Accueil > Marques & Agences > Streaming vidéo : agences médias et marques portent un regard critique sur les offres publicitaires de Disney+ et Netflix Streaming vidéo : agences médias et marques portent un regard critique sur les offres publicitaires de Disney+ et Netflix Initialement observée avec inquiétude par les régies des télévisions, le lancement de la publicité vidéo sur Netflix en novembre 2022 ne suscite toujours pas d’engouement très poussé chez les annonceurs, pas plus que celui sur Disney+ amorcé ces dernières semaines, tant leurs offres sont encore succinctes. Mais les acheteurs médias parient sur un bouleversement à partir de 2025, et le déploiement d’Amazon, qui s’appuiera sur sa data consommateur, est très attendu. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 24 novembre 2023 à 17h35 - Mis à jour le 29 novembre 2023 à 7h59 Ressources “Tout ça pour ça ?” L’expression qui nous a été soufflée mi-novembre par un directeur de trading en agence média, interrogé sur le lancement de la publicité sur Disney+ en France, résume à elle seule le sentiment de la demi-douzaine de responsables en agence et chez l’annonceur sollicités par mind Media ces dernières semaines. “L’offre de Disney est pauvre et décevante, avec les mêmes travers que celle de Netflix. Leur talent marketing et l’innovation associée suffit pour attirer quelques marques qui ont l’habitude de tester les dispositifs, mais il faudra proposer beaucoup mieux. J’ai davantage de clients intéressés pour tester la publicité en télévision segmentée”, poursuit ce dirigeant expérimenté. “Ce n’est pas un non-événement total, mais il faut relativiser, observe un autre dirigeant d’une grande agence, expert dans la publicité vidéo. L’offre n’est pas exactement la même que celle de Netflix il y a un an, mais elle a les mêmes fondamentaux, positifs comme négatifs. À savoir une audience plus jeune et un contexte premium, mais proposés là aussi à un tarif très élevé, sur un inventaire qu’il faut construire en partant de zéro, sans mesure tierce et sans ciblage optimal.” [Etude mind Media] Quelles sont les premières marques présentes sur Disney+ en France ? Les agences se montrent donc circonspectes. Leurs clients annonceurs tout autant, même si le potentiel offert par ces nouveaux acteurs publicitaires intéresse, a l’image de Michaël Nathan, directeur général du SIG, qui déploie quelques campagnes : “Notre stratégie média est d’abord réfléchie sous l’angle de la performance et de l’efficacité. Et c’est en ce sens que nous pensons intéressant de tester leurs formats publicitaires. Le contrat est clair ici entre le support et l’utilisateur, nous traitons une cible plus réceptive qui a librement choisi d’être exposée à la publicité. Deuxièmement, nous sommes sur des formats plus qualitatifs qui seront visionnés à 100 %. Enfin, nous adressons une cible intéressante, relativement jeune qui a une consommation de la vidéo en dehors de la télévision linéaire.” Selon notre constat, 25 marques étaient présentes au lancement de la publicité sur Disney+ en France entre le 1er et le 10 novembre dernier. Parmi les principaux annonceurs durant les 15 premiers jours figuraient des marques des groupes LVMH (Guerlain, Dior, Sephora…), L’Oréal (Lancôme, Mugler, Cadum, Laboratoires Vichy…), Puig (Rabanne, Nina Ricci), le gouvernement ou encore E.Leclerc. C’était 21 sur Netflix début novembre 2022. Un marché attentiste Disney+ a été utilisé en très léger complément de campagnes TV, avec des petits tickets de quelques dizaines de milliers d’euros tout au plus ou, plus rarement, sous forme d’opération spéciale à l’approche de Noël. Guerlain (LVMH) compte parmi les rares annonceurs à avoir été présent aussi bien au lancement de la publicité sur Netflix que sur Disney+. La publicité vidéo est un format important pour la marque et représente environ 50 % de ses investissements médias en ligne. “Les offres des plateformes de streaming sont prometteuses, avec des environnements brand safe, la capacité à toucher des audiences plus jeunes qu’en TV linéaire et avec des spots plutôt bien acceptés, car moins nombreux. Mais ce sont des petits tickets, de quelques dizaines de milliers d’euros à peine, pour tester, car le prix est cher et la couverture encore faible. On attend le ciblage qui est annoncé”, souligne Jérôme Grange, directeur média de Guerlain en France, interrogé par mind Media. “Disney n’a semble-t-il pas tiré les leçons du lancement de Netflix il y a un an. Dans tous les cas, on ne construit pas un plan média en fonction des plateformes de streaming, ce sont des petits compléments”, abonde notre directeur de trading en agence média. Beaucoup d’annonceurs se montrent attentistes et scrutent l’amélioration en cours de l’offre, promise par