Accueil > Industrie > Accès au marché des DMN : long is the road… Accès au marché des DMN : long is the road… Au travers de plusieurs tables rondes, le congrès Médi’Nov qui s’est tenu à Lyon les 31 mai et 1er juin dernier a notamment permis de dresser quelques parcours d’accès au marché pour les dispositifs médicaux numériques (DMN). Comme ont pu en témoigner les start-up et industriels présents, ces parcours souvent semés d’embûches témoignent d’un changement de paradigme, concernant en particulier l’évaluation de ces solutions digitales. Par Coralie Baumard et Romain Bonfillon. Publié le 13 juin 2023 à 22h45 - Mis à jour le 01 août 2024 à 17h55 Ressources Il y a un an, lors de la précédente édition du salon Médi’Nov, l’attention de la plupart des industriels du secteur du dispositif médical était focalisée sur l’obstacle du nouveau règlement sur les dispositifs médicaux (le MDR). La date limite du 26 mai 2024 pour faire certifier son dispositif semblait inatteignable, au point que près de 80 % des entreprises du secteur envisageait de rationnaliser leurs gammes ou d’arrêter certains de leurs produits. De l’eau a depuis coulé sous les ponts : en février dernier, le Parlement européen a accepté d’allonger la période dite de grâce pour la mise en application du dispositif (à 2027 ou 2028, selon le niveau de risque du dispositif). Si cette décision a permis de donner un peu d’air aux fabricants, elle n’a pas dissipé toutes leurs inquiétudes. “C’est la croix et la bannière pour trouver un organisme notifié, note Mathieu Leclerc-Chalvet, directeur général de Therapixel. Nous avons mis deux ans avant de trouver quelqu’un qui veuille bien faire les audits de notre dossier”. Ces organismes étaient 28 il y a un an, ils sont désormais 36, pour toute l’Europe. Rappelons que, selon le Snitem, 25 000 certificats sont nécessaires simplement pour assurer la continuité de la mise sur le marché des produits déjà existants. En outre, compte tenu des tensions sur cette phase d’évaluation des dispositifs, les coûts d’obtention du marquage CE ont augmenté significativement (d’environ 20%). Un obstacle pour les PME et les start-up, qui représentent 93% des entreprises du secteur du DM. Le défi du remboursement Joséphine Marie Joséphine Marie est chargée d’investissement au Fonds Patient Autonome de Bpifrance, qui investit en début de chaîne de financement. “Une grosse partie des fonds que nous accordons va financer l’étude clinique permettant de déposer un dossier auprès de la HAS, afin d’obtenir un remboursement, confie-t-elle. Le remboursement est toujours un défi, car toutes les sociétés de notre portefeuille qui sont des digital therapeutics (Ludocare, Mila, Lucine, ndlr) ont été obligées de passer par une étude clinique rigoureuse, telle qu’on peut le voir pour le médicament. Ce sont des budgets considérables pour des start-up, entre 500 000 et 1M€, avec à la fin une réponse binaire : oui ou non. C’est un sujet qui fait peur aux investisseurs et nous poussons très vite les sociétés à trouver des modèles économiques alternatifs et à aller sur d’autres marchés plus cléments, comme les Etats-Unis”, reconnaît Joséphine Marie. À noter que dans le cadre du plan France 2030, 30 M€ ont été alloués à l’accompagnement des entreprises du DM dans leur démarche d’accès au marché (axe 4) et que Bpifrance est en particulier en charge d’accompagner les acteurs du secteur dans l’obtention de leur marquage CE. Focus sur la télésurveillance et le dispositif PECAN Vincent Vercamer A la date du 31 mai 2023, le parcours “nom de marque” du guichet de certification des DMN (ouvert le 6 mars dernier) compte une première application qui a franchi la première étape, en obtenant le certificat de sécurité et d’interopérabilité délivré par l’ANS. Le guichet pour le dispositif de Prise en Charge Anticipée (PECAN) est quant à lui ouvert depuis le 3 avril 2023 et une autre application numérique s’est également engagée dans cette procédure “fast track” d’accès au marché, que Vincent Vercamer, directeur de projets à la Délégation ministérielle du numérique en santé (DNS) décrit comme un potentiel tremplin pour accéder à un remboursement de droit commun de sa solution de télésurveillance. Pour rappel, la PECAN permet, pendant un an, le remboursement des solutions (DMN thérapeutiques ou activités de télésurveillance médicale) par l’Assurance Maladie. Pour en bénéficier, le porteur d’une solution en santé numérique aura dû d’abord obtenir l’indispensable sésame décerné par l’ANS (le certificat de sécurité et d’interopérabilité) puis passer par une évaluation de la CNEDiMTS, qui doit juger si la solution est suffisamment mature et innovante pour en bénéficier. Depuis le 23 mai dernier, on en sait un peu plus sur les différentes modalités d’entrée dans le droit commun des dispositifs de télésurveillance médicale (en particulier les tarifs de remboursement des solutions). D’ici l’entrée officielle dans le droit commun de la télésurveillance (fixée au 1er juillet 2023), les fabricants de solutions ayant bénéficié du programme ETAPES sont encore en attente de la publication de l’arrêté définissant les “lignes génériques”. La grille tarifaire concernant les prothèses cardiaques implantables est également attendue. “C’est une négociation plus complexe, explique Vincent Vercamer, car ces prothèses sont déjà prises en charge sur la LPPR, il s’agit de ne pas payer deux fois pour le même dispositif”. Si le syndicat des