nos missions, à savoir rassembler, encourager cet instant grégaire de la population autour de nos grandes chaînes de télévision. 

Et évidemment, il faut s’adapter avec l’écosystème actuel de nos compétiteurs que sont les plateformes. Des adaptations sont nécessaires. En dehors des documentaires, c’est l’endroit que les grandes plateformes n’ont pas encore investi. Gagner la bataille de l’information et la bataille de la qualité de l’information est un enjeu très important pour nous. Pour gagner cette bataille, il faut que nos organisations disposent de moyens. C’est la raison pour laquelle on travaille.

mind Media : Arthur Dreyfuss, Altice Media se développe de plus en plus dans les régions. Comment recréer du lien avec les Français ? Qu’est-ce que cela recouvre des médias “populaires et de proximité” ? 

Arthur Dreyfuss (BFMTV) : “Comme vient de le dire Nicolas de Tavernost, l’enjeu, c’est la qualité de l’information. Et pour cela, nous avons, au sein de notre groupe, 800 journalistes dans le monde. Nous avons fait le pari de ce lien de la proximité à l’heure des grandes plateformes, à l’heure de l’internationalisation de l’information, de l’internationalisation de l’image. Le pari que nous faisons est de montrer ce qu’il se passe au coin de sa rue, en bas de chez soi, que ce soit avec RMC et les milliers d’appels d’auditeurs que la radio reçoit chaque jour, avec BFMTV ou nos chaînes locales. On en compte aujourd’hui une dizaine, ce qui représente 200 journalistes en province, dans les territoires. 

Pour recréer du lien, nous avons l’obligation de faire plus que jamais notre métier. Et notre métier, c’est celui de journaliste : aller chercher l’information, la vérifier et la transmettre aux téléspectateurs. Sur la confiance ? On demande beaucoup aux médias de réussir là où souvent toutes (les institutions) ont échoué : l’Autorité publique a échoué, l’Autorité politique a échoué parfois, l’école aussi et les services publics en général. Et nous avons une obligation parce que nous sommes présents dans le quotidien des Français, dans la poche, presque, de tous les Français, mais aussi dans leur salon. Nous nous devons d’être encore plus irréprochables. C’est pourquoi un grand esprit de responsabilité anime l’ensemble des groupes présents aujourd’hui.

 “La télévision reste le média unique de fédération de tous les Français”

Rodolphe Belmer, TF1

mind Media : Rodolphe Belmer, vous occupez la présidence de TF1, une chaîne d’information emblématique, à la fois très regardée et très exposée. Comment votre groupe peut-il assurer sa mission fédératrice auprès des Français ?

Rodolphe Belmer (TF1) : Le lien avec les Français est très fort et très présent. Il ne s’agit donc pas de “recréer” du lien. L’audience de la télévision est très forte et est en croissance. On dit souvent que les jeunes désertent la télévision, mais on observe que 97 % des 15-24 ans regardent la télévision au moins une fois par semaine. Et ce chiffre est en croissance. 

Évidemment, c’est encore plus vrai sur les cibles plus âgées. Mais la télévision est très fédératrice, et c’est probablement le seul média fédérateur aujourd’hui. On assiste à une fragmentation des médias du fait du développement de la consommation sur internet et des réseaux sociaux, qui présentent des offres de médias à de très petites cibles du public. La télévision, dans cet univers-là, reste le média unique de fédération de tous les Français. C’est vrai pour les médias en général et c’est vrai pour TF1 en particulier. 81 % des jeunes de 15 à 24 ans regardent ses programmes de notre chaîne toutes les semaines. 

Cette tendance est portée par une ligne éditoriale qui vise à servir et à rencontrer tous les publics, non seulement le public plus âgé, le public traditionnel de la télévision, mais aussi des publics plus jeunes pour les maintenir en lien avec la télévision. Chez TF1, les fictions comme Avenir, les émissions de divertissement comme Koh-Lanta et l’information sont massivement consommées par les 25-49 ans et aussi par les plus jeunes. La télévision est aujourd’hui le média principal qui permet de créer ce lien et qui produit une couverture très importante pour les messages publicitaires. Dans un paysage qui continue à se fragmenter de plus en plus médiatiquement, dans une société qui a tendance à se fracturer, tout l’enjeu est de consolider cette présence de la télévision pour consolider ce lien entre les Français. 

Chez TF1, on développe cela sur trois axes, pour apporter notre modeste contribution à la réflexion. Le premier axe consiste à être un creuset de la culture populaire française. On crée ainsi des grandes franchises et des grands héros qui vont permettre de créer des sujets de culture populaire. Le deuxième axe concerne le lien avec l’ensemble des publics, c’est-à-dire servir à la fois le public classique de la télévision, mais aussi les publics plus jeunes, en leur adressant des grandes franchises avec des héros qui leur ressemblent. Le troisième axe est un enjeu démocratique. Avec 5,5 millions de personnes la semaine et 6,5 millions le week-end qui regardent nos informations, on a un rôle évident de création d’une compréhension commune partagée par l’ensemble de la population, qui contribue à la cohésion nationale. L’objectif du groupe TF1 est de contribuer, parmi tout un tas d’autres éléments, à la cohésion nationale.

LA CRÉATION ET SON FINANCEMENT

mind Media : Créer et entretenir du lien, être populaire, fédérateur, cela passe aussi par les programmes et donc par la création. Maxime Saada, comment s’intègre la création audiovisuelle dans la stratégie de Canal+ ? Comment allez-vous intégrer le service de télévision payante OCS dont vous venez d’annoncer l’acquisition ?

Maxime Saada (Canal+) : Ce projet doit d’abord être approuvé par l’Autorité de la concurrence. Orange souhaitait céder cette activité et Orange est le premier partenaire de Canal+ en France en termes de distribution. Donc les relations avec Orange sont très étroites et c’est pour cette raison que nous avons rapidement été sollicités. Par ailleurs, Canal+ est le premier distributeur d’OCS en France. Près de 2 millions de nos abonnés ont souscrit à OCS. OCS est une marque avec des équipes qui ont fait un très bon travail éditorial. 

Par ailleurs, Everything Everywhere All At Once, qui a reçu un Oscar, a été acheté par OCS. Il y a également tout un tas de séries qui ont émergé comme Walking Dead, La Servante Écarlate, etc., qu’on retrouve sur OCS. Il s’agit de programmes très attractifs pour nos abonnés. Il y a une marque qui avait été créée et on ne voulait pas priver les 2 millions d’abonnés de Canal+ d’OCS. C’est pourquoi on s’est positionné pour cette acquisition. 

Enfin, l’activité d’Orange Studio est très intéressante. Développée par Orange au cours des dernières années, ce studio compte plus de 1 500 titres, dont des films très prestigieux, comme The Artist, qui intéressaient Canal+ et qui venaient totalement s’ancrer dans la stratégie de StudioCanal, qui a le plus beau catalogue de films en Europe, soit à peu près 2 000 titres. On veut continuer à le déployer. On restaure à peu près 200 films par an. Sur les trois dernières années, on en a restauré plus de 700 films. Donc cette stratégie patrimoniale du groupe Canal+ est très importante et Orange Studio s’intègre parfaitement dans ce projet. 

“On assiste depuis le confinement à un changement des publics télévisuels, notamment à l’égard du service public”

Stéphane Sitbon Gomez, France Télévisions

mind Media : Stéphane Sitbon Gomez, France Télévisions est l’un des plus grands contributeurs dans la création en France, avec par exemple la moitié du financement des programmes patrimoniaux. Quelles sont les évolutions à attendre dans la stratégie du groupe liée à la création de contenus ? Des changements dans les formats et programmes diffusés, à court ou long terme ?

Stéphane Sitbon Gomez (France Télévisions) : On assiste depuis le confinement à un changement des publics télévisuels, notamment à l’égard du service public. Et ce mouvement, on l’observe dans toute l’Europe. C’est un mouvement qui se dessine envers les services publics, mais aussi envers la télévision de manière générale. Durant le confinement où les gens ont été privés de toute information fiable et donc de tout lien avec le reste de la population, le besoin de fiabilité et la confiance que les Français accordent au service public se sont renforcés et la télévision a pris une place centrale. Je pense que tous les acteurs de télévision, et plus largement tous les médias, ont une responsabilité à cet égard. Il y a une attente qui est plus forte que jamais. 

On lit tous les jours qu’il y aurait un déclin. Au contraire, je pense qu’il y a une demande et une attente à notre égard. Pour les médias du service public, elle s’exprime sur deux aspects : l’information, notamment de proximité, et la création. En 2015, quand Delphine Ernotte a pris la tête de France Télévisions, la création représentait un tiers du coût des programmes. Aujourd’hui, c’est 55 %. On investit 500 millions d’euros dans la création audiovisuelle et cinématographique par an. Et on s’est renforcé dans tous les domaines, dans la fiction notamment, mais aussi dans le spectacle vivant et le documentaire. 

Le choix d’une création forte, c’est la possibilité d’avoir des contenus différenciants, originaux et français. C’est une stratégie qui marche. Il n’y a qu’à voir les audiences qui ne cessent de progresser et la résonance de ces contenus qui ne cesse de s’amplifier. Même si on est inquiet quant à l’avenir, on est dans une période qui, si on se positionne sur nos axes de différence et si on a confiance dans le média télé, offre un bel avenir possible.

“Nous devons adapter notre programmation au streaming. Autrement dit, nous devons combiner l’usage du streaming avec l’usage du linéaire”

Nicolas de Tavernost, M6

mind Media : M6 vient de conserver sa fréquence TNT face à Xavier Niel qui s’est montré très offensif contre le groupe depuis deux ans. Nicolas de Tavernost, comment avez-vous vécu cela ? Quels sont les engagements pris devant l’Arcom ? Et quels sont les changements que vous voulez impulser concernant la création et les programmes du groupe ?

Nicolas de Tavernost (M6) : Nous avons été sélectionnés et nous devons négocier, tout comme TF1 une convention, qui se traduira, nous l’espérons par une autorisation (l’Arcom a donné son autorisation le 27 avril, ndlr). Voilà pour l’aspect juridique. Sur votre question, il est intéressant de noter que la télévision attire les investisseurs. Et c’est avec beaucoup de satisfaction que je peux dire que nous avons eu beaucoup de sollicitations. Si je peux me permettre une remarque sur cet autre candidat en compétition, la seule vraie critique qu’il a fait de notre projet portait sur la bonne santé financière de notre groupe. Mais lorsque j’ai vu qu’il avait 758 millions d’euros de résultat net sur son groupe de télécoms, je me suis dit que ce n’était pas forcément l’Abbé Pierre du PAF, tel qu’il se présentait devant l’Arcom. 

Je voudrais évoquer deux points. Premièrement, nous ne voulons pas changer le modèle M6 qui fonctionne. Ça fait 35 ans qu’il existe. Nous avons fait les choses progressivement. Par exemple, sur l’information, c’était très important. Pendant très longtemps, nous n’avons quasiment pas eu d’informations. Un prédécesseur de Rodolphe Saadé m’avait demandé pourquoi je voulais m’embêter avec l’information. Je lui avais alors expliqué qu’elle allait permettre de structurer notre grille et que nous allions devenir la chaîne qui a le plus de moins de 50 ans dans la composition de son information. Nous sommes la première chaîne sur l’information, le soir, auprès des jeunes. Ça a été une réussite. Donc, nous voulons poursuivre ce modèle. C’est la raison pour laquelle nous discutons en vue d’augmenter la place de l’information et des documentaires et en les améliorant progressivement. 

Nous avons également indiqué que nous lancerons, l’année prochaine, un feuilleton quotidien parce que c’est important de fidéliser. Et surtout, nous devons adapter notre programmation au streaming. Autrement dit, nous devons combiner l’usage du streaming avec l’usage du linéaire. C’est tout l’enjeu, aujourd’hui, de notre projet. Nous voulons absolument continuer à développer la création autour des marques fortes que nous avons installées. Il est très difficile de lancer de nouvelles marques en télévision. Il y en a d’ailleurs très peu, même si nous l’avons récemment fait avec un certain nombre de succès.

