[Info mind Media] Yahoo va supprimer 60 % de ses effectifs en France

Les difficultés du secteur des technologies et en particulier dans la publicité en ligne ces dernières années n’ont pas épargné Yahoo. Du moins certaines de ces activités. Et elles affectent désormais directement ses équipes en France. Selon les informations de mind Media, le groupe va se séparer de plusieurs dizaines de salariés dans l’Hexagone. La totalité des équipes commerciales sont concernées.

Cette décision nous a été confirmée par le groupe américain : “Conformément à la transformation globale de notre activité adtech annoncée plus tôt cette année, nous entreprenons un changement stratégique au sein de notre activité publicitaire en France. À l’avenir, notre priorité sera de monétiser les domaines dans lesquels nous détenons une forte position sur le marché et nous travaillerons avec des clients clés dans la région.”

Si la direction de Yahoo n’a pas souhaité détailler les choix et modalités de la réduction d’effectifs, mind Media a pu en recueillir différents éléments auprès d’une demi-douzaine d’interlocuteurs. Un PSE vient d’être conclu, qui inclut les salariés d’autres équipes que le seul pôle publicitaire. Certains d’eux ont semble-t-il été volontaires pour y être intégrés. Il concerne finalement, d’après les éléments recueillis auprès de plusieurs interlocuteurs, 34 postes, soit 60 % des effectifs.

Sur les 57 personnes qui composaient le bureau, ne resteront a priori que 23 salariés : les 14 personnes en charge des contenus éditoriaux, auxquelles s’ajoutent pour l’instant moins d’une dizaine d’ingénieurs et de collaborateurs attachés à la gestion administrative et globale. 

Une commercialisation publicitaire centralisée ou externalisée 

L’équipe commerciale de Yahoo était chargée de vendre la publicité et les technologies publicitaires associées sur ses supports médias. Yahoo France était supervisé par Claire Michel en tant que directrice générale depuis 2021 (sa fiche LinkedIn). 

Dans le détail, l’activité publicitaire de SSP est définitivement stoppée, tandis que son activité de DSP perdure, mais elle sera désormais commercialisée depuis le bureau de Yahoo à Londres, qui fait désormais office de hub européen. Enfin son activité de régie publicitaire native, via son produit Gemini, est supprimée. Ce format (des liens sponsorisés) sera toujours proposé mais sa commercialisation est totalement externalisée et confiée à Taboola France : Yahoo est devenu en novembre 2022 le premier actionnaire de la société en prenant 25 % du capital du groupe Taboola, une opération complétée par un partenariat publicitaire exclusif de 30 ans pour les liens de recommandation. L’ensemble de cette nouvelle configuration commerciale est présenté aux agences médias ces dernières semaines. 

L’activité éditoriale de Yahoo en France est dans l’immédiat conservée ; ce qui explique le maintien d’un bureau. Ce que nous a confirmé la direction mondiale de Yahoo. Une quinzaine de personnes sont chargées de la production de contenus et de la curation d’actualités pour le portail d’informations : sous la direction d’Alexandre Delpérier, directeur des contenus, Yahoo Actualités rassemble environ 8,5 millions de VU par mois, en hausse de 35 % en deux ans (Médiamétrie//Netratings, 2022). La messagerie Yahoo Mail et le moteur de recherche Yahoo Search, des activités purement techniques, sont également conservées. 

Une difficulté persistante à générer une marge d’exploitation

L’ensemble des supports médias de Yahoo rassemblent dans l’Hexagone 25,5 millions de VU mensuels et 7,7 millions de VU quotidiens (Médiamétrie//NetRatings, juillet 2023). Une audience conséquente, qui générait plusieurs dizaines de millions d’euros de revenus par an, mais plusieurs interlocuteurs interrogés pointent les coûts élevés nécessaires pour y parvenir, notamment du côté du SSP, et donc la difficulté à rentabiliser les activités. 

Un constat qui n’est ni spécifique au bureau français, ni même à Yahoo. La concurrence et l’omniprésence de Google dans les technologies publicitaires aussi bien du côté de la SSP que de la DSP, et son rôle trouble dans le matching des données, expliquent aussi les difficultés du groupe et celles de tous les concurrents de Google, pointent aussi bien les commerciaux de Yahoo que d’autres professionnels du marché ces dernières années. La mise en conformité au RGPD a également nui aux revenus de Yahoo en Europe.

