Accueil > Médias & Audiovisuel > “Les Français s’informent peu sur internet” “Les Français s’informent peu sur internet” Laurent Cordonier, sociologue et docteur en sciences sociales à Université de Paris, et Aurélien Brest, doctorant en sciences cognitives à l'Université de Bordeaux, ont publié fin 2021 une étude sur les comportements d’information en ligne des Français. Elle met en évidence un décalage entre déclarations et pratiques effectives, et l'importance de la consultation de sources d’information "non fiables". Par Contribution externe. Publié le 23 février 2022 à 20h16 - Mis à jour le 15 février 2023 à 19h39 Ressources Cette tribune été publiée une première fois sous licence Creative Commons sur le site de The Conversation Dans notre étude “Comment les Français s’informent-ils sur internet ? Analyse des comportements d’information et de désinformation en ligne”, réalisée pour la Fondation Descartes, nous avons décrypté la manière dont les Français consomment de l’information de type médiatique sur internet. Grâce à une méthode innovante, nous avons pu dresser un panorama riche et inédit de leur comportement d’information en ligne. Nous avons suivi durant 30 jours consécutifs – du 20 septembre au 19 octobre 2020 – le parcours informationnel sur internet de 2 372 personnes majeures résidant en France, sélectionnées de manière à composer un panel représentatif de la population. Les données de connexion des participants ont été enregistrées, urls visitées par urls visitées, sur leurs différents objets connectés personnels (ordinateurs, téléphones portables, tablettes). Au terme des 30 jours de l’étude, nous avons adressé aux participants un questionnaire les interrogeant sur les sources d’information en ligne qu’ils consultent et sur la fréquence à laquelle ils le font. 1 614 des participants ont accepté de répondre à ce questionnaire. Nous avons alors pu comparer leurs déclarations à la manière dont ils s’informent effectivement sur internet. Notre étude met en évidence que la part du temps de connexion des Français consacrée à la consultation d’informations médiatiques est, dans l’ensemble, faible. En moyenne, 3 % seulement du temps total passé en ligne par les participants à notre étude l’a été sur des sources d’information – ce qui, par participant, correspond à un peu moins de 5 minutes par jour de connexion à internet. Précisons que ces chiffres reflètent le temps passé par les participants à s’informer au moyen de leurs objets connectés personnels sur les 2 946 sources d’information en français que nous avons identifiées et retenues dans cette étude. Ils n’intègrent donc pas le temps qu’ils sont susceptibles d’avoir consacré à s’informer sur d’autres objets connectés que les leurs (ordinateurs professionnels, par exemple). “Les usagers consacrent beaucoup de temps à la consultation de réseaux privés pour s’informer” Il importe en outre de souligner que si, en moyenne, les Français s’informent peu sur internet, les comportements d’information en ligne sont en réalité extrêmement variables. Par exemple, si 17 % des participants à notre étude n’ont consulté aucune source d’information sur internet en 30 jours, ils sont 5 % à en avoir consulté durant plus de dix heures au total. Les sources d’information les plus consultées Les sources d’information les plus consultées par les participants au cours des 30 jours de l’étude sont des sources de la presse papier régionale. Les sources d’information dédiées à l’actualité sportive arrivent en seconde position du temps consacré par les participants à s’informer en ligne. Les sources en ligne de la presse papier nationale arrivent en troisième position de ce classement. Quant aux agrégateurs de médias, ils arrivent en quatrième position, suivis par les autres sources d’information généralistes. En nous intéressant aux sources d’information en ligne les plus consultées par les participants à notre étude, il est apparu que les 26 premières d’entre elles totalisent à elles seules 40 % du temps qu’ils ont consacré à s’informer en ligne. Ce “top 26” est largement composé de sources internet de médias traditionnels (Le Figaro, Ouest France, France Info, 20 Minutes, Le Parisien, Le Monde…) – une exception notable étant Wikipédia, qui se positionne comme la source d’information consultée par le plus grand nombre de participants au cours des 30 jours de l’étude. Dans l’ensemble, les grands médias traditionnels ont donc