Netflix depuis fin 2022 déjà. “Le lancement de la publicité sur la plateforme a été un peu laborieux et les tarifs très chers (40 euros nets le CPM sans ciblage, ndlr), souligne Olivier Roz, directeur des médias et nouveaux médias du Groupe La Poste. Notre groupe a tendance à appuyer les lancements de nouveaux produits dans la presse ou les médias traditionnels. Pour Netflix, comme d’autres annonceurs, nous avons préféré attendre la structuration de l’offre et une couverture plus importante.” Le 16 novembre, le groupe vient néanmoins de débuter “une campagne de petite envergure” sur Disney+ pour son produit Colissimo, ”avec une logique de préférence de marque pour l’envoi de colis pour les fêtes, sur une cible jeune”, ajoute Olivier Roz. [Info mind Media] Olivier Roz va quitter La Poste pour créer un cabinet, Karen Weber lui succède comme directrice des médias et nouveaux médias Une couverture toujours insuffisante, mais des signaux positifs Ni Netflix, ni Disney n’ont souhaité prendre la parole dans cet article. Point positif : plusieurs interlocuteurs saluent leur approche ouverte et les discussions entamées ces derniers mois avec eux pour recueillir leurs besoins et améliorer l’offre publicitaire. La commercialisation publicitaire de Disney+ est réalisée par Renaud Guillemot, directeur de la distribution et de la publicité de la plateforme, secondé au sein de son équipe par Marjorie Guedj, responsable de la régie publicitaire. “On les sent à l’écoute et dans la co-construction de l’offre, c’est positif”, souligne Olivier Roz. Autre point positif, Disney+ va facturer “au réel” : la plateforme demande un engagement de deux mois, en novembre et décembre, pour avoir le temps de délivrer les inventaires définis pour la campagne. Mais si le volume d’inventaires n’est pas atteint, il ne sera pas facturé et la société n’oblige pas les annonceurs à un report sur l’année suivante. C’était la pratique mise en place par Netflix fin 2022 et début 2023 pour plusieurs campagnes qui a échaudé les marques. Ce satisfecit est également donné désormais à Netflix, qui depuis la création de sa régie publicitaire en France, dirigée par Florence Trouche, ancienne directrice commerciale de Meta France, se montre plus avenant. “Leur approche commerciale évolue. Ils ont pris le temps au cours du deuxième semestre d’écouter davantage le marché et de préparer une offre qui sera un peu plus en phase avec le marché pour l’année prochaine. Il y a beaucoup de nouveautés qui arrivent dans l’offre et qui nous semblent très positives, avec des élargissements de secteurs annonceurs, des capacités de ciblage un peu plus importantes, même si beaucoup reste à faire. Netflix commence à atteindre les standards du média télévision. On va progressivement vers du ciblage socio-démographique et géographique, ça va dans le bon sens. Ils augmentent l’inventaire, ils peuvent donc commencer à améliorer la granularité de leur offre”, souligne Bertrand Nadeau, directeur général d’Omnicom Media Group France. Il faut dire que les objectifs qui avaient été présentés par Netflix en octobre 2022 à certaines agences, quelques semaines avant le déploiement de son offre avec publicité dans l’Hexagone, étaient selon nos informations particulièrement ambitieux : 114 000 comptes souscripteurs de l’offre en en un mois, donc fin novembre 2022, puis 330 000 fin décembre 2022. Avec un objectif de 2,6 millions d’utilisateurs pour cette offre freemium en France, en septembre 2023. Netflix tablait alors sur 900 millions d’impressions disponibles au dernier trimestre 2023. Olivier Baconnet (GroupM France) : “L’offre publicitaire de Netflix est déconnectée de la réalité du marché” (novembre 2022) Les chiffres ont été rapidement revus à la baisse, avec, dès décembre 2022, un mea culpa et la promesse devant quelques journalistes dont mind Media de revoir et améliorer son dispositif publicitaire. Un an plus tard, la réalité est d’ailleurs très éloignée de ces chiffres. L’entreprise a communiqué ces dernières semaines le chiffre de 15 millions d’abonnés dans le monde pour son offre avec publicité. Selon nos informations, les représentants de Netflix en France revendiquaient dernièrement 750 000 téléspectateurs pour cette offre. Le chiffre a été communiqué à des acheteurs médias début novembre 2023. Il s’agit du nombre de profils différents créés sur sa plateforme au sein des comptes abonnés à cette offre avec publicité. Sur cette base, si on considère qu’un abonnement à Netflix est utilisé par 2 à 2,5 personnes, son nombre de souscripteurs se situerait entre 300 000 et 370 000. Une offre publicitaire vraiment premium ? Ce n’est plus plus anecdotique, mais cela reste très éloigné des attentes de couverture de la population exigée par les marques en