Quant aux marques plus anciennes, il faut les faire vivre et les entretenir. Il y a une dizaine d’années, Thomas Valentin (vice-président du directoire du groupe M6 depuis la création de la chaîne en 1987 et jusqu’en février 2023, ndlr) a lancé les magazines sur la vie qui fonctionnent très bien. On ne prend plus simplement des présentateurs, mais des professionnels d’un métier, que ce soit dans la cuisine, dans l’immobilier, dans la décoration, etc, dans lesquels le public se retrouve. Et puis, nous allons également faire un effort dans tout ce qui est patrimonial, c’est-à-dire dans le documentaire et la fiction que nous développons aujourd’hui à travers notamment les programmes du futur.

“Est-ce que la durée d’écoute en télévision est la bonne mesure de la qualité d’attention, de la qualité des contenus et de la qualité du contact que nous avons avec les plus jeunes ? J’ai un doute à ce sujet”

Stéphane Sitbon Gomez, France Télévisions

COMMENT CIBLER LES JEUNES

mind Media : L’un des principaux enjeux du moment et pour les années qui viennent, pour les groupes télévisuels, ce sont les jeunes audiences. Entre 15 et 25 ans, on regarde la télévision 1h30 par jour, bien moins que les tranches d’âge supérieures, plus de 3h. Le replay est en progression constante, mais cela ne suffit pas encore à compenser totalement les changements d’usage. Comment attirer et fidéliser les jeunes maintenant et demain ? 

Stéphane Sitbon-Gomez (France Télévisions) : Nous avons un enjeu d’outils de mesure qui pose des questions de fond. Le temps passé devant la télévision, y compris chez les jeunes, reste très élevé. Mais il y a une question qui se pose pour l’ensemble du secteur, même si je sais que (le temps passé) est un outil de mesure dans ce métier : est-ce que vous souhaitez que vos enfants passent plus de 3h par jour devant les écrans de manière générale ? Est-ce que c’est notre seule manière de compter l’audience et l’audience fidèle ? Est-ce que la durée d’écoute en télévision est la bonne mesure de la qualité d’attention, de la qualité des contenus et de la qualité du contact que nous avons avec les plus jeunes ? J’ai un doute à ce sujet. 

J’ai un doute aussi sur le fait qu’il s’agisse du projet de société que nous avons à proposer au moment où il y a une guerre du clic et une guerre de l’attention. Est-ce qu’on doit essayer de voler des minutes sur des vidéos – pardon de le dire – qui n’ont pas énormément d’intérêt ? C’est un vrai débat de fond que la profession doit mener dans son ensemble. La vraie question sur ce que représente l’audience des jeunes se pose. Après, il faut entendre ce qu’on définit par “les jeunes”. Ce que j’appelle les jeunes, ce sont les moins de 25 ans, un public qui a grandi dans un univers culturel différent de celui des trentenaires et des quadras. Ils ont grandi dans autre chose et on doit répondre sur différents usages à leurs attentes. Il y a l’audience mais aussi l’impact, qui est un moyen de les toucher. 

Je vais citer un exemple pour être clair : la semaine dernière, j’intervenais dans une classe. Ils avaient 21 ans et je leur ai demandé : “Qui d’entre vous connait Drag Race France ?” J’ai eu 18 mains qui se lèvent. Je demande ensuite : “Qui d’entre vous a vu Drag Race France ?”. J’ai une main qui se lève. Enfin, j’ai demandé : “Combien d’entre vous savent que Drag Race France a été fait par France Télévisions ?” J’ai eu 10 mains levées. Mon audience se limite à la personne qui a levé la main. Mais mon attribution, qui correspond à ceux qui savent que c’est France TV – c’est donc un contact avec France TV, un contact avec la marque et un contact avec la plateforme – ce sont les 10 qui savent que c’est France TV. Et l’impact de Drag Race France, c’est-à -dire la conversation que ça a suscité sur les réseaux et dans la société, ce sont les 18 mains qui se sont levées. 

Je pense donc qu’on doit aussi réfléchir à ce rapport à l’attention, avec la conversation que nous sommes capables de générer. Une grande part de la conversation qui se déroule sur les réseaux sociaux traite de la télévision, mais aujourd’hui, on la subit plutôt qu’on l’organise. On a vocation à être, y compris pour les jeunes, cette place centrale dans leur vie. Et je pense qu’on a la possibilité de le faire en se donnant une vraie stratégie de résonance des contenus en regardant tout ce qui se passe autour des contenus et pas uniquement l’audience, même s’il faut continuer à se battre sur l’audience. Ce n’est pas une manière de se détourner, c’est une manière d’entendre les pratiques culturelles de ces moins de 25 ans. 

mind Media : Rodolphe Belmer, vous avez pris la présidence de TF1 il y a quelques mois. Dans votre projet, comment voulez-vous cibler les jeunes téléspectateurs dans un univers médiatique de plus en plus fragmenté et concurrentiel ?

Rodolphe Belmer (TF1) : Effectivement, le jeune public nous intéresse tout particulièrement, du fait de la mission qu’on s’est donnée mais aussi, évidemment, pour des considérations économiques. On sait que pour les annonceurs que l’on sert, toucher le public de 25 à 49 ans, c’est majeur. Il faut donc que nous continuions à rassembler et à créer de la couverture, à savoir un reach important sur ces populations là. Comment on fait ça ? L’approche est très simple, c’est par la ligne éditoriale : en développant des grandes franchises de programmes qui sont très bien financées et spectaculaires, à destination du public le plus jeune. Elles présentent des incarnations qui sont en résonance contemporaine avec la population jeune. On retrouve cela dans le divertissement, en lançant de nouvelles franchises de divertissement. C’est assez compliqué de lancer de telles franchises, mais on y arrive soit via des lancements, soit via des renaissances comme avec la Star Ac’. On crée ainsi une franchise qui va être très impactante et très populaire pour l’ensemble de la population, mais aussi à destination des plus jeunes. 

