Accueil > Financement et politiques publiques > Inquiètes, les CROs appellent à “sauver l’excellence française” Inquiètes, les CROs appellent à “sauver l’excellence française” Alors que la plupart des géants de la pharmacie recentrent leurs stratégies de R&D sur quelques aires thérapeutiques et quelques sous-traitants, les CROs (Contract Research Organization ou sociétés de recherche sous contrat) françaises se voient confrontées à une concurrence accrue. Face à ce contexte, les freins réglementaires les empêcheraient d’innover et de rivaliser. C’est ce que dénonce dans un manifeste l’AFCROs, qui vient de faire paraître ce 18 juin son baromètre annuel de la recherche clinique en France. Par Romain Bonfillon. Publié le 18 juin 2024 à 17h50 - Mis à jour le 18 juin 2024 à 18h28 Ressources Des sous-traitants sous tension Dans une étude parue le 16 mai dernier le cabinet d’analyses Xerfi a cherché à comprendre comment la rationalisation des efforts de R&D des Big Pharma allait, à moyen terme, peser sur la croissance des CROs (Contract Research Organization ou sociétés de recherche sous contrat). De manière globale, le contexte est en effet peu favorable à ces entreprises confrontées à une réduction du nombre de leurs contrats. Mais les spécificités françaises pourraient bien alourdir encore ces difficultés. Damien Callet, directeur d’études chez Xerfi note ainsi dans un billet daté du 12 juin que “l’Hexagone souffre toujours de délais de démarrage administratifs supérieurs à ceux des autres pays”. L’un des moyens d’améliorer la compétitivité des CROs françaises serait de réduire les délais de lancement des essais cliniques à travers la mise en place de “fast tracks” pour garantir le démarrage des essais les plus innovants en 120 jours, contre environ 160 jours actuellement, préconise-t-il. L’étude de Xerfi fait écho aux observations faites par l’Association des entreprises françaises de la Recherche Clinique (AFCROs) dans son baromètre annuel. L’AFCROs y dénonce “les incohérences administratives et les pratiques bureaucratiques qui freinent l’accessibilité à l’innovation en santé”. Elle note cependant que “la récente crise sanitaire du Covid-19 a démontré que les systèmes administratif et réglementaire avaient la capacité de s’adapter et de faciliter le développement de thérapies ad hoc en raccourcissant drastiquement les délais des feux verts réglementaires”. Pas fataliste, donc, mais inquiète, l’AFCROs prévient : “la France est en train de perdre sa place dans la compétition mondiale”. À cet égard, une enquête des entreprises du médicament (Leem) datée de janvier 2024 a montré que la France était dépassée par l’Espagne, et désormais talonnée par l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le “baromètre annuel de la recherche clinique en France” de l’AFCROs s’intéresse, lui, à tous types d’études (médicaments, dispositifs médicaux, etc.) mais parvient à des conclusions semblables. Les enseignements du baromètre de l’AFCROs Publié le 18 juin 2024, le baromètre de l’AFCROs souligne que le nombre d’études cliniques à promotion industrielle a chuté d’environ 40% en un an. Même si les études à promotion académique permettent de maintenir un certain volume de recherche clinique en France, à l’instar des études issues des fabricants de dispositifs médicaux, “la tendance n’est globalement pas positive”, note l’AFCROs. Cette baisse, note cependant l’association, s’inscrit dans une tendance globale, avec un retour à une activité pré-Covid-19. Elle pourrait être due à une “difficulté dans le financement des biotech et medtech, susceptible de retarder les lancements des programmes de développement et des études cliniques qui étaient prévus”. À noter cependant que la France garde et consolide en 2023 son leadership européen en oncologie et sur les maladies rares. “Pour que la France revienne sur une trajectoire vertueuse qui pourrait lui permettre de retrouver un meilleur rang sur toutes les recherches, il devient nécessaire et urgent que des mesures favorables soient prises et les freins levés, notamment en s’inspirant de ce qui a réussi dans d’autres pays européens”, souligne l’AFCROs. Les mesures proposées Aussi, afin de “restaurer l’attractivité de la France”, l’AFCROs demande aux “instances gouvernementales et aux représentations nationales de prendre le sujet à bras le corps”, en adoptant un certain nombre de mesures : l’amélioration de la lisibilité et de la fluidité du parcours réglementaire (le règlement européen sur l’évaluation des technologies de santé (EU HTA) qui doit entrer en application en 2025 pour les médicaments anticancéreux est une source d’inquiétude pour beaucoup d’acteurs de la recherche clinique, compte tenu du flou qui perdure quant à ses modalités pratiques, ndlr) ; l’implication des autorités de santé (ANSM et comités de protection des personnes ) pour qu’elles s’engagent à respecter des délais réglementaires de revue des projets d’étude (pour les études de phase précoce, le délai moyen est de 90 jours au lieu des 60 jours effectifs dans l’ancien système). Aussi, pour les études de phase 1 mono-nationales, l’AFCROs souhaite que l’ANSM et les comités de protection des personnes (CPP) prennent l’engagement d’une revue sous 30 jours (comme cela se fait en Belgique, en Espagne et en Allemagne). Enfin, elle propose de “réintroduire une taxe aux soumissions d’études cliniques” qui permettrait de proposer plus de formations et de donner plus de moyens aux CPP afin de développer leur expertise ; la Cnil doit être impliquée dans ce processus de changement. La possibilité de déposer une demande d’autorisation Cnil en parallèle du dépôt auprès de l’ANSM et du CPP permettrait, selon l’association, de faire gagner deux à trois mois sur les délais actuels. L’AFCROs demande aussi à ce que soit mise en œuvre une méthodologie de référence spécifique aux essais cliniques décentralisés ; mettre fin à l’exception française de demande d’autorisation d’exportation et d’importation d’échantillons biologiques (qui pourrait permettre de faire gagner un mois lors de la phase de démarrage d’un essai). Tout un autre train de mesures proposées concerne les centres investigateurs et vise à renforcer leur efficacité et à mieux valoriser ceux qui sont les plus actifs. La question d’un accès simplifié au SNDS (Système National des Données de Santé) n’est pas éludée et l’AFCROs demande qu’un accès direct à une copie de la base soit accordé aux porteurs de projets travaillant depuis plusieurs années sur ces données. Enfin, pour développer la transparence et l’information sur les études pour les patients, les entreprises de la recherche clinique souhaitent que le développement du projet de la base de données ECLAIRE (Essais CLiniques Accessibles Interconnectés pour la Recherche ouverts à l’Écosystème) “reste une priorité inscrite dans la durée”, l’objectif étant de “rendre l’accès à l’information de chaque essai clinique visible pour le plus grand nombre”. Quelles pistes pour accélérer la recherche clinique ? Romain Bonfillon CNILDispositif médicalEssais cliniquesLaboratoiresMédicamentOrganisations professionnellesRechercheRèglementaire Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire L’AFCROs dénonce les délais d’accès au SNDS L’AFCROs publie son livre blanc sur les essais cliniques décentralisés Réutilisation des données de santé : la France peut faire (beaucoup) mieux