publicité vidéo. Inévitablement, le volume d’impressions publicitaires disponible n’était souvent pas suffisant pour délivrer les campagnes, malgré leur taille modeste (souvent quelques dizaines de milliers d’euros). Pourquoi l’abonnement avec publicité de Netflix ne suscite-t-il pas davantage d’engouement auprès des consommateurs ? Le positionnement tarifaire de l’offre pose question. Son tarif est fixé à 5,99 euros, à côté de trois offres d’abonnement sans publicité, à 10,99, 13,49 et 19,99 euros par mois. Même tarif chez Disney pour l’offre avec publicité, à côté de deux offres d’abonnement sans publicité, à 8,99 et 11,99 euros par mois. “La réduction tarifaire de l’offre avec publicité n’est pas jugée suffisamment intéressante par les téléspectateurs ”, observe notre directeur de trading en agence. L’engagement et la valeur publicitaire de ces nouvelles audiences sont également questionnées. “Netflix promet aux marques un contexte et des audiences premium et les vend très cher aux annonceurs. On peut s’interroger sur cette réalité quand l’offre est proposée à un tarif très inférieur à ceux des offres payantes : ces utilisateurs sont-ils encore des CSP+ ? Quelle relation ont-ils avec la plateforme et la publicité ?”, s’interroge ainsi Olivier Roz (La Poste). L’impact sur les régies publicitaires des chaînes TV est pour l’instant anecdotique ; il n’y a pas encore de déplacements de budgets significatifs de la part des annonceurs de la télévision linéaire vers les plateformes. “Ce sont pour l’instant des investissements intégrés dans nos budgets pour la vidéo en ligne, sans doute pendant deux ou trois ans encore. Ensuite, avec l’évolution des offres et la couverture offerte, ce sera forcément au détriment de la TV linéaire : il faut être réaliste, ses usages baissent de façon structurelle. La télévison ne se résume déjà plus à un média de masse”, souligne Jérôme Grange (Guerlain). Ce qu’il faut retenir de notre conférence mind Media Day sur les enjeux de la vidéo du 18 octobre 2023 L’arrivée d’Amazon Prime Video très attendue Les deux plateformes vont sans doute continuer à ajuster la segmentation et la politique tarifaire des offres, notamment via des expérimentations. Jusqu’à diminuer le prix de l’offre avec publicité voire la rendre gratuite pour attirer une taille critique de téléspectateurs ? C’est la conviction de certains acheteurs. Cela en ferait des concurrents frontaux pour les chaînes de télévision. Mais la décision est peu évidente à prendre : cela obligerait ces plateformes à revoir profondément leur modèle économique et mettrait en péril leurs revenus tirés de l’abonnement. Un risque élevé pour des sociétés cotées en Bourse. Le marché de la publicité sur les plateformes de streaming vidéo mettra sans doute encore deux ans avant de s’installer et éventuellement de faire déplacer les budgets vidéo et TV, soit vers 2025. En attendant, les marques oscillent entre test and learn et attentisme, selon leur stratégie et leur appétence à l’expérimentation. Le déploiement d’Amazon Prime dans la publicité vidéo, prévue au troisième trimestre 2024 en France, suscite néanmoins une adhésion largement partagée par les acheteurs interrogés par mind Media. “Amazon offrira immédiatement une couverture importante, une connexion avec son adserver et ses données consommateurs, c’est un atout énorme”, souligne Guillaume Goudal, head of media France de L’Oréal. L’arrivée de Warner Max également. La plateforme de Warner Bros. Discovery sera lancée en France probablement à l’été 2024 ou peu après, avec les séries de HBO et des contenus populaires, comme la saga Game of Thrones et des séries comme The Wire ou Les Soprano. La concurrence sera donc extrêmement forte à partir de fin 2024. Les groupes de télévision (TF1, France Télévisions, Canal+, M6) ont encore un an devant eux pour se préparer. Les dirigeants des groupes TV français présentent leur vision du marché et leur stratégie pour rivaliser avec les plateformes vidéo “La différence entre tous ces acteurs de la télévision et de la vidéo se fera par le produit et l’expérience utilisateur proposée sur leur plateforme. Les médias qui pensent séduire les annonceurs uniquement par le marketing ou les formats, ou qui veulent multiplier les inventaires, se trompent. Il faut d’abord offrir une bonne expérience au téléspectateur”, souligne Guillaume Goudal (L’Oréal). ——— Si vous avez un commentaire, une question ou si vous souhaitez livrer une nouvelle information sur ce sujet, contactez la rédaction ou l’auteur : jmdm@mindmedia.fr Jean-Michel De Marchi Abonnements numériquesAVODplateformesPublicité vidéoStreaming vidéoSVODTransformation de l'audiovisuelTV Besoin d’informations complémentaires ? 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