réussi à exploiter la visibilité dont ils jouissent hors ligne pour s’imposer comme des acteurs majeurs de l’information sur internet. Un décalage entre déclarations et pratiques effectives On observe un décalage marqué entre la manière dont les participants déclarent s’informer sur internet et celle dont ils le font effectivement. Par exemple, la figure suivante permet de comparer visuellement le classement de consultation de 15 sources d’information selon les déclarations des participants, d’un côté, et selon leur fréquentation effective au cours de l’étude, de l’autre. Sources d’information “fiables” et “non fiables” Enfin, nous avons utilisé dans cette étude un algorithme de la société française Storyzy afin de classer les sources d’information suivies selon une catégorisation binaire “fiable”/ “non fiable”. Nous avons comparé la catégorisation ainsi obtenue à celle proposée par Les Décodeurs du journal Le Monde. “Nos propositions pour une presse robuste, indépendante et plurielle” Il ressort de cette comparaison que les deux méthodes d’évaluation de la fiabilité des sources d’information aboutissent à des résultats largement cohérents entre eux. Cette catégorisation des sources d’information nous a permis d’évaluer l’exposition des Français sur internet à : des sites de désinformation généralistes (sites non fiables proposant des contenus sur des thématiques principalement sociales et politiques) ; des sites de désinformation en santé ; des sites de désinformation en science (sites non fiables proposant des contenus pseudoscientifiques) ; des sites satiriques ; des sites “pièges à clics” (sites dont les contenus n’ont pas pour but d’informer le lecteur, mais uniquement d’attirer son attention en vue de générer du trafic sur leurs pages). Nous avons ainsi pu constater que 39 % des participants ont consulté des sources d’information jugées non fiables au cours des 30 jours de l’étude. Ces participants y ont passé en moyenne 11 % de leur temps quotidien d’information sur internet, soit 0,4 % de leur temps total de connexion. Les sources de désinformation les plus visitées sont les sources généralistes non fiables, suivies des sources “pièges à clics” et des sources de désinformation en santé. _____ Par Laurent Cordonier, sociologue et docteur en sciences sociale à l’Université de Paris, et Aurélien Brest, doctorant en sciences cognitives à l’Université de Bordeaux Contribution externe EtudesFake newsSites d'actualitéTribunes Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Tribunes gratuit “Nos propositions pour une presse robuste, indépendante et plurielle” Tribunes gratuit "Les usagers consacrent beaucoup de temps à la consultation de réseaux privés pour s'informer" Tribunes gratuit "L'indépendance des médias est un défi juridique mais aussi financier" Entretiens Edouard Coudurier (Groupe Le Télégramme) : "Nous souhaitons faire des acquisitions dans de nouvelles activités médias" Tribunes gratuit "Xavier Niel n’a jamais donné la moindre indication sur sa stratégie à long terme avec la presse" Fake news et haine en ligne : un nouveau rapport veut responsabiliser les acteurs du programmatique Google continue de diffuser des publicités sur des sites niant le réchauffement climatique Tribunes gratuit "Le ciblage contextuel permet aux acteurs de la publicité d’éviter les blocages excessifs de sites par les mots-clés" Fake news : Facebook de nouveau accusé de laxisme Comment NewsGuard se positionne sur la brand safety des marques Tribunes gratuit Nicolas Rieul (IAB France) : "Créons des champions européens et mondiaux de la publicité numérique" Dossiers Fake news : comment des start-up veulent aider les médias en ligne à mieux crédibiliser leurs contenus Facebook prépare le lancement de son onglet d'actualités aux États-Unis Meta annonce des initiatives contre les fake news Entretiens Christian Röpke (Die Zeit) : "Faire payer un euro la période d'essai de l'abonnement numérique est plus efficace que de la rendre gratuite" Entretiens Rachel (Sleeping Giants) : “La disparition des cookies tiers pourrait contribuer à réduire le financement des médias haineux” Brand safety : Integral Ad Science veut mieux identifier les contenus de désinformation grâce à un partenariat Google accorde 25 millions d’euros à une fondation européenne de lutte contre la désinformation essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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