Nous avons aussi une programmation qui va accompagner les usages des plus jeunes, en prime time mais aussi en programmation quotidienne, aux horaires de retour d’écoles, de manière à pouvoir signifier qu’on s’adresse à ces publics là. Il faut aussi le faire à travers la fiction – c’est en réalité plus facile car davantage dans nos savoir-faire est d’aller créer des grandes marques de fictions très populaires et nouvelles, comme HPI, Avenir et Toulouse Lautrec. Ces titres sont des grandes franchises qui sont destinées à attirer le public le plus large et en particulier le public plus jeune. En ce qui concerne les chiffres, des séries comme Toulouse Lautrec ou HPI, parviennent à réaliser entre 40 et 50 % de part d’audience sur un public jeune. C’est absolument considérable. Notre premier sujet est donc de développer une ligne de programmes avec des grosses franchises spectaculaires, très bien financées, capables de créer du désir auprès de la population jeune, à savoir les 15-34 ans. 

Le deuxième sujet est technologique : il faut délivrer les programmes dans les modes de consommation et dans les usages de cette nouvelle génération. Ça passe par le streaming, qu’on fait de plus en plus en proposant facilement des programmes à la demande, de manière à rencontrer les modes d’usages des jeunes populations. Les programmes que j’ai mentionnés ont des pourcentages d’audience en non linéaire de l’ordre de 30 % de la consommation. Elle est faite surtout auprès de la population plus jeune. Comme vous le savez très bien, la télévision linéaire vieillit un peu. Sur TF1, l’âge moyen de notre audience sur nos chaînes est de 55 ans. Sur MyTF1, c’est 44 ans. On observe que les mêmes programmes, quand ils sont présentés sous une ergonomie compatible avec les usages d’aujourd’hui, arrivent à attirer une population qui est d’un âge moyen beaucoup plus bas. Comme d’habitude dans le métier, il y a deux sujets : un sujet éditorial et un sujet technologique.

“La moyenne d’âge de nos 800 journalistes est aujourd’hui de moins de 35 ans. Elle était il y a sept ans de 42 ans”

Arthur Dreyfuss, BFMTV

mind Media : BFMTV est l’un des groupes audiovisuels qui essaient le plus de se diriger vers des nouveaux nouveaux formats et canaux de distribution. Quelle est votre stratégie, Arthur Dreyfuss ?

Arthur Dreyfuss (BFMTV) : Il faut distinguer la typologie de programmes et leur lien avec les jeunes. L’information et le sport demeurent très forts. Ils n’ont jamais été aussi forts chez les jeunes à la télévision. On l’a vu sur BFMTV lors des grandes crises récentes, que ce soit la crise du Covid, le déclenchement de la guerre en Ukraine ou lors de périodes d’informations très intenses, comme la mort de la reine d’Angleterre. Nous avons eu des audiences chez les 15-34 ans qui ont été multipliées par deux, par trois ou par quatre par rapport aux audiences habituelles. Il faut aller embrasser les codes de celles et ceux qui nous regardent. Quand on a 18 ans, on ne regarde pas un écran de la même manière que lorsqu’on en a 35. Et à 35 ans, on ne le regarde pas non plus de la même manière qu’à 50 ou 60 ans. On a la chance d’opérer des marques extrêmement fortes. Ces marques doivent vivre sur les écrans différemment selon les publics auxquels on s’adresse. 

Et les modes de distribution sont une illustration de notre capacité d’adaptation comme sur Twitch mais aussi sur l’ensemble des canaux de distribution modernes. Nous devons nous adapter et embrasser les codes de ces canaux-là. Il y a également deux éléments complémentaires. On a agi aussi sur celles et ceux qui font les programmes, sur celles et ceux qui produisent l’information. Nous avons baissé très fortement la moyenne d’âge de nos rédactions. La moyenne d’âge de nos 800 journalistes est aujourd’hui de moins de 35 ans. Elle était, il y a sept ans, de 42 ans. Ça passe par des nouveaux types de recrutement et par de nouveaux liens avec des écoles de journalisme. 

C’est en allant recruter aussi des jeunes dans nos équipes et dans nos rédactions que l’on saura mieux répondre aux attentes des jeunes. Il y a quelques semaines, nous avons lancé une étude avec un institut indépendant pour savoir quelles étaient sur le digital les marques de référence de l’information, auprès des 18-34 ans. Nous avions, en effet, tous lu des dizaines et des dizaines d’articles nous expliquant que désormais, les vieux médias que nous sommes étaient ringards par rapport aux Konbini, Brut, Loopsider, Hugo Décrypte… Il a été très intéressant de constater que pour les 18-34 ans, les marques de référence de l’information sur le digital sont, dans l’ordre : BFMTV, TF1, France Info, France 2 et Le Monde. Ensuite seulement viennent ces nouvelles marques, qui apportent évidemment quelque chose au paysage. Mais, la référence reste nos marques. C’est donc à nous de poursuivre cette confiance avec les nouveaux codes du digital afin de s’adresser à ces publics jeunes.

“100 % de la croissance des trois dernières années s’est faite grâce aux jeunes, qui sont revenus sur Canal+”

Maxime Saada, Canal+

mind Media : Maxime Saada, de l’extérieur on a pas le sentiment que les jeunes constituent une priorité pour Canal+.

Maxime Saada (Canal+) : Les jeunes représentent au contraire l’un des grands changements de Canal+ ces dernières années. Il y a cinq ans, on pensait qu’on était en train de devenir la chaîne des parents. On n’était même plus dans le champ de considération des jeunes. Pas un jeune ne disait “Est-ce que je m’abonne à Canal+ ou pas ?” C’était fini. Donc on en a fait une priorité. On a évidemment vu que Netflix en avait fait une priorité et on s’est demandé s’il fallait commencer à faire des programmes pour les jeunes dans le but de les séduire. Ça nous a pris une journée ; on s’est dit qu’on allait pas faire ça. On a simplement décidé de se poser la question, au moment de l’achat ou d’un lancement d’un programme : “Est-ce-que ce programme est susceptible d’intéresser les jeunes ?” Il s’agissait alors d’une nouvelle question pour nous. Cette interrogation a complètement structuré la façon dont on a acheté les programmes. 

Par exemple, la moto, qu’on a récupéré sur Canal+ et qui est maintenant un énorme succès avec le Grand Prix de moto, était regardée par 250 000 spectateurs au moment du rachat à Eurosport. Aujourd’hui, le Grand Prix de moto attire plus de 800 000 spectateurs. C’est le sport le plus populaire chez les moins de 25 ans. Grâce à des acquisitions comme le MotoGP ou la Formule 1, nous avons attiré des jeunes, qui sont revenus spécifiquement pour ces compétitions. Quand on a acheté la Ligue des Champions, on savait que c’était LE sport, LA compétition la plus populaire auprès des jeunes. On a aussi commencé à faire des programmes comme Validé, une série qui a rencontré un succès monumental, puis on a enchaîné avec La Flamme, Le Flambeau et on a restructuré toutes nos offres. On a par exemple lancé le sans engagement. Jusqu’alors, Canal+ ne proposait pas d’offres sans engagement, mais pour cette population-là, ce n’est pas possible de s’engager. On a également lancé des tarifs pour les moins de 26 ans, qui profitent d’un tarif à moins 50 % sur toutes les offres de Canal+. 

Le résultat, c’est que 100 % de la croissance des trois dernières années s’est faite grâce aux jeunes, qui sont revenus sur Canal+. Puisque Canal+ est un gros annonceur – on croit beaucoup dans la publicité – on a lancé une communication sur une offre appelée RAT+, qui est une offre d’agrégation à moins de 20 euros. On a recruté plus de 100 000 moins de 26 ans en quelques semaines sur notre offre RAT+. On a complètement transformé le visage de Canal+. A l’époque où on a lancé cette offre, on pensait que c’était un sujet d’avenir, mais on a découvert que c’était un sujet immédiat. 

Et c’est vrai aussi chez StudioCanal. Quand on sort des films comme Alibi.com, qui a dépassé les 4 millions, on attire beaucoup de jeunes. Idem pour les films de Klapisch ou de Cédric Jimenez comme Bac Nord ou Novembre. Le succès de ces films touche beaucoup aux moins de 35 ans. Aujourd’hui, on le sait au cinéma, les succès se font et se défont avec cette population-là. 

“Il y a vraiment urgence à changer la réglementation de l’audiovisuel parce qu’on doit rassembler les moyens et que la période est complexe pour les médias traditionnels” 

Nicolas de Tavernost, M6

Nicolas de Tavernost (M6) : Concernant les jeunes, nous avons la chance, à M6, d’être la deuxième chaîne la plus jeune d’Europe, en termes de composition de son public. Mais il va falloir qu’on prenne davantage de risques pour aller les chercher. Nous avons lancé une émission “Qui veut être mon associé ?”, par exemple, et nous allons continuer de persévérer dans ce genre. La deuxième chose, c’est que nous devons combiner le streaming de cette population jeune avec l’audience que nous avons en linéaire. L’enjeu est donc de développer très fortement le streaming – et il existe de très grosses barrières à l’entrée de ces systèmes à VOD – et aussi lancer de nouvelles marques comme “Qui veut être mon associé ?” pour conquérir un public jeune. Nous avons la chance d’avoir un écosystème dans lequel ils nous font confiance assez spontanément quand on leur propose de lancer de nouvelles propositions. 

L’ENJEU DE LA RÉGLEMENTATION

mind Media : Pour séduire les jeunes, vos groupes doivent aussi se positionner sur les nouveaux canaux et font face à de nouveaux acteurs, les plateformes de streaming vidéo. Mais vous évoquez régulièrement les uns les autres les entraves réglementaires auxquelles vous devrez faire face. En quoi la réglementation actuelle freine-t-elle le développement des acteurs télévisuels français ?

Maxime Saada (Canal+) : On est un peu frustrés. Nous n’avons pas de problème avec les plateformes, car comme je l’ai expliqué, on les a intégrées à nos offres et elles sont maintenant moteur du succès de Canal+. Cependant, on a l’impression qu’on ne concourt pas avec les mêmes règles. Et c’est vrai que les asymétries se multiplient. Par exemple, les plateformes ont la possibilité de choisir un régime audiovisuel – avec ses obligations – ou un régime cinéma. Elles ont toutes choisi un régime audiovisuel qui démarre depuis Canal+. Nous, nous n’avons pas cette possibilité aujourd’hui d’aller chercher un régime audiovisuel. Elles n’ont pas de quota, pas de problématiques concernant les cadres de diffusion. 

On a vu le sujet qu’il y a eu avec Amazon quand ils ont diffusé le match de tennis Nadal-Djokovic en clair, ce qui avait offusqué France TV, à juste titre de mon point de vue. Pour nous, c’est compliqué de diffuser les premières en clair. En ce moment, on discute beaucoup des droits sportifs qui seraient réservés à des chaînes gratuites. Canal+ sera soumis à ces règles et ne pourra pas faire l’acquisition en payant de droits sportifs gratuits. Ce n’est pas le cas d’Amazon, qui aura demain la faculté d’acheter des matchs de l’équipe de France. Ce n’est pas impossible. En réalité, rien n’interdit à Amazon de se positionner sur des droits qui sont interdits à Canal+. Ces asymétries génèrent des problèmes, qu’il faut sans doute régler au niveau européen. 

Nicolas de Tavernost (M6) : Les lois et règlements s’adaptent à une vitesse qui n’est pas celle de l’écosystème de l’audiovisuel dans le monde. Qu’il s’agisse de règles de régulation ou de règles de fonctionnement, à chaque fois, la réglementation court après. Et il est horriblement difficile de changer la réglementation dans ce pays. Nous le voyons en matière publicitaire, par exemple. Des progrès sont réalisés, mais il y a toujours un petit élastique qui est maintenu. Prenons par exemple l’adresse dans la publicité TV segmentée. C’est dommage car il y a une très forte demande et on pourrait concurrencer utilement les réseaux sociaux et les plateformes. Pareil pour les mentions légales. 

