Accueil > Médias & Audiovisuel > Carine Jean-Jean (RTL Group) : ”Les broadcasters doivent s’allier” Carine Jean-Jean (RTL Group) : ”Les broadcasters doivent s’allier” Carine Jean-Jean, vice-présidente brands et communications de RTL Group, et directrice générale de son activité en France, dresse le bilan de l’activité vidéo programmatique du groupe média allemand, RTL AdAlliance, qui veut mutualiser les inventaires vidéo et hors vidéo premium des éditeurs européens. Elle souligne la nécessité, pour les groupes audiovisuels, de créer davantage de projets communs et d’alliances pour s’adapter au marché et mieux rivaliser face aux plateformes. Par Jean-Michel De Marchi avec Raphaële Karayan. Publié le 20 juin 2025 à 15h58 - Mis à jour le 24 juin 2025 à 10h40 Ressources Quel bilan faites-vous de la réunification des activités programmatiques du groupe RTL ? Que représente RTL AdAlliance désormais ? Nous avons effectivement fait évoluer ces trois dernières années notre organisation, avec la fusion de notre activité de régie vidéo internationale représentant de nombreuses chaînes TV européennes, dénommée alors RTL AdConnect, et l’activité média de SmartClip, société adtech du groupe qui disposait d’un important réseau d’éditeurs numériques. Cette fusion avec un acteur digital complémentaire a permis d’unir nos inventaires, nos équipes et nos offres, pour former une entité plus forte, désormais baptisée RTL AdAlliance. RTL AdAlliance incarne la commercialisation vidéo mutualisée du groupe RTL en Europe, et se veut l’alliance la plus large possible des éditeurs vidéo européens, au-delà du seul périmètre du groupe. Dans notre alliance figurent des centaines d’autres éditeurs médias. Le groupe ne communique pas de chiffres précis sur ses résultats, qui sont bons néanmoins. Notre offre est très large : entre 100 et 150 chaînes de télévision, comme celles des groupes Rai, BBC, ITV, DPG, Antenna, Sexta, etc., des plateformes de streaming, ainsi qu’un inventaire digital hors vidéo représentant environ 3 000 publishers dans le monde. Nous sommes présents dans une quinzaine de pays, avec des bureaux commerciaux dans toute l’Europe ainsi qu’aux États-Unis. Les offres publicitaires vidéo sont de plus en plus nombreuses. Comment vous positionnez-vous pour vous différencier ? Par la puissance et la qualité de l’inventaire. Son ouverture aussi. Le groupe RTL est un créateur de contenus, et c’est cette culture qu’on revendique : une approche qualitative, éditorialisée et régulée. On défend un cercle vertueux entre annonceur, média, et contenu. Cela se traduit au niveau commercial par une double mission. D’un côté, nous accompagnons les annonceurs globaux ou internationaux dans leur stratégie de communication vidéo à l’échelle européenne, ce que nous appelons la “total video”. De l’autre, nous proposons aux éditeurs digitaux, chaînes de TV et acteurs du streaming, d’utiliser nos plateformes technologiques pour monétiser leur inventaire via notre réseau. Cela nous positionne à la fois comme régie, facilitateur technologique, et partenaire stratégique. Nous couvrons 90 à 98 % des internautes dans une quinzaine de pays européens, dont la France. Quelles sont vos activités en France ? Notre bureau français, que je dirige, représente une cinquantaine de personnes. Il commercialise l’intégralité de l’inventaire que j’ai mentionné (TV, streaming, vidéo numérique), à destination des annonceurs français qui ont une approche internationale. Nos interlocuteurs sont souvent les départements internationaux des agences, ou des annonceurs basés en France mais qui investissent dans d’autres marchés européens. Cela inclut de grandes marques internationales, notamment dans le luxe, les cosmétiques, etc., mais aussi des plateformes verticales, par exemple des acteurs du voyage, qui centralisent leur achat média, même à l’étranger. En France, nous sommes une cinquantaine, tous basés à Paris. En Europe, RTL AdAlliance compte environ 300 collaborateurs répartis sur 15 marchés, principalement en Europe occidentale : France, Allemagne, Benelux, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Suisse, Autriche, Suède, Danemark, Finlande, et Pologne et cours de structuration pour les alliances. Quelles sont vos relations avec M6, autre acteur de RTL Group, et sa régie publicitaire ? C’est une question fréquente, notamment