Accueil > Investissement > Un quart des PSAN sont d’origine étrangère Un quart des PSAN sont d’origine étrangère Début octobre 2023, l’AMF recense 95 PSAN sur sa liste blanche. Les fintech et les acteurs traditionnels financiers y occupent une place de plus en plus importante, tout comme les acteurs étrangers. mind Fintech fait le point sur les acteurs PSAN autorisés à exercer en France et sur les échéances réglementaires à venir. Par Caroline Soutarson avec Sara Chaouki. Publié le 11 octobre 2023 à 17h45 - Mis à jour le 23 mai 2024 à 14h26 Ressources Les points clés Quatre ans après l’introduction de la loi Pacte, l’AMF a décerné 98 enregistrements PSAN, dont trois ne sont plus actifs, et un agrément optionnel. La Place de Paris attire les plateformes crypto étrangères, néerlandaises et britanniques notamment. Au 11 octobre 2023, 26 % des PSAN sont d’origine étrangère. Aux côtés des sociétés crypto et de l’industrie financière, l’AMF a octroyé son premier enregistrement PSAN à une healthtech, Galeon. La liste des PSAN agréés et enregistrés auprès de l’AMF Introduit avec la loi Pacte en mai 2019 afin de réguler un secteur crypto encore à ses débuts, le régime PSAN français acquiert progressivement ses lettres de noblesse avec 95 prestataires enregistrés auprès de l’AMF au 11 octobre 2023. Un nombre qui croît d’année en année avec un régulateur désormais éduqué aux activités crypto et “de plus en plus compétent techniquement”, estime Stéphane Pontoizeau, directeur de la supervision des intermédiaires et infrastructures de marchés à l’AMF. Ainsi, si l’Autorité n’avait promulgué “que” sept enregistrements en 2020, elle a depuis accéléré, challengée par une demande qui ne se tarit pas. En 2022, 33 dossiers ont connu une issue positive. “Avec plus de 90 sociétés enregistrées et même un acteur agréé, les chiffres montrent un fort intérêt pour l’enregistrement PSAN et cette régulation”, commente Nicolas Louvet, président de Coinhouse et Coinhouse Custody Services, les deux premières entités à avoir obtenu l’enregistrement PSAN en France. Pour en savoir plus sur les modalités de la législation, lire notre dossier “Comment l’écosystème crypto s’empare du régime PSAN” L’AMF critiquée sur ses délais d’instruction Malgré un nombre d’octroi d’autorisations en croissance chaque année, l’AMF est souvent attaquée par l’écosystème crypto français sur ses délais d’instruction des dossiers. Ses effectifs sont mis en cause. La co-directrice générale de Binance France Stéphanie Cabossioras (ex-AMF), qui siège également au conseil d’administration de l’Adan (Association pour le développement des actifs numériques), milite notamment pour l’ajout de trois équivalents temps plein dédiés aux PSAN dans les effectifs de l’AMF. “Tant en termes de compétitivité que de réputation et d’attractivité pour la place, la France a intérêt à effectuer ces recrutements. Les six prochains mois seront importants pour saisir l’opportunité de devenir le pays leader en Europe et ne pas laisser les gros acteurs internationaux partir vers des juridictions moins-disantes”, confiait-elle à mind Fintech en août 2023. Le son de cloche est différent du côté du régulateur. “Nous avons plus que doublé la taille de nos équipes depuis la promulgation de la loi Pacte. Nous avons pu observer ponctuellement des goulots d’étranglement, notamment lors de la fin de la période transitoire que prévoyait la loi Pacte le 18 décembre 2020. Mais pour l’essentiel, les critiques sur les délais d’instruction ne sont pas justifiées. Les longs délais peuvent provenir de dossiers de mauvaise qualité ou d’un manque de réactivité de l’acteur”, rétorque Stéphane Pontoizeau. Le responsable de l’AMF appuie notamment ses dires sur une étude menée au sein de l’Autorité. “Les sociétés qui parlent de délais d’instruction supérieurs à un an ne font pas partie des meilleurs élèves. D’après un récent audit, les délais observés, du dépôt initial jusqu’à l’octroi de l’enregistrement, sont de l’ordre de 7 à 9 mois en moyenne. Certains dossiers, de qualité, sont traités en 3 ou 4 mois et d’autres, beaucoup moins bien préparés, nécessitent un traitement nettement plus long. Il y a aussi du “stop and go” d’acteurs internationaux qui déposent des dossiers sans que le marché français ne soit crucial pour eux et qui prennent leur temps pour mettre leur dossier en conformité avec les exigences réglementaires.” Dans les textes, la durée d’étude du dossier est fixée à six mois. 3 PSAN radiés : Bykep, Emmanuel Management et Bitpanda Au total, 99 autorisations ont été délivrées par l’AMF depuis l’entrée en application du régime. Parmi elles, trois ont depuis été révoquées, pour différentes raisons. La société Bykep (ex-Keplerk), qui proposait un service d'achat et de vente de bitcoins dans les bureaux de tabac, a notamment effectué des opérations “au débit de portefeuilles de clients sans leur consentement. Elles montraient également des défaillances sérieuses du dispositif de LCB-FT (lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, Ndlr), plus particulièrement en matière de gestion des dossiers de connaissance de la clientèle, d’examen renforcé des opérations présentant un risque particulier ou de mise en œuvre des mesures de gel des avoirs”, documente l’AMF. Bykep avait par ailleurs informé les régulateurs, quelques semaines avant leur décision, avoir été victime d’une cyberattaque, qui avait mené à un vol d’actifs numériques équivalent à 300 000 euros. La société a été placée en liquidation judiciaire en octobre 2022. De manière générale, les PSAN enregistrés sont supervisés par les régulateurs et peuvent être la cible de contrôles ponctuels, sur la qualité de leur dispositif LCB-FT par l’ACPR par exemple. L’AMF exclut Bykep des PSAN après des manquements LCB-FT Deux autres entités ont aussi été radiées de la liste blanche des PSAN : la société de gestion strasbourgeoise Emmanuel Management et le néocourtier multiactif autrichien Bitpanda. Dans le cas de la première, la révocation de l’enregistrement s’est faite à la demande de la société qui cessait ses activités crypto. Pour Bitpanda, il s’agissait d’une radiation d’ordre administratif, à cause de changements structurels au sein du groupe, opérés en 2023. Bitpanda s’est notamment séparé de son activité dédiée aux investisseurs professionnels (lire notre brève : “Bitpanda Pro prend ses distances avec Bitpanda”). “Notre enregistrement initial n'a jamais été annulé. Nous avons informé l'ACPR bien avant les changements organisationnels et avons travaillé en étroite collaboration avec elle pour nous assurer que nos autorisations d'exercer en France étaient maintenues”, a précisé à mind Fintech Olivia Broderick, chief legal officer de Bitpanda. Un PSAN agréé : Société Générale-Forge À côté des PSAN enregistrés et radiés, une société a obtenu l’agrément optionnel PSAN de l’AMF en juillet 2023. Il s’agit de Société Générale-Forge, filiale du groupe bancaire dédiée à la sphère crypto. L’acquisition de ce sésame “est le résultat d’un travail de fond engagé avec les équipes de l'AMF à la suite de l'obtention de l'enregistrement [en septembre 2022, Ndlr] par l’ensemble des équipes de Société Générale-Forge, avec l'appui d'expertises du groupe Société Générale, en se concentrant sur les aspects réglementaires et de cybersécurité”, affirme Jean-Marc Stenger, directeur général de l’entité. notre entretien avec Jean-Marc Stenger Le fait que le premier agrément PSAN soit décerné à la filiale d’un groupe bancaire traditionnel en dit long sur le chemin parcouru par l’écosystème crypto en France et donne un signal fort d’un gain de maturité du secteur. D’autre part, l’acte donne une idée du niveau d’exigence de cet agrément. “Les exigences de l’agrément PSAN se rapprochent de celles des agréments bancaires”, commente Romain Saguy, COO de Coinhouse. 26 % des PSAN sont d’origine étrangère À l’origine l’apanage des sociétés cryptonatives, le régime PSAN voit ainsi progressivement des acteurs différents taper à sa porte. “Avoir posé un cadre clair très tôt par rapport à nos homologues a été de nature à faciliter le développement d’un écosystème local assez riche, avec des activités diversifiées, des acteurs de taille variées : historiques, nouveaux entrants, filiales françaises de groupes internationaux et une quinzaine d’entités étrangères”, énumère Stéphane Pontoizeau. Pour obtenir l’enregistrement PSAN en France, les candidats doivent en effet être “établi dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen”, précise l’AMF dans ses questions-réponses