industriels du DM, le Snitem, s’impatiente et s’inquiète des délais contraints laissés aux fabricants pour passer les différentes étapes de ce parcours de certification (notamment pour les solutions ETAPES voulant entrer au 1er juillet dans le droit commun), Vincent Vercamer se veut optimiste et table sur une dizaine de solutions qui pourraient, d’ici la fin de l’année 2023, parvenir à un remboursement au travers de ces deux dispositifs. Télésurveillance : ce qui va changer avec l’entrée dans le droit commun Des trous dans la raquette Christelle Doën est présidente et fondatrice de CDHC, une agence de conseil en stratégie de market access et en financement des dispositifs médicaux. L’entrée dans le droit commun de la télésurveillance tout comme le dispositif PECAN constituent selon elle une réelle avancée et un facteur de compétitivité important pour la France, qui, rappelle-t-elle, est aujourd’hui le seul pays européen à avoir mis en place un système d’accès au remboursement aussi ambitieux à l’échelle européenne. Même le Diga allemand n’est pas allé aussi loin, ajoute-t-elle, puisque cette procédure fast track de mise sur le marché est limitée à certaines aires thérapeutiques (ce qui n’est pas le cas de la France). En revanche, elle regrette que toute une catégorie de DMN “ne rentre pas dans les cases : ceux qui ne font pas de la télésurveillance et qui ne rentrent pas non plus sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR), en somme tout l’équipement à usage collectif”, précise-t-elle. Typiquement, toutes les briques numériques qui s’ajoutent à des équipements pour aider à la décision (pensons à l’IA en radiologie) sont concernées et cherchent aujourd’hui leur modèle économique. Anatomopathologie et IA : la filière en quête d’un modèle économique Pour ces solutions, rappelle Vincent Vercamer, “le payeur, que ce soit une centrale d’achat hospitalière ou l’Assurance maladie, est en droit de poser la question de la valeur apportée au système. S’il reconnaît que pour ces solutions, “la France a encore une faible maturité en termes d’éléments de preuve”, il esquisse d’autres modèles économiques, comme celui consistant à valoriser une solution au travers des gains d’efficience qu’elle permet (pensons aux solutions d’IA utilisées en radiologie pour détecter des anomalies lors du dépistage de cancers). Faire plus d’actes, avec la même qualité de soins, permet pour un établissement de rembourser une solution. L’autre possibilité, beaucoup plus longue et incertaine, consiste à demander la création d’un nouvel acte (ce processus, qui implique de passer notamment par le Haut Conseil des nomenclatures, dure généralement plusieurs années). Evaluation des DMN : des spécificités à prendre en compte Aussi, fait remarquer Anouk Trancart, responsable Market Access au Snitem, “beaucoup de DMN apportent des bénéfices qui sont d’abord de nature organisationnelle. Ces bénéfices, doivent pouvoir être évalués, autant que des critères plus classiques d’impact direct sur la qualité de vie et la morbi/mortalité. Or, quelle valeur accorde-t-on aujourd’hui aux économies réalisées sur les temps de transport, le temps médical ?”, s’interroge-t-elle, regrettant que les critères d’évaluation des DMN soient encore trop calqués sur ceux du médicament. Aussi, si elle salue les initiatives publiques de l’entrée dans le droit commun de la télésurveillance et de la PECAN, elle ne cache pas son inquiétude quant aux modalités d’application de ces dispositifs, vraisemblablement échaudée par “la complexité des critères d’éligibilité pour accéder à certaines voies dérogatoires”. Le succès relatif du “forfait innovation” invite en effet les start-up et industriels à une certaine prudence. En tenant compte des technologies évaluées avant 2015, ce sont au total 18 technologies de santé (11 DM et 7 actes) qui ont obtenu un avis favorable de la HAS pour ce forfait. Seules 15 d’entre elles sont, ou ont été prises en charge après décision des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale. Le 3 mai dernier, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu pour la première fois un avis favorable au remboursement de droit commun d’un dispositif médical ayant bénéficié d’un forfait innovation… Forfait innovation : un premier avis favorable au remboursement Evaluer un DMN de prévention : le cas Biosency Sylvain Le Liepvre Sylvain Le Liepvre est responsable de la partie clinique chez Biosency, une start-up créée en 2017 qui développe et commercialise une solution de télésurveillance dans le domaine respiratoire. Leur solution vient tout juste de démontrer sa capacité à détecter les exacerbations de BPCO en moyenne 3 jours avant leur survenue. “Nous sommes sur un dispositif de prévention, avec logiquement des effets qui s’expriment sur un plus long laps de temps que dans le curatif”, témoigne Sylvain Le Liepvre. C’est donc plus dur à mesurer, cela coûte aussi plus cher. Mesurer de la prévention est un gros challenge, car le bénéfice préventif n’est pas bien pris en compte dans l’évaluation, fait-il remarquer. Aussi, une solution préventive sans plan d’action derrière n’a pas vraiment d’intérêt. Nous développons donc aussi les parcours de prise en charge précoce… ce qui revient un peu à réinventer la manière dont on fait de la médecine”. Coralie Baumard et Romain Bonfillon Assurance MaladieCommission EuropéenneDispositif médicalRèglementaireTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind