Accueil > Services bancaires > Les néobanques pour les pros, à la veille d’une consolidation ? Les néobanques pour les pros, à la veille d’une consolidation ? Le marché des néobanques pour les entreprises est de plus en plus disputé. Si un acteur a disparu en 2022, les frontières deviennent de plus en plus poreuses entre les néobanques et les plateformes de comptabilité ou de gestion financière, qui font appel aux spécialistes de la finance embarquée pour proposer des comptes et des cartes. Pour la troisième année consécutive, mind Fintech fait le point sur ce segment. Par Aude Fredouelle. Publié le 30 mars 2023 à 9h25 - Mis à jour le 31 mars 2023 à 17h18 Ressources Les points clés En 2022, Prismea a fermé ses portes à la suite de la fusion de Société Générale et Crédit du Nord, son offre étant redondante avec celle de Shine. Les coûts d’acquisition demeurent très élevés et impactent la durée nécessaire pour rentabiliser chaque client. La plupart des acteurs cherchent à recruter des entreprises de plus en plus grosses, plus rémunératrices, en adaptant leurs offres et en créant de nouveaux abonnements plus élevés. Comme pour les néobanques BtoC, l’environnement de marché des néobanques et challengers BtoB se tend. Comme nous l’écrivions déjà il y a un an, l’arrivée de nouveaux acteurs dans l’Hexagone a attisé la concurrence, faisant flamber les coûts d’acquisition. Or, l’explosion de la bulle fintech survenue en 2022 rebat les cartes, les stratégies d’acquisition agressives laissant souvent la place à des plans de rationalisation des coûts. Dans ce contexte, le marché des néobanques pour les pros pourrait se consolider. En 2022, Prismea a déjà disparu sous l’effet de la fusion Société Générale – Crédit du Nord, son offre étant redondante avec celle de Shine, tandis que Qonto a racheté l’Allemand Penta. Outre-Rhin, Kontist a quant à lui été acquis par le Danois Ageras. Une tendance qui pourrait se confirmer en 2023. Dans l’Hexagone, plusieurs acteurs seraient actuellement à vendre, parmi lesquels Anytime, dans un contexte de cession d’Orange Bank par l’opérateur télécom. Demeurent sur le marché les indépendants Qonto, Bunq, Finom, manager.one (soutenu par la Banque Wormser, minoritaire au capital), Memo Bank, N26, Revolut, Sogexia, Paykrom et Olkypay, aux côtés des acteurs sous le giron d’un acteur traditionnel : Anytime (Orange Bank), Blank, Propulse et LCL Essentiel Pro (Crédit Agricole), Hello Bank! Pro et Shine (Société Générale). À la conquête des PME Plus que jamais, pour aller chercher la rentabilité, la plupart des néobanques et challengers pour les pros cherchent à toucher des entreprises de taille plus importante, plus rentables et moins fragiles. Une volonté qui se traduit dans la stratégie d’acquisition, dans les fonctionnalités, comme nous le remarquions déjà il y a un an (gestion des dépenses des collaborateurs, multi-accès…), mais aussi dans les tarifications. En janvier 2020, lorsque mind Fintech publiait la première édition de ce benchmark, les tarifs des néobanques pour les pros oscillaient entre 9 euros par mois (pour les offres freelances) et 299 euros par mois (offre corporate de Qonto). À la manière des néobanques BtoC, qui ont progressivement lancé des offres premium de plus en plus chères, les néobanques BtoB ont créé de nouveaux plans plus onéreux pour les PME et les grandes entreprises. Chez Shine, qui ne s’adressait à l’époque qu’aux freelances, une offre Business à 99 euros par mois a vu le jour en février 2023, tandis que l’offre inférieure (Shine Pro) est passée de 26,90 à 29 euros par mois. Historiquement spécialisée sur les indépendants, Shine a initié en 2019 une stratégie d’élargissement de la cible, qui se poursuit et s’étend. Il y a un an, le CEO Nicolas Reboud indiquait viser les entreprises de moins de 5 millions d’euros de chiffres d’affaires et de moins de 20 personnes. “L’année 2022 a été beaucoup consacrée à repositionner le produit et la marque sur les TPE et PME, explique-t-il désormais. La part des entreprises de plusieurs personnes dans notre base clients a été multipliée par 10 et elle représente aujourd’hui une part très significative de