Accueil > Adtechs & Martechs > INFO MIND MEDIA – Google condamné à verser plus de 26 millions d’euros à Equativ pour pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne INFO MIND MEDIA – Google condamné à verser plus de 26 millions d’euros à Equativ pour pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne Selon nos informations du mercredi 23 octobre, le tribunal de commerce de Paris a donné raison à la société adtech française dans sa demande de réparation financière. Si le montant compensatoire accordé est bien plus faible que celui qui était réclamé, c’est la première décision de justice en France qui condamne Google à indemniser une société concurrente pour des pratiques abusives dans la publicité numérique. Google a déjà réagi. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 24 octobre 2024 à 17h11 - Mis à jour le 18 décembre 2024 à 15h52 Ressources mind Media le révélait dans son briefing mail du mercredi 23 octobre : Equativ vient de remporter une nette victoire judiciaire contre Google. La décision rendue sera analysée de près par les nombreux éditeurs médias qui ont eux aussi engagé des contentieux contre le groupe, et par d’autres qui réfléchissent à le faire. La société publicitaire française, qui commercialise un adserver et une plateforme de trading publicitaire en programmatique, a réussi à faire condamner le groupe américain pour pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne par le tribunal de commerce de Paris lundi 21 octobre, avec 26,5 millions d’euros de dommages-intérêts à la clé. La décision intervient deux ans et demi après le début du contentieux, engagé par Equativ en avril 2022, comme nous l’avions révélé en juin dernier. C’est la première décision rendue. D’autres procédures analogues ont été lancées par les éditeurs français il y a quelques semaines. INFO MIND MEDIA – Les arguments d’Equativ dans le procès intenté à Google devant le tribunal de commerce pour abus de positon dominante dans les technologies publicitaires Le tribunal a logiquement repris à son compte les deux types de pratiques anticoncurrentielles de Google qui avaient été constatées en juin 2021 par l’Autorité de la concurrence en France : Google, disposant d’une position dominante, a fait en sorte que son serveur publicitaire (alors DFP) avantage sa plateforme de vente d’espace publicitaire (ADX) et que, réciproquement, sa plateforme de vente d’espace publicitaire (ADX) favorise son serveur publicitaire (DFP), au détriment de ses concurrents et partenaires parmi les éditeurs médias et adtechs. Equativ reconnu victime des agissements de Google Sollicité par mind Media, Equativ n’a pas souhaité commenter la décision du tribunal dans l’immédiat, voulant analyser le jugement en profondeur. “Google est l’un de nos partenaires les plus importants, et le premier de nos partenaires DSP et SSP. On valorise très fortement cette relation, nous confiait il y a quelques mois Arnaud Créput, le CEO d’Equativ. Mais en parallèle, l’Autorité de la concurrence a constaté (en 2021, ndlr) des pratiques qui ont eu pour effet d’écarter des solutions concurrentes à Google Ad Manager, et on demande réparation pour cela. C’est un point critique pour Equativ qui avait historiquement une activité d’adserving et de SSP, soit exactement celle pour laquelle l’Autorité de la concurrence a constaté des entorses à la concurrence.” Pour Equativ, l’enjeu devant le tribunal de commerce était triple : apporter la preuve qu’elle fait partie des sociétés victimes de ces pratiques ; convaincre le juge de sa compétence à trancher le litige pour les activités concernant le territoire français mais aussi en dehors, Equativ s’estimant aussi lésée sur ses activités auprès d’annonceurs européens ; et enfin (surtout), obtenir un dédommagement financier le plus élevé possible. Ce dernier point passait par une démonstration convaincante de ses préjudices économiques. Ce chiffrage repose sur une expertise économique pour laquelle l’entreprise a fait appel au cabinet spécialisé Charles Rivers Associates. Arnaud Créput (Equativ) : “Il ne faut surtout pas que Google puisse proposer un mécanisme de consentement global” Equativ a échoué à convaincre le tribunal sur une partie de son argumentation. Selon la décision de justice consultée par mind Media, la société a logiquement réussi à démontrer avoir été pénalisée par les pratiques de Google ; son activité historique d’adserving pour les éditeurs ayant été directement affectée par les pratiques constatées par l’Autorité de la concurrence, et qui ne sont plus discutées juridiquement, comme son activité liée à sa SSP. La société française a en revanche échoué à convaincre totalement le tribunal sur le périmètre géographique de compétence du juge et sur l’ampleur financière de son préjudice. Equativ réclamait 369,1 millions d’euros de dommages intérêts – la société a réévalué à la hausse, en cours de procédure, son premier chiffrage (346 millions) que nous évoquions en juin. Le juge commercial a finalement condamné Google à lui verser 26,5 millions, avec exécution provisoire. Dans le détail, 20,9 millions d’euros sont accordés pour les préjudices passés, et 5,6 millions pour les préjudices futurs causés par la persistance des pratiques anticoncurrentielles de Google. A ces 26,5 millions d’euros s’ajoutent 300 000 euros de dépens pour Google, au titre des frais engagés ; honoraires des avocats, expertises, frais généraux. Le périmètre de compétence du tribunal en question Comment expliquer un tel écart ? La principale explication porte sur le périmètre géographique de compétence retenu par le tribunal. A titre principal, Equativ avait demandé au tribunal de juger ses préjudices auprès des annonceurs présents à la fois en France et dans les autres pays européens, où la société avait déjà développé son activité, et de reconnaître ses préjudices à hauteur de 369,1 millions d’euros. A titre subsidiaire, elle demandait au tribunal de reconnaître ses préjudices subis auprès des annonceurs présents uniquement en France, à hauteur de 116,2 millions d’euros. Au grand dam d’Equativ, le tribunal de commerce s’est déclaré incompétent pour juger ses préjudices subis en dehors de France, que la société a évalué à 259,2 millions d’euros. Il a opté pour une analyse sur un périmètre décisionnel uniquement français. Cette interprétation est critiquée par un expert juridique que nous avons consulté car elle irait à l’encontre de la jurisprudence. Equativ était défendu par le cabinet d’avocats Orrick, Herrington & Sutcliffe, spécialisé en droit européen et droit de la concurrence, qui intervient également dans certaines procédures similaires engagées il y a quelques semaines par des éditeurs d’information français. De son côté, Google était représenté par le cabinet Cleary Gottlieb, comme c’est le cas dans l’essentiel des dossiers antitrust dans lesquels il est impliqué en France et dans le monde. INFO MIND MEDIA – Publicité en ligne : Nouveaux procès intentés par les médias français contre Google, les premières audiences ont débuté en septembre Pourquoi le tribunal a examiné les préjudices subis par Equativ uniquement en France Le tribunal a d’abord constaté que ni Equativ, ni Google ne contestent que la demande d’Equativ est de nature délictuelle, et que dans ce cas, les conditions de l’article 7.2 du Règlement de Bruxelles I bis, doivent être réunies. Le texte dispose qu’“une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire”. Le tribunal a ensuite constaté que Google ne conteste pas que le tribunal de commerce est compétent pour juger des préjudices subis en France, pour des clients français. “Il résulte de la jurisprudence que le tribunal doit, par une analyse in concreto, caractériser un ‘lien de rattachement’ avec le lieu de matérialisation d’un dommage subi”, souligne le tribunal dans sa décision. C’est ce lien de rattachement que le tribunal a écarté. Celui-ci relève effectivement que “si le siège d’Equativ est à Paris, que (son) effectif a évolué de la manière suivante : de 2 personnes en 2005 à 155 personnes en 2021, démontrant que la société a structuré son organisation humaine au cours de son développement, force est de constater qu’Equativ ne rapporte pas la preuve qui lui incombe par des éléments factuels précis que le préjudice lié au comportement de Google hors de France aurait été matérialisé en France.” Pour les préjudices subis hors de France, le tribunal dirige donc Equativ vers les juridictions européennes. Si Equativ évalue ses différents postes de préjudices en France à 116,2 millions d’euros, le tribunal en a eu une appréciation bien moins large. L’appréciation des dommages-intérêts par le tribunal de commerce est souvent subjective, nous ont confié ces derniers mois différents observateurs et interlocuteurs impliqués dans les différentes procédures contentieuses ouvertes contre Google, a fortiori dans des affaires aussi complexes que celles portant sur les technologies publicitaires, secteur que ne connaissent pas les juges du tribunal de commerce. INFO MIND MEDIA – Les montants réclamés à Google devant le tribunal par L’Équipe et RMC BFM Ads Mais, selon un expert interrogé par mind Media, le montant alloué ici – 26,5 millions d’euros, soit plus de 20 % du montant total réclamé – figure dans les 10 ou 15 plus gros montants accordés par le tribunal de commerce de Paris. Cela peut donc s’apparenter à un vrai succès pour Equativ. D’autant plus que l’entreprise n’a pas un besoin vital de ces indemnités : sa santé financière est solide – l’entreprise est rentable en passant de 31,5 millions d’euros de revenus nets en 2019 à plus ou moins 130 millions d’euros en 2023 – et a le soutien de son actionnaire principal, le fonds d’investissement britannique Bridgepoint. L’affaire renvoyée en Cour d’appel On pouvait penser que Google se montrerait soulagé de voir sa condamnation limitée à 26,5 millions de dommages-intérêts quand il lui était demandé près de 370 millions. Il n’en n'est rien, du moins en apparence. Contacté par mind Media, un porte-parole de Google affirme que le groupe ”est en désaccord avec cette décision qui repose sur des interprétations erronées du secteur de la technologie publicitaire” (son commentaire complet plus bas). Cette position, sur laquelle il s’arqueboute depuis plusieurs années dans ses contentieux, est de moins en moins tenable. De nombreuses études et enquêtes judiciaires, en France et dans le monde, ont démontré plusieurs pratiques anticoncurrentielles - dans la publicité numérique mais pas seulement - et certaines ont abouti à des condamnations. Les deux structures ont fait appel de la décision. L’affaire est donc portée devant la Cour d’appel pour être rejugée totalement, en fait et en droit. Celle-ci pourra cette fois se dire compétente sur l’ensemble du périmètre géographique, français et européen, ce qui, nous confiaient ces dernières semaines deux avocats liés aux différentes procédures en cours, est probable. Les dommages et intérêts accordés à Equativ seraient alors bien supérieurs. Un pourvoi en cassation - pour juger en droit uniquement - sera ensuite possible pour les deux parties. Google épuisera probablement toutes les voies de recours. Une décision définitive prendrait alors quelques années supplémentaires. Mais cette première condamnation à réparation de du groupe américain ouvre la voie aux nombreuses autres procédures initiées par les éditeurs médias français. Google conteste la décision “Nous sommes en désaccord avec cette décision qui repose sur des interprétations erronées du secteur de la technologie publicitaire, a indiqué un porte-parole de Google interrogé par mind Media. Nos outils publicitaires, et ceux de nombre de nos concurrents comme Equativ, aident des millions de sites web et d'applications à financer leur contenu, et permettent aux entreprises de toutes tailles d'atteindre efficacement de nouveaux clients. La concurrence accrue dans le domaine de la technologie publicitaire a rendu les publicités en ligne plus pertinentes, réduit les frais et élargi les options offertes aux éditeurs. En parallèle, nos engagements auprès de l’Autorité de la concurrence française démontrent l’ampleur du travail effectué avec les régulateurs afin de répondre aux questions concernant notre activité.” ___Mise à jour mercredi 18 décembre : mise à jour de la fin de l'article après que les deux sociétés aient interjeté appel de la décision du Tribunal de commerce. Jean-Michel De Marchi AdserverAdtechConcurrenceGoogleJuridiqueProcès contre GooglePublicité programmatiqueSSP Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Analyses Confidentiels INFO MIND MEDIA - Equativ réclame plus de 346 millions d’euros en justice à Google Analyses Confidentiels INFO MIND MEDIA - Technologies publicitaires : Google attaqué en justice par une dizaine de médias français Confidentiels INFO MIND MEDIA - Les montants réclamés à Google devant le tribunal par L’Équipe et RMC BFM Ads Analyses Confidentiels Dossiers [Enquête] Pourquoi des groupes médias français vont attaquer Google devant le tribunal de commerce Entretiens Arnaud Créput (Equativ) : “Il ne faut surtout pas que Google puisse proposer un mécanisme de consentement global” Analyses Dossiers Le regard des professionnels de l’adtech sur les enjeux du secteur en 2024 Publicité en ligne : Google accusé d'abus de position dominante au Royaume-Uni Analyses Dossiers Google reconnu coupable de monopole dans la recherche en ligne : ce qu'il faut retenir Adtech : Google devra faire face à un procès à 13,6 milliards de livres au Royaume-Uni essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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