Accueil > Adtechs & Martechs > Google continue avec les cookies tiers : va-t-on assister à un revirement dans les stratégies cookieless des adtechs ? Google continue avec les cookies tiers : va-t-on assister à un revirement dans les stratégies cookieless des adtechs ? Après cinq années d’incertitudes, Google a finalement décidé, mardi 22 avril, de ne rien changer aux cookies tiers sur Chrome. Les acteurs de l’adtech doivent maintenant revoir la roadmap de leurs investissements cookieless. Premier état des lieux une semaine après cette annonce, entre cas d'usages qui demeurent pour les solutions alternatives, et l’inertie liée à l'efficacité prouvée des cookies tiers. Par Chiara De Martino. Publié le 02 mai 2025 à 11h55 - Mis à jour le 07 mai 2025 à 17h52 Ressources La publicité, vous la prendrez avec ou sans cookies tiers ? Finalement, cinq années après une annonce qui avait fortement bousculé le secteur, Google a choisi de faire marche arrière. Mardi 22 avril, le vice-président de Privacy Sandbox, Anthony Chavez, a indiqué que la société avait “pris la décision de maintenir son approche actuelle concernant le choix de l’utilisateur en matière de cookies tiers dans le navigateur Chrome”. Avec cette annonce, va-t-on assister à un revirement dans la stratégie cookieless de l’industrie, ou bien les adtechs, les agences et les éditeurs vont-ils continuer de miser sur leurs solutions cookieless, pour ne pas gaspiller les investissements réalisés jusque-là ? Pour Nicolas Rieul, président d’Alliance Digitale, l’annonce de Google a été un “soulagement”. “La fin annoncée des cookies menaçait de désorganiser un marché encore très dépendant de ces technologies”, a-t-il récemment indiqué à The Media Leader. Toutefois, si de nombreux acteurs n’étaient pas encore prêts et pointaient du doigt le manque d’efficacité de la solution alternative proposée par Google, Privacy Sandbox, de nombreuses adtechs au cours des cinq dernières années se sont lancées, en France et à l’international, en proposant des solutions alternatives aux cookies tiers. C’est le cas des ID alternatifs, des solutions basées sur le ciblage contextuel, mais aussi de tous les tests menés sur les différentes API de Privacy Sandbox. Fin des cookies tiers : où en sont les acteurs du ciblage contextuel ? – mind Media Ainsi, d’après Guilhem Bodin, partner chez Converteo, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, pour un géant comme Google chaque mouvement a des conséquences. Même lorsque son “choix de communication” exprime une volonté de faire “profil bas”, alors qu’aux Etats-Unis deux procès l’ont reconnu coupable d’abus de position dominante dans le search et l’adtech, indique-t-il à mind Media. Rien ne change “La fin des cookies tiers reste un problème d’actualité”, a néanmoins insisté Alban Peltier, CEO et cofondateur d’AntVoice, société spécialisée en solutions cookieless, lors du webinar “Avec ou sans cookie tiers” organisé par la société adtech jeudi 24 avril, deux jours après la marche arrière de Google. Aujourd’hui, 50 % du trafic des navigateurs vient de Chrome, où les cookies tiers persistent, alors que l’autre moitié est déjà sans cookies tiers, avec notamment Safari (23 %), Edge (6 %) et Firefox (5 %), d’après les chiffres présentés par AntVoice. Cette adressabilité réduite amène à une “sur-sollicitation des profils adressables”, avec pour conséquence une “usure publicitaire” et “des performances qui s’érodent”, estime Alban Peltier. Geoffroy Martin, CEO d’Ogury, estime lui aussi que “le dernier revirement de Google ne change en rien le cours de l’histoire. Les identifiants publicitaires ont déjà disparu de plus de la moitié de l’open web”. Toutefois, les solutions alternatives de ciblage sont plus chères et il ne faut pas oublier, souligne Guilhem Bodin (Converteo), qu’à l’heure actuelle “créer un cookie est gratuit”, ce qui reste “plutôt rassurant pour les annonceurs”. Les cookies tiers, pierre angulaire du marché La gratuité du cookie est un argument non négligeable également pour Alain Lévy, CEO de Weborama. Même face à une baisse de leur performance, qui se poursuit au fil des années, il reste “très compliqué de se passer des cookies tiers” pour faire du profilage des audiences, ainsi que pour les mesurer, segmenter et activer, détaille Alain Lévy à mind Media. Ainsi, le CEO de Weborama – société qui s’est spécialisée ces dernières années dans les technologies d’analyse sémantique appliquées à la publicité, mais qui a aussi investi dans des alternatives aux cookies, tels que l’API Topics de Privacy Sandbox, le ciblage panéliste et les identifiants uniques – accueille cette annonce, qui sort