l’acquisition et du chiffre d’affaires”. Les plans “Basic” à 7,90 euros par mois représentent désormais moins de 50 % de l’acquisition. “En quinze jours, plusieurs dizaines de sociétés ont souscrit l’offre Business, destinée aux petites équipes avec plus de volumes et de cartes, qui a tout de suite trouvé son marché.” Résultat de cette stratégie : “depuis un an, le revenu moyen par client a très significativement augmenté, au moins de 50 %”, estime le CEO. Même les acteurs positionnés de longue date sur les PME tentent d’aller chercher des clients de plus en plus importants. Chez Memo Bank, qui adopte une approche premium, avec des clients suivis par des chargés d’affaires, la tarification a aussi évolué. La société a refondu ses tarifs en février 2023, en introduisant des limites dans son offre auparavant illimitée à 399 euros par mois et en créant une nouvelle offre plus chère à 949 euros par mois. Celle-ci vise “les grandes PME” et comporte elle aussi des restrictions. Il n’y a plus d’offre illimitée chez Memo Bank. La banque considère qu’elle était “à la fois sur-dimensionnée pour la plupart des PME, et pas assez chère par rapport à nos offres limitées, ce qui la rendait difficile à positionner”. Les grosses PME constituent le coeur de cible de Memo Bank. L’établissement de crédit convoite les entreprises générant au moins 2 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. La société a annoncé en octobre 2022 avoir franchi les 300 clients, qui enregistrent en moyenne 3 millions d’euros de chiffre d’affaires et comptent 15 salariés. Aux côtés des tarifs de ces abonnements, Manager.one, le challenger qui s’appuie sur la banque Wormser Frères (présente à son capital) fait office d’ovni dans le secteur. Son abonnement mensuel inchangé à 29,99 euros par mois cible pourtant les PME. Le tarif permet de “ne pas toucher les auto-entrepreneurs et freelances pour qui le prix est un élément clé, et de séduire les grandes entreprises”, explique Adrien Touati. Les clients peuvent commander autant de cartes qu’ils le souhaitent (hors frais de fabrication et d’envoi de 20 euros par carte). “Sur ce produit, nous sommes imbattables en termes de pricing vis-à-vis des autres néobanques et des acteurs spécialisés dans les dépenses d’entreprises. C’est un choix assumé, pour privilégier les volumes.” Au-delà de 100 virements SEPA sortants par mois, ceux-ci sont par contre facturés 40 centimes l’unité. Blank, Hello Bank Pro! et N26, toujours sur les indépendants Rares sont les acteurs qui demeurent tournés uniquement sur les indépendants. C’est encore le cas de N26, qui avait longtemps annoncé son déploiement pour les personnes morales avant de se reconcentrer sur le BtoC et d’abandonner ce projet à court terme. C’est aussi le positionnement de Blank, issu du start-up studio du groupe Crédit Agricole, la Fabrique by CA. Chez Blank, “nous sommes toujours complètement focalisés sur les indépendants et les entreprises unipersonnelles, explique ainsi le CEO, Simon Parisot. À la différence de beaucoup de concurrents, nous ne souhaitons pas aller vers des entreprises plus grandes et rémunératrices. Nous nous concentrons sur la création d’outils pour la cible que l’on connaît le mieux, qui représente 70 % des professionnels en France et 4 millions de personnes. Quand on travaille sur les indépendants, c’est plus proche du BtoC et un métier radicalement différent que de servir les entreprises en BtoB. Certes, chaque client a un revenu plus bas et on sait que l’on aura un churn régulier et important, mais ce qui compte, c’est le volume de clients, et notre conviction est que nous avons une vraie utilité sur ce segment.” Contrairement aux acteurs au service des PME, où l’interchange pèse plus lourd en raison des volumes de flux, “la majorité des revenus de Blank sont issus des abonnements”. Le tarif de la néobanque est d’ailleurs désormais adapté au quotidien des indépendants, dont certains ne sont pas actifs toute l’année de manière régulière. “Nous n’accumulons pas une dette lorsqu’ils ne sont pas actifs et nous mettons les comptes en pause si besoin. C’est fait automatiquement et ça demande un travail sur le