Yahoo supprime 1 600 postes dans le monde

La suppression de l’équipe publicitaire en France n’est qu’une demi-surprise : elle s’inscrit dans le cadre d’une restructuration de ses activités et d’un plan de départs massifs annoncé au niveau international au printemps. Le groupe cesse totalement son activité de SSP, jugée non rentable et trop concurrentielle, et la commercialisation interne de la publicité native, pour privilégier son activité de DSP. 

Le groupe compte se séparer de 20 % de ses effectifs mondiaux en 2023. L’information avait été révélée par Axios en février, puis confirmée dans la foulée à mind Media. Soit environ 1 600 postes sur les quelque 8 000 que comptait alors l’entreprise. 12 % des suppressions envisagées ont été effectives dès février, soit plus ou moins 1 000 personnes concernées. Le départ des 8 % restants, soit environ 600 personnes d’après les intentions initiales du groupe, est prévu au second semestre. Les suppressions de postes en France entrent dans ce cadre.

Yahoo réduit drastiquement sa présence dans les marchés européens

Outre 10 bureaux aux Etats-Unis, Yahoo avait jusque-là une vingtaine d’autres bureaux au Canada, Brésil, Irlande, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne, Danemark, Norvège, Israël, Inde (3), Australie, Hong Kong, Singapour, Taiwan et Japon (via un accord commercial).

Le groupe avait communiqué en février sur le fait que la majorité de ces suppressions concernent l’activité publicitaire programmatique. C’est vrai – 50 % des effectifs publicitaires sont supprimés – mais un peu partout dans le monde beaucoup d’autres équipes sont concernées, notamment les équipes éditoriales avec la fermeture de son portail d’informations Yahoo Actualités dans certains pays. Notamment au Brésil, où Yahoo a fermé en mars l’ensemble de son bureau, lequel servait de hub pour l’Amérique latine et comprenait une centaine de postes. 

Le groupe en profite ainsi pour supprimer discrètement l’ensemble de certaines équipes locales et des bureaux entiers. En particulier en Europe. Yahoo a fermé au printemps ses bureaux en Espagne et au Danemark (environ 10 à 15 postes chacun), y compris leurs portails d’informations locales et les équipes éditoriales associées. Une démarche presque similaire en Italie, où 90 % des effectifs ont été supprimés (soit une vingtaine de postes). 

Un interlocuteur proche de Yahoo nous a confié que les équipes commerciales sont en passe d’être remerciées en Allemagne, où une petite équipe éditoriale sera maintenue pour alimenter le portail d’informations, qui est conservé. 

Selon un ancien salarié de Yahoo France, la zone EMEA représente moins de 15 % des revenus à l’échelle du groupe pour une faible marge. L’ensemble de l’activité européenne gérée par Yahoo est réduite à l’activité de DSP et sera désormais piloté depuis la Grande-Bretagne, à Londres, via un hub européen. Ce qui n’empêche pas des réductions de postes : en Irlande, où est situé le siège européen du groupe, 60 postes sur 374 avaient été supprimés en février, selon Business Post. 

Une entrée en Bourse en perspective ?

Plus largement, le groupe acte l’échec de sa stratégie de concurrence frontale avec Google et Meta via une présence sur les deux côtés de la chaîne publicitaire programmatique. Cette politique de rationalisation des activités et de réduction des coûts correspond à la feuille de route initiée par la société de capital-investissement Apollo Global Management qui a acquis Yahoo auprès de Verizon en septembre 2021 en prenant 90 % du capital.

L’entreprise comptait alors environ 10 000 collaborateurs. Fin 2023, au terme de son plan de départs, elle n’en comptera sans doute plus que 6 400 environ. Loin des 12 200 que la société rassemblait encore en 2013. Avec ces suppressions de postes, massives, Yahoo, qui attire encore plusieurs centaines de millions d’utilisateurs uniques chaque semaine à travers le monde sur ses médias et services (Yahoo Search, Yahoo Mail, Yahoo Actualités, Yahoo Finance, Yahoo Sport, Techcrunch, Engadget…) veut se concentrer uniquement sur les actifs les plus dynamiques et les plus générateurs de marge. Son PDG, Jim Lanzone, a confié dans une interview au Financial Times début juillet, que le groupe était “très rentable” à l’échelle globale avec 8 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022 et vise un retour en Bourse.