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Association des agences-conseils en communication (AACC)
Agences, Lobbying, Publicité
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UDECAM
Agences, Lobbying, Stratégie marketing
Plus de quatre Français sur dix placent aujourd’hui l’urgence climatique en tête de leurs préoccupations. Promulguée cet été par le Parlement, la loi Climat fait écho à cette prise de conscience environnementale. Décrié par certains pour ne pas aller assez loin ou pour s’être trop éloigné des propositions de la Convention citoyenne, ce texte n’en est pas moins un tsunami législatif avec plus de 300 articles.
Si la publicité n’échappe pas à ce verdissement général, les dispositions qui la concernent n’exonèrent pas le secteur de faire beaucoup plus et beaucoup plus vite. Figurent dans la loi Climat trois mesures phares concernant la publicité : la fin de la publicité pour les énergies fossiles, l’encadrement renforcé des vitrines lumineuses et le passage au « oui, pub » pour les prospectus.
Ces différentes mesures – et particulièrement la dernière – vont avoir de lourdes conséquences sur l’écosystème et ses pratiques. Mais cela aurait pu aller beaucoup plus loin si le législateur avait suivi toutes les recommandations de la Convention citoyenne, qui réclamait par exemple l’interdiction de promouvoir les produits jugés les plus polluants ou de communiquer sur les promotions et les soldes.
Le secteur de la publicité a donc préservé l’essentiel de ses budgets, mais il ne doit pas s’estimer quitte pour autant. Le dernier rapport du GIEC est plus accablant que jamais et l’actualité de ces derniers mois a démontré que le réchauffement climatique n’était plus un problème lointain, aux conséquences incertaines : c’est ici, maintenant, partout, la cause de catastrophes imprévisibles et incontrôlables, d’une ampleur sans précédent et dont le coût humain, environnemental et matériel atteint les limites du soutenable.
« Si la publicité ne prend pas l’initiative, il y a fort à parier que des choses lui seront imposées de l’extérieur »
Chacun se doit d’agir sans plus attendre, et tout particulièrement les entreprises, appelées à revoir en profondeur leurs priorités, leurs pratiques et leurs critères de décision. C’est donc à double titre que les acteurs de l’écosystème publicitaire sont tenus de prendre la question environnementale à bras-le-corps : d’une part, parce qu’il en va de leur responsabilité en tant qu’entreprise et, d’autre part, parce que, soupçonnés d’encourager des activités et des comportements néfastes, ils sont déjà dans le collimateur.
Si la publicité ne prend pas l’initiative, il y a fort à parier que des choses lui seront imposées de l’extérieur, que ce soit sous formes de règles et de normes toujours plus contraignantes, ou même d’initiatives privées, soudaines et indépendantes, à l’image de Yuka pour les industries agro-alimentaires et cosmétiques. Parce qu’elle n’est pas le transport aérien, le bâtiment ou l’industrie, la publicité a parfois tendance à sous-estimer ses impacts, pourtant loin d’être négligeables si l’on considère l’essor du digital.
La publicité a, à travers ses pratiques et ses productions, un devoir d’exemplarité. Quel message renvoie un film publicitaire tourné au bout du monde ? Comment se prétendre responsable quand une image ou un slogan dit tout le contraire ? Comment convaincre le consommateur – ou attirer des talents – quand on semble opportunément détourner le regard ?
Des actions pour l’instant trop éparses
Tout ceci ne veut pas dire que le secteur ne fait rien. Au contraire, les initiatives se multiplient et beaucoup d’entreprises s’engagent avec force et sincérité. On peut citer les efforts pour obtenir des labels responsables, comme la certification B Corp, l’élaboration de référentiels de bonnes pratiques par les deux associations principales représentant les agences, l’Udecam et l’AACC, ou encore le renforcement des politiques RSE des annonceurs qui se répercutent sur leurs achats d’espaces et de prestations.
Mais ces actions restent encore trop désordonnées, déconnectées les unes des autres, partielles et teintées d’arrière-pensées pour être véritablement à la hauteur des enjeux. Pour agir efficacement en faveur de l’environnement, l’industrie publicitaire doit actionner deux éléments qui apparaissent essentiels : la mesure et la coordination. La mesure pour identifier et quantifier les impacts, les bonnes pratiques permettant de les réduire et les progrès réalisés. La coordination pour éviter que chacun n’élabore le référentiel qui l’arrange et que ne subsistent des angles morts.
Agir chacun de son côté ne pourra que créer des rivalités stériles, saper les efforts sincères, décrédibiliser l’ensemble de la profession et, finalement, favoriser des contrôles extérieurs, qu’ils soient publics ou privés. Seule une coordination accrue de l’industrie publicitaire en faveur de l’environnement permettra à la profession d’aller vite, dans une seule direction, sans dilapider d’énergie, et de rester maîtresse de son destin.
Il existe beaucoup de solutions techniques, organisationnelles, opérationnelles pour réduire l’impact de la publicité sans pour autant sacrifier son efficacité, bien au contraire ! Cibler plus précisément, choisir le bon médium, personnaliser ses messages, c’est aussi éviter les gaspillages de campagnes qui passent à côté de son objectif. La publicité en est encore loin. Il est temps de se réveiller tous ensemble !
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Par Dan Gomplewicz, CEO et confondateur d’Armis
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