Accueil > Services bancaires > Léo Miranda : “La Nef a bénéficié de la communication des néobanques vertes” Léo Miranda : “La Nef a bénéficié de la communication des néobanques vertes” La Nef, agréée établissement de crédit spécialisé, a pour projet de devenir indépendante du Crédit Coopératif. En attendant, elle négocie avec l’ACPR pour étayer ses services à impact car, si son offre pour les entreprises est développée, celle pour les particuliers demeure assez restreinte. mind Fintech fait le point avec Léo Miranda, directeur du marketing et ex-responsable de l’innovation de la coopérative. Par Caroline Soutarson. Publié le 06 mars 2024 à 14h47 - Mis à jour le 27 janvier 2025 à 17h50 Ressources Pouvez-vous présenter La Nef ? La Nef est une coopérative agréée établissement de crédit spécialisé depuis 1988. Elle est supervisée par le Crédit Coopératif, lui-même filiale du groupe BPCE. La Nef a la capacité de proposer les mêmes services qu’une banque de plein exercice, sauf en ce qui concerne l’argent du quotidien pour les particuliers, comme les comptes courants. Notre activité principale est l’octroi de crédits pour des organisations à impact écologique, social et/ou de manière plus marginal, culturel. Nous proposons aussi des livrets aux particuliers pour contribuer à notre première activité [un livret B rémunéré à 0,5 % jusqu’à 15 000 euros, puis à 0,1 % au-delà, ainsi que des comptes à terme allant de 0,7 % sur un an à 1,6 % sur sept ans, Ndlr]. Au début des années 2000, La Nef a été autorisée à octroyer des crédits aux particuliers, puis à proposer de l’épargne liquide et des comptes pour les professionnels en 2015. La Nef n’est pour l’instant donc pas en concurrence directe avec les néobanques vertes lancées en France ces dernières années – essentiellement tournées vers le BtoC -, comme Green-Got et Helios. Qu’avez-vous pensé de leur arrivée sur le marché depuis 2021 ? D’une part, nous avons été contents de voir que d’autres entités se saisissaient des sujets d’impact dans la banque. D’un point de vue marketing, ces acteurs ont remis en lumière notre message et permis d’accélérer la prise de conscience. À notre échelle, nous avons bénéficié de leur communication et avons récupéré quelques clients. En effet, nous ne sommes pas en concurrence frontale, car nous ne proposons pas de compte du quotidien, mais nous sommes complémentaires. Un client peut avoir un compte courant chez eux et déposer de l’argent sur un livret Nef. Nous voyons d’ailleurs passer les RIB d’Helios et Green-Got [à l’heure actuelle, aucune néobanque verte en France ne propose de livret d’épargne rémunéré, Ndlr]. Comment les néobanques à impact verdissent l’investissement D’un autre côté, un point capte notre attention : quelle est la réelle capacité de ces acteurs à pouvoir tenir la promesse de verdissement de l’argent ? Aujourd’hui, il nous paraît impossible qu’une organisation qui n’a pas la capacité de pouvoir gérer les fonds de ses clients puisse affirmer cette proposition. Et en réalité, ces fintech confient leurs fonds au Crédit Mutuel Arkéa, Solaris, Treezor, etc. qui ne sont pas des banques éthiques. La promesse de maîtrise de l’orientation des fonds est une sur-promesse, impossible à tenir lorsque l’on passe par l’agrément bancaire d’un établissement tiers ou lorsque l’on propose un Livret A, par exemple. Green-Got assume désormais cette réalité. La fintech a en effet travaillé sur la mesure de son empreinte carbone à partir de celle du Crédit Mutuel Arkéa [où la fintech cantonne ses fonds, Ndlr]. Nous n’avons pas vu d’initiative de ce type de la part des autres fintech vertes. [Info mind Fintech] Banking-as-a-Service : Helios quitte Solaris pour Okali et Skaleet La Nef finance-t-elle les énergies fossiles ? Du côté de la Nef, nous avons un taux de réemploi de 70 % des fonds qui nous sont confiés. Mais les 30 % restants sont placés à la BCE ou dans d’autres établissements bancaires et sans doute qu’ils financent en partie des énergies fossiles. Il faut être lucide à ce sujet et ne pas survendre la proposition. Mais il faut aussi avoir conscience que, si les banques s’imposent des critères d’exclusion importants dans leur financement, elles peuvent orienter le marché. Vous avez lancé le projet Big Banque, qui consiste à terme à devenir indépendant du Crédit Coopératif et pour lequel vous réalisez une levée de fonds de 30 millions d’euros auprès du grand public. Quelles sont les raisons qui ont initié cette volonté de changement structurel ? Et quel en est l’objectif ? Nous avons demandé à l’ACPR [Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en juin 2022, Ndlr] l’autorisation de devenir une nouvelle banque autonome et indépendante, comme le sont les six acteurs bancaires majeurs en France. Il s’agit en premier lieu d’ouvrir des comptes pour les particuliers et de répondre à leurs besoins bancaires fondamentaux. À l’heure actuelle, nous devons nous mettre d’accord avec le Crédit Coopératif, qui est garant de la liquidité et de la solvabilité de la Nef, pour proposer notre gamme de services et notre relation s’est crispée ces dernières années. Si votre projet se concrétisait, vous deviendriez concurrent des néobanques vertes. Quelle place prend la technologie dans votre proposition de valeur aujourd’hui ? Nous n’avons pas trop avancé sur ce sujet, car il n’y a pas de besoin immédiat du côté des particuliers. Notre relation avec eux actuellement se fait sur le temps long (livret et crédit) et n’implique par conséquent pas de points de contact rapprochés. Or le développement d’un web banking et d’une application coûte 6 à 7 millions d’euros. Cela représenterait un investissement élevé pour des outils qui ne serviraient pas aujourd’hui. Ce sera un sujet quand nous avancerons sur le sujet des comptes courants et que nous devrons par conséquent nous mettre à niveau en termes d’expérience utilisateur. Concernant notre clientèle de professionnels, pour laquelle nous avons lancé le compte courant en 2019, nous avons décidé de passer par Saga Corp, l’éditeur de [la néobanque pour les pros, Ndlr] manager.one, pour le web banking. En recourant à ce prestataire, nous pouvons aller assez loin dans les fonctionnalités, que ce soit sur l’application bancaire, les cartes virtuelles, la gestion des notes de frais, etc. Les professionnels se connectent à leur plateforme bancaire deux à trois fois par jour, il était donc important de leur offrir un certain niveau de services. Notre tableau comparatif des néobanques pour les pros présentes en France Comment le partenariat se matérialise-t-il entre vos équipes et celles de Saga Corp ? La gestion du partenariat mobilise peu de monde en interne car nous avons recours à deux prestations externalisées : celle pour l’interface avec Saga Corp et une autre pour le core banking via Capital Banking Solutions. Pour cette dernière, nous avons externalisé l’activité technique, mais nous disposons tout de même d’une équipe d’informaticiens qui gère les demandes et la relation avec nos prestataires informatiques. En outre, trois personnes gèrent la relation client, les souscriptions et les débogages clients. Au total, combien de collaborateurs compte La Nef ? Nous sommes 120 collaborateurs, essentiellement situés dans la banlieue lyonnaise. Entre 20 et 25 personnes sont des banquiers itinérants dédiés au financement et à la gestion de la clientèle de professionnels. Combien de clients dénombrez-vous ? Nous comptons 80 000 clients, dont 3 500 emprunteurs professionnels actifs et 5 000 clients professionnels au total, en ajoutant les services de comptes bancaires et de gestion de trésorerie. Au niveau de l’activité de prêt, 90 % de l’épargne est apportée par les particuliers et 98 % des crédits sont octroyés aux entreprises. Le montant moyen d’un crédit s’élève à 200 000 euros pour des entreprises de 10 salariés en moyenne, allant de l’exploitant agricole aux grands projets d’énergie renouvelable [à fin 2022, selon le dernier rapport annuel disponible, la Nef affichait 961 millions d’euros d’encours d’épargne et 714 millions d’euros d’encours de crédit, Ndlr]. Pour les particuliers, nous proposons des crédits pour les projets durables, comme la rénovation énergétique, ainsi que des crédits à la consommation orientés vers la culture, comme l’achat d’un instrument de musique. Nous sommes autorisés à fournir du crédit immobilier, mais ce n’était pas intéressant de le proposer dans un contexte de taux bas. Le sujet est désormais sur notre feuille de route pour les années à venir. Il s’agirait d’en octroyer en contrepartie de l’achat d’un habitat qui respecterait certaines exigences écologiques. Certaines plateformes de crowdfunding sont spécialisées dans les initiatives à impact également, comme dans le financement de projets d’énergies renouvelables. Êtes-vous en concurrence avec ces plateformes ? Pas vraiment. Nous sommes davantage complémentaires : elles interviennent pour certaines d’entre elles en equity, dans la partie haut de bilan, tandis que nous octroyons uniquement des prêts. Par ailleurs, nous voyons d’un bon œil leur participation à un projet également financé par La Nef. D’une part, cela veut dire qu’elles croient dans le projet. Et en plus, elles permettent de consolider les fonds propres. Elles nous confortent donc dans notre choix d’une certaine manière. Nous croisons régulièrement MiiMOSA [dédiée à la transition agricole et alimentaire, Ndlr], LITA ou encore Lendosphere [spécialiste de la transition énergétique, Ndlr]. Caroline Soutarson application mobilebanque de détailfinance durable Besoin d’informations complémentaires ? 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