C’est vrai en télévision, mais c’est surtout vrai en matière de radio. Il reste peu de temps pour faire de la publicité une fois qu’on a énoncé les mentions légales, que personne n’écoute. On fait beaucoup de propositions, donc il y a beaucoup d’efforts réalisés, qui sont souvent des efforts un peu techniques. Mais il y a urgence. Il y a vraiment urgence parce qu’on doit rassembler les moyens et que la période est complexe pour les médias traditionnels. On ne peut pas bénéficier des avantages de la consolidation dont bénéficie le service public. Il faut des règles plus faciles de fonctionnement qui profiteront à tout le monde. 

mind Media : Rodolphe Belmer, vous voulez positionner TF1 plus fortement sur l’IPTV et les smart TV tout en sachant que le cadre réglementaire n’y favorise pas les groupes audiovisuels traditionnels. Comment gérer cette difficulté ?

Rodolphe Belmer (TF1) : Je ne vais pas avoir un propos très original. Aujourd’hui, on ne peut plus ignorer qu’il y a une concurrence de plus en plus directe entre les offres qui sont portées par internet et les pure-players, Netflix, Disney, Amazon et YouTube et les acteurs historiques. Il y a une concurrence sur l’abonnement, le temps d’écran et la publicité. Initialement on parlait d’usages de consommation vidéo par internet qui étaient anecdotiques. Aujourd’hui, ces usages sont massifs. Les États-Unis sont un peu en avance sur nous sur ces sujets de révolution technologique. 

Aujourd’hui, aux États-Unis, l’usage de longs programmes à la demande qu’on ne regarde que sur l’écran de télévision est plus important que l’usage sur les broadcasters. Et en France, ça va arriver d’ici un ou deux ans. Il est extrêmement important que la régulation s’adapte à cela d’un point de vue de l’équité et d’un point de vue citoyen. On a la chance d’avoir des champions nationaux très forts avec une volonté d’expansion très forte. Je pense à Canal+ et à TF1 qui sont des champions nationaux. On a besoin d’embrasser cette révolution digitale, c’est-à-dire d’être concurrentiels par rapport aux acteurs de l’internet. Et les asymétries sont massives. On se cache derrière l’Europe. Or, il y a tout un tas de choses qui dépendent de nous (en France, ndlr). On est les rois de la régulation, on est les rois du règlement et de la norme et ça crée des asymétries qui sont de plus en plus importantes. 

Pourquoi ? Parce qu’on régule les acteurs locaux, et on les régule de plus en plus dans un univers de concurrence qui, lui, ne l’est pas. Et donc les asymétries ne font que croître et elles sont de multiples ordres. Elles sont d’abord éditoriales : YouTube est hébergeur et nous sommes éditeur. Et en tant qu’éditeur, nous devons respecter des règles et des responsabilités vis-à-vis du public qui sont de plus en plus lourds. Il y a aussi des règles de diffusion. On nous impose de diffuser certaines choses en prime-time. Il n’y a aucune règle de diffusion sur internet comme chacun sait, et ce sont les algorithmes qui priment. Je ne dis pas que c’est bien ou pas bien, je pointe juste une asymétrie. Concernant la publicité, tout spot national doit d’abord être approuvé par l’ARPP. Youtube, lui, n’a pas besoin de passer par l’ARPP pour diffuser ses spots de publicité. Donc tous les systèmes de publicité programmatique qui font de la programmation instantanée de campagnes de publicitaires ne sont pas possibles chez nous. Il faut une semaine pour avoir une campagne. Mais elles sont possibles immédiatement sur YouTube. 

Même chose pour l’encombrement publicitaire auquel Youtube n’est pas soumis. On applique la loi Sapin avec beaucoup de rigidité et de détermination, mais elle ne s’applique pas pour les acteurs qui facturent depuis Dublin. C’est une source de distorsion de concurrence qui est énorme. Beaucoup de choses s’appliquent de plus en plus à nous et ne s’appliquent pas aux grands acteurs de l’internet. Or beaucoup de choses dépendent de la France : beaucoup de réglementations sont spécifiquement françaises et beaucoup de comportements dépendent de l’écosystème français. Les opérateurs télécoms, dont on n’a pas parlé, sont aussi très importants dans l’écosystème. La façon qu’ils ont de présenter les offres françaises par rapport aux offres américaines est également un point à regarder. 

La réglementation sur les données est en effet européenne, mais la traduction en droit français est faite par les autorités locales. Tous ces sujets sont très importants et ils concernent tous les paramètres de notre équation économique, de l’éditorial en passant par les règles commerciales, la data, la distribution, la diffusion… Il est important que nous embrassions collectivement ces sujets-là pour pousser les grands acteurs (télévisuels, ndlr) qui veulent investir et qui veulent continuer à financer durablement des œuvres françaises à consolider notre culture commune. 

Stéphane Sitbon-Gomez (France Télévisions) : Le service public est quand même beaucoup plus réglementé que les acteurs privés en France, notamment grâce à la créativité des lobbyistes de TF1 et M6. Je souhaite juste rappeler ce point et soutenir dans le même mouvement tous les efforts qui visent à lever et assouplir ce genre de normes. 

“Je suis convaincu qu’il y aura de la consolidation (sur le marché audiovisuel). Elle sera multimédia et ne sera pas simplement entre les acteurs historiques de la télévision”

Nicolas de Tavernost, M6

LES ALLIANCES ET LA CONSOLIDATION DU SECTEUR

mind Media : L’une des réponses à cette nouvelle concurrence, ce sont aussi les alliances. Salto, l’offre de SVOD commune à M6, TF1 et France Télévisions, a été abandonnée. Au-delà des freins réglementaires, qu’est ce qui a manqué pour que ce projet réussisse ? 

Nicolas de Tavernost (M6) : Il a manqué le mariage (la fusion TF1-M6, ndlr)… Le streaming fait partie de notre “core business”. Il est même fondamental pour nous de le développer. Mais à partir du moment où nous sommes encore compétiteurs et surtout avec les règles que nous avaient donné l’Autorité de la concurrence pour fonctionner, Salto ne pouvait pas durer. Les telcos ne nous ont pas facilité la tâche en prenant toutes les plateformes américaines mais en écartant Salto. Mais je suis convaincu qu’il y aura de la consolidation (sur le marché audiovisuel, ndlr). Elle sera multimédia et ne sera pas simplement entre les acteurs historiques de la télévision. Mais l’effet de taille jouera de manière importante. On a perdu un peu de temps mais il y aura de la consolidation.

mind Media : Au niveau français ou européen ?

