Accueil > Marques & Agences > Anne Thétier (Omnicom Media Group) : “On ne fait pas de media planning vidéo avec un CPM” Anne Thétier (Omnicom Media Group) : “On ne fait pas de media planning vidéo avec un CPM” La directrice du trading d'Omnicom Media Group en France partage sa vision sur l'évolution du paysage audiovisuel et vidéo, la convergence de ces deux marchés, et présente la politique d'achat publicitaire vidéo et l'organisation du groupe. Elle pointe aussi la nécessité pour les plateformes de se conformer aux mesures et à la transparence du marché et rappelle les limites, selon les acheteurs médias, du CPM comme métrique de la mesure cross vidéo. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 12 mai 2023 à 17h28 - Mis à jour le 19 mai 2023 à 4h14 Ressources Quel regard portez-vous sur l’évolution du paysage audiovisuel et vidéo ? Constatez-vous des spécificités en France par rapport à d’autres pays ? Le marché de la vidéo dans son ensemble est en plein développement et en pleine mutation. L’usage de la vidéo en ligne s’est accéléré depuis la crise sanitaire, avec du temps disponibilité des gens à leur domicile qui a été très importante lors de la crise. Cette période 2020-2021 a été une parenthèse pour la télévision ; on constate une érosion lente mais structurelle de la consommation télévisuelle depuis dix ans, avec un transfert de la consultation vidéo de la télévision vers les plateformes. La crise sanitaire a été un vrai tournant avec une accélération du phénomène, mais la consommation linéaire s’érode de façon structurelle. Oui, le marché français comprend de nombreuses caractéristiques, à commencer par un accès à la télévision qui se fait très majoritairement par les box. La consommation de la télévision linéaire en France demeure puissante, a fortiori si on dresse une comparaison avec d’autres marchés comme les Etats-Unis. Anne Thétier 2005 Directrice du trading, Omnicom Media Group France 1997 Directrice TV, Dentsu France Quel impact cela a-t-il sur votre stratégie d’achat vidéo ? Digital et TV représentent-ils un marché publicitaire unique ou toujours deux marchés distincts ? TV et vidéo font globalement partie du même écosystème pour nous au sein de l’agence. On ne réfléchit plus en distinguant stratégie en TV, en streaming ou en vidéo en ligne ; nous préconisons, quand nous le pouvons, une stratégie vidéo globale, avec le numérique qui est complémentaire à la consommation TV traditionnelle. D’ailleurs, tous les éditeurs de télévision se sont mis en ordre de marche depuis plusieurs années déjà, pour proposer des services en ligne comparables à ceux des plateformes vidéo. Pour un média planning optimal, on attend impatiemment la mesure cross média qui est à l’étude au sein du marché. Les marques sont parfois ambivalentes sur la question de l’achat cross media vidéo, et leur maturité n’est pas homogène. Quelles sont leurs attentes en matière d’achat média vidéo ? Comment leurs briefs vidéo sont-ils pensés ? Pendant longtemps, les briefs et les budgets publicitaires des annonceurs étaient répartis avec des canaux distincts : un brief pour la télévision, un autre pour la radio et un autre encore pour le digital. Et bien que le canal digital offre de multiples possibilités, il était considéré de façon isolée. Aujourd’hui, je ne sais pas si on peut parler de convergence des marchés publicitaires digital et TV, mais les distinctions s’effacent. En tant qu’acheteur média, on raisonne souvent en couverture vidéo, et qu’il soit atteint par un canal TV ou un canal digital, peu importe. Ce qui signifie qu’on veut également un tarif vidéo global, en tout cas plus clair. Cela n’existe pas encore complètement et c’est l’enjeu de la mesure cross media. Pour l’instant, il existe encore des clients spécifiquement attachés à diffuser leurs films publicitaires sur l’écran TV. Ceux-là considèrent que le support TV possède toujours un contexte d’attention particulier, une écoute potentiellement conjointe, une place au sein du foyer particulière, etc. En parallèle, nous avons aussi des briefs tournés vers la vidéo globale. Cela nous oblige donc à avoir une organisation duale – en tout cas c’est notre parti pris – pour répondre aux deux besoins : les budgets TV – et donc ici pouvoir proposer des expertises pour la recommandation du meilleur contexte TV selon la stratégie marketing, la cible, le budget de l’annonceur – et les budgets vidéo, pour lesquels on doit avoir une approche multicanale. Cela suppose une jonction entre des expertises historiques TV et des expertises digitales. Il faut les deux. Comment Omnicom Media Group est-il organisé pour l’achat média vidéo ? Quelles sont les difficultés à gérer ? Nous avons opté pour un mode d’organisation hybride, qui évolue presque de façon quotidienne. Nous avons une équipe vidéo multiscreen dans chacune de nos agences médias, OMD, re-mind-PHD et Hearts & Science, au profit d’une meilleure intégration avec les équipes conseil et une meilleure connaissance client. Soit plus ou moins 45 personnes au total. Mais il y a beaucoup de partage d’expertises entre le multiscreen et le digital, sachant que le panorama du digital est beaucoup plus fragmenté que le panorama audiovisuel. Un pôle digital fort permet aussi de rester en veille et de partager les expertises sur les innovations, les nouvelles offres, les nouveaux modes d’achat, etc. Environ 20 % de nos investissements médias sont dédiés à la vidéo. C’est le plus gros levier d’investissement. Quel impact la mesure cross video de Médiamétrie prévue en 2024 aura-t-elle sur les investissements et allocations publicitaires ? Très clairement, c’est essentiellement la répartition de l’audience qui dicte la répartition des investissements publicitaires. Et la vidéo n’y échappe pas. Il n’y a pas vraiment d’effondrement de la télévision. La nouvelle mesure devrait avoir des impacts importants en termes d’audience ; des impacts mécaniques peut-être en termes de couverture. Est-ce que cela va rebattre les cartes du marché ? On va attendre les premiers résultats de la mesure pour le déterminer et voir ses effets sur le media planning. Cela peut avoir des effets sur certains supports. Par exemple, certaines plateformes ne sont actuellement pas monétisées à la hauteur de leur audience. C’est le cas de Snapchat, parce que cet acteur pâtit d’un défaut d’usage sur une cible recherchée, le décideur. A l’inverse, les investissements sur YouTube augmentent encore, avec une forte accélération des investissements de certains clients sur cette plateforme. La télévision ne s’effondre pas, on l’a dit, mais sur les cibles jeunes, le support est en difficulté : c’est évidemment problématique pour des marques qui veulent cibler spécifiquement des jeunes en vidéo, mais la population française vieillit, donc il n’y a pas de problème structurel important. Le média TV se porte bien. Le KPI clé de la convergence TV et vidéo en ligne, GRP ou CPM, est un enjeu important pour le marché et entre régies et agences. Comment parvenir à un consensus ? Le premier enjeu, c’est d’avoir une mesure du digital comparable à celle de la télévision. Aujourd’hui, la norme digitale MRC est très différente. On veut idéalement une norme qui soit au moins aussi bien que la norme de la télévision. Il se trouve que pour l’instant, c’est ce qui nous semble être le mieux mesuré, mais si avec une norme du digital, on parvenait à une norme meilleure que celle en TV, nous l’accueillerons évidemment avec intérêt. En l’état, le CPM ne suffit pas ; on ne fait pas de media planning vidéo avec un CPM. Cela ne peut être qu’une métrique de négociation ou de trading, mais pas une métrique de media planning. On va sans doute se diriger vers une nouvelle métrique qui fait consensus. C’est la voie à suivre. “Il faut que nos choix soient guidés non pas par la quantité des inventaires vidéo disponibles, mais par l’efficacité des campagnes” Quel regard portez-vous sur le lancement de l’offre publicitaire de Netflix et plus généralement sur le déploiement des plateformes de streaming vidéo vers les modèles publicitaires ? Nous accueillons ces offres avec envie et intérêt parce qu’elles nous permettent en théorie d’adresser des publics qui regardent des contenus de qualité qui, peut être pour certains, regardent moins la télé et que nos clients ont potentiellement envie de toucher. Ce sont de nouveaux points de contact, supplémentaires et complémentaires. De la même façon que lorsque BeInSport s’est lancé en télévision. Mais de la même manière, on attend aussi que ces nouveaux acteurs fassent leurs preuves, c’est-à-dire qu’elles génèrent une audience suffisante. C’est ce qu’il manque, de même qu’il manque une ouverture commerciale, même si un pas a été fait avec la nomination de Damien Bernet comme interlocuteur pour les agences. Mais il faut aller beaucoup plus loin : les audiences ne sont pas mesurées, nous n’avons pas de rapport publicitaire autre que celui des impressions livrées. Nous avons réalisé une étude qui montrait que les abonnés à cette offre freemium sur Netflix sont des grands consommateurs de contenus sur les plateformes payantes et qu’ils sont multi abonnés ; ce qui veut dire que ce sont probablement des petits consommateurs TV. Donc ça suscite notre intérêt. Et puis il y a toujours des clients qui veulent absolument être les premiers à tester de nouvelles offres, mais pour fidéliser et développer les investissements publicitaires, il faut proposer davantage de produits publicitaires, une audience suffisante et plus de transparence. Il est temps que Netflix communique sur ses abonnés à son offre freemium et ses résultats. C’est ce qu’on leur demande, comme on le demande aussi à Amazon quand on échange sur la publicité autour de la Ligue 1 de football qu’il diffuse. Les partenariats de mesure avec DoubleVerify et Integral Ad Science sont des premiers pas, mais ce n’est pas suffisant. Il faut des mesures transparentes, fiables, qui soient des normes de marché, comme le propose Médiamétrie. Idéalement, il faudrait pouvoir acheter des inventaires sur Netflix au GRP, c’est-à-dire avec des indices de couverture et de répétition plutôt qu’avec des indices de livraison d’impressions. Est-ce que l’arrivée de Disney+ dans la publicité est amorcée en France Non, pas à notre connaissance. Nous n’avons pas été sollicités par leurs équipes. Comment anticipez-vous le marché vidéo dans deux ans ? La mesure globale en 2024 va nous permettre d’avoir un regard plus juste. Mais la consommation linéaire va sans doute continuer à baisser doucement, et la consommation des plateformes va continuer à augmenter. Quand on aura vraiment une mesure unique de la vidéo, nous aurons peut-être des tendances qui vont s’affirmer. Le marché va rester sous tension. La demande va rester soutenue, peut-être avec davantage de sélectivité. Il faut que nos choix soient guidés non pas par la quantité des inventaires vidéo disponibles, mais par l’efficacité des campagnes ; en s’attachant à l’impact. Il y aura, de plus en plus, une hiérarchisation des contextes et des acteurs. C’est probablement l’avenir de ce marché. Deuxièmement, dans un contexte de sobriété numérique, et en sachant que la vidéo consomme de la bande passante, on peut espérer diffuser des publicités vidéo qui sont nécessaires, dans des environnements qualitatifs, même si des contextes différents se développent ; il devrait y avoir une forme de tension entre offre et demande. Jean-Michel De Marchi Achat médiaAgencesMesure médiaPublicité vidéoTransformation de l'audiovisuelTV Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Analyses Les dirigeants des groupes télévisuels français présentent leur vision du marché et leur stratégie Entretiens Marc Feuillée (Le Figaro) : "La loi sur les Droits voisins doit être amendée par le législateur" Analyses [Info mind Media] Comment Médiamétrie veut mesurer les audiences de Netflix Analyses Entretiens Olivier Baconnet (GroupM France) : "L'offre publicitaire de Netflix est déconnectée de la réalité du marché" Analyses CGV TV 2023 : les régies préparent l’arrivée de la mesure cross vidéo Analyses Dossiers [Info mind Media] 34 marques présentes sur Netflix en France au 21 novembre 2022 Molotov revendique 379 000 abonnés payants MyTF1 disponible via Amazon Fire TV Le Figaro décline son offre vidéo sur les smart TV de Samsung 9,7 millions d'abonnés numériques au 1er trimestre 2023 pour le groupe New York Times Nielsen avance dans la mesure cross-média Le nombre d’abonnés à Netflix en hausse de près de 5 % au premier trimestre 2023 Netflix nomme Damien Bernet VP Ad Sales EMEA Netflix réexamine son partenariat publicitaire avec Microsoft Analyses Marché publicitaire en ligne 2023 : des prévisions très prudentes et des attentes fortes sur la performance et la mesure des campagnes SVOD : une audience plus large mais vieillissante en France, selon une étude du CNC Netflix a dépassé les 230 millions d'abonnés fin 2022 essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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