relatives au régime PSAN. Encore anecdotiques jusqu’à 2022, les acteurs d’origine étrangère représentent désormais plus d’un quart des PSAN enregistrés en France. Ils viennent majoritairement d’Europe bien que les continents africain, américain et asiatique soient également représentés. Les pays les plus présents sont les Pays-Bas, dont les sociétés (les exchanges Litebit - qui a annoncé officiellement la fin de ses activités à l’été 2023, mais qui n’est pas encore radié -, BCM, Bitstamp et le courtier crypto BTC Direct) reçoivent l’aval de l’AMF via leur établissement néerlandais, et le Royaume-Uni, dont les entreprises ont créé des filiales en France (il s’agit du néocourtier Shares, les néobanques crypto-fiat Deblock et Akt.io et l’API de traitement des paiements crypto-fiat Merge Networks). Parmi les acteurs étrangers enregistrés, quelques exchanges mondiaux aussi, à commencer par le plus utilisé, Binance, via sa filiale Binance France, mais aussi Crypto.com et Bitstamp. Les dossiers de Coinbase et d’OKX sont sur la table de l’AMF tandis que Kraken pourrait passer outre, grâce au rachat de la plateforme d’investissement crypto néerlandaise BCM (Coin Meester B.V.). D’autres encore continuent d’accéder à la clientèle française via le principe de la reverse-sollicitation (en laissant les clients venir à eux plutôt qu’en les démarchant de manière illégale), un point de friction pour les sociétés qui respectent le cadre réglementaire depuis plusieurs années. “Il n’y a pas eu de contrainte réelle sur la concurrence parfois déloyale concernant les plateformes actives en France mais localisées dans des paradis fiscaux ou des juridictions moins-disantes d'un point de vue de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme”, déplore Nicolas Louvet. Pierre Fougeat (Lugh) : “Notre priorité est d’obtenir l’agrément d’établissement de monnaie électronique” Forte de son attractivité, la France accueille en outre plusieurs hubs européens d’acteurs étrangers tels que Binance, Crypto.com, Circle ou dernièrement, OKX, qui a annoncé sa volonté de s'installer dans l’Hexagone en mai 2023. “Nous avons signé des partenariats avec des acteurs locaux tels que Station F, Ingenico et [l’application qui facilite les paiements en crypto auprès de son réseau de commerçants, Ndlr] Lyzi et avons recruté plus de 150 collaborateurs en 18 mois, notamment pour notre pôle conformité, juridique et risque”, énonçait ainsi fin août à mind Fintech Stéphanie Cabossioras, de Binance France. Selon Nicolas Louvet, de Coinhouse, le régime PSAN “a fait venir des acteurs étrangers en France et a également aidé à développer près de 5 000 emplois directs dans le secteur crypto et Web3 en France, avec les plus gros employeurs (Ledger, Sorare, Coinhouse, Kaiko, Binance France...) ”. 1 PSAN sur 6 est une fintech Toutes nationalités confondues, 17 fintech (hors sociétés crypto - voir notre méthodologie) et 7 entités financières traditionnelles étaient enregistrées auprès de l’AMF au 11 octobre 2023, soit 25 % de la totalité des PSAN passés devant l’AMF. Parmi les fintech présentes dans cette liste blanche, beaucoup de solutions d’investissement telles que l’Israélien eToro (via sa filiale chypriote), l’Allemand Trade Republic (ainsi que sa filiale autrichienne dédiée à la conservation d’actifs), le Néerlandais Bux, le Britannique Shares ou encore le Français Ramify. “Je pense que proposer de la crypto est devenu une nécessité”, déclarait fin 2022 le cofondateur et CEO de Shares, Benjamin Chemla. “Si on est une fintech sans crypto, on est en retard”, abonde Frédéric Schrapp, cofondateur et CEO de la néobanque à impact canB (pour en savoir plus sur l’offre crypto de canB, lire notre dossier “Comment les néobanques à impact verdissent l’investissement” paru en septembre 2023). Shares mise sur les cryptoactifs et obtient l’enregistrement PSAN Autre catégorie d’acteurs qui se fait sa place dans le panel, les entités financières traditionnelles. En 2021, seule la Caisse des Dépôts et Consignations avait obtenu le sésame. Elle a désormais été rejointe par la Banque Delubac & Cie, Lugh (Groupe Casino), Société Générale-Forge, AXA Investment Managers, Caceis et l’établissement de paiement coté BD Multimedia. Si le groupe Société Générale semble bien avancé par rapport aux autres, doté d’un agrément optionnel, la Banque Delubac & Cie n’a pas dit son dernier mot. Après l’obtention de son enregistrement en mars 2022 (six mois avant Forge), la banque familiale a accueilli une multitude de PSAN dans son portefeuille de clients. “Au moins 60 % des PSAN français ont un compte chez nous. Nous comptons aussi des équivalents PSAN étrangers, américains et asiatiques entre autres”, précise Joël-Alexis Bialkiewicz, associé gérant de l’établissement de crédit et fondateur de la solution de paiement DeluPay. Le dirigeant révèle par ailleurs à mind Fintech que la Banque Delubac & Cie “développe des services annexes et notamment un produit de Banking-as-a-Service demandé par nos clients PSAN”. Le lancement est prévu dans les prochains mois. Delubac et Olkypay ouvrent des comptes bancaires aux PSAN La Banque Delubac & Cie n’est pas seulement un PSAN au même titre que certaines filiales de groupes financiers qui expérimentent ou y voient des opportunités pour leurs activités d’investissement, elle se positionne en partenaire des sociétés cryptonatives. Lors de l’événement Surfin’ Bitcoin en août 2023, la néobanque pour les pros Olkypay a également fait part de sa stratégie d’être une infrastructure bancaire aux services des PSAN - bien que la société luxembourgeoise soit établissement de paiement et ne dispose pas d’autorisation PSAN en France. “Nous demanderons l'agrément PSAN à l’automne”, déclarait alors Karima Lachgar, dirigeante d’Olky. Une opportunité pour les PSAN qui, sans prestataires dédiés, ont difficilement accès à un compte bancaire et doivent recourir, au choix, à un prestataire étranger ou bien redoubler d’ingéniosité pour ouvrir un compte français malgré tout. “Nous avons réussi à obtenir un compte bancaire en France grâce à notre désignation sociale. Notre compte aurait été fermé s’il avait contenu “crypto” dans le nom”, assure Tristan Goutte, fondateur et CEO de la solution de gestion de portefeuille d’actifs numériques pour compte de tiers Crypto Assets Management. Les réserves des banques de détail concernant les crypto n’est pas franco-française. Fin septembre, Chase, la banque retail de JPMorgan, a interdit les transactions en cryptoactifs à ses clients. Plus tôt en mars, NatWest imposait de nouveaux plafonds pour les transferts d’argent vers des exchanges crypto. En 2022, Santander indiquait aussi que ses clients britanniques ne pourraient plus réaliser de transferts instantanés vers les exchanges crypto, pour les protéger des arnaques. Parmi les sociétés non cryptonatives, il y a aussi Galeon. Enregistrée début octobre auprès de l’AMF, Galeon est une healthtech qui a construit “un logiciel métier de gestion des informations des dossiers de patients pour les hôpitaux”, nous explique Matthieu Gueniffey, directeur général et COO de la start-up. Galeon entend devenir un intermédiaire entre les données de patients (qui acceptent de partager leurs données anonymement) et des entreprises spécialisées dans la recherche médicale. Galeon s’appuiera alors sur une blockchain privée (en développement) “afin de suivre l’utilisation des données dans un enjeu de transparence”, explique Matthieu Gueniffey. En outre, “nous donnerons aux patients notre token afin de bénéficier d’un droit de vote sur le financement de projets de recherche à but non lucratif via notre future fondation DAO (organisation autonome décentralisée, Ndlr)”, prévoit le dirigeant. La société a acquis l’enregistrement PSAN pour l’activité de conservation d’actifs numériques seulement “pour éviter aux patients d’avoir à créer un wallet et pouvoir conserver leurs jetons sur l’application”, précise Matthieu Gueniffey. 87 % des PSAN sont enregistrés pour fournir un service de conservation Galeon est loin d’être le seul PSAN à proposer un service de custody. La conservation d’actifs numériques est le service le plus demandé par les PSAN enregistrés. Il consiste à conserver les clés privées des clients et à pouvoir les utiliser pour leur compte. 85 PSAN sont enregistrés pour ce service (soit 87 %), légèrement plus que pour l’achat et la vente d’actifs numériques en fiat (86 %) et l’échange d’actifs numériques contre d’autres crypto (77 %). Le service le moins demandé est celui d’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques (8 %). Les plateformes enregistrées pour ce dernier service sont les plateformes d’échange Paymium, Zebitex, Binance France, Bitstamp et Lord Services, les courtiers crypto BtoB Aplo (ex-Sheeldmarket) et Traks, ainsi que la plateforme de financement Kriptown. L’agrément optionnel couvre davantage de services. Dans le cas de Société Générale-Forge par exemple, la société a été agréée pour les services de conservation, d’achat et de vente crypto/fiat, d’échange crypto/crypto et pour la réception et la transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers (voir cette page de l’AMF pour connaître l’ensemble des services éligibles à l’agrément optionnel). La marche vers l’agrément PSAN est enclenchée Si Forge a un peu d’avance, de prochains acteurs agréés devraient toutefois le rejoindre prochainement. “Une poignée de dossiers d’agrément optionnel ont été déposés. Certains sont très actifs et constants, d’autres moins”, décrit Stéphane Pontoizeau. Parmi les acteurs avec lesquels mind Fintech a échangé dernièrement, Coinhouse, Binance France ou encore la Banque Delubac ont déposé leur dossier auprès du régulateur. Présentée comme l’étape intermédiaire entre l’enregistrement et le futur agrément européen de CASP (crypto-asset service provider), l’agrément optionnel PSAN n’est pas obligatoire pour exercer une activité crypto en France et résulte par conséquent d’un choix stratégique de la part des acteurs qui candidatent. “Nous l’avons demandé car l’agrément permet à un PSAN de démarcher individuellement. Sans, nous ne pouvons pas appeler nos clients actuels pour proposer nos services”, justifie Joël-Alexis Bialkiewicz, de Delubac. L’agrément peut aussi véhiculer une plus grande confiance que l’enregistrement auprès de partenaires ou de clients. Plus de 70 % des sociétés cryptonatives enregistrées visent, entre autres, des clients professionnels (entreprises crypto, fintech, institutions financières, CGP, entreprises classiques…) qui sont par conséquent plus à même de travailler avec un acteur régulé. Toutes les voies mènent à MiCA L’AMF s’est donné pour mission d’accompagner les PSAN enregistrés vers l’agrément optionnel, marche réglementaire dont les exigences se rapprochent fortement de celles du règlement européen MiCA. Ce dernier entrera en application le 30 décembre 2024, pour la majorité de son texte, avec une période transitoire d’un an et demi pour les sociétés qui respectent leurs règles nationales en matière de prestations crypto. Pour rappel, l’avantage principal de MiCA pour un PSAN est de pouvoir adresser le marché de l’Union européenne en passeportant son agrément, plutôt que de réaliser une multitude d’enregistrements nationaux. Une autre partie du texte, celle qui régule les stablecoins et leurs émetteurs, débutera le 30 juin 2024. D’ici là, “les émetteurs de stablecoins devront avoir obtenu l’agrément d’établissement de monnaie électronique (EME) pour pouvoir continuer à lister leurs tokens sur des plateformes européennes, telles que Binance”, explicite Stéphanie Cabossioras, de Binance. “Ce que nous voyons, c’est que la date limite est demain et qu’il n’y a pour l’instant aucun stablecoin agréé”, constate-t-elle toutefois, appelant de ses vœux une période de tolérance après la date butoir de la part des autorités européennes. notre entretien avec Stéphanie Cabossioras (Binance France) : “Il est dans l’intérêt de tous les acteurs d’obtenir l’agrément PSAN rapidement” Pour avancer sur l’échéance du 30 décembre 2024, l’AMF a procédé à des changements textuels à l’été 2023. “Avec les modifications apportées aux exigences de l’agrément optionnel pour les aligner sur celles de MiCA, nous avons posé le premier jalon vers une passerelle facilitée entre les deux agréments”, affirme Stéphane Pontoizeau. Cette passerelle serait non seulement bénéfique pour les acteurs agréés français mais aussi pour le régulateur, dont la charge de travail serait potentiellement amoindrie lors du passage du régime national au système européen. L'avocat spécialisé dans l’innovation et la fintech chez Gide, Matthieu Lucchesi, rappelle néanmoins que l’agrément PSAN reste une option. “Pour préparer MiCA, la voie “enregistrement PSAN - agrément optionnel PSAN - agrément MiCA” n’est pas la seule possible. Selon la taille de l’acteur et son ambition, il peut y avoir une envie de ne pas passer par l’agrément optionnel français et de préparer MiCA pour l’obtenir le plus tôt possible, sans bénéficier de la clause de grand-père [période transitoire pour les acteurs en conformité avec leur régime PSAN nationale, Ndlr] jusqu’en juin 2026, ou bien la stratégie inverse. Les acteurs issus du domaine financier (établissements de crédit, entreprises d’investissement) ont aussi la possibilité de fournir des services sur cryptoactifs sans avoir à être agréés mais via une notification à l’autorité compétente. C’est une voie alternative à la procédure d’agrément en tant que CASP.” Les PSAN de petite taille, surtout, pourraient profiter du délai jusqu’à l’arrivée de MiCA pour accumuler suffisamment de fonds propres et réaliser les investissements réglementaires nécessaires pour exercer leur activité en toute conformité. Le marché se prépare néanmoins à une consolidation, d’ici à l’avènement du cadre européen. “Il y a trop de sociétés enregistrées sur un marché assez peu développé et peu concentré. Il pourrait donc y avoir une consolidation au niveau de certains groupes d’activité. Des entreprises pourraient aussi mourir, avec une taille de marché insuffisante, ainsi qu’un manque de financement et de ressources”, évalue Nicolas Louvet, de Coinhouse. Un enregistrement PSAN renforcé à partir de 2024 Alors que les PSAN enregistrés se tournent vers les futures étapes réglementaires, l’enregistrement pour les nouveaux entrants est toujours d’actualité, à la différence que, dorénavant, “on entre dans une phase où le régime PSAN ne peut se penser qu’à la lumière de MiCA”, estime Matthieu Lucchesi. Le régime français connaîtra donc un basculement au 1er janvier 2024. La loi n°2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) introduit un nouveau type d’enregistrement, aux exigences relevés : l’enregistrement renforcé. Depuis le 1er juillet 2023, toutes les sociétés qui souhaitent acquérir un enregistrement PSAN doivent disposer d’un dispositif de sécurité et de contrôle interne, d’un système de gestion des conflits d'intérêts, d’un système informatique résilient et sécurisé, d’une politique de gestion des réclamations des clients et d’une politique tarifaire, selon l’article 721-1-2 du règlement général de l’AMF. D’autres exigences sont applicables en fonction des services demandés à l’enregistrement. En ce qui concerne le service de conservation notamment, “une description de la politique de ségrégation des actifs numériques et des avoirs des clients” est nécessaire (article 721-1-3). “À ma connaissance, la plupart des PSAN qui disposent de l'enregistrement simple ont déjà mis en place la ségrégation entre les actifs des clients et leurs propres actifs. Toutefois, il est apparu pertinent d’expliciter cette exigence compte tenu des événements des derniers mois, souligne Matthieu Lucchesi. Globalement, les exigences de l’enregistrement renforcé contribuent à la crédibilité du cadre PSAN et de ses acteurs”, ajoute l’avocat de Gide. La chute de FTX a eu un faible impact sur les PSAN À la suite de la faillite de l’exchange FTX, l’AMF avait annoncé échanger avec les PSAN enregistrés pour connaître l’impact de cette chute sur leur activité. “Chaque fois qu’il y a un événement majeur, que ce soit l’effondrement de Terra-Luna ou de FTX, nous cherchons à comprendre les conséquences pour les PSAN et pour leurs clients. Dans les deux cas, l’écosystème a résisté. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de pertes pour les investisseurs”, précise Stéphane Pontoizeau.Par un effet domino, la plateforme Coinhouse a par exemple fait indirectement les frais de la chute de FTX. L’entreprise, qui proposait un livret crypto, un produit d’investissement, a dû cesser cette offre à cause de problèmes de liquidité liés à son partenaire Genesis. Pour reprendre l’expression de Stéphane Pontoizeau, Coinhouse “a résisté” à ce problème. “Les livrets crypto représentaient 7 % des revenus de Coinhouse”, indique à mind Fintech le COO de Coinhouse, Romain Saguy. Bien qu’elle n’y soit pas obligée réglementairement, la société a proposé des remboursements partiels, voire totaux, à près de 2 000 