Nicolas de Tavernost (M6) : Sur le plan européen, nous constatons que tous les pays regardent une consolidation, certes avec peu de succès pour l’instant en Europe. La consolidation s’est faite aux États-Unis. Il y a des consolidations qui sont naturelles, notamment entre les éditeurs et les producteurs. En France, on a pas mal de freins. Par exemple, quand nous voulons participer dans une société de cinéma, même à titre minoritaire, nous ne pouvons pas le faire parce que ça ne rentre plus dans nos obligations. Je pense qu’il est essentiel de réfléchir à cet aspect-là, fondamental, qui est de permettre à des activités de production et d’édition, de distribution même, d’être consolidées. Sinon on n’y arrivera pas. Il y a de grands acteurs internationaux qui se consolident à vitesse grand V. Le mouvement a été spectaculaire aux Etats-Unis. On a des tentatives en Europe mais nous sommes extrêmement limités par la régulation, spécialement par l’Autorité de concurrence sur ces aspects-là. Je pense que les choses devraient bouger. Simplement, aujourd’hui, il y a eu un arrêt. Face à ce stop, on est obligé de s’organiser. 

“Nous avons choisi une stratégie pour TF1 qui est focalisée sur l’organique, à savoir le développement et l’investissement de toutes nos ressources dans le développement d’une plateforme de streaming gratuite financée par la publicité et accessible à tous les Français” 

Rodolphe Belmer, TF1

mind Media : Rodolphe Belmer, comment analysez-vous les mouvements de concentration amorcés ou esquissés en Europe par d’autres acteurs, en Allemagne, en Italie… TF1 pourrait-il faire des opérations de croissance externe en France ou en Europe ? 

Rodolphe Belmer (TF1) : Sur ce sujet, je partage la même analyse que Nicolas de Tavernost. La taille est très importante dans les médias parce qu’elle détermine la capacité à financer durablement une ligne de programmes attrayants pour le grand public, ce qui permet de rentrer dans un cercle vertueux. Effectivement, on constate que les autorités de régulation, en l’occurrence l’Autorité de la concurrence, s’opposent à des concentrations horizontales dans l’audiovisuel en France. 

Aujourd’hui, nous avons choisi une stratégie qui est focalisée sur l’organique, à savoir le développement et l’investissement de toutes nos ressources dans le développement d’une plateforme de streaming gratuite financée par la publicité et accessible à tous les Français. C’est ça la priorité de TF1. Ça ne veut pas dire que nous ne serons pas opportunistes, mais aujourd’hui, on ne peut que constater que dans le cadre réglementaire qui s’applique à nous, on ne peut pas faire de la consolidation un axe stratégique. 

“Continuer à faire des petites guéguerres entre petits acteurs français quand on a face à nous des géants globaux, ça n’a pas de sens”

Stéphane Sitbon Gomez, France Télévisions

mind Media : France Télévisions développe depuis plusieurs années des alliances, avec d’autres services publics audiovisuels européens, mais aussi en France. Après le projet franceinfo, des discussions ont lieu avec Radio France pour approfondir encore vos dispositifs en commun. Jusqu’où est-ce que cela peut-il aller ?

Stéphane Sitbon Gomez (France Télévisions) : Globalement, depuis son arrivée à la tête de France Télévisions, Delphine Ernotte a toujours défendu la même ligne : il n’y a en France qu’une seule stratégie gagnante, c’est l’alliance. Elle l’a défendue au sein du service public et avec les acteurs privés, comme on l’a fait pour Salto. Même quand nous n’étions pas concernés, voire potentiellement défavorisés, nous avons été les seuls acteurs du marché à soutenir vocalement la fusion de TF1 et M6. Pourquoi ? Parce que continuer à faire des petites guéguerres entre petits acteurs français quand on a face à nous des géants globaux, ça n’a pas de sens. Il n’y a que l’alliance qui peut fonctionner. 

Je voudrais d’ailleurs rendre un hommage particulier aux équipes de Salto, et notamment à Thomas Follin qui a porté cette aventure. Les alliances, ça marche. On a beaucoup écrit sur Salto, mais les résultats étaient au rendez-vous. Finalement, qu’est ce qu’il a manqué à Salto ? Tout ça a été très bien dit par Nicolas De Tavernost. Salto est l’enfant du divorce, en tout cas de la non fusion entre TF1 et M6. Et c’est entendable. Mais à chaque fois qu’on fait des alliances, on crée de la valeur. Ça marche. Pour revenir à votre questions, avec Radio France, il y a une vision consolidée des deux présidentes (Delphine Ernotte, FTV, et Sibyle Veil, Radio France, ndlr). Ces alliances portent sur l’éditorial. Il ne s’agit pas d’être dans des mégastructures ou dans des grands projets ; il s’agit d’être au service des publics. C’est ce qu’on fait au niveau des régions. C’est ce qu’on fait déjà avec Franceinfo. Finalement, pour que les alliances aient du sens, il faut qu’il y ait une réelle valeur ajoutée pour le public et pour le téléspectateur ou l’auditeur. 

“A TF1, on ambitionne de devenir l’offre de streaming gratuite de référence pour les Français, financée par la publicité. On restera sur ce marché-là”

Rodolphe Belmer, TF1

LE FUTUR DES GROUPES TÉLÉVISUELS

mind Media : Quel sera le marché audiovisuel de demain et quel sera le contour de vos groupes TV d’ici trois à cinq ans ? 

Rodolphe Belmer (TF1) : Malheureusement le mariage avec Nicolas de Tavernost (la fusion TF1-M6, ndlr) n’aura pas lieu, même si ce n’est pas l’envie qui manque. D’ici quelques années, le groupe TF1 sera un groupe articulé autour d’une offre linéaire, mais aussi d’une offre de streaming très importante. On ambitionne de devenir l’offre de streaming gratuite de référence pour les Français, financée par la publicité. On restera sur ce marché-là. 