produit, pour s’assurer que la majorité des charges soit variable en fonction de l’activité du compte.” Fait notable : Blank opère désormais les comptes de deux marques lancées par le Crédit Agricole et LCL (lire encadré). Au total, Blank revendique 20 000 comptes et en ouvre 2 000 par mois, de manière équilibrée entre la marque Blank et celles du Crédit Agricole et de LCL. Objectif : multiplier par trois le nombre de clients d’ici à la fin de l’année. Blank opère les néobanques pour les pros de Crédit Agricole et LCL Blank a travaillé avec le groupe Crédit Agricole sur le lancement de deux offres pour les indépendants basées sur sa plateforme en marque blanche. Propulse by Crédit Agricole et LCL Essentiel Pro ont été officiellement lancées en octobre 2022. “Les fronts ont été créés par Blank, et nous avons adapté l’intégralité de notre plateforme, de nos outils, ainsi que de la gestion des comptes et des cartes pour que cela soit disponible sous plusieurs marques”, raconte Simon Parisot. Les produits sont identiques mais chaque marque propose des options différentes. “Par exemple, Propulse offre aussi une aide gratuite pour créer son business plan et une option payante d’accompagnement à la création de la société”, illustre le dirigeant.Le Crédit Agricole et LCL gèrent la commercialisation des offres et Blank gère la plateforme. Un système de partage des revenus a été élaboré. “Les produits sont similaires, mais les marques ne s’adressent pas aux mêmes clients en termes d’acquisition”, pointe le CEO. Avec sa propre marque, Blank réalise son acquisition en ligne, sans synergies avec le groupe. “Cela va nous permettre d’augmenter notre reach et nos parts de marché, peu importe la marque”, conclut Simon Parisot. Autre acteur positionné sur les indépendants : Hello Bank!, avec son offre Hello Business, lancée en mai 2021. 70% des ouvertures de comptes professionnels ne proviennent pas de clients existants de la banque en ligne, mais 30 % sont en double relation. “L’objectif de cette offre est d’accompagner un mouvement de fond qui concerne beaucoup de clients : celui du développement du travail en freelance”, raconte Chloé Goldstein, directrice marketing, communication et business development chez Hello Bank!. La banque en ligne, qui propose aujourd’hui son compte pro aux entreprises individuelles et aux auto-entrepreneurs, va l’ouvrir aux sociétés d’ici fin 2023. “Nous ciblons toujours les mêmes typologies de professionnels, mais nous accepterons désormais ceux qui ont fait le choix de se structurer autour d’une société”, indique Chloé Goldstein. D’autres acteurs sont principalement plébiscités par les indépendants ou les TPE, même s’ils sont ouverts à des entreprises plus importantes. C’est ainsi le cas de Paykrom, qui revendique 10 000 utilisateurs, et Sogexia, qui compte moins de 100 000 clients professionnels en France et opère principalement en BtoC, ou encore Olkypay (5 000 professionnels). Qonto grand leader Hormis Memo Bank, rares sont les néobanques qui communiquent précisément sur la taille moyenne de leurs clients. Qonto revendique 350 000 clients sur ses quatre marchés (France, Italie, Espagne et Allemagne, grâce aux 50 000 clients issus de l’acquisition de Penta). Parmi eux, 100 000 sont des créateurs d’entreprises qui ont réalisé leur dépôt de capital via Qonto. “Notre structure de clients est très proche de la structure pyramidale classique des entreprises”, résume Albertine Lecointe, VP Strategy, sans toutefois en préciser la répartition exacte. Comme il y a un an, 60 % des clients n’utilisent que Qonto tandis que 40 % détiennent un ou plusieurs autres comptes bancaires. “L’objectif stratégique pour Qonto en 2023 est de continuer à faire croître sa part de marché sur les entreprises de 10 à 50 salariés ou même plus, notamment grâce à nos fonctionnalités de gestion des dépenses en équipe et de notes de frais”, ajoute la vice-présidente. Shine passera les 150 000 clients au premier semestre, mais ne précise pas non plus quelle est aujourd’hui la part d’indépendants dans sa base. Anytime, empêtré dans le contexte de la vente d’Orange Bank, communiquait sur 100 000 utilisateurs en