le secteur de l’incertitude, avec “soulagement”. Il s’interroge néanmoins sur “le gâchis considérable” en termes d’investissements réalisés “pour régler un problème qui, finalement, ne se pose qu’à moitié”. Cela dans un contexte où, à défaut d’une solution unique aussi performante que les cookies, les tests se sont multipliés au cours des années, ce qui a rendu “très difficile d’avoir une ligne directrice, de travailler sur le long terme, et de tirer des conclusions au sein d’un dispositif global”. En ce qui concerne Privacy Sandbox, Alain Lévy souligne “avoir beaucoup investi pour suivre cette technologie, dont chaque API n’arrêtait pas d’évoluer”. “En 2020, on nous avait présenté un dispositif quasi-complet, alors qu’au fil des années il a été complétement modifié”. Parmi les sociétés adtechs qui ont choisi d’investir sur Privacy Sandbox, on retrouve Index Exchange, qui a récemment noué un partenariat avec la start-up française Lucead, NextRoll et RTB House. Comment RTB House se prépare à Privacy Sandbox – mind Media Criteo, partenaire de Google pour les tests des différentes API de Privacy Sandbox, a préféré s’exprimer uniquement à travers une déclaration très succincte “saluant la décision prise par Google”, qui clarifie ses projets. L’adtech précise qu’elle pérennisera son approche liée à la confidentialité des données personnelles et à l’adressabilité via divers signaux, “y compris des identifiants alternatifs, des données first-party, du ciblage contextuel et des outils comme le Privacy Sandbox”, afin “d’exécuter des campagnes multicanaux sur mesure”. Quel destin pour Privacy Sandbox ? Elmostapha Bel Jebbar, CEO de Lucead, une start-up française qui commercialise un ad-exchange cookieless exploitant la Privacy Sandbox, a indiqué à mind Media que Google, en même temps que son annonce sur les cookies tiers, a pris contact avec les différents acteurs s’étant positionnés sur le Privacy Sandbox. Des échanges sont en cours pour envisager l’avenir de l’outil et les possibles cas d’usages des API, qui peuvent désormais “jouer un nouveau rôle dans l’écosystème de l’adtech”, a indiqué Google en introduction à son dernier rapport trimestriel sur Privacy Sandbox à l’autorité britannique de la concurrence (CMA). Criteo a, par ailleurs, récemment publié deux travaux (premier et deuxième rapport) concernant l’API Attribution Reporting de Privacy Sandbox, dans le cadre de discussions entre le groupe de travail de l’IAB Tech Lab dédié aux systèmes publicitaires basés sur la confidentialité (Private Ad Systems Task Force) et le World Wide Web Consortium (W3C). L’objectif est de créer une API Attribution Reporting pour les navigateurs web ayant pour but la mesure des performances publicitaires tout en respectant la vie privée et la protection des données personnelles. La révolution cookieless aura-t-elle lieu ? Alexandre Nderagakura, expert indépendant en adtech et publicité programmatique, rappelle à mind Media qu’avant l’annonce de Google en 2020, “les cookies tiers avaient déjà un problème d’adressabilité, de ciblage, de fuite de données et de contrôle pour les éditeurs, comme l’avaient mis en évidence de nombreux acteurs du web, tels que les navigateurs Safari d’Apple et Mozilla”. Dans ce cadre, Privacy Sandbox a été la solution proposée par Google pour répondre au problème. S’il reconnaît que les solutions cookieless sont plus chères dans un écosystème publicitaire avec des fortes exigences de compétitivité, il estime toutefois que “les sociétés seront obligées de continuer à investir dans des solutions alternatives aux cookies tiers”. Guilhem Bodin (Converteo) croit lui aussi que les investissements dans des solutions alternatives vont continuer, mais plus lentement. Tout comme le head of marketing & business development chez Havas, Florent Couton, qui met en évidence un “risque d’inertie du marché”, qui pourrait “reporter les échéances”, détaille-t-il à mind Mind. Weborama, de son côté, compte poursuivre le travail sur les différents cas d’usage, pour évaluer les solutions en fonction des besoins et des environnements d’activation. “Les adtechs qui ont pensé créer un business sur la disparition totale des cookies tiers vont toutefois devoir revoir leur objectifs dans un contexte où la disparition des cookies tiers n’est plus imminente”, analyse pour mind Media Pierre Harand, co-président et associé de Fifty-Five, dont les clients dans l’univers du luxe (Kering, Richemont, LVMH) sont déjà principalement présents sur des environnements iOS, sans cookies tiers. Et les éditeurs ? Paul Ripart, directeur commercial programmatique et data chez Prisma Media Solutions, se dit satisfait des investissements faits en termes d’ID alternatifs et dans le ciblage contextuel, qui lui ont permis “de faire une bonne moitié du chemin dans la recherche d’une alternative stable aux cookies tiers”, détaille-t-il à mind Media. Cela tout en reconnaissant qu’“actuellement, on en est encore extrêmement dépendants”. L’année dernière, Prisma Media Solutions nous indiquait que 3 % de son chiffre d’affaires programmatique était directement généré via des solutions technologiques contextuelles. Toutefois, le directeur commercial programmatique et data de Prisma Media notait “qu’il existe beaucoup de tests, mais pas d’industrialisation. Aucun client ne demande 100 % de ses achats en technologie cookieless”. En ce qui concerne les identifiants alternatifs, pour Paul Ripart, “la boucle n’a pas non plus été finalisée”, puisque “ces technologies n’ont pas encore été mises en place par les annonceurs”. Il est donc possible “de cibler sur les sites des éditeurs et d’envoyer un ciblage à travers des outils adtechs”, mais pas encore “de mesurer et finaliser la mesure sur les sites des annonceurs”, précise-t-il. Fin des cookies tiers : où en sont les acteurs du ciblage contextuel ? – mind Media Thibaud Chevalier, directeur du digital de la régie 366, qui travaille notamment avec First-id et Utiq pour les identifiants alternatifs, considère aussi qu’au cours des deux dernières années il y a eu des avancées importantes dans le développement de ces solutions cookieless, sur lesquelles il faut continuer de miser. L’enjeu est “d’identifier des cas d’usage concrets” auxquels ces solutions peuvent s’appliquer, indique-t-il à mind Media. C’est par exemple le cas des environnements mobiles web, “qui représentent environ 80 % des audiences pour 366, et où les cookies sont instables et manquent de précision, notamment dans la mesure du drive-to-store”. Une réallocation des investissements Si les investissements dans ces solutions alternatives devraient continuer, une partie du budget va certainement être réallouée vers d’autres sujets prioritaires, tels que l’IA, la CTV et le retail media, entraînant un changement dans la feuille de route des sociétés, analyse Alexandre Nderagakura. Alain Lévy (Weborama) confirme cette volonté de réallocation d’une partie de ces budgets, notamment vers les agents IA qui représentent une “terre d’investissement prioritaire”. Marouane Benazzouz, lead data & tech France chez Making Science, précise à mind Media que ce changement de roadmap de la part de l’écosystème adtech devrait notamment se faire au bénéfice des activités en server-side, qui restent un “bon investissement” puisqu’il permet de mieux analyser les données first-party des éditeurs pour ensuite envoyer des signaux précis aux plateformes, tout en permettant “d’obtenir plus de conversion avec moins de volumétrie, grâce à un meilleur ciblage”. L’année 2025, vue par les acteurs du monde de l’adtech – mind Media De même, Alexandre Nderagakura souligne l’importance grandissante des technologies de first-party data ainsi que des CMP et frameworks comme l’IAB Europe TCF (Transparency & Consent Framework), puisque “Google renonce au déploiement d’un prompt utilisateur dédié à la gestion des cookies tiers dans Chrome”, ce qui renforce le rôle central de ces solutions. Ainsi, une consolidation de cette partie du marché, avec de nouvelles acquisitions, telles que celle de la plateforme tracking server-side Addingwell par Didomi, pourraient être à l’ordre du jour. Chiara De Martino AdtechCiblage contextuelCiblage publicitaireCookiesGoogle Privacy SandboxIdentifiant uniqueStratégies annonceurs Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Cookieless : Yahoo DSP lance une API de conversion ID alternatifs : First-id s’allie avec Implcit Analyses Google conservera finalement les cookies tiers dans Chrome Server-side : Didomi acquiert Addingwell et élargit son périmètre Analyses RGPD et IA Act : une articulation qui ne va pas de soi Analyses L'offensive des services financiers dans l'arène publicitaire peut-elle faire mouche ? essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction INFO MIND MEDIA - L’Équipe gagne son match judiciaire contre Fedcom Media Mara Negri (EBX) : “Notre objectif est de proposer des inventaires BVOD et CTV dans l’ensemble des pays européens" INFO MIND MEDIA - L’alliance adtech des médias français Mediasquare peine elle aussi à faire condamner Google en justice IA générative : panorama des solutions techniques de protection et de monétisation des contenus Fermeture de Xandr DSP : qui va gagner la bataille des budgets ? 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