Deuxièmement, notre ambition éditoriale est d’être un creuset de la culture populaire française à travers des grandes offres de divertissement, fictions ou non scriptées et de proposer une offre d’information très forte qui doit contribuer à favoriser la cohésion nationale du pays. Donc, on a un projet éditorial, un projet technologique et un projet culturel qu’on va essayer de déployer, sur ces trois axes. 

“On annoncera, je l’espère prochainement, une opération en Asie pour prendre plus de taille là-bas”

Maxime Saada, Canal+

Maxime Saada (Canal+) : Je ne sais pas à quoi ressemblera l’avenir parce qu’il y a une telle confusion des genres entre le gratuit, le payant, le linéaire… Ceux qui ne voulaient pas faire ci font ça, ceux qui ne voulaient pas faire de sport entrent dans le sport… Je pense que quel que soit l’avenir, il faut être prêt et faire preuve d’agilité. 

Canal+ sera prêt. On est plus dépendant de rien. On était dépendant d’un contenu qui était la Ligue 1, mais c’est terminé. On était dépendant d’un pays qui était la France, mais c’est terminé. Maintenant, on est un groupe qui compte 26 millions d’abonnés. On est passé de 11 à 26 millions en six ans. J’ai annoncé qu’on visait entre 50 et 100 millions d’abonnés à moyen terme. et plus de 30 millions d’ici 2025, c’est certain. On était dépendant de certains contenus comme la Ligue 1 mais on a diversifié le sport. On a tout le cinéma américain depuis 1996. C’est la première fois qu’on a tous les studios américains sur Canal+, et pour le cinéma français, on a signé jusqu’à 2024 au moins. La fiction est un élément fort de Canal. 

On bénéficie également d’une capacité d’auto-production de contenus avec StudioCanal qui prend de l’ampleur. Ça représente une cinquantaine de films par an et une cinquantaine de séries par an, 14 sociétés de production partout en Europe et on regarde les Etats-Unis et l’Asie. On annoncera, je l’espère, prochainement une opération en Asie pour prendre plus de taille là-bas. On est le premier actionnaire de MultiChoice en Afrique, qui est le premier acteur de la télévision payante anglophone. C’est 25 millions d’abonnés, on en a déjà huit millions avec Canal+. Donc il n’y a pas un continent, aujourd’hui, qu’on ne regarde pas pour Canal+. C’est de l’adaptation. 

On bénéficie également d’une capacité d’auto-production de contenus avec StudioCanal qui prend de l’ampleur. Ça représente une cinquantaine de films par an et une cinquantaine de séries par an, 14 sociétés de production partout en Europe et on regarde les Etats-Unis et l’Asie. On annoncera, je l’espère, prochainement une opération en Asie pour prendre plus de taille là-bas. On est le premier actionnaire de MultiChoice en Afrique, qui est le premier acteur de la télévision payante anglophone. C’est 25 millions d’abonnés, on en a déjà huit millions avec Canal+. Donc il n’y a pas un continent, aujourd’hui, qu’on ne regarde pas pour Canal+. C’est de l’adaptation. 

“L’un des enjeux pour tous les acteurs que nous sommes, ce sont aussi les investissements technologiques pour faire évoluer la façon dont nous travaillons, pour faire évoluer notre lien avec les téléspectateurs et pour faire évoluer les usages”

Arthur Dreyfuss, BFMTV

Arthur Dreyfuss (BFMTV) : On a naturellement beaucoup parlé de production, de régulation et de schéma de fusion. On a assez peu parlé d’investissement technologique. Je pense que l’un des enjeux pour tous les acteurs que nous sommes, ce sont aussi les investissements technologiques pour faire évoluer la façon dont nous travaillons, pour faire évoluer notre lien avec les téléspectateurs et pour faire évoluer les usages. L’investissement technologique est au cœur du projet de développement du groupe Altice Media. Nous avons vocation à nous développer. Nous étions l’acheteur naturel de TFX et 6Ter si le mariage entre TF1 et M6 s’était fait. Le mariage ne se faisant pas, nous n’avons pas pu racheter ces deux chaînes. Et nous serons un candidat naturel à la consolidation du service public le jour où ça arrivera (sourire).

Stéphane Sitbon Gomez (France Télévisions) : Dans cinq ans, le groupe France Télévisions aura déjà réussi à se défendre contre Arthur Dreyfus et BFMTV… (sourire). Plus sérieusement, l’enjeu pour le service public dans les trois à cinq ans, c’est d’abord d’être bien financé plutôt que d’être démantelé. Être bien financé c’est important pour continuer à assurer pleinement nos missions, pour continuer à couvrir l’ensemble du territoire et pour financer le défi d’investissements dans la technologie qui est devant nous, si on veut être à la hauteur des usages. Notre espoir et notre volonté c’est que France Télévisions soit dans trois, cinq ou dix ans ce qu’il est aujourd’hui, à savoir le premier média des Français, regardé tous les jours par plus d’un Français sur deux et regardé toutes les semaines par plus de 80 % des Français. Et qu’il soit pour cela l’atout légitime, indispensable et incontournable pour tous les Français.

Nicolas de Tavernost (M6) : Nous avons plusieurs objectifs chez M6. Le premier objectif est de rester une entreprise d’innovation et de garder notre capacité d’entreprendre et de curiosité. C’est l’aspect le plus fondamental pour nous : avoir des collaborateurs et tout un écosystème qui restent curieux, un groupe qui reste innovant et qui reste concret. Deuxièmement, nous voulons faire de 6play une marque de destination qui oeuvre à la fois dans le linéaire et le non-linéaire, dans notre métier qui est plutôt d’être financé par la publicité. Nous avons éventuellement des perspectives d’acquisitions puisque nous sommes un groupe qui n’est pas endetté. Nous avons un actionnaire européen qui nous permet d’avoir une vue européenne sur les affaires, et qui n’intervient pas dans l’éditorial. C’est très important pour notre modèle social et il nous donne les moyens d’avoir notre capacité d’entreprise. Je suis très confiant dans l’avenir et je suis aussi convaincu qu’à terme, dans trois, quatre ou cinq ans, il y aura des mouvements de consolidation. 

Jean-Michel De Marchi
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