parce que nous partageons la marque, RTL. Pour clarifier, RTL, la radio, est détenue et commercialisée par M6, lui-même détenu à 49 % par le groupe RTL. En revanche, RTL AdAlliance est détenue directement et à 100% par RTL Group. Nous travaillons avec M6 et nous représentons son offre à l’international. Nous sommes très complémentaires de M6 Publicité, qui gère le marché français. De notre côté, nous lui apportons des campagnes internationales ; par exemple un annonceur étranger qui veut déployer une campagne en France, mais qui n’a initialement pas intégré M6 dans son plan média. Nous intervenons alors pour le mettre en relation avec le groupe, le conseiller et l’accompagner. Nous travaillons main dans la main avec M6, dans une logique d’alliance commerciale. C’est une collaboration concrète, structurée et productive. Cela se traduit par des revenus incrémentaux, avec un système de commission. Nous ne communiquons pas de chiffre, mais les volumes sont conséquents. Quelles sont les grandes tendances que vous observez sur le marché ? Ce qui émerge fortement, c’est la nécessité de faire des alliances : les broadcasters doivent s’allier, y compris avec ceux qu’ils considéraient comme des concurrents frontaux autrefois, dans un marché où les plateformes américaines sont de plus en plus visibles. Au niveau des chaînes, l’Europe reste fragmentée : chaque marché raisonne encore de manière nationale. Sur le plan publicitaire, des alliances émergent, autour de l’accès à l’inventaire, sans fusion de structures, mais il faut accélérer. C’est exactement ce que nous faisons. Pour notre part, on s’y emploie et on veut faire entendre la voix des médias européens, défendre leur valeur et leur vision. On veut aussi éveiller les consciences : aujourd’hui, il est vital pour la démocratie de préserver une information vérifiée et un journalisme exigeant. Les annonceurs doivent prendre conscience de leur responsabilité dans les choix de leurs investissements médias. Ce n’est pas pour culpabiliser ou accuser, mais pour rééquilibrer un écosystème devenu très déséquilibré sous l’effet des plateformes et des réseaux sociaux, comme on l’a vu aux États-Unis. Quel constat faites-vous des comportements et attentes des annonceurs ? On constate que certains annonceurs évitent toujours les contextes liés à l’actualité, jugés trop anxiogènes. Mais notre position est claire : les spectateurs savent faire la part des choses. Il faut cesser d’opposer contenu d’actualité et image de marque. Les réseaux sociaux ne sont pas plus sécurisés et rentables en réalité. On veut créer ce débat, éveiller les consciences, inciter à une consommation média plus équilibrée. Les annonceurs attendent une simplification de l’achat média. Est-ce que vous travaillez en ce sens ? Oui, la simplification est effectivement une forte demande des annonceurs. Nous avons récemment lancé AdManager, notre plateforme d’achat en self service. C’est un outil unique en Europe, lancé il y a quatre mois, qui permet de réserver en direct notre inventaire publicitaire européen. C’est une étape majeure pour rendre plus accessible notre offre paneuropéenne, ce qui l’autre grande attente. Il n’existe pas encore, en effet, d’unification sérieuse au niveau européen. Chaque marché a ses propres initiatives. En France, Médiamétrie est très avancée avec le projet cross média. Il y a des efforts au Royaume-Uni, aux États-Unis. En Allemagne, on en est à un stade encore préliminaire, au niveau de simples discussions. Quels sont vos projets désormais ? Nous travaillons sur plusieurs projets d’alliances avec des éditeurs locaux leaders dans leurs marchés, dans deux pays différents. Nous sommes aussi en discussion avec des plateformes de streaming globales. Ce sont des projets prévus dans les prochains mois. Propos recueillis par Jean-Michel De Marchi Brand safety : la dialogue de sourds entre annonceurs et éditeurs Lors d’une table ronde organisée par RTL jeudi 16 juin aux Cannes Lions, consacrée à la brand suitability dans les environnements de médias d’information, les représentantes des annonceurs Reckitt (AirWick, Veet, Durex…) et de Luxottica (Ray-Ban, Oakley…) ont expliqué que le risque et le manque de contrôle sur les contenus étaient le principal obstacle à leur usage des médias d’information dans leurs campagnes. “Nous passons des années à construire une