clients. “92 % ont récupéré l’intégralité de leurs fonds”, affirme Romain Saguy. Ces exigences arrivent aussi en parallèle de la construction du règlement européen et invitent donc les acteurs à, dès leurs débuts, réduire la marche avec MiCA. Pour les nouveaux entrants, déjà agacés que “la réglementation ne fasse pas la différence entre les TPE et les grandes entreprises”, glisse Tristant Goutte, de Crypto Assets Management, la barrière à l’entrée s’élève. Pourtant, “nous ne pensons pas que les acteurs vont boycotter l’enregistrement renforcé. Il reste une obligation pour les sociétés qui souhaitent exercer en France. À ce stade, nous en avons reçu une poignée”, affirme Stéphane Pontoizeau. Quant à l’enregistrement simple, “il reste une quinzaine de dossiers de candidatures dont l’instruction se poursuit et dont on peut penser raisonnablement que la plupart aboutiront à des décisions favorables”, ajoute le directeur de la supervision des intermédiaires et des infrastructures de marchés. Des exigences en cybersécurité élevées Pour l’enregistrement renforcé comme pour l’agrément PSAN, un point de tension ressort chez plusieurs acteurs sur la partie cybersécurité car les exigences nationales et européennes diffèrent. L’AMF, qui n’a pas les compétences en interne, demande pour obtenir l’agrément optionnel ou l’enregistrement renforcé que “les PSAN remettent un rapport d’audit réalisé par un acteur certifié PASSI (prestataires d'audit de la sécurité des systèmes d'information, Ndlr). Nous estimons qu’ils auront besoin d’un accompagnement externe autre que l’AMF sur ce sujet”, estime Stéphane Pontoizeau. Pour Robin Jacquet, senior authorisations manager chez le néocourtier Shares, ce recours à un prestataire externe pose deux problèmes. Tout d’abord, cet audit “coûte entre 50 000 et 100 000 euros. Et en plus, les prestataires certifiés PASSI ne prennent pas de rendez-vous avant 2024”, indiquait-il à mind Fintech fin juin 2023. Du côté de l’AMF, un allègement de l’exigence n’est pas au programme. “Notre appréciation est que nos exigences sont cohérentes avec ce qui sera exigé des CASP [les futurs équivalents PSAN au niveau européen, Ndlr] avec l’entrée en application du règlement DORA (Digital Operational Resilience Act)”, déclare Stéphane Pontoizeau. L’impact de cette mesure est particulièrement élevé pour les nouveaux entrants en France, sans historique financier, qui doivent allouer un budget de plus à leur mise de départ. “Avec l’enregistrement renforcé, nous mettons notamment l’accent sur le niveau de cybersécurité, plus encore pour les services de conservation d’actifs numériques. Le risque cyber est croissant à l’échelle de toute l’industrie financière et de manière générale”, justifie le directeur de la supervision des intermédiaires et des infrastructures de marchés. Méthodologie mind Fintech récupère les listes des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) agréés, enregistrés et radiés mises à disposition par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Nous avons couplé à ces données certaines informations que nous avons qualifiées nous-mêmes : pays à partir duquel les PSAN font leur demande d’enregistrement, leur pays d’origine, leur(s) clientèle(s) cible(s), date de création et une catégorisation d’entreprise. Pour ce dernier qualificatif en particulier, certaines sociétés peuvent rentrer dans plusieurs catégories et ont par conséquent été classées de manière arbitraire par notre équipe de rédaction. Nous avons différencié, au sein des fintech, les sociétés qui avaient démarré leur activité via des services crypto des autres. C’est notamment le cas de Bitpanda, que nous avons qualifié de société “cryptonative”, de par ses activités originelles. Dans le cas de l’établissement de paiement coté BD Multimedia, nous avons fait le choix inverse. L’établissement de paiement coté, créé comme une fintech, a rejoint les rangs des établissements financiers traditionnels car la société a désormais plus de 30 ans et ne correspond par conséquent pas à l’idée de start-up ou scale-up qui se cache derrière le terme “fintech”. Finalement, nous avons analysé toutes ces données et réalisé les datavisualisations du dossier que vous venez de lire. 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