Accueil > Adtechs & Martechs > Sylvain Le Borgne (MediaMath) : “Les marketplaces représenteront rapidement 50 % des investissements sur notre plateforme” Sylvain Le Borgne (MediaMath) : “Les marketplaces représenteront rapidement 50 % des investissements sur notre plateforme” Recruté en juillet 2022 par la plateforme d'achat programmatique, Sylvain Le Borgne, qui était jusque-là head of media expertise & innovation du cabinet de conseil data Fifty-five, détaille le positionnement de MediaMath - recapitalisée à hauteur de 150 millions de dollars en 2022 - et sa vision sur les enjeux majeurs du marché programmatique. Par Paul Roy. Publié le 07 octobre 2022 à 9h49 - Mis à jour le 10 octobre 2022 à 12h03 Ressources Quels sont les chiffres clés de la société ? MediaMath compte aujourd’hui plus de 300 employés (contre plus de 500 en 2014 selon Business Insider), et gère environ 600 millions de dollars d’investissements publicitaires. Une grande partie de notre activité se concentre aux Etats-Unis. L’Europe est notre deuxième marché et nous accompagnons aussi des clients en zone APAC et en Amérique Latine. Quels sont les services que vous développez aujourd’hui ? Nous proposons principalement trois services. D’abord, une DSP omnicanal “full service”, existant depuis 14 ans, et qui permet aux agences ou aux annonceurs d’activer n’importe quel canal programmatique en direct. Nous fournissons également une DSP en “managed service”, destinée aux clients désirent internaliser leur activité d’achat programmatique ou qui ont un portefeuille d’investissement média éclaté. Enfin, nous commercialisons notre plateforme afin qu’elle soit intégrée dans l’offre publicitaire de notre client (DSP as a service). Ce type de dispositif est pertinent dans le retail media ou dans le secteur de l’entertainment (un partenariat majeur dans le secteur va être annoncé sous peu par la société, ndlr), pour proposer de l’extension d’audience ou gérer ses achats publicitaires. Fichiers ads.txt (1/2) : les éditeurs français ont augmenté de 72 % le nombre de leurs vendeurs et revendeurs programmatiques depuis 2019 Vous avez été recruté en juillet 2022 par MediaMath, en même temps que plusieurs cadres exécutifs. Quel est votre rôle au sein de la société ? J’ai été recruté pour reprendre la partie partenariats avec l’écosystème pour diriger l’équipe qui s’occupe des relations avec le côté offre publicitaire et les fournisseurs de data et de technologies. Une partie de mon rôle est de continuer le développement de cette équipe, et de plus en plus axer les partenariats autour de la technologie. La plateforme a été conçue pour pouvoir faire tourner des applications fournies par des fournisseurs extérieurs : algorithmes de bidding, solutions de mesure, de ciblage. J’ai pour mission première de m’assurer qu’elles trouvent une bonne place sur la plateforme. Sylvain Le Borgne 2022 Chief partnership officer and head of data & analytics de MediaMath 2019 Head of expertise & innovation de Fifty-five 2016 EVP global head of technology de Havas Media Group Pour être plus pertinent auprès de nos clients, il nous faut être beaucoup plus proches de leurs équipes analytics. Une autre partie de ma fonction se concentre sur la partie Data et Analytics, qui était auparavant fondue dans le service, et que MediaMath veut remettre en avant et séparer. Pour être plus pertinent auprès de nos clients, il nous faut être beaucoup plus proches de leurs équipes analytics. Si on revient cinq ans en arrière, les grandes marques n’avaient pas vraiment d’équipe analytics, il s’agissait avant tout d’équipes chargées de regarder le reporting envoyé par les agences et trading desks, puis de faire le suivi. En revanche, elles avaient déjà des équipes qui s’occupaient des données en interne, sur le CRM, la partie supply. On se rend compte que ces dernières ont progressivement pris en main la partie marketing. Elles ont aujourd’hui besoin de collaborer, qu’on leur fournisse davantage de données et qu’on travaille ensemble à la manière dont elles peuvent être exploitées. MediaMath a été particulièrement touché pendant la crise et cherchait un acquéreur. Les actionnaires ont finalement procédé à un refinancement à hauteur de 150 millions de dollars. Quelles ont été les difficultés rencontrées ces dernières années ? En premier lieu, MediaMath n’a pas réussi à maintenir sa part de marché face à DV360 (Google) et The Trade Desk, qui sont arrivés sur le marché avec des avantages concurrentiels. Google avec de l’accès à de l’inventaire propriétaire (avec notamment Youtube qui représente une grande partie du marché de la vidéo) et The Trade Desk avec une expérience utilisateur optimisée qui lui a donné un avantage dans le paramétrage et la gestion de la plateforme. MediaMath s’adressait lui à des traders aguerris. Plus généralement, la société n’a pas su se concentrer sur ses forces et s’est développé dans plusieurs directions : choix de certains marchés, développement sur l’axe “transparence du marché”, positionnement en tant qu’acteur généraliste, etc. Alors que dans le même temps, d’autres DSP sont apparues pour se spécialiser sur un média ou un type d’achat. Cette double concurrence a été difficile à gérer. Gwendal Bihan (Axionable) : “Il faudra faire des choix médias pour réduire l’empreinte carbone de la publicité” Comment MediaMath s’adapte à ce nouveau contexte concurrentiel ? La plateforme de MediaMath est solide, nos algorithmes de bidding sont performants et ils bénéficient d’une machine learning sur une très longue période. Nous devons toujours faire un effort pour qu’elle soit prise en main par des traders débutants, car le programmatique n’est plus réservé à des experts techniques. Les plus petites agences, les marques, et les traders multi-supports (dont le social), sont habitués à une UX simple fournie par Google et Facebook. Nous démarrons donc une refonte de l’interface depuis environ un an, et nous aimerions que le chantier soit terminé d’ici le début d’année prochaine. Nous le faisons de manière incrémentale et itérative pour avoir des retours de nos clients et aller vers plus de satisfaction. Nous démarrons donc une refonte de l’interface depuis environ un an, et nous aimerions que le chantier soit terminé d’ici le début d’année prochaine. Par ailleurs, nous avons reconcentré les équipes, autrefois éclatées dans l’ensemble des pays dans des pôles stratégiques. L’équipe technique a deux centres névralgiques en Inde et en Californie, et les équipes commerciales sont regroupées à New York et à Londres, avec des client success manager dans certains pays pour maintenir la qualité de services. Nous recrutons actuellement de manière agressive dans toutes les régions et prévoyons d’ajouter 50 personnes à nos effectifs cette année. Quels seront les principaux axes stratégiques de MediaMath sur les mois à venir ? Premièrement, de continuer à développer notre avantage sur les marchés réglementés. À titre d’exemple, dans le domaine du ciblage publicitaire enfants, sur lequel nous avons un fort savoir-faire. Nous sommes en relation avec Mattel qui apprécie le fait que nous garantissions un accès aux inventaires conformes à la children’s online privacy protection rule (loi fédérale de protection des données personnelles des enfants, ndlr). Le deuxième axe de développement est de continuer à pousser notre offre autour du retail media. Il y a un foisonnement d’acteurs du retail qui n’ont pas besoin d’une plateforme ou d’une solution adhoc, mais d’un outil plus agile, plus rapide à mettre en place pour donner accès à leurs inventaires. Notre but est aussi d’œuvrer à la structuration du marché de la TV connectée pour qu’il y ait plus de transparence, et une relation de confiance entre les éditeurs désireux de protéger leurs données propriétaires et les marques, qui doivent pouvoir mesurer et cibler leurs campagnes. Au regard des chiffres de plusieurs sociétés d’analyse des flux programmatiques, la part de marché de MediaMath reste encore anecdotique en France. Quelles sont les ambitions de développement sur le marché français ? Aujourd’hui, sur le territoire français, nous restons très proches de Havas qui est notre partenaire historique pour le display et la vidéo, et pour qui nous développons de plus en plus d’achat sur la TV connectée. Notre approche a toujours été “agence first”. Cinq personnes travaillent directement sur le marché français. Nous collaborons peu avec les autres groupes d’agences mais nous avons augmenté nos forces sur le terrain pour être à l’écoute du marché et accompagner l’onboarding du client. MediaMath a récemment annoncé son soutien à l’initiative d’identification unique portée par l’un de ses concurrents, The Trade Desk. Quel est le positionnement de la société sur l’identification post cookies tiers ? Et sur les autres alternatives comme Privacy Sandbox et le ciblage contextuel ? La stratégie de MediaMath n’est pas de développer son propre module d’identification, mais d’orienter l’achat média sur des identifiants qui généreront du reach sur les marchés, audiences, médias, que nos clients veulent adresser. Nous laissons aux professionnels de l’ID le soin de travailler sur le reach de leurs solutions d’identification. Concernant Unified ID, nous le considérons avant tout comme un projet open source, dont The Trade Desk est membre. Anthony Katsur (IAB Tech Lab) : “Les solutions de résolution de l’identité ne doivent pas simplement remplacer le cookie tiers” Sur les autres leviers post-cookies tiers, nous testons en fonction de ce qui est disponible, et nous regardons bien sûr de près Privacy Sandbox. Pour le contextuel, nous avons à la fois des solutions que nous développons en interne et des partenariats forts avec des sociétés externes comme Semasio. Ces dispositifs sont hybrides, utilisant à la fois les cookies tiers et l’analyse contextuelle pour comprendre quelles audiences sont liées à une typologie de contexte. Nous arrivons à des résultats très positifs en utilisant l’URL, le moment de la journée comme paramètre de ciblage, tout en restant respectueux de la vie privée du consommateur. Toujours sur ce point, comment répondez-vous aux principales problématiques pour les DSP que sont la mesure et le frequency capping ? Le fait d’avoir un bidder utilisé depuis des années permet qu’il y ait “un réflexe” dans le choix des opportunités d’enchères : on va favoriser dans un premier temps les identifiants persistants, et ensuite étendre ces pratiques en utilisant un complément contextuel. Et ainsi déterminer des plages de temps ou des contextes plus fins sur lesquels il faut limiter la répétition d’une même impression. Nous mesurons ensuite le trafic généré auprès du client pour voir si ces campagnes lui amènent réellement un reach supplémentaire. Depuis sa création, The Trade Desk fait du SPO et d’un accès plus direct à l’inventaire son cheval de bataille. Comment MediaMath se positionne-t-il sur ce sujet ? Nous avions un “first-mover advantage” qui a été mal utilisé. Il y a trois ans, nous avons lancé notre protocole, baptisé Source, qui permet aux utilisateurs de la plateforme d’avoir une totale transparence sur ses achats programmatiques. Il offre la possibilité de savoir quelles sont les étapes dans la supply chain, qui sont les acteurs en jeu, et leur efficacité. Un scoring des acteurs en fonction de leur capacité ou volonté à partager des informations financières à chaque maillon de la chaîne a notamment été mis en place. Aujourd’hui, environ un tiers des investissements sur MediaMath sont réalisés via ces places de marché, et nous allons tendre rapidement vers les 50 %. Pourquoi le marché programmatique s’ouvre aux curated deals Cela permet à nos clients, en plus d’avoir accès à ces informations là, de créer leur propre supply path, au sein de places de marché privée – avec en leur sein des deals négociés avec des acteurs côté vente, ou des possibilités d’achat aux enchères sur des acteurs qu’ils ont choisis, et sans revendeur qui pourraient s’interposer. Aujourd’hui, environ un tiers des investissements sur MediaMath sont réalisés via ces places de marché, et nous allons tendre rapidement vers les 50 %. Comment MediaMath se positionne-t-il sur les différents leviers programmatiques autres que le display ? Il y a trois axes prioritaires en termes de croissance, qui sont la TV connectée, le retail media et l’in-game. Et ce pour des raisons différentes. La CTV, dont l’intérêt est inhérent au format, parce qu’elle permet de toucher des audiences larges et plus qualitatives ; le retail media pour l’utilisation des données transactionnelles afin de cibler les utilisateurs au moment de l’attention d’achat ; sur la partie in-game, notre intérêt s’explique par les formats et des cibles qui passent de plus en plus de temps sur les jeux depuis le début de la pandémie. Sur la CTV, on ne se jette pas dessus parce qu’on pense que ce segment de marché n’est pas mûr. Aujourd’hui, la plupart des achats en CTV sont faits à l’aveugle. On achète en programmatique avec tous les inconvénients du linéaire. Le marché n’a pas encore réussi à créer la transparence et la lisibilité disponible sur le programmatique. Nous cherchons donc à construire les bonnes solutions pour que ce levier soir vertueux et fonctionne, plutôt que d’être contraint à acheter à des CPM très élevés sans avoir aucun contrôle sur la diffusion, ni aucune métrique déduplicable. Notre enjeu est avant tout de développer des outils de mesure du reach et de fréquence publicitaire, quel que soit le marché sur lequel nous travaillons et quelles que soient les réglementations en vigueur. Aujourd’hui, la plupart des achats en CTV sont faits à l’aveugle. On achète en programmatique avec tous les inconvénients du linéaire. Notre deuxième priorité sur ce levier est de convaincre les sources d’inventaires de partager les données de contexte avec nous. On veut pouvoir monitorer et rapporter à nos clients à quels endroits ont été insérées leurs campagnes, dans quel contexte elles ont été diffusées. C’est ce qui est primordial pour que, plutôt que de capter des budgets Youtube, la CTV se pose en vrai levier complémentaire de la télévision linéaire. Aux Etats-Unis, le marché se structure, mais en Europe il y a moins d’acteurs, et il y a encore beaucoup à faire pour rallier tout le monde vers le mode d’achat et de mesure. C’est ce rôle que nous voulons jouer. Le secteur adtech commence réellement à prendre conscience de la nécessité d’organiser sa transition écologique. Quelles sont la stratégie et la vision globale de MediaMath sur ce sujet ? Nous sommes en train de mettre à jour nos sources d’inventaires selon un critère de développement durable, et ainsi permettre à nos clients de pouvoir prioriser les sources d’inventaires qui sont les plus respectueuses de l’environnement. MediaMath s’est associé à Scope3 pour être capable d’inclure dans l’achat programmatique un CPM incrémental et ainsi compenser l’émission carbone générée. Sur l’activité de place de marché, nous mettons en avant l’inventaire qui est garanti neutre en carbone par les sources, et nous travaillons également en direct avec des SSP ayant elles-mêmes des partenariats avec Scope3, à l’image d’Index Exchange. 5 leviers activables par les sociétés adtechs pour réduire leur impact carbone La prise de conscience doit être globale sur le marché. Si l’on se concentre sur ce qui génère du carbone, il s’agit avant tout des enchères inutiles. Que ce soit sur les inventaires qui ne sont pas d’une qualité suffisante, ou ceux qui arrivent sur une place de marché après trois ou quatre cycles de revente. Il y a également la responsabilité côté demande de vouloir acheter toujours plus bas et faire des enchères quasiment perdues d’avance. Si d’un côté l’offre proposait un inventaire plus trié, moins volumétrique et in fine plus qualitatif ; et que de l’autre, la demande ciblait réellement ce qui l’intéresse au bon prix, cela augmenterait mécaniquement le “win rate”, et diminuerait l’empreinte carbone du secteur. Paul Roy Achat programmatiqueAdtechDSPSSP Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Analyses Entretiens Gwendal Bihan (Axionable) : “Il faudra faire des choix médias pour réduire l’empreinte carbone de la publicité” Mesure TV unifiée : la solution OpenID devient interopérable avec plusieurs SSP majeures Ipsos s’associe à Adform pour une solution d'attribution et de mesure post-cookies tiers Analyses Etudes de cas Comment Realytics veut calculer l'empreinte carbone de l’achat publicitaire en télévision Analyses Dossiers 5 leviers activables par les sociétés adtechs pour réduire leur impact carbone Criteo lance une DSP unique pour son offre retail media et programmatique PubMatic renforce son offre de SPO en acquérant une société de mesure Analyses Dossiers Apple Search Ads de plus en plus important dans les investissements marketing des promoteurs d'applications mobiles Analyses Dossiers La gestion du paiement est devenue un enjeu central pour les acteurs de la vente programmatique essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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