marque. On ne peut pas se permettre de la mettre en danger. Nos lignes directrices de marque sont très strictes”, explique Gordana Buccisano, global brands strategy director chez Reckitt. Elle a souligné que le groupe avait même mis en veille tous ses investissements dans les médias d’information l’année dernière, à cause de l’actualité jugée anxiogène. Et l’argument de la responsabilité morale n’a pas sa place dans ces choix. “La moralité, c’est relatif. Pour nous, ce sont nos lignes directrices de marque, qui font des centaines de pages, qui passent en premier”, affirme Caroline Proto, marketing director global media chez Luxottica. Pas question non plus de juger l’opportunité d’investir sur tel ou tel média au cas par cas. “Toute notre organisation est bâtie pour que l’on s’adresse au plus grand nombre et de façon large”, explique Gordana Buccisano. Des arguments que Stéphane Coruble, CEO de RTL AdAlliance, juge regrettables, et qu’il va tenter de combattre notamment au niveau européen, au sein de l’Association des régies publicitaires radio et télévision européennes (EGTA), à la présidence de laquelle il remplacera Laurent Bliaut (TF1 Pub) l’année prochaine. Le débat sur le fléchage des budgets publicitaires des annonceurs vers les médias, qui est ressorti dans le cadre des États généraux de l’information en France, transcende les frontières et touche aussi l’Allemagne, patrie de RTL. “Nous avons ces débats en Allemagne, mais on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un mouvement général. Il y a notamment ‘Initiative 18’, qui vise à ajouter dans la Stratégie de développement durable de l’Allemagne, qui s’appuie sur les 17 objectifs de développement durables des Nations Unies, un 18e objectif, affirmant que le maintien de la pluralité des médias est constitutif d’une société démocratique. Ses promoteurs essaient de la porter auprès du gouvernement”, nous indique Frank Vogel, DG de Ad Alliance, la plus grande régie cross média allemande. Initiative 18 est notamment portée par des dirigeants d’OMG Allemagne. “L’exclusion des informations existe dans tous les médias, mais la proximité de l’information varie d’un canal à l’autre. En TV linéaire ou en presse, le tunnel publicitaire arrive après un jingle ou la météo, ou après avoir tourné la page. Sur internet, l’internaute est exposé à tous les messages au même endroit. Cependant, se contenter de listes d’exclusions n’est pas la solution, poursuit Frank Vogel. Sans encadrement législatif, il est fort probable que rien ne changera. Même si je ne suis pas un grand adepte de régulation, je pense qu‘il pourrait s’avérer nécessaire d’en passer par là, et il serait certainement logique de placer cette régulation au niveau européen, mais cela prendrait plus de temps.” Raphaële Karayan Jean-Michel De Marchi avec Raphaële Karayan Alliances éditeursCannes LionsPublicité programmatiquePublicité vidéoRégiesTransformation de l'audiovisuelTV Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire ID uniques : M6 Publicité choisit Utiq Campagnes cross-médias : ProSiebenSat.1 et Freewheel nouent un partenariat Vers un rapprochement de Rossel et IPM en Belgique ? Analyses Google reconnu coupable d’abus de position dominante aux Etats-Unis : quel impact pour l'adtech ? Google également coupable d’abus de position dominante dans l’adtech aux États-Unis Smartclip intègre sa mesure des campagnes cross-TV dans sa SSP essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? Le New York Times affiche toujours une croissance très robuste portée par le numérique data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché Le classement des éditeurs français qui ont le plus d'abonnés purs numériques Les données récoltées par les acteurs de la publicité en ligne La liste des sociétés présentes dans les fichiers ads.txt des éditeurs français Les gains de budget des agences médias Opt-out : quels éditeurs français interdisent les robots crawlers de l'IA générative ? Le panorama des sociétés spécialisées dans les technologies de l’e-retail media La liste des outils utilisés par les équipes éditoriales, marketing et techniques des éditeurs français Le détail des aides à la presse, année par année La liste des CMP choisies par les principaux médias en France Digital Ad Trust : quels sites ont été labellisés, pour quelles vagues et sur quel périmètre ?