février 2023, sans préciser leur taille ni la définition d’un utilisateur. L’offre est disponible en France et en Belgique. En janvier 2020, son fondateur et CEO indiquait à mind Fintech compter 135 000 clients en France et en Belgique, dont 70 % de petits professionnels. Chez Revolut, “le client typique emploie entre 10 et 250 salariés, avec a minima quelques millions d’euros de chiffre d’affaires, jusqu’à 50 millions d’euros, relève Maxime Chareton, directeur commercial Europe. Nous avons fait le choix de toucher des entreprises déjà établies, avec les PME en cœur de cible. Pour les freelances, nous poussons plutôt l’offre Revolut Pro, intégrée à notre application BtoC [lancée en septembre 2022, Ndlr]”. Le challenger ne mentionne cependant pas son nombre de clients entreprises – il en comptait plus d’un million en Europe il y a un an. Idem pour manager.one, dont le CEO Adrien Touati précise tout de même que “10 % des clients réalisent 90 % des revenus. Ces acteurs souvent multibancarisés viennent chez nous pour les fonctionnalités de gestion de dépenses autour des cartes, des indemnités kilométriques, de la paie… Un client avec 500 cartes, par exemple, nous rapporte entre 15 000 et 20 000 euros par mois avec l’interchange. Les 90 % de clients restants sont des sociétés de 1 à 10 personnes, pour qui nous sommes souvent le compte principal, qui viennent de créer leur entreprise et possèdent quelques milliers d’euros sur leurs comptes. Ces clients ne nous rapportent pas beaucoup plus que l’abonnement.” Hello Bank! ne communique pas sur le nombre de clients. “Nous sommes encore en phase de démarrage, 18 mois après le lancement, mais nous sommes très satisfaits et notre NPS est de très bon niveau”, souligne Chloé Goldstein. Qonto, le baptême du feu à l’international Qonto est pour l’instant la seule néobanque française à se lancer résolument à l’international. Début 2022, elle annonçait qu’elle comptait investir environ 100 millions d’euros par marché étranger lancé (Espagne, Italie, Allemagne) au cours des deux prochaines années, afin que 75 % des nouveaux clients “soient acquis hors de France” d’ici à 2025. Mais la société ne donne pour l’instant aucune indication sur sa croissance dans ces pays. En Allemagne, la néobanque a racheté Penta en juillet 2022. La migration, actuellement en cours, est un baptême du feu. “L’intégration de Penta fonctionne bien, alors nous serons probablement tentés d’en faire d’autres, soit sur d’autres géographies, soit sur des services complémentaires à ce que l’on propose déjà”, indiquait le CEO Alexandre Prot à mind Fintech en septembre 2022. Les équipes ont été unifiées en 2022 et la migration technique des 50 000 clients de Penta sur la plateforme Qonto devrait être finalisée d’ici à la fin de l’année 2023. “100 agents externes accompagneront les clients sur la migration, et la transition de marque aura aussi lieu en 2023”, ajoute Albertine Lecointe. Avec cet accompagnement, Qonto espère minimiser la déperdition. “Nous en avons déjà fait l’expérience lors de la migration de nos clients de la plateforme de Treezor vers la nôtre, après avoir obtenu l’agrément d’établissement de paiement en 2018. Nous avons constaté que la déperdition a été compensée par l’augmentation de l’ARPU [revenu moyen par client] des clients qui avaient migré, grâce à l’arrivée des cartes premium. Nous nous attendons au même scénario. D’abord parce que nous avons davantage de fonctionnalités qui justifient certains abonnements à des prix plus élevés que Penta. Ensuite parce que Penta n’avait qu’un type de carte alors que nous avons chez Qonto une pénétration assez importante des cartes premium.” Selon Albertine Lecointe, Qonto se situe ainsi “au-dessus de la moyenne des benchmarks partagés par Mastercard” en termes de souscription de cartes premium. Quant à se lancer dans d’autres pays, “ce n’est pas encore à l’ordre du jour”, conclut la vice-présidente. Peu d’autres acteurs français ont franchi le pas de l’international, mais Blank vient d’annoncer son lancement en Italie au second semestre 2023. Une filiale a été créée dans le pays, et Crédit Agricole Italie est entré à son capital. Une équipe sera recrutée sur place et le produit sera adapté. “En France, nous avons déjà fait beaucoup pour augmenter notre reach, avec le lancement des marques du Crédit Agricole et de LCL. C’est un moyen d’augmenter encore notre nombre de clients”, prévoit Simon Parisot. Les coûts d’acquisition toujours très élevés Les coûts d’acquisition, qui ont flambé en 2022 sous l’effet de l’accroissement de la concurrence, restent extrêmement élevés. Les acteurs les mieux dotés en termes de financement, comme Qonto, qui a levé 486 millions d’euros en janvier 2022, multiplient les campagnes marketing. “Ces campagnes contribuent davantage au brand awareness de Qonto que directement à son acquisition clients, explique Albertine Lecointe. L’acquisition passe encore beaucoup par le bouche à oreille et les recommandations, notamment des comptables, et aussi par l’acquisition en ligne (search, SEO).” Shine a aussi “beaucoup investi sur la notoriété auprès du grand public” en 2022, avec des campagnes qui se sont traduites par “une vraie amélioration des chiffres de notoriété directe et assistée”, se félicite Nicolas Reboud. Mais si la néobanque a augmenté de 50 % le revenu moyen par client depuis un an en ciblant des sociétés plus grandes, son coût d’acquisition client n’est plus rentabilisé en “un peu moins d’un an”, comme il l’était début 2022, reconnaît son CEO. “Le coût d’acquisition a trop augmenté, comme chez nos concurrents. Il a doublé en un an et demi. Nous avons l’avantage d’être bien soutenus par le groupe Société Générale, qui a réinvesti de manière très significative dans Shine en 2022 et nous soutient de manière encore plus agressive que ce qui était prévu. Cela nous permet de nous aligner en termes d’investissements marketing et publicitaires en France, avec un budget prévu sur plusieurs années. C’est un avantage compétitif dans une période où il est difficile de lever des fonds”. La néobanque mise notamment beaucoup sur les contenus et l’organique. “Près de 60 % des visites organiques sur le site de Shine viennent de notre blog”, dévoile Nicolas Reboud. La société a aussi racheté en décembre 2022 La boîte Numérique, site de contenus pour accompagner les entrepreneurs. Les réseaux Société Générale, eux, ne représentent que 2 % ou 3 % de l’acquisition, même si la commercialisation de Shine fait partie des objectifs des conseillers. “Ce n’est pas le coeur du business model”, signale le CEO. Revolut mise aussi sur l’organique grâce à “son énorme notoriété de marque”, explique Maxime Chareton. “Notre premier canal d’acquisition est organique, mais nous avons aussi des équipes commerciales pour l’outbound. En France, sur les 190 collaborateurs de Revolut, 100 sont des commerciaux.” “On constate comme tout le monde que c’est un marché de plus en plus disputé, avec une inflation des coûts d’acquisition et une concurrence accrue, reconnaît Chloé Goldstein, d’Hello Bank!. De notre côté, pour communiquer sur l’existence de cette offre, nous ne misons pas sur de grandes campagnes mais plutôt sur une stratégie affinitaire, par exemple via des salons professionnels, des médias spécialisés…” Omerta sur les revenus Quasiment aucun acteur ne communique sur ses revenus et peu d’entre eux ont atteint la rentabilité. manager.one, qui mise sur une croissance maîtrisée, a cependant annoncé fin 2021 avoir franchi ce palier. “Le coût d’acquisition de nos concurrents est 50 à 200 fois plus élevé que le nôtre. Nous ne faisons pas de grosses dépenses marketing ni de search qui ne permettent pas de convaincre les belles PME”, explique Adrien Touati.La société Sagacorp, éditrice de manager.one, compte quatre commerciaux pour recruter des clients. manager.one gagne en moyenne une cinquantaine d’euros par mois par compte (ARFPU) et la société a enregistré 2 millions d’euros de résultat net en 2022, confie son fondateur. Le chiffre d’affaires est “un multiple de trois à quatre fois le résultat net, grâce à la remontée des taux directeurs”, ajoute-t-il. Il est composé à plus de 50 % par l’interchange et de 10 % à 15 % des abonnements. Le reste est issu de l’activité de Banking-as-a-Service en marque blanche, notamment auprès de plateformes de crowdfunding immobilier ou d’acteurs du BNPL comme Pledg. En 2022, manager.one s’est d’ailleurs associé avec le PSP Worldline pour proposer sa technologie de gestion des cartes professionnelles à ses clients. “Trois leads sont en cours de développement, avec une petite banque au Moyen-Orient et deux grandes banques européennes”, dévoile Adrien Touati. manager.one et la Banque Wormser Frères lancent une offre de Banking-as-a-Service En 2021, le PNB de Memo Bank était négatif à hauteur de 17 000 euros (- 6 000 euros en 2020), selon des documents consultés par mind Fintech. “Il y a un décalage entre l’onboarding du client et le moment où il commence à générer du PNB, commentait en octobre 2022 Jean-Daniel Guyot. La différence entre 2021 et 2022 va être énorme. Avant, les prospects trouvaient que certains services manquaient. Maintenant que notre palette de produits est complète, nous nous développons beaucoup plus vite. Le bouche-à-oreille fonctionne de mieux en mieux et les chiffres décollent.” Memo Bank a essuyé une perte nette de 6 millions d’euros en 2021, contre 3,91 millions d’euros en 2020. Chez Shine, le CEO indique seulement que la société a multiplié son chiffre d’affaires par dix depuis l’acquisition mi-2020 par Société Générale. Les revenus sont composés en priorité de l’interchange, puis des abonnements, en proportion assez proche, et dans une moindre mesure de l’activité liée aux crédits, de l’apport d’affaires, des dépôts de capital, des services d’assurance, etc. Crédit : les acteurs revoient leur copie Le crédit, lancé successivement chez de nombreux acteurs en 2021, n’a pas rencontré un grand succès et plusieurs acteurs ont revu leur copie. Memo Bank, qui avait beaucoup misé sur le sujet en faisant du financement le cœur de son offre, s’est progressivement repositionnée sur la banque du quotidien. La société précise tout de même que 20 % de ses clients ont souscrit un crédit. Chez Hello Bank!, le crédit proposé aux indépendants “fonctionne très bien et est très différenciant et important, avec les fonds débloqués en 48h, sans justificatif ou garantie d’assurance demandés”, constate Chloé Goldstein, qui ne communique cependant pas sur les encours. Pour ceux qui ne sont pas établissements de crédit, les partenariats noués, proposant des taux souvent élevés, n’ont pas rencontré un grand succès. Ainsi, Shine, qui avait dévoilé en avril 2021 une offre de prêts en ligne passant par Franfinance, l’a refondue fin 2022. “Cela n’avait pas beaucoup pris, reconnaît Nicolas Reboud. Nous avions la volonté d’être prudents mais nous n’avons donc octroyé les crédits qu’à des clients peu risqués, et avec des taux trop chers par rapport au reste du marché [7 % à 8 %, Ndlr]. Nous avons baissé les taux [à 4,5 % environ, Ndlr], simplifié les process et amélioré le taux de clients éligibles. Cela nous a permis de multiplier par quatre le nombre de souscriptions d’un crédit au dernier trimestre 2022. La part des clients de Shine aujourd’hui éligibles est de 30 % et ce chiffre est en constante progression.” Shine a prévu de lancer une nouvelle offre de crédit sur dossier en 2023, pour les clients ne disposant pas de six mois d’historique chez la néobanque. La société ne communique pas sur les encours, mais son CEO précise que le montant moyen des crédits (dont deux tiers pour l’achat d’équipement et un tiers pour la trésorerie) s’élève à 17 000 euros. Chez Qonto, qui a lancé un partenariat avec October en 2021, d’autres alliances ont été nouées. La néobanque a ainsi annoncé le 31 janvier 2023 le lancement d’un espace dédié au financement au sein de son application, regroupant à la fois October et trois nouveaux partenaires : Defacto (financements court terme), et les spécialistes du revenue based financing Silvr et Karmen. Néanmoins, la société ne communique pas sur les volumes réalisés avec October depuis 2021. Il y a un an, Germain Michou-Tonning glissait à mind Fintech que “plusieurs centaines de dossiers pour un peu plus de 5 millions d’euros, dont environ 25 % de PGE”, avaient été financés, et qu’un tiers des clients étaient éligibles. “Avec ces quatre partenaires, notre objectif est justement d’accroître l’éligibilité de nos clients aux financements”, note Albertine Lecointe. Avec cette nouvelle plateforme de partenaires, trois quarts des clients Qonto sont désormais éligibles à un produit de financement. Certains ne proposent pas de crédit, à l’image de manager.one, pour qui “ce n’est toujours pas une priorité”, selon Adrien Touati. Chez Revolut, qui cible pourtant les PME, pas de crédit non plus… pour l’instant. “Nous aimerions proposer une offre, à horizon de plusieurs trimestres, sur l’un de nos marchés”, avance Maxime Chareton. Nouveautés produits Pour séduire les PME, les néobanques pour les pros marchent de plus en plus sur les plates-bandes d’autres fintech spécialisées dans la gestion des dépenses, comme Spendesk, Mooncard, Soldo ou Navan (ex-TripActions). “Nous avons lancé la facturation, à la fois pour l’émission de factures mais aussi la collecte de factures pour l’automatisation des paiements, ainsi que les virements instantanés, résume Albertine Lecointe. Désormais, notre roadmap se concentre sur trois verticales pour aller au-delà du compte bancaire : d’abord, la gestion des dépenses en équipe, pour toucher les entreprises de plus de 10 salariés, et des notes de frais. Nous avons lancé en bêta un module de notes de frais pour inciter nos clients à considérer Qonto comme une plateforme de gestion collaborative des dépenses, et il sera déployé officiellement en avril. Ensuite, les factures clients et fournisseurs. Enfin, la comptabilité et le reporting : nous travaillons sur une connexion EBICS, qui sera disponible à partir du 30 mars, pour se positionner sur les plus grosses entreprises qui ont déjà des ERP. Le 30 mars, Qonto a ainsi dévoilé le lancement d’un “hub comptabilité”, avec la nouvelle liaison EBICS, l’intégration avec des outils de comptabilité et la récupération automatique des données et accès simplifié.“ manager.one a de son côté lancé des outils d’automatisation des acomptes sur salaires, de certification documentaire, d’augmentation de capital et de carte de visite connectée. La société expérimente aussi la carte biométrique avec Marqeta. Chez Shine, Nicolas Reboud signale un partenariat noué avec Brinks en septembre 2022 pour le dépôt d’espèces (1,5 million d’euros ont été déposés à fin janvier 2023 via plus de 3 000 dépôts), ainsi que de nombreuses fonctionnalités pour séduire les équipes : la possibilité d’avoir plusieurs accès employés, l’accès comptable, la gestion des reçus et de la TVA directement dans l’application, l’export comptable… En 2023, Shine prévoit de déployer la gestion de sous-comptes, le multi-accès, les transferts internationaux et le virement instantané. “Nous voulons aussi cette année miser sur la relation client et devenir le numéro 1 sur ce segment, défend le CEO. Nous allons continuer à recruter dans notre équipe d’une trentaine de personnes dédiées au service client et basées à Paris, et réorganiser les équipes pour les spécialiser davantage. Nous nous adressons à une nouvelle typologie d’interlocuteurs et nous devons nous adapter à leurs demandes.” Shine va ainsi lancer un support téléphonique, en complément du chat. Shine a aussi migré ses clients à la suite de l’obtention en 2021 de l’agrément d’établissement de paiement. “Nous passons toujours par le core banking de Treezor, mais nous avons passé l’exploitation sous notre agrément, ce qui nous a permis de gérer le réglementaire et de revoir l’onboarding, en divisant par deux la durée d’ouverture de comptes, raconte Nicolas Reboud. Ces chantiers, ainsi que la mise à niveau des procédures avec celles du groupe Société Générale, nous ont pris du temps en 2021 et 2022, mais sont en grande partie terminés.” En 2022, Revolut “a travaillé sur l’open banking et l’automatisation, notamment pour la génération de cartes virtuelles, par exemple”, raconte Maxime Chareton. La super-app financière a également lancé le mPOS Revolut Reader et le lien de paiement Revolut Pay. “Et nous entendons pousser de nouvelles fonctionnalités dans les prochains trimestres, comme le FX forward pour les opérations de change à terme, déjà déployé au Royaume-Uni et qui sera lancé dans le reste de l’Europe”, anticipe Maxime Chareton. Avec la finance embarquée, les concurrents se multiplient En parallèle, les solutions spécialisées de gestion des dépenses et notes de frais ou de comptabilité font le chemin inverse. En faisant appel à des plateformes de Banking-as-a-Service comme Swan, des acteurs comme Spendesk, Pennylane ou Regate proposent à leurs clients PME des comptes et des cartes bancaires, accroissant ainsi la concurrence sur le segment. “Nous suivons ces mouvements avec attention, mais c’est plus compliqué que ça en a l’air d’offrir des comptes de paiement, note Albertine Lecointe, de Qonto. La clé du succès, c’est l’accompagnement et le service client, et lorsque l’on n’est pas acteur de l’ensemble de la chaîne de valeur, il est plus difficile de garantir un service de qualité. Tout se jouera dans l’exécution.” Qonto est par ailleurs partenaire de plusieurs de ces acteurs, comme Pennylane et Regate, avec lesquels des intégrations ont été développées. Consolidation Dans ce contexte, des mouvements de consolidation pourraient intervenir. “Les acteurs sont nombreux et, dans des conditions de marché un peu tendues, je pense que l’on va continuer à observer de la consolidation, témoigne Albertine Lecointe. Nous recevons d’ailleurs régulièrement des dossiers de néobanques, mais aussi d’outils de comptabilité. Nous nous attendons à voir des mouvements ces deux prochaines années, si ces sociétés n’arrivent pas à lever.” manager.one envisage ainsi de réaliser des acquisitions en 2023 et 2024. “Nous avons de la trésorerie et nous pourrions éventuellement faire entrer un partenaire au capital pour réaliser une opération”, assure Adrien Touati. La hausse des taux rebat les cartes “La hausse des taux change la donne, commente Simon Parisot, de Blank. Avant, chaque dépôt des clients nous coûtait beaucoup d’argent, et c’était difficile à gérer. Désormais, nous allons même pouvoir nous rémunérer en nouant des accords commerciaux avec l’établissement de crédit qui cantonne nos fonds.” Un établissement de paiement ou un EME peut en effet négocier avec sa banque qui cantonne ses fonds pour obtenir une rémunération. C’est le cas de Qonto avec le Crédit Mutuel Arkéa, selon nos informations. Pour autant, la hausse des taux “ne change pas notre business model, prévient la société. Qonto se rémunère majoritairement sur les services de paiement, abonnements mensuels et services annexes comme les virements en devise. Par ailleurs, nous prenons une commission d’apporteur d’affaires quand nos clients utilisent des services de nos partenaires.” “En 2023, les acteurs ayant beaucoup de dépôts observeront une embellie sur leur chiffre d’affaires, affirme Adrien Touati. Chez manager.one, nous avons des centaines de millions d’euros de dépôts, qui devraient générer plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires.” D’autant que les challengers pour les entreprises, arrivés récemment sur le marché, n’ont pas autant d’historique à gérer que les banques traditionnelles. “La gestion actif/passif des banques est compliquée actuellement, car les banques doivent gérer les taux très bas mis à leur actif au bilan, explique Jean-Daniel Guyot, de Memo Bank. De notre côté nous n’avons pas ce problème puisque nous n’avons pas de stocks depuis longtemps. Nous allons pouvoir gérer à l’actif notre bilan et faire les bons placements. Nous restons cependant très vigilants et conservateurs, car nous avons peu d’historique sur le comportement de nos clients, et notre bilan reste très liquide.” La remontée des taux devrait aussi se traduire dans l’offre produits. Memo Bank a ainsi annoncé le 23 mars le lancement de comptes à terme avec des taux progressifs. Les précédentes éditions de ce benchmark : 2022 : La concurrence fait flamber les coûts d’acquisition 2021 : Les acteurs traditionnels s’introduisent sur le marché 2020 : Les néobanques pour les pros ciblent les PME pour atteindre la rentabilité Aude Fredouelle automatisation comptablebanque de détailchallengernéobanquenéobanque pour entreprise